Catégorie : Littératures

Analyse d’un échantillon de chansons créoles de la musique haïtienne

Par Fortenel Thélusma, linguiste et didacticien du FLE

I- Introduction

À propos du créole, la seule langue parlée par toute la population haïtienne, beaucoup de débats passionnés ont déjà été soulevés soit sur son statut (certains le considèrent comme un patois), soit sur son orthographe qu’ils qualifient de « laide »,  « américanisée », etc. ; d’autres pensent même qu’il faudrait changer son acte de baptême en l’appelant « ayisyen ». Mais des spécialistes en créolistique sont déjà intervenus sur ces questions, qui y ont apporté les éclairages nécessaires, parmi eux des linguistes haïtiens (Yves Déjean, Hugues Saint-Fort, Renaud Govain, Lemète Zéphyr, etc.). De plus, on sait que le créole est l’une des langues modernes faisant l’objet de plus de curiosité de la part des linguistes dans le monde entier (Mofwene, André Martinet, Albert Valdman, Lefebvre, Robert Damoiseau, etc.). « Rien, dans sa structure linguistique ne disqualifie, au départ, un créole comme langue de culture » (1980), a martelé le linguiste français, André Martinet. En effet, toutes les langues (humaines) ont la même valeur du point de vue de la science du langage et remplissent diverses fonctions telles celles attribuées au langage par le linguiste suisse Roman Jakobson :

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Mi chalè !

— Par Daniel M. Berté —

Emé kriyé anmwé anba twant-kat dègré
I ka siwvéyé siel
Difé tout la jouné, difé tout la swaré
Chuuuu !!! Mi chalè !!!

Tertilien ka griyen pas i pèdi jaden
I ka lonviyé siel
Difé an say planté, difé an potajé
Mésié !!! Mi chalè !!!

Anriyèt li entjèt kon tatjèt an finèt
I la ka gadé sièl
Difé anba tété, difé an fant katjé
Woy !!! Mi chalè !!!

Léyon ki pa kouyon di : « Sé malédision !»
I la ka priyé siel
Difé pou lé péché, difé pou lé rigré
Ségnew !!! Mi chalè !!!

Klérik an siantifik di : « Sa atmosférik ! »
I ka observé siel
Difé pou tè séché, difé san lalizé,
Manman !!! Mi chalè !!!

Man Tjilas ki tou las di ba Mondié : « De gras !»
I ka sipliyé siel
Difé dépi lévé, difé jisko kouché
Chuuuu !!! Mi chalè !!!

 

Daniel M. Berté 290915

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L’aménagement du créole en Haïti à l’épreuve du « Cadre d’orientation curriculaire » du ministère de l’Éducation nationale

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Peu de temps après la parution de notre article « Les fondements constitutionnels de la future loi de politique linguistique éducative en Haïti » (Rezonòdwès, 23 août 2023), un haut cadre du ministère de l’Éducation nationale d’Haïti nous a discrètement acheminé deux « documents ministériels majeurs » —des documents officiels et d’intérêt public–, tout en précisant vouloir garder l’anonymat pour des raisons que chacun peut aisément comprendre. Le premier document a pour titre « Cadre d’orientation curriculaire pour le système éducatif haïtien / Haïti 2054 » et pour son élaboration le ministère de l’Éducation a bénéficié du support technique et financier, à hauteur de 8 millions d’Euros, de l’Agence française de développement (AFD) dans le cadre du Projet NECTAR. Sa première mouture date de 2020 et il a été validé en février 2021. Le second s’intitule « Cadre pour l’élaboration de la politique linguistique du MENFP » / « Aménagement linguistique en préscolaire et fondamental ». Ce document –qui devra ultérieurement faire l’objet d’une évaluation objective–, est daté de mars 2016 et il porte la mention « Travail réalisé par Marky Jean Pierre et Darline Cothière sous la direction de Marie Rodny Laurent Estéus consultante au cabinet du Ministre ».

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« Tentation » & « Retraite »

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

Tentation

La faute à la satanée crise,
tirant le diable par la queue,
j’ai tenté de doubler ma mise
à la foutue table de jeu
mais y ai laissé ma chemise !

Lors, au lieu de tirer sa queue,
peut-être puis-je en tirer mieux
en le flattant, quoi qu’on en dise ?
Car avec lui si tu pactises,
certes tu pourrais vivre mieux…

Mais la fortune mal acquise
fait aussitôt des tas d’envieux
et soudaine richesse attise
des jalousies et convoitises
envers qui paraît trop chanceux…

Par-devant si tous te courtisent,
les mêmes en secret te méprisent,
à la fin ça te rend anxieux…
Vivre de peu, c’est vivre heureux
car sans souci, on vit plus vieux !

