95 search results for "Moi Chien créole "

« Moi Chien créole », de Bernard Lagier, m.e.s. D. Bernard, jeu Ndy Thomas

Le 13 juillet 2022 à 19h30 au T.AC.

— Par Marie-André Brault —
Hurler à la lune
Profitant de l’obscurité qui délie les langues, un chien errant s’adresse à vous, raconte sa vie et surtout celle des hommes qui partagent son lot. Exclu, rejeté, méprisé ou tout simplement ignoré, le voici qui devient la voix des sans-voix. Ce chien créole – « ce pelé, ce galeux », disait-on du baudet de La Fontaine – imaginé par l’auteur martiniquais Bernard Lagier, s’il vit dans la fange et dit la détresse des laissés-pour-compte, raconte en cherchant la grandeur chez ces esseulés.

Lire aussi sur Madinin’Art : Moi Chien créole

Le texte de Lagier prend la forme d’un monologue polyphonique qui exige de l’interprète un va-et-vient entre les propos du chien et ceux de Titurpice, employé de la voirie sans envergure dévoré par l’amour, ou de Lacolas, petit voyou, poète des rues qui veut devenir quelqu’un pour honorer la mémoire de son père. À la faveur de la nuit et de l’alcool, le chien créole, croyant en l’importance de faire entendre ce qui est tu, se fait l’écho de leur parole pour retrouver ensuite sa condition de cabot.

→   Lire Plus

 » Moi, chien créole  » ou vociférer n’est pas jouer

— Par Roland Sabra —

 On ne met pas en scène n’importe comment n’importe quel texte. Il doit exister un rapport de contiguïté, de connivence entre la lecture du texte et la façon de montrer ce que l’on a retenu de la lecture de ce texte. Par exemple il est difficile de faire du baroque avec un texte de Marguerite Duras. On peut le faire mais ce n’est en aucun cas une obligation. Il est des textes dans les Antilles symptomatiques de ce que Jacques André dans « L’inceste focal » repère comme une écriture emphatique liée à un investissement narcissique de la langue dominante, la langue du maître. . L’auteur caresse longtemps les mots avant d’en livrer l’éclat. Plaisir de l’envolée qui fait retour sur aile etc.

 Le texte, Moi, Chien créole, de Bernard Lagier en est un bon exemple (« Il clamait en français mon bon Monsieur Lacolas!! Quelle leçon pour moi qui rêve de pouvoir déclamer en français un jour peut être… ») avec quelques facilités inhérentes au genre. Le mutisme n’est pas simplement le mutisme c’est un mutisme mortel par exemple.

→   Lire Plus

« Moi, chien créole » : une tragédie d’aujourd’hui

— par Corinne Vasson

« N’est- ce pas monstrueux que ce comédien, ici, dans une pure fiction, dans le rêve d’une passion, puisse si bien soumettre son âme à sa propre pensée, que tout son visage s enflamme sous cette influence, qu’il a les larmes aux yeux, l’effarement dans les traits, la voix brisée, et toute sa personne en harmonie de formes avec son idée ? » (Hamlet, Shakespeare)

Sur le cercle de l’agora, il est là, le Chien créole, tout maigre, torturé par la révélation qui se presse pour sortir de son antre, pour déchirer sa carapace et ses entrailles. Depuis son accrochage involontaire à une dame-jeanne sauveresse, alors que tous les siens disparaissaient dans les eaux, il erre dans la vie et observe les hommes se débattre avec leur animalité en devenir d’Humanité. Cassandre des Caraïbes, le héros de Bernard Lagier, donne tour à tour parole à Titurpis, pauvre âme noyée dans le miel d’amour de Famedeline, et Lacolas, qui,, tentait en vain de se mettre à la Ré/ » (dans le droit chemin). Ces deux-là nourrissent sa passion, son chemin de croix sur la route des hommes.

→   Lire Plus

La dette de la lexicographie créole contemporaine envers ses pionniers

— Par Robert Berrouët-Oriol (*)

À la mémoire de Pradel Pompilus,
pionnier de la lexicographie créole contemporaine et auteur, en 1958, du premier Lexique créole-français (Université de Paris).

À la mémoire de Pierre Vernet,
fondateur de la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti et précurseur du partenariat créole-français en Haïti.

