— Par Jean-Marie Nol, économiste —
Le Président Emmanuel Macron s’est entretenu récemment avec les élus ultramarins au Palais de l’Elysee pour leur parler de la différenciation et de l’autonomie comme Nicolas Sarkozy avait fait de même en son temps à Petit Bourg pendant sa mandature , et pour concrétiser la réflexion a dépêché deux émissaires en Guadeloupe.
Le Président de la République et le gouvernement sont aujourd’hui décidés à employer une nouvelle méthode sur mesure en fonction des spécificités des territoires. Ils veulent ainsi donner aux élus ultramarins des collectivités de l’océan Atlantique et de l’océan Indien à travers une certaine forme d’autonomie sous l’appellation de responsabilité locale « les marges d’action nécessaires à l’invention de solutions sur mesure » aux problèmes de mal développement économique, de sécurité alimentaire, et de vie chère, qui touchent ces territoires. Mais que cache cette nouvelle stratégie de l’État qui rompt totalement avec la politique d’assimilation institutionnelle du passé ?
Par ailleurs dans quel objectif et pour quelle perspective vouloir instaurer une TVA régionale en lieu et place du dispositif fiscal de l’octroi de mer ?

La théorie de la destruction créatrice de l’économiste
L’avenir de la Guadeloupe dépend de plusieurs facteurs, notamment économiques, sociaux, politiques et environnementaux. Le présent de la Guadeloupe pourrait également être façonné par des efforts visant à renforcer le lien social et à promouvoir l’inclusion sociale, en abordant les inégalités économiques, l’accès à l’éducation et aux soins de santé, ainsi que la préservation de la culture créole et des traditions. Nous n’avons jamais autant parlé de politique qu’en 2023 et en ce début de l’année 2024. Ainsi deux experts nommés par Emmanuel Macron le président de la République sont actuellement en Guadeloupe pour travailler sur les questions de l’évolution statutaire ou institutionnelle et dans le même temps une commission ad hoc du Congrès des élus composée d’élus du département, de la Région, des maires, des parlementaires, des partis politiques, mais aussi des experts de la société civile planchent depuis le 29 janvier sur la question institutionnelle . Parmi les réflexions en cours, on retrouve la question de la fusion des deux collectivités, l’autonomie avec la fiscalité, ou encore la refonte de l’intercommunalité. Et pourtant, les problèmes d’ordre économiques s’avèrent aujourd’hui cruciaux.
Si la Guadeloupe est historiquement reconnue comme le pays de l’histoire de la résistance à l’oppression avec l’épopée de Delgres et ses compagnons, des lettres, de la musique, et du sport, de la beauté de ses sites naturels, elle est également réputée pour ses compétences universitaires d’ordre scientifiques, l’esprit entrepreneurial de sa population et ses grandes capacités d’innovation. Bref, son modèle économique et social de demain peut devenir une source d’inspiration pour l’ensemble de l’outre-mer La Guadeloupe peut ainsi s’appuyer sur ses nombreuses cartes maîtresses afin de devenir un pays à forte attractivité pour les investisseurs internationaux en raison de la présence de nodules polymetalliques dans la zone économique exclusive de ses fonds marins Oui, il existe des nodules polymétalliques dans la mer des Antilles. Les nodules polymétalliques sont des formations rocheuses riches en minéraux tels que le nickel, le cuivre, le cobalt et le manganèse, entre autres. Ils se forment sur le fond marin au fil du temps par des processus géologiques complexes.
A l’heure où l’enjeu de la transformation des institutions figure désormais dans chacune des prises de parole des élus et du gouvernement, la question centrale est très clairement de savoir s’il ne faut pas au préalable de mettre en œuvre un nouveau modèle économique en Guadeloupe avant toute modification institutionnelle pour mettre un terme au mal développement. Un changement de modèle économique et social implique une transition significative dans la manière dont une société fonctionne sur les plans économique et social. Cela doit nécessairement inclure des ajustements majeurs dans les structures économiques actuellement en cours, les politiques gouvernementales, les normes sociales, les valeurs culturelles locales et les comportements individuels, notamment le refus de la politique d’assistanat.
L’économie de la Guadeloupe est à la croisée des chemins ,et ce vu les multiples facettes de la crise qui risque de secouer le tissu économique dans les prochaines années. Nous nous devons donc normalement de promouvoir un autre modèle de développement basé sur une production durable avec un accompagnement financier digne de ce nom. Lors d’une précédente tribune de presse datant d’environ 3 ans, nous avions présenté le projet de la création de clubs Cigales aux Antilles/Guyane . Donc, il est à noter que c’est dans le cadre de ce nouveau paradigme de développement économique que les clubs Cigales ont désormais vu le jour en Guadeloupe et Martinique. Ces clubs Cigales à l’avenir devraient pouvoir jouer un rôle important dans le financement de la diversification de l’économie en capitalisant sur notre épargne. Cela permettra de réduire la dépendance de notre économie à d’autres secteurs axés aujourd’hui sur la consommation et de créer de nouvelles opportunités économiques, notamment dans le domaine de la petite industrie agroalimentaire, des arts, de l’artisanat et du tourisme culturel.