C’est ce qui importe à tes yeux
lorsque soudain tu te rappelles
du Docteur Faust le sort odieux :
si plaie d’argent n’est pas mortelle,
la damnation est éternelle !

Retraite

Une honte pour le guerrier vaincu…
La ménopause du travailleur réformé par l’âge…
La poterne du vieillissement sénile…
Ou ne serait-ce pas plutôt de l’esclavage social enfin la quille !

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Faire-Pays : réimaginer l’interdépendance à l’ère post-capitaliste

Inspiré par les pensées de Patrick Chamoiseau

— Par René Lake —

Les notions d’identité, de nation et d’appartenance ont longtemps été façonnées par le prisme du nationalisme, des revendications d’autonomie et des aspirations à l’indépendance. Toutefois, le monde d’aujourd’hui, un monde d’interdépendance et de connexions globales, exige de nous une reconfiguration radicale de ces conceptions.

Dans la série « Faire-Pays », Patrick Chamoiseau évoque une vision qui, selon lui, dépasse les « nationalismes des années 50 » et les « revendications d’autonomie-indépendance restées inefficientes ». Il envisage un remaniement de notre rapport à la notion de pays non pas dans des « exclusives nationalistes ou des indivisibilités républicaines », mais dans une « intensification tous azimuts de nos systèmes relationnels ». Il plaide pour une ouverture totale : une mobilité accrue, un multilinguisme babélique, un abandon des normes centrées, et la création de partenariats trans-mondiaux.

Pour Chamoiseau, la clé réside dans l’intensification des relations – la création de ponts plutôt que de murs, l’ouverture vers l’extérieur plutôt que l’enfermement. Tout cela, dit-il, suppose une « entrée en responsabilisation post-capitaliste » pour tous.

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La mort d’un écrivain insolite : Pierre Alferi

L’univers littéraire a subi une perte douloureuse en ce 17 août, avec l’annonce du décès de Pierre Alferi, un écrivain aux multiples facettes, à l’âge de 60 ans. Poète, romancier, essayiste, traducteur, et même peintre, Alferi était reconnu pour sa singularité au sein de la littérature contemporaine française. Cette nouvelle, communiquée par les éditions P.O.L, a été accueillie avec une profonde tristesse par la communauté littéraire. Toutefois, les circonstances exactes de son décès n’ont pas été rendues publiques.

Né le 10 avril 1963 à Paris, Pierre Alferi était le fils de deux personnalités éminentes : le philosophe Jacques Derrida et la psychanalyste Marguerite Aucouturier. Sa formation initiale l’a conduit à l’École normale supérieure, où il a approfondi ses connaissances en philosophie. Cependant, son parcours l’a rapidement orienté vers la poésie, un terrain sur lequel il allait laisser une empreinte indélébile.

L’une de ses premières entreprises littéraires significatives fut la fondation de la revue « Détail » en 1989, aux côtés de la photographe et poétesse Suzanne Doppelt. Cela marqua le début de sa quête de partage créatif et d’exploration artistique pluridisciplinaire.

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À propos du  » Liv inik an kreyòl »

Entrevue exclusive avec Jean-Claude François

Le LIV INIK AN KREYÒL et la problématique des outils didactiques

en langue créole dans l’École haïtienne

—Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

L’annonce du ministère de l’Éducation nationale relative au LIV INIK AN KREYÒL qui devait être introduit à la mi-juin 2023 dans les écoles du pays à hauteur de 1 million d’exemplaires à distribuer gratuitement a retenu l’attention des directeurs d’écoles et des enseignants. S’il est éventuellement avéré –comme le soutiennent plusieurs directeurs d’écoles et nombre d’enseignants–, que la diffusion massive du LIV INIK AN KREYÒL n’a pas encore débuté au début du mois d’août 2023, de nombreuses questions demeurent ouvertes. D’abord en quoi consiste le LIV INIK AN KREYÒL ? À quels objectifs pédagogiques doit-il répondre ? Par qui a-t-il été élaboré et édité ? Les organisations professionnelles d’enseignants ont-elles été associées à la conception de ce nouvel outil pédagogique ? L’expertise de l’École normale supérieure et de la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti a-t-elle été sollicitée à l’étape de la conceptualisation et de la validation du LIV INIK AN KREYÒL ?

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« L’animal en moi » & « Man Dengue »

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

L’animal en moi

L’animal en moi pleure
sur l’immense gâchis
de l’homme sur la Terre,
sur cet Éden perdu
par trop de connaissance,
trop peu de connivence,
tout comme ainsi l’on pleure
sur la belle innocence
oubliée de l’enfance…

Cette terre arrosée
plus que copieusement
de larmes, sueur et sang,
engraissée d’ossements
depuis aussi longtemps,
n’est pas moins nourricière
mais pour combien de temps ?

