« Lumina Sophie dite Surprise » & « Et les chiens se taisaient »

Du 10 juin au 1er juillet 2023

L‘atelier théâtre du Sermac  invite à ses représentations de fin saison 2022-2023.

« Une si belle et si riche année ne peut que se terminer en beauté. Et c’est pour cela qu’au lieu de notre traditionnel, unique, spectacle de fin d’année, nous avons décidé d’offrir à notre public une programmation de deux pièces de théâtre qui seront menées par nos stagiaires et leur metteur en scène, M. Élie PENNONT.

Les comédiens présenteront cette année,

Jeudi 29 juin à 19h
Vendredi 30 juin et Samedi 1er juillet à 19h

Lumina Sophie dite Surprise de Suzanne Dracius

Par l’Atelier du SERMAC, mise en scène Élie Pennont
Espace Camille Darsières / Fort-de-France
 » Brûler ! Je veux tout brûler !…  » Ainsi parlait Lumina. Martinique, 1870 : révoltées par la misère et un incident racial, des femmes incendient les habitations. À leur tête, une Jeanne d’Arc créole. Mais elle est enceinte, pas pucelle. On ne la voit guère en sainte !… Elle luttait pour la dignité et la liberté de son peuple. À ce titre, Lumina mériterait honneur et gloire. Cependant, aux Antilles, les traditions de résistance n’ont guère laissé de traces. C’est ce pan de voile déchiré que lève Suzanne Dracius, offrant à l’imagination une mythologie caribéenne renouvelée par une figure féminine héroïque, en une langue métissée, aux accents tour à tour lyriques ou comiques, en quête d’une contre-vision du passé.

Extraits

LA MUSE AFRICA. — On le sait : tu ne rêves pas en couleurs. Tu ne rêves qu’en noir et blanc… Donc Herminie-Sans-Bâton passerait son temps à prier ?
LE CHŒUR. — Han han, depuis le devant-jour.
LA MUSE. — Une aube viendra où les enfants d’Afrique apprendront à se méfier de certaines chapelles… Lorsqu’ils seront confrontés aux pratiques moyenâgeuses des grandes nations ultramodernes… Quand on aura défoncé à coups de hache, au petit matin, — « l’ heure légale » — la porte d’une église consacrée où ils avaient trouvé asile, quand on les aura chassés manu militari, hommes, femmes, nouveaux-nés, vieillards, poussés comme du vulgaire bétail sur le pavé d’une métropole prétendument civilisée, sous prétexte qu’ils étaient sans papiers, ils n’auront plus tellement confiance… Mais ils y auront mis le temps ! Tantôt sans papiers, les nègres d’Afrique, tantôt sans terre ou sans âme. Il leur manque toujours quelque chose, à en croire certains beaux esprits, et même pour des aréopages de quidams érudits !
LE CHŒUR, enchaînant immédiatement en chantant. — Sans chemise, sans pantalon !
Ce soir, nous irons danser,
Sans chemise, sans pantalon.
LA MUSE AFRICA, haussant les épaules. — On a tellement évoqué, à la fameuse Controverse de Valladolid, pour savoir s’ils avaient une âme sous leur peau noire, les nègres qu’on est allé voler à l’Afrique ! C’étaient les grands chefs catholiques qui se posaient cette question subtile… Et vous devinez la réponse ? Vous donnez votre langue au chat ?… La réponse fut « NON, sans doute »…
Les Pétroleuses réagissent enfin, indignées.
LE CHŒUR. — Et pis quoi encore ?
LA MUSE AFRIQUE. — Et ni l’ami Montesquieu ni l’ironie de Voltaire ne purent endiguer l’esclavage.
La Muse, écoeurée,
SIMONISE. — Jamais vu ces bougres-là, ni monter ni descendre, ni vol ni terre. On ne connaît pas tout ton fatras, sacrée pistache ! On te l’a déjà dit, commenter ? !
ROSALIE, à la Muse. — C’est un perpétuel recommencement ?
LA MUSE AFRICA, voletant de droite à gauche. — La menace s’avère rémanente ! Vous la réapparaître, grimaçante, intempestive, l’hydre à mille gueules du racisme, escortée de sa hideuse jumelle, xénophobie !
LE CHŒUR. — Africain ou latin, pour nous c’est du charabia.
Extrait de LUMINA SOPHIE DITE SURPRISE de Suzanne Dracius écrivain(e) , Médaille d’Honneur de Schoelcher, disponible en librairie et en ligne, possibilité de commander à l’éditeur (vendeur indépendant, pas « esclave » du géant, « politiquement correct » ), cliquez ici :
http://www.amazon.fr/gp/product/236430010X

 

 

Vendredi 23 et Samedi  24 juin à 19h
Lundi 26 juin à 19h (jour du 110ème anniversaire)

Et les chiens se taisaient d’Aimé Césaire

Pour rendre hommage au Grand Homme qu’était ce dernier et qui aurait dû célébré son 110ème anniversaire le 26 juin prochain. »

Cette pièce, c’est la vie d’un homme, d’un révolutionnaire, revécue par lui au moment de mourir au milieu d’un grand désastre collectif. Il revit (ou ressasse) ses hésitations, ses élans, ses rêves, ses défaites, ses victoires : d’abord, la naissance en lui du héros dans le décor colonial et son initiation à la solitude (mieux à l’abandon que par avance il accepte) parmi les sollicitations contradictoires de l’esprit de vie et de l’amor fati ; puis son combat spirituel – aux prises qu’il est avec les forces du sentiment et les forces du passé ; enfin, dans l’acte 3, c’est la confrontation avec la mort. Ici la force héroïque prend son essor du contact rétabli au plus profond avec le fond obscur et terrestre de l’être.

Une pièce écrite par Aimé CÉSAIRE et mise en scène par Élie Pennont un de ses plus grands disciples

Et les chiens se taisaient

Aimé CÉSAIRE
Recueil : « Et les chiens se taisaient »
Tout s’efface, tout s’écroule
il ne m’importe plus que mes ciels mémorés
il ne me reste plus qu’un escalier à descendre marche par marche
il ne me reste plus qu’une petite rose de tison volé
qu’un fumet de femmes nues
qu’un pays d’explosions fabuleuses
qu’un éclat de rire de banquise
qu’un collier de perles désespérées
qu’un calendrier désuet
que le goût, le vertige, le luxe du sacrilège capiteux.
Rois mages
yeux protégés par trois rangs de paupières gaufrées
sel des midis gris
distillant ronce par ronce un maigre chemin
une piste sauvage
gisement des regrets et des attentes
fantômes pris dans les cercles fous des rochers de sang noir
j’ai soif
oh, comme j’ai soif
en quête de paix et de lumière verdie
j’ai plongé toute la saison des perles
aux égouts
sans rien voir
brûlant