À la mémoire d’André Vilaire Chery, rédacteur d’ouvrages lexicographiques
de haute qualité scientifique et auteur
du Dictionnaire de l’évolution du vocabulaire français en Haïti
(tomes 1 et 2, Éditions Édutex, 2000 et 2002).

La lexicographie, discipline différentielle de la linguistique appliquée, est très peu connue en Haïti. Il est attesté que nombre de personnes qui s’intéressent au créole à des titres divers, y compris des professeurs de créole, ne savent même pas qu’il existe une lexicographie créole, qu’elle a eu ses pionniers, qu’elle compte une histoire déjà vieille de 67 ans, qu’elle est dépositaire d’une production langagière, certes inégale, de plus de 75 titres comprenant des lexiques et des dictionnaires, et qu’elle est porteuse depuis ses débuts d’une embryonnaire réflexion théorique.

→   Lire Plus

La prédication nominale en créole haïtien

— Par Fortenel Thélusma(*) —

Cette étude a été réalisée en 1989 pour l’obtention de ma licence en linguistique (Faculté de linguistique appliquée, Université d’État d’Haïti). Vingt ans plus tard, elle a été intégrée dans le livre intitulé : Éléments didactiques du créole et du français : le cas de la prédication nominale, des verbes pronominaux et du conditionnel (Fortenel Thélusma, Éditions Imprimerie Le Natal). Cette reprise partielle se justifie aujourd’hui en raison du fait que, quoique encore d’actualité, le sujet reste peu connu et le travail de recherche n’a pas réellement atteint le public visé (linguistes, étudiants en linguistique et enseignants de créole). Le contenu restera donc intact. Cependant, de légères modifications seront apportées en termes de recadrage scientifique. Il convient de signaler ici une grande carence en matière de recherche en syntaxe créole. Les travaux les plus importants dans ce domaine sont l’œuvre de M. Robert Damoiseau, professeur émérite à l’Université des Antilles et de la Guyane (UAG).

D’entrée de propos, précisons que cette étude se situe dans le cadre du fonctionnalisme. « On regroupe sous le terme « fonctionnalisme » un ensemble de courants qui, insistant sur le rôle essentiel de la langue comme instrument de communication, se donnent pour objectif de caractériser dans cette perspective les diverses fonctions des éléments linguistiques.

→   Lire Plus

Le laxisme de la gestion managériale est -t-il coupable et responsable de la chienlit actuelle aux Antilles ?

— Par Jean-Marie Nol, économiste —

Dans le contexte actuel, tant en politique que dans le monde de l’entreprise, notamment aux Antilles, il apparaît que l’autorité est de plus en plus contestée, voire dénigrée vertement . Cette évolution des rapports hiérarchiques, notamment entre les dirigeants et les subordonnés, reflète un changement profond dans les comportements, particulièrement accentué par l’arrivée des nouvelles générations en politique et sur le marché du travail. Les exemples récents, que ce soit en Guadeloupe ou en Martinique, soulignent cette dynamique de plus en plus répandue d’une perte de respect vis-à-vis de l’autorité, à laquelle se mêle un climat de défiance et d’agressivité.En Guadeloupe, lors des négociations liées à la grève à EDF Archipel Guadeloupe, un fait notable a émergé : les discussions ont été brusquement interrompues par le syndicat FE-CGTG, exigeant la présence d’un interlocuteur directement venu de Paris. Cette demande explicite de mise à l’écart de la directrice régionale guadeloupéenne , traduit une remise en question non seulement de son autorité, mais aussi de sa légitimité en tant que cadre supérieur local d’une grande entreprise . 

→   Lire Plus

Analyse d’un échantillon de chansons créoles de la musique haïtienne

Par Fortenel Thélusma, linguiste et didacticien du FLE

I- Introduction

À propos du créole, la seule langue parlée par toute la population haïtienne, beaucoup de débats passionnés ont déjà été soulevés soit sur son statut (certains le considèrent comme un patois), soit sur son orthographe qu’ils qualifient de « laide »,  « américanisée », etc. ; d’autres pensent même qu’il faudrait changer son acte de baptême en l’appelant « ayisyen ». Mais des spécialistes en créolistique sont déjà intervenus sur ces questions, qui y ont apporté les éclairages nécessaires, parmi eux des linguistes haïtiens (Yves Déjean, Hugues Saint-Fort, Renaud Govain, Lemète Zéphyr, etc.). De plus, on sait que le créole est l’une des langues modernes faisant l’objet de plus de curiosité de la part des linguistes dans le monde entier (Mofwene, André Martinet, Albert Valdman, Lefebvre, Robert Damoiseau, etc.). « Rien, dans sa structure linguistique ne disqualifie, au départ, un créole comme langue de culture » (1980), a martelé le linguiste français, André Martinet. En effet, toutes les langues (humaines) ont la même valeur du point de vue de la science du langage et remplissent diverses fonctions telles celles attribuées au langage par le linguiste suisse Roman Jakobson :

.