L’intelligence artificielle commence à intéresser les chefs d’entreprises de Guadeloupe. Les entreprises ont maintenant compris que l’IA allait changer leur modèle économique, et que si elles ne s’y mettaient pas elles seraient dépassées par la concurrence, et que c’est leur existence même qui est en cause dans la décennie actuelle. restera à en apprécier l’ampleur de la mutation sociologique en Guadeloupe et ses conséquences dans ce contexte de totale incertitude que la 15e édition des journées du monde économique débute le 1er février. Les enjeux et les opportunités du numérique et de l’intelligence artificielle seront au cœur de cet évènement. Ce rendez-vous organisé par l’ordre des experts-comptables, de la compagnie régionale des commissaires aux comptes et en partenariat avec la Région est ouvert à tous les acteurs du tissu économique. Destinées aux entreprises comme aux associations, ces journées du monde économiques ont pour objectif de donner des clés à tous pour mieux anticiper les changements actuels. Les chefs d’entreprises et les experts comptables sont intéressés, voire préoccupés par l’IA. Malgré les vents contraires du contexte économique actuel, les dirigeants d’entreprises Guadeloupéenne commence à ressentir le danger et font aujourd’hui preuve d’un pragmatisme et d’une agilité qui leur permettront de préserver et renforcer la rentabilité de leur entreprise à moyen terme.
Aujourd’hui en France, on regarde l’avenir avec une certaine inquiétude. En effet, 76% des Français se déclarent pessimistes quant à l’avenir de la France
D’aucuns parmi les hommes et femmes politiques de la Guadeloupe prônent une fusion du département et de la région. L’Assemblée départementale a-t-elle l’intention de se saborder ? Certains de ses membres semblent en effet penser que leur institution n’a pas assez de levier de décision et que c’est à la région que les choses véritables se passent vu la prédominance de l’économie sur le social. A notre sens c’est une grossière erreur de jugement. Ce ne serait pas gravissime s’ils avaient l’intention d’en rétrocéder une partie au peuple dont ils tirent leur légitimité, mais ce n’est pas le cas : ils estiment nécessaire, bien au contraire, d’en donner davantage aux institutions politiques Issues d’un régime d’autonomie.
Le secteur bancaire et financier en Guadeloupe est un secteur économique d’importance, car il accompagne le développement rapide de la consommation locale, qui est le moteur de l’économie antillaise. Il s’est développé au xixe siècle sous la forme du Crédit foncier colonial puis de la future Banque de la Guadeloupe, fondée au lendemain de la deuxième abolition de l’esclavage . Il est aujourd’hui supervisé par l’Institut d’émission des départements d’outre-mer, qui représente la Banque de France localement. Le système bancaire de la Guadeloupe présente une structure proche de celle observée en France métropolitaine. Ainsi, les principaux établissements de crédit français sont représentés sur le territoire, avec plus d’une dizaine d’établissements installés. Ils emploient environ 1500 salariés fin 2023 , soit près de 2 % de l’emploi salarié marchand total.
L’année 2023 pour la Guadeloupe n’a pas été de tout repos, et l’actualité, pas des plus positives. Cette année a marqué un ralentissement significatif de l’économie de la Guadeloupe, mais en 2024, une conviction guide notre vision de l’évolution politique, économique et financière de la Guadeloupe que nous allons tâcher d’expliciter clairement. Une année nouvelle commence, et avec elle, son lot de bonnes résolutions. Les velléités de réforme des institutions seront au cœur du jeu en 2024.Lors de ses vœux pour la nouvelle année adressés au peuple Guadeloupéen le président du conseil général a lancé un message très clair sur le processus d’évolution des institutions de l’archipel en préconisant la relance du processus de l’évolution statutaire lors d’un prochain congrès prévu en janvier 2024. Dans le même ordre d’idée, le président de la collectivité territoriale de Martinique a interpellé le président Emmanuel Macron pour une ouverture immédiate de négociations sur le chantier de la réforme des institutions. Que nenni tout cela, car s’agit il d’une simple pantomime d’élus locaux désorientés ou sommes nous en présence d’éléments de langage distillés à l’usage de peuples antillais réfractaires à un changement de statut et à qui on voudrait tordre la main ?
Le problème des institutions de la Guadeloupe actuellement, c’est qu’elles ont été construites et pensées pour appliquer un modèle économique qui a été conçu initialement pour sortir de l’ancien modèle productif de la période coloniale et de la déconfiture de l’industrie sucrière. Tout cela, a impliqué un autre modèle économique et social basé sur le développement des services publics et la consommation de masse. Mais maintenant la donne est entrain de changer car une Guadeloupe qui vieillit est par définition un pays qui consomme de plus en plus de services et de produits.
Un grand chambardement d’ampleur aura lieu autour du 15 janvier 2024 en France hexagonale et les cartes risquent d’être totalement rebattues en matière politique tant en Guadeloupe qu’en Martinique sur la question en suspens de l’évolution statutaire ou institutionnelle. 
La problématique de l’immigration est devenue cruciale et d’une brûlante actualité en France. En effet sur cette question les acteurs politiques se livrent à une bataille sans relâche sur ce sujet qui divise profondément la société française. A mon sens, Emmanuel Macron (dont l’intelligence est très largement supérieure à la normale dixit les experts de la chose politique et publique ), a semblé finalement sous la pression des évènements récents intégré le danger de l’immigration pour la cohésion sociétale, (terrorisme, délinquance et criminalité liée à l’immigration, mineurs étrangers incontrôlables, baisse du niveau scolaire du fait de l’immigration, etc…). Ce revirement du chef de l’État est à rebours de la ligne de conduite de ses prédécesseurs qui étaient surtout obnubilés par la nécessité de la main d’oeuvre étrangère pour faire toujours et encore plaisir aux sirènes des patrons français ( Selon un ministre, la France aura besoin de l’immigration pour se réindustrialiser, estimant autour de 100 000 à 200 000 le nombre de talents étrangers nécessaires dans les dix ans à venir et Patrick Martin, patron du Medef d’enfoncer le clou : «Nous aurons besoin de main-d’œuvre venue de l’extérieur» et selon le gouvernement, l’article 3 du projet de loi sur l’immigration est fait pour eux : il facilite la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en pénurie de main-d’œuvre.
Les innovations technologiques et d’usage, accompagnées d’un phénomène de déconstruction de notre économie à la fois individualiste et communautaire, imposent une remise à plat de l’organisation de la société au niveau national et local, ainsi que la réinvention d’un nouveau modèle économique et social en Guadeloupe. En effet, l’accélération des transformations induites par le digital et l’intelligence artificielle bouleverse profondément de façon souterraine la société et les modèles économiques établis. Bientôt plus aucun pan de la vie, aucune activité économique ne semble pouvoir échapper à la nouvelle économie façonnée par la 4 ème révolution industrielle du numérique, de la robotisation, et de l’intelligence artificielle qui se dessine déjà sous nos yeux. La faculté de ce nouveau paradigme semble de nature à nous desiller les yeux hors des moules de l’idéalisme passéiste des intellectuels contemporains et de l’inertie des élus coupables de cécité. Peut être que cela peut nous aider à comprendre non pas l’utopie de la décroissance, pour l’heure elle a quasiment disparu, mais l’indestructible attrait pour les nouvelles technologies ( Chat GPT entre autres ), et la propension à l’enfermement de ce pays créole-du tout monde qu’est la Guadeloupe qui pourtant se prépare sans doute à une nouvelle mue.
— Par Jean-Marie Nol, économiste et chroniqueur —
L’effet boomerang désigne un mécanisme psychologique, politique ou économique, où une action aboutit à la conséquence inverse de celle recherchée.
Dans un monde en crise, les défis de l’action publique sont aujourd’hui multiples (sociaux, économiques, culturels, écologiques, etc.). Donc plus que jamais, pour bien comprendre les tenants et aboutissants de la crise actuelle, il faut d’abord faire l’autopsie du malaise français, lister tous les freins à surmonter par les élus antillais et évaluer les pistes d’action possibles pour tâcher autant que possible de réconcilier l’économie avec une société antillaise désenchantée.
L’évolution institutionnelle n’a jamais été aussi prégnante dans les esprits depuis le 18 août 1971, date à laquelle se clôturait la convention du Morne-Rouge qui s’était tenue trois jours durant en présence des communistes et organisations progressistes de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion, qui s’étaient réunis pour déterminer un projet commun tendant à s’émanciper du pouvoir parisien. Depuis, beaucoup d’eau ont coulé sous les ponts, et pourtant plus que jamais le projet de changement des institutions apparaît comme une solution d’avenir pour la classe politique, mais, paradoxalement, elle tarde à s’imposer. “Le cynisme consiste à voir les choses telles qu’elles sont et non telles qu’elles devraient être. ” Oscar Wilde.
Faute de se projeter suffisamment dans l’avenir, notre pays est aujourd’hui au bord d’une crise profonde. Mais il n’est pas trop tard pour imaginer ce que sera notre société dans quelques années et faire en sorte de s’y préparer au mieux dès maintenant, car une Guadeloupe isolée de la France hexagonale par la fameuse différenciation prônée par le gouvernement serait inaudible compte tenu des circonstances au moment de la survenue de nouvelles crises, notamment celle de la réduction drastique de la dépense publique et l’endettement public et privé.
La géopolitique et l’anthropologie ont, comme tout le monde le sait ou suppose, des conséquences politiques, économiques, pour les Antilles, et qui même pour les experts de Bercy restent difficiles à évaluer.