« Moi Chien créole », de Bernard Lagier, m.e.s. D. Bernard, jeu Ndy Thomas

Le 13 juillet 2022 à 19h30 au T.AC.

— Par Marie-André Brault —
Hurler à la lune
Profitant de l’obscurité qui délie les langues, un chien errant s’adresse à vous, raconte sa vie et surtout celle des hommes qui partagent son lot. Exclu, rejeté, méprisé ou tout simplement ignoré, le voici qui devient la voix des sans-voix. Ce chien créole – « ce pelé, ce galeux », disait-on du baudet de La Fontaine – imaginé par l’auteur martiniquais Bernard Lagier, s’il vit dans la fange et dit la détresse des laissés-pour-compte, raconte en cherchant la grandeur chez ces esseulés.

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Le texte de Lagier prend la forme d’un monologue polyphonique qui exige de l’interprète un va-et-vient entre les propos du chien et ceux de Titurpice, employé de la voirie sans envergure dévoré par l’amour, ou de Lacolas, petit voyou, poète des rues qui veut devenir quelqu’un pour honorer la mémoire de son père. À la faveur de la nuit et de l’alcool, le chien créole, croyant en l’importance de faire entendre ce qui est tu, se fait l’écho de leur parole pour retrouver ensuite sa condition de cabot. Mais un cabot qui parle un français irréprochable, philosophe et s’interroge sur la condition humaine, tandis que les deux hommes s’expriment en créole et sont trop occupés à se débattre dans leur réalité concrète pour chercher à l’objectiver ou à la poétiser. Le procédé relaie le propos de l’auteur : les deux hommes n’ont pas les mots pour se faire entendre, leur langue, pour colorée qu’elle soit, est aussi symptôme de leur aliénation dans une société qui ne s’intéresse pas aux « petits ». Le chien créole, reconnaissant ces hommes comme ses semblables mais appartenant tout de même à un autre monde, ayant, lui, le pouvoir de dire, s’avère en quelque sorte une métaphore de l’auteur ; il donne une voix et, par-là même, une existence à ceux que l’on n’entend ni ne voit. Cette construction Moi chien créole articulée autour du langage, bien trouvée, donne au demeurant un résultat inégal. La langue que prête Lagier au chien paraît quelquefois empesée, et les envolées lyriques aux effets souvent faciles font regretter la langue franche aux images si parlantes de Titurpice et Lacolas.

Ces passages en créole – un créole mâtiné de français pour ne pas trop égarer le s p e c t a t e u r – sont aussi les plus forts d r a m a t i q u e m e n t . En effet, si le d i s c o u r s d u chien, lorsqu’il s’affranchit d’une poésie un peu lourde et maladroite, offre de beaux instants dans son plaidoyer pour une plus grande humanité et une fraternité à conquérir, ou encore dans le récit de ses premières heures de vie, les moments réservés aux deux hommes captivent véritablement. Lagier y explore les ressources du conte et du dialogue avec une vivacité remarquable…

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Mise en scène Dominik Bernard

Distribution
Avec Ndy Thomas
Assistante à la mise en scène Lucile Kancel
Scénographie Dominik Bernard & Roger Olivier
Création lumière Roger Olivier
Création musique Manuel Césaire
Univers & création sonore Steve Lancastre
Conception graphique et visuelle Junsunn Lo
Costumes Steeve Cazaux
Travail corporel Léna Blou

Production
Production Cie La dorsale de l’Iguane – Laboratoire caribéen de recherches et de créations Théâtrales (Guadeloupe)
Coproduction Etc_Caraïbe, L’Archipel – Scène nationale de Guadeloupe, Les Francophonies – Des écritures à la scène
Compagnonnage de création
Terre d’Arts – Scène transversale de Martinique
Avec le soutien de la DAC de Guadeloupe – Ministère de la Culture, Théâtre du Balcon – Compagnie Serge Barbuscia