→   Lire Plus

« Lumina Sophie dite Surprise » & « Et les chiens se taisaient »

Du 10 juin au 1er juillet 2023

L‘atelier théâtre du Sermac  invite à ses représentations de fin saison 2022-2023.

« Une si belle et si riche année ne peut que se terminer en beauté. Et c’est pour cela qu’au lieu de notre traditionnel, unique, spectacle de fin d’année, nous avons décidé d’offrir à notre public une programmation de deux pièces de théâtre qui seront menées par nos stagiaires et leur metteur en scène, M. Élie PENNONT.

Les comédiens présenteront cette année,

Jeudi 29 juin à 19h
Vendredi 30 juin et Samedi 1er juillet à 19h

Lumina Sophie dite Surprise de Suzanne Dracius

Par l’Atelier du SERMAC, mise en scène Élie Pennont
Espace Camille Darsières / Fort-de-France
 » Brûler ! Je veux tout brûler !…  » Ainsi parlait Lumina. Martinique, 1870 : révoltées par la misère et un incident racial, des femmes incendient les habitations. À leur tête, une Jeanne d’Arc créole. Mais elle est enceinte, pas pucelle. On ne la voit guère en sainte !… Elle luttait pour la dignité et la liberté de son peuple. À ce titre, Lumina mériterait honneur et gloire.

→   Lire Plus

Les grands chantiers de la traduction en créole haïtien

— Par Robert Berrouët-Oriol, Linguiste-terminologue —
Montréal, le 18 janvier 2015kreyol_haitian
La traduction vers le créole haïtien s’apparente souventes fois au parcours du combattant traversant nus pieds le champ miné des bonnes intentions. Si la fausse idée selon laquelle on ne commet pas de « fautes » dans l’écriture du créole est bien avérée chez nombre de bilingues créole-français, il est tout aussi avéré que plusieurs locuteurs natifs du créole s’improvisent traducteurs vers le créole sous prétexte d’être détenteurs d’une connaissance intime de leur langue maternelle.  Est-il aujourd’hui possible de dégager les caractéristiques d’ensemble du marché de la traduction en Haïti ? Dispose-t-on d’un profil général des traducteurs qui œuvrent sur une base professionnelle ? Vers quelle langue cible traduit-on principalement au pays ? Y a-t-il en Haïti une institution offrant une formation ciblée en traduction ? La présente étude, en suivant le fil du premier grand chantier de traduction en Haïti, entend répondre à ces questions et s’attachera à identifier et à analyser quelques problèmes de traduction; ensuite elle fera d’utiles suggestions dans la perspective de la formation académique et professionnelle.


1. Mise en contexte de l’activité traductionnelle

La traduction généraliste et la traduction technique et scientifique vers le créole se heurtent à un déficit de formation que nous allons identifier au plan institutionnel.

→   Lire Plus

Foire bruxelloise du livre : T’as voulu voir Paris et tu as vu Bruxelles…

— Par Dominique Daeschler —

Paris annule son salon (Livre Paris), Bruxelles le maintient (du 5 au 8 mars) avec peu de défections de visiteurs et d’auteurs : 60 000visiteurs, 1050 auteurs, 300 rencontres.

Placée sous la triple égide d’Alessandro Baricco, Leila Slimani et Liao Yiwu, avec le Maroc comme invité d’honneur, cette foire du livre gratuite, dans des bâtiments industriels réhabilités « nickel chrome » est bon enfant. Un peu de gel antibactérien obligatoire à l’entrée et nous voilà partis en cheminement curieux …Facilité de déplacement sans agression sonore, un petit air de promenade familiale.

Tellement de livres ! Tellement d’éditeurs ! une mention spéciale à l’édition pour enfants (en force) avec le talent belge côté images et québécois côté texte (avec humour et sans ambages, une approche fine des pré-ado). Fuyant les auteurs à champagne, les parutions déjà sacrées par les médias, nous chaussons nos bottes pour nous rendre sur l’un des sept lieux d’échanges et d’ateliers : Place de l’Europe.

Politique- f(r)ictions avec Alexandra Schwartzbrod, Diane Ducret, Alain Lallemand : la corruption politicienne et l’aveuglement de nos opinions.

Voilà trois auteurs, trois livres qui arrivent en fanfare pour nous parler de l’état de notre monde entre conflits et lâcheté.

→   Lire Plus

Bernard Lagier : héraut du théâtre caribéen francophone contemporain

— Par Axel Artheron —
Lorsque l’on se penche sur les dramaturgies caribéennes francophones contemporaines, force est de constater la vitalité ainsi que la richesse d’un champ qui se définit désormais en parfaite autonomie du champ littéraire. En effet, contrairement aux dramaturgies caribéennes dites « classiques » – il faut entendre par là les œuvres fondatrice du théâtre caribéen francophone qui de Césaire à Placoly, Condé ou Schartz-Bart ont participé à la mise en place d’un répertoire théâtrale en langue française de 1950 à 1990 – qui étaient le fait d’écrivains d’abord consacrés par la littérature avant d’aborder les côtes de l’écriture dramatique[1], ces dramaturgies contemporaines dessinent un archipel de textes et de formes dont la particularité est de circonscrire un champ artistique spécifique. En d’autres termes, l’écriture théâtrale contemporaine relèverait d’une aventure scripturale, esthétique, socio-artistique spécifique et indépendante des schèmes, structures et réseaux de la littérature. Les figures et œuvres de Gael Octavia, Gerty Dambury, Alfred Alexandre, Faubert Bolivar, Guy Régis Junior, Jean Durosier Desrivières, Pascale Anin etc… structurent un système d’écriture répondant à des codes esthétiques propres et des stratégies d’édition, de réception, et de programmation.

→   Lire Plus

« Kokliko »  : célébration de deux terres consanguines

Une lecture du roman de Rudy Rabathaly

—Par Jean-Durosier Desrivières, écrivain, comparatiste et créoliste — 

En 2013, Rudy Rabathaly, ancien rédacteur en chef du quotidien France-Antilles de Martinique, avait publié Pawol anba fey1 (Paroles en sourdine) qui correspond au titre similaire de sa rubrique hebdomadaire qui a duré presque quinze ans. Oliwon d’imaginaire créole2, recueil de « nouvelles et poésies » en français et en créole, paraît au courant de l’année 2024 et le roman Kokliko3 au début de l’année 2025. Les textes minimalistes du premier ouvrage semblaient préparer le chemin pour les deux autres, représentant ainsi un bilinguisme composé franco-créole. Toutefois, le roman traverse les frontières linguistiques en s’imposant comme une œuvre de langue française-créole et d’expression créole, arborant parfaitement une esthétique intercréole. Car l’histoire, que dis-je, les histoires des personnages, se déroulent en plusieurs lieux, principalement sur deux territoires linguistiques de la Caraïbe franco-créolophone – Martinique et Haïti.

Dès lors, il paraît nécessaire de démêler la complexité des lieux et du temps de cette fiction ; de cerner les différents aspects de l’une des principales caractéristiques de cette narration : oralité et oraliture4 ; de souligner cette célébration des cultures caribéennes dans ce roman qui fait la part belle à la musique et à la littérature haïtiennes.

→   Lire Plus

L’éphéméride du 23 juin

Naissance, aux Trois-Îlets, de Marie Josèphe Rose Tascher de La Pagerie le 23 juin 1763

Marie Josèphe Rose Tascher de La Pagerie, dite Joséphine de Beauharnais, née le 23 juin 1763 aux Trois-Îlets en Martinique et morte le 29 mai 1814 au château de Malmaison à Rueil-Malmaison, est la première épouse de l’empereur Napoléon Ier de 1796 à 1809. À ce titre, elle est impératrice des Français de 1804 à 1809 et reine d’Italie de 1805 à 1809.

Joséphine est née dans une grande propriété de la Martinique d’une famille de Békés. Elle arrive en métropole après son mariage avec Alexandre de Beauharnais, figure de la Révolution française exécuté durant la Terreur ; durant cette période, Joséphine est emprisonnée plusieurs mois. Fréquentant les salons parisiens, elle rencontre le général Bonaparte avec qui elle se remarie. Ce second mariage lui permet de devenir impératrice, mais elle se heurte à l’hostilité de sa belle-famille et à son incapacité à donner un héritier. Napoléon divorce d’elle, et elle se retire dans son domaine de Malmaison. Malgré son mariage stérile avec Napoléon, Joséphine a une importante postérité grâce aux enfants de son premier lit.

→   Lire Plus

Quand les élites antillaises naviguent en eaux troubles…

— Par Jean-Marie Nol —

L’indigence et la décadence intellectuelle qui touche aujourd’hui à la marge les Antilles, notamment la Guadeloupe , est un phénomène préoccupant qui s’inscrit dans une tendance plus large affectant l’ensemble de l’humanité. Plusieurs études récentes menées dans les pays développés, notamment ceux de l’OCDE, révèlent que l’intelligence humaine est en déclin. Depuis une dizaine d’années, les capacités de compréhension, de raisonnement et de résolution de problèmes nouveaux diminuent sensiblement. Ce constat dépasse de loin les fluctuations politiques ou économiques : il reflète une transformation profonde du rapport au savoir, à l’éducation et à l’information. Les Antilles, bien que périphériques à la scène de la révolution technologique mondiale, ne sont pas épargnées par cette évolution inquiétante.

La transformation radicale des modes d’apprentissage, induite par la révolution numérique, la banalisation des réseaux sociaux et la perte de prestige des institutions éducatives, a altéré en profondeur le processus de construction intellectuelle. Le raisonnement structuré, pierre angulaire de toute pensée critique, est aujourd’hui en voie de disparition. Dans un tel contexte, les sociétés qui, comme la Guadeloupe et la Martinique, ne repensent pas leurs modèles éducatifs risquent l’effondrement intellectuel à moyen terme.

→   Lire Plus

La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre : Chapitres VII & VIII

— Par Robert Lodimus —

Chapitre VIII

L’EXODE ET L’ENFANCE

La cabane de tante Gisèle ressemblait jadis à une fourmilière. Quatre adultes et sept gosses en bas âge s’empilaient dans la paillote composée de deux chambrettes surplombées de fragiles panneaux de terre. Il s’agissait de son mari Capois, de leurs deux fils, Emilio et Frédéric; de sa sœur Léonie, la cadette et ses trois gosses, Lysius, Dorimond, Marius; Germaine, et de la benjamine avec ses enfants, Selondieu, Laïana et Lucia. Puis, au fil du temps, la pluie des fatalités, pareille à des nuées d’oiseaux migrateurs venus des pays nordiques, avait vidé la baraque de tous ses pensionnaires. Certains, comme Capois, Emilio, Fréderic, Léonie, Germaine, Laïana étaient décédés. D’autres, tels que Marius et Lucia émigrèrent à Cuba; et on n’avait plus entendu parler d’eux. Quant à Lysius et Dorimond, ils avaient jeté l’ancre dans la partie Est de l’île où ils avaient trouvé du travail pour couper la canne à sucre dans l’un des 500 bateys de la République dominicaine.

Le visage d’Acélia avait considérablement blêmi sous la fanchon décolorée. Selondieu, assis sur le tronc d’un arbre mort, presque à l’entrée de la vielle chaumière sans porte qui servait de cuisinette, en face de tante Gisèle entièrement écrasée dans un fauteuil rustique, posa un regard doux et inquiet sur sa femme accroupie à quelques pas de là, et qui roulait le mil dans un tamis de paille de latanier, arrêtant de temps en temps le mouvement de rotation de ses bras pour enlever les petits cailloux gris qui s’étaient mêlés aux grains légèrement jaunis avec son pouce et son index de la main droite.