Va-t-elle résister
ou, ce dont j’ai bien peur,
va-t-elle rejeter
l’humain profanateur,
retrouvant l’harmonie,
tout ce qu’il a détruit
par orgueil et mépris ?

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Gran-nonm… Ti-bolonm

— Par Daniel M. Berté —

An gran-nonm ka gadé
An ti-bolonm jòdi
Asiz douvan télé
Ki ni portab tablet
Ka jwé épi manet
Epi i ka sonjé…

Sé an ti-bolonm nwè
Ka pran an sak bwano
Dé branch an pié kalbas
Nich-poulbwa ek fey-bwa
Pou pé fè an kalen
Pou sa péché kribich

Sé menm ti-bolonm-la
Ka kouri bò ragon
Eti bétjé matjé
“Prendre une canne c’est voler”
Pou’y sa rédi dé kann
Pou’y fè an bel siro

Sé ti-bolonm nwè-a
Ka trasé an-kanpan’y
Pou sa tjwiyi griyav
Zikak épi tjénet
Prin-sitè ek mango
Pou’y pé sa plen bouden’y

Sé ti-bolonm-tala
Adan lakou lékol
Ki ka fè zwel-séré
An foutbol-friyapen
Soté an kod-mawo
Jwé tek épi bloksek

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« Le médecin de Cape Town » d’ E. J. Levy, un roman de genre… Libre !

« La métamorphose d’une identité : l’extraordinaire histoire de Margaret/James »

Enseignante et nouvelliste, E.J. Levy fait une entrée fracassante en littérature avec cette formidable aventure romanesque, amoureuse et féministe. Son héroïne a réellement existé jadis, sous les traits du Dr James Miranda Barry, et on l’imagine aisément se réincarner sur grand écran.

C’est l’histoire fascinante de Margaret Brackley, une jeune irlandaise née au XIXe siècle, qui se démarque au sein d’une époque et d’une société limitant les opportunités des femmes. Animée par une détermination et une intelligence remarquables, Margaret fait un choix audacieux en se métamorphosant en homme pour réaliser sa passion médicale et ses aspirations profondes.

Face aux normes restrictives de la société et aux attentes conventionnelles de sa famille, Margaret adopte l’identité de James Barry, un médecin militaire renommé. Le général vénézuélien Mirandus joue un rôle central en l’aidant à obtenir une éducation médicale et à accéder à des opportunités traditionnellement réservées aux hommes. Grâce à cette transformation, Margaret/James peut finalement embrasser sa passion pour la médecine. Sa double identité devient le reflet de sa quête pour l’égalité des sexes et sa recherche d’accomplissement personnel.

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L’écriture de la nature ou le texte vivant

Hannes De Vriese s’entretient avec Patrick Chamoiseau

Docteur en littérature française (Université de Toulouse et Ghent University), Hannes De Vriese a enseigné la langue et la littérature dans le second degré et dans l’enseignement supérieur (Universités de Toulouse et de Montpellier). Dans le cadre de ses travaux de recherche, il s’intéresse à la représentation de la nature et du paysage dans la littérature contemporaine, selon une perspective écopoétique et écocritique, et a publié des articles sur plusieurs auteurs, parmi lesquels Claude Simon, Patrick Chamoiseau, Jean-Philippe Toussaint, Sylvain Tesson ou Jean-Loup Trassard. Il s’intéresse également à la pédagogie et au système éducatif et assure actuellement les fonctions d’inspecteur de l’Éducation nationale dans le département du Gers. Il s’entreteient ici avec Patrick Chamoiseau.

Hannes De Vriese

La quatrième de couverture des Neuf consciences du Malfini présente ce texte comme une fable “qui s’empare de la conscience écologique”. Une telle remarque ne pourrait-elle pas s’appliquer à la plupart de vos textes, à Texaco, à Biblique des derniers gestes, au Papillon et la lumière ou encore à L’empreinte à Crusoé, pour n’en nommer que quelques-uns ?

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Mort de Michela Murgia, romancière antifasciste et féministe

Michela Murgia, éminente romancière italienne, s’est éteinte le 10 août 2023 à l’âge de 51 ans, laissant derrière elle un héritage profondément ancré dans la littérature, le féminisme et l’engagement politique. Originaire de Cabras, en Sardaigne, Murgia a marqué la scène culturelle italienne contemporaine grâce à son extraordinaire capacité à aborder des questions sociales et politiques à travers des récits captivants. Son départ a laissé un vide irréparable dans le paysage littéraire italien et dans les débats publics.

Militante féministe de premier plan, Murgia a utilