La « destruction créatrice » n’est -t- elle pas déjà une réalité irrépressible aux Antilles ?

La théorie de la destruction créatrice de l’économiste Joseph Schumpeter est le processus par lequel de nouvelles mutations de la société et innovations viennent constamment rendre les technologies et activités économiques existantes obsolètes c’est à dire dépassées ou périmées. C’est le processus par lequel les entreprises innovantes et les emplois nouvellement créés viennent sans cesse remplacer les entreprises traditionnelles et emplois existants. Au cœur du système capitaliste se trouve, pour Schumpeter, l’entrepreneur qui réalise des innovations (de produits, de procédés, de marchés). En conséquence, la croissance est un processus permanent de création, de destruction et de restructuration des activités économiques. Pour éviter d’être dépassée par l’obsolescence et de disparaître du marché, une entreprise doit adopter une approche proactive et stratégique pour rester compétitive. Pour ce faire, l’entreprise doit rester à l’affût des nouvelles technologies pertinentes pour son secteur et investir dans la recherche et le développement pour innover constamment. Elle doit investir dans la formation de ses employés pour qu’ils puissent acquérir les compétences nécessaires pour travailler avec les nouvelles technologies et s’adapter aux changements du marché. L’entreprise doit être flexible et capable de s’adapter rapidement aux changements du marché en ajustant ses stratégies, ses processus et ses produits en conséquence. Elle peut établir des partenariats stratégiques avec d’autres entreprises, des startups ou des universités pour bénéficier de leur expertise technologique et favoriser l’innovation. L’entreprise doit se concentrer sur la création de valeur pour ses clients en proposant des produits ou des services uniques et différenciés, plutôt que de simplement se concentrer sur la réduction des coûts.. Elle doit investir dans la transformation numérique de ses opérations, en automatisant si possible et surtout souhaitable les processus, en utilisant les données pour prendre des décisions stratégiques et en améliorant l’expérience client.En adoptant ces stratégies, une entreprise peut mieux se positionner pour éviter l’obsolescence et rester compétitive sur le marché. Mais la problématique du changement de paradigme ne se pose uniquement au niveau des chefs d’entreprises, elle concerne aussi les élus locaux car elle est surtout d’ordre sociétale aux Antilles. De quoi s’agit-il ?
Après la vente des terrains et maisons au plus offrant, on poursuit actuellement aux Antilles sur un autre grand chantier à savoir la grande braderie ( pour des raisons essentiellement mercantiles) des entreprises locales. Et, ça y est, la dépossession du patrimoine économique, c’est bien parti pour s’accélérer au cours de la décennie actuelle. Ne nous y trompons pas quand je parle dans mes articles de mutation économique et sociale pour décrire les changements profonds et structurels qui affectent à la fois les aspects économiques et sociaux de la société antillaise. Voici quelques raisons pour lesquelles je parle de menaces économiques et sociales : L’économie et la société sont étroitement liées. Les changements économiques, tels que les fluctuations du marché du travail ou les modifications des politiques fiscales tes que l’octroi de mer, ont souvent des répercussions sur la structure sociale, comme le niveau de chômage, la concurrence déloyale ou les inégalités de revenu. Les évolutions économiques, comme l’automatisation ou la mondialisation, vont modifier la composition de la main-d’œuvre, les conditions de travail et les modes de vie des Guadeloupéens et Martiniquais. Ces transformations ont un impact sur les relations sociales, les normes culturelles et les dynamiques familiales. Les mutations économiques vont aussi forcément influencer la répartition des richesses et des ressources au sein de la société, ce qui peut entraîner des changements dans la mobilité sociale et booster l’émigration de la jeunesse, promouvoir l’immigration clandestine de ressortissants de la caraïbe, multiplier les opportunités d’investissement des étrangers, et les disparités de revenus entre Guadeloupéens et expatriés de la France hexagonale ou Européenne. La crise à venir va servir d’accélérateur à cette mutation. Oui la confrontation semble inévitable mais à mon avis pas dans le sens que certains croient de façon utopique et irresponsable. Pour ce qui concerne les entreprises capitalistiques et monopolistiques de l’import/export et de la grande distribution présentes en Martinique et surtout en Guadeloupe, leur sort est déjà scellé par l’intelligence artificielle, et la digitalisation, donc plus rien à faire pour empêcher la mise à mort prochaine, car elles seront littéralement laminées par les nouveaux entrants qui seront les autres entreprises exogènes vraisemblablement européenne plus agiles et fortement capitalisées qui voudront conquérir le marché antillais. L’automatisation peut rendre obsolètes certaines entreprises en réduisant leur compétitivité face à des concurrents qui adoptent des technologies plus avancées. Par exemple, si une entreprise ne parvient pas à automatiser ses processus de production et à réduire ses coûts de main-d’œuvre, elle pourrait être dépassée par des concurrents qui le font et qui peuvent offrir des produits ou des services à des prix plus compétitifs. De plus, si une entreprise ne parvient pas à s’adapter aux nouvelles technologies et à évoluer avec le marché, elle risque d’être supplantée par des entreprises plus innovantes et agiles. En fin de compte, cela peut conduire à la disparition de certaines entreprises qui ne parviennent pas à suivre le rythme de l’automatisation et des changements technologiques. En ce sens, l’exemple récent le plus parlant est celui de la sacherie Capron qui est l’une des plus anciennes entreprises locales de Martinique. Après 80 ans d’existence, La Sacherie Capron, a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce. Ainsi comme on le constate, le numérique, la digitalisation, la robotisation et surtout aujourd’hui l’intelligence artificielle peuvent aussi perturber l’ancien modèle économique des entreprises de plusieurs manières. Par exemple, en automatisant des tâches auparavant effectuées par des travailleurs humains, ce qui pourrait réduire les coûts de main-d’œuvre et augmenter l’efficacité. De plus, en permettant une analyse de données plus avancée, elle pourrait aider les entreprises à mieux comprendre et répondre aux besoins des clients, ce qui pourrait entraîner des changements dans les modèles de vente et de marketing. Enfin, en favorisant l’émergence de nouveaux produits et services basés sur l’IA, elle pourrait créer de nouvelles sources de revenus et transformer complètement certains secteurs industriels et commerciaux. La question de la fin de certaines entreprises locales est déjà virtuellement réglée à l’instar de la compagnie express des îles qui passe sous pavillon de l’Allemagne, alors plus la peine d’ergoter là-dessus. Par contre, les petites entreprises de production propriétés de martiniquais et guadeloupéens qui seraient bien gérées pourraient éventuellement s’en sortir par le haut avec l’aide logistique de la CCI et chambre des métiers, le drainage de l’épargne des martiniquais et Guadeloupéens, ainsi que le soutien financier des collectivités locales. Mais cela suppose aussi que nos cerveaux expatriés en France hexagonale et à l’étranger soient de retour aux Antilles dans les 3 prochaines années, et c’est très loin d’être gagné d’avance, mais ce qui est sûr c’est qu’après il sera trop tard pour eux. C’est là ma conviction profonde !
Entre-temps, la destruction créatrice aura libre cours aux Antilles. Rien ne pourra arrêter cette dynamique même pas des révoltes ou jacqueries des Antillais.
Même un changement de statut qui serait ficelé et pensé en dehors d’une vision prospective n’y changera rien, et pour ceux qui en doutent je leur conseille fortement de s’interroger sur la situation actuelle en nouvelle Calédonie avec la faillite des trois seules entreprises de production de nickel ( poumon économique de la nouvelle Calédonie)et surtout la décision très politique de dégel du corps électoral. Cette décision a forcément une résonance politique. « Je voudrais constater que le gouvernement de la République française, l’Etat, n’a jamais été aussi présent(e) qu’en ce moment en Nouvelle-Calédonie, y compris en dehors de ses compétences”, a énoncé Gérald Darmanin le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, au premier jour de son déplacement officiel dans l’île. Non l’évolution institutionnelle et encore moins statutaire n’est pas la solution pour régler les problèmes de la Guadeloupe et de la Martinique !!!
Les mutations économiques et sociales surviennent souvent en réponse à des défis tels que l’innovation technologique, les crises financières, les changements climatiques et démographiques ou les pressions environnementales et certainement pas en raison de considérations idéologiques et politiques. Les sociétés doivent s’adapter à ces défis en modifiant leurs structures économiques, leurs politiques sociales et leurs valeurs culturelles.En somme, parler de mutation économique et sociale permet de saisir l’ampleur des changements qui façonnent notre société, en reconnaissant l’interrelation entre les dimensions économiques et sociales de notre vie collective. Alors reste à conjurer le mauvais sort et à méditer longuement sur ce proverbe créole.
« Sé lè tèt koupé, I pèd èspwa mété chapo. »
– traduction littérale : C’est la tête coupée qui perd l’espoir de mettre un chapeau.
– moralité : Il ne faut pas renoncer, ne jamais désespérer.

Jean marie Nol économiste