→   Lire Plus

La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre : Chapitres VI & VII

— Par Robert Lodimus —

Chapitre VI

L’ACCIDENT

L’astre du jour s’apprêtait à franchir le cercle méridien. Les recommandations de Pauline avaient ragaillardi le moral des « catastrophés » de la nature débridée. Les paroles de sagesse et de résilience de la Rochoise, qui laissaient suinter un filet du stoïcisme de Zénon de Kition ou de Marc Aurèle, avaient finalement réussi à répandre du baume sur les meurtrissures des chagrins et des malheurs des souffre-douleur. Ces bonnes gens, braves et courageux comme les hirondelles migratrices condamnées à reconstruire leurs nids après chaque saison hivernale, avaient retroussé leurs manches et relevé leurs bras. Pour reprendre Daniel Pennac : « Quand tout est fichu, il y a encore le courage. » Les hommes complètement requinqués, on aurait dit des ballons gonflés à point, laissant sur place les femmes et les « moufflets », rassemblèrent leurs forces et partirent chercher de l’aide aux alentours. En deux temps trois mouvements, les gaillards étaient revenus avec des machettes, des tenailles, des haches, des piquoirs, des marteaux, des scies, des ciseaux et d’autres outils et équipements artisanaux pour effectuer des tracées sur le sol, creuser des fondations, couper des troncs d’arbres, concasser des pierres que les mômes intrépides, toujours de bonne humeur, empilaient avec soin et discipline… Des camarades des deux sexes et de tous les âges arrivèrent des contrées avoisinantes pour participer, de la façon dont ils le pouvaient, au grand « coumbite » de reconstruction du village.

→   Lire Plus

Profilage

Pour Haïti, contre ses prédateurs de tous poils, pour que vivre soit enfin beau un jour…

— Par Lenous Guillaume-Suprice —

Ta fabuliste de correspondante est vite devenue une (autre) abrutie du système, un phare de plus pour des croisiéristes, bruit seulement de ses copains comploteurs, écho par-ci par-là de leurs méfaits.

Toi, tu fais maintenant le chien à tes plaies, essaies de te guérir du passé et d’aujourd’hui, de certaines ratures d’un manque et des lésions du fouet sur ta conscience.

Tu verseras toute ta déconfiture, de l’autre côté d’un ancrage, dans une douloureuse mer d’adieux, fuyant l’acidité d’un grand nombre de scélérats aux dents à la fois perfides et caressantes.

Tu trouveras, sait-on jamais, un peu plus de monnaie pour tes songes-lecteurs, au cours des instants à venir, pour leur relocalisation dans d’autres bibliothèques de vie, hors des quartiers d’avilissements qui les défigurent, depuis l’éternité et plus on dirait, depuis le rétrécissement de l’avenir au profit d’un groupuscule de péteurs de feux, depuis par eux les vols à répétition des habits d’un mieux-être sur ta nudité.

→   Lire Plus

« Zuzu » an kreyol ayisien : deskripsyon lengwistik ak sosyolengwistik

— Par Job Silvert, lengwis-tradiktològ ayisyen —

Jen 2024

Mo kle: Zuzu”, anpwen, lengwistik, sosyolengwistik

REZIME

Atik sa a ki gen tit li ki se « zuzu » an kreyòl ayisyen: deskripsyon lengwistik ak sosyolengwistik, chèche dekri prezans mo « zuzu » a nan lang kreyòl ayisyen an. Nan kad atik sa a, otè a eseye jwenn tras mo sa a nan plizyè kilti epi rive wè diferan sans li daprè kèk ipotèz. Pi gwo objektif atik sila a se dekri mo “zuzu” sou plan lengwistik, rive wè kòman li konpòte li fas ak prensip lang kreyòl ayisyen; epi dekri li sou plan sosyolengwistik, nan lide pou jwenn rapò itilizasyon mo “zuzu” a ak diferan reprezantasyon sosyal li. Otè a konkli pou l di: mo “zuzu” gen plizyè sans nan lang kreyòl ayisyen an malgre li pa konfòme l totalman ak prensip lang kreyòl ayisyen an. Atik la reponn ak divès kesyon otè a te poze epi li bay plizyè sous motivasyon ki ta fè “zuzu” pote yon chaj semantik pozitif malgre defisyans lengwistik li.

ENTWODIKSYON

Menm jan sa fèt nan anpil lang, pou nou pa di tout lang, anpil nan vokabilè yo konn soti nan lang ki te la anvan pou vin anrichi yon lòt lang.

→   Lire Plus

Crise en Martinique : radicalisation du mouvement contre la vie chère et montée des tensions sociales

Après le refus de signature de l’accord, pourquoi le RPPRAC n’a d’autre choix que d’investir le champ politique Martiniquais ?

— Par Jean-Marie Nol économiste —

Aujourd’hui samedi devant une importante foule totalement acquise à la cause défendue par le RPPRAC. Le leader du mouvement contre la vie chère a lancé à la cantonade un cri de guerre : « À partir de lundi, péyi-a blotché », et de surenchérir  » ayen paka passé ». Alors retour à la case départ crescendo où goj’ à gogo ?

La Martinique, est désormais un territoire fracturé qui  traverse une crise profonde où se mêlent enjeux économiques, frustrations politiques , crise sociale, et aspirations identitaires. La montée en puissance des mouvements contre la vie chère, notamment à travers l’association RPPRAC , révèle une situation d’exception parmi les territoires d’outre-mer français. Si la question du coût de la vie frappe l’ensemble de ces régions, c’est en Martinique que la révolte a pris une ampleur singulière, marquée par des tensions sociales grandissantes et une radicalité inédite.

Après plus d’un mois de mobilisation intense, ponctué par des négociations, des manifestations et des actes de violence, un protocole d’accord a finalement été signé entre l’État, les élus locaux et les représentants de la grande distribution.

→   Lire Plus

« Les mots de l’information / 60 termes clés – 2023 », un remarquable outil rédactionnel à la portée de la presse en Haïti

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

À la mémoire d’André Vilaire Chery, rédacteur d’ouvrages lexicographiques

de haute qualité scientifique et auteur

du Dictionnaire de l’évolution du vocabulaire français en Haïti

(tomes 1 et 2, Éditions Édutex, 2000 et 2002).

Au cours du mois de janvier 2023, la Commission d’enrichissement de la langue française a publié « Les mots de l’information / 60 termes clés – 2023 », un livret de 33 pages dont le contenu lexicographique était déjà accessible sur le portail France Terme. En raison de ses grandes qualités lexicographiques, cette publication pourrait être mise à contribution au titre d’un efficace outil d’aide à la rédaction –en particulier sur le registre de la traduction français-créole–, parmi les journalistes haïtiens, les professionnels de diverses disciplines, les rédacteurs de manuels scolaires, les enseignants et les étudiants. « Les mots de l’information / 60 termes clés – 2023 » a été publié sous les auspices de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), l’un des opérateurs de la Francophonie scientifique et technique. La Commission d’enrichissement de la langue française mène des travaux de terminologie de concert avec d’autres instances de la Francophonie, notamment la Commission de terminologie de l’Office québécois de la langue française.

→   Lire Plus

« Basses Terres » d’Estelle Sarah-Bulle publié aux Éditions Liana Levi

En ce mois de juillet 1976, la Guadeloupe s’embrase, et les toussotements habituels de la Soufrière prennent une ampleur déconcertante. Les explosions volcaniques deviennent le protagoniste d’une trame narrative qui se tisse au cœur de la Basse-Terre, où la vie quotidienne des habitants est chamboulée. Les cendres, impitoyables, recouvrent la végétation, forçant de nombreux résidents à abandonner leur terre pour trouver refuge en Grande-Terre.

Au sein de cette saison brûlante, les bourgs se vident, les rues résonnent des pas de ceux qui partent, et les destins se jouent. De l’autre côté de l’isthme, chez les Bévaro, la vie prend une tournure particulière. La case d’Elias, le patriarche, devient le point de convergence pour la famille de son fils, revenu de métropole, ainsi que pour une cohorte de cousins déplacés.

Pendant ce temps, Eucate, en Basse-Terre, résiste à l’appel de l’évacuation. Sa case, érigée autrefois sur les pentes du volcan pour fuir les injustices de son patron monsieur Vincent, devient son dernier bastion.

→   Lire Plus

« Le choc » : un nouveau numéro de Recherches en Esthétique

— Par Selim Lander —

Cette revue d’une qualité exceptionnelle autant par la qualité des auteurs qui enseignent, pour certains, dans les meilleures universités, que par le souci de la forme (format 21,3 x 29,8 cm, typographie soignée, papier glacé indispensable pour les nombreuses reproductions dans le texte en noir et blanc comme pour le cahier en couleur) publiera l’année prochaine son trentième numéro. Éditée à la Martinique sans interruption depuis 1995 à raison d’un numéro par an, toujours sous la houlette de son directeur-fondateur, le professeur Dominique Berthet, elle est organisée chaque fois autour d’un thème principal annoncé sur la couverture, tout en consacrant une part à la mise en lumière de quelques artistes caribéens et aux indispensables recensions.

Le choc chez le regardeur

Le thème du numéro 29 prolonge jusqu’à l’extrême celui du « (dé)plaisir » qui faisait l’objet du numéro 26. La sensation esthétique qui nous émeut jusqu’au tréfonds face à un œuvre (ou un paysage) va en effet bien au-delà du simple plaisir (si elle est positive) ou du déplaisir (si elle est négative). Il y a toutes sortes de chocs et ceux qui concernent l’art ne sont pas tous d’ordre esthétique.

→   Lire Plus

La grève générale en Guyane et aux Antilles de 2008-2009 débute en Martinique le 5 février

La grève générale de la Guyane et des Antilles françaises a commencé dans le département d’outre-mer de la Guyane le 24 novembre 2008, la Guadeloupe le 20 janvier 2009, et s’est étendue à l’île voisine de la Martinique le 5 février 2009. Les revendications principales de cette « grève contre la vie chère » étaient une baisse des prix jugés abusifs de certains produits de base, comme le carburant et l’alimentation, ainsi qu’une demande de revalorisation des bas salaires. Le Monde diplomatique rapporte à cette époque « une situation de monopole, comme celui de la Compagnie maritime d’affrètement – Compagnie générale maritime (CMA-CGM), qui pratique des tarifs abusifs sur les conteneurs en provenance de la métropole. Huit familles békées contrôlent des chaînes de supermarchés et l’import-export. Le Groupe Bernard Hayot (GBH) par exemple est classé cent trente sixième fortune française. Entre 2007 et 2008, les produits de première nécessité se sont envolés : + 48 % pour le lait, + 87 % pour les pâtes, + 59 % pour le beurre, etc. ».

La grève a paralysé pendant plus d’un mois et demi tous les secteurs, privés et publics, notamment les stations-services, les petits et grands commerces, les hôtels et les industries liés au tourisme, les établissements scolaires et les transports publics.

→   Lire Plus

Exposition Raymond Médélice : 30 ans de création picturale

— Par Philippe Charvein —

« Un vaste chaos » : cette expression pourrait qualifier l’univers de Raymond MEDELICE tel qu’il se décline depuis trente ans. Univers saturé de couleurs, d’énergies, de forces circulaires et de vortex permettant à l’artiste peintre d’aborder tous les sujets qui le préoccupent ; que ce soit le devenir de son pays, la langue créole, l’écologie, le racisme, la folie, l’éducation, la culture…Autant de thèmes qui s’inscrivent dans le parcours d’une histoire, à la fois personnelle et collective ; le parcours d’une humanité qui se construit en somme (qui doit se construire en permanence), avec ses grandeurs et ses petitesses, ses désirs d’élévation et de fulgurances.

Cette exposition de Raymond MEDELICE semble, toutefois, s’articuler autour de deux bornes extrêmes : la représentation d’un monde final ; confronté aux dangers, aux destructions ; un monde où l’humanité est menacée (où l’humain, en tant que tel, n’est pas présent) ; ce qui pourrait être le signe d’une angoisse existentielle chez le peintre, et l’évocation d’un chaos permettant au monde, justement, de revenir à ses débuts, en témoigne la présence de ces meubles, de ces objets.

→   Lire Plus

Le Marché de l’art s’installe à la Fondation Clément

– par Selim Lander – Dans la Pinacothèque, la nouvelle salle de la Fondation Clément, cet écrin qui magnifie les œuvres qui y sont exposées, vient de s’ouvrir pour trois mois une exposition-vente réunissant trente-huit artistes caribéens, dont un bon nombre de Martiniquais. Autant dire que les habitants de l’île sont en pays de connaissance. Chacun aura plaisir à retrouver ses artistes favoris et à mieux faire connaissance avec d’autres. Mais la Fondation Clément étant visitée par de nombreux touristes venus d’un peu partout dans le monde, cette exposition est encore une merveilleuse occasion pour les artistes invités de se faire connaître urbi et orbi et, puisqu’il s’agit d’un marché, d’étendre le cercle de leurs collectionneurs par-delà les mers.

 

 

Cette exposition est consacrée à la peinture. Seuls trois artistes peuvent être rattachés à la sculpture, quoique ne travaillant ni la pierre ni le bois : Ernest Breleur est présent avec deux caissons de la série « Paysages célestes », Robert Manscour avec ses personnages de verre et Karine Taïlamé avec une pièce de joaillerie. Chez les peintres, le figuratif domine, l’art abstrait n’a plus la vogue d’antan.

→   Lire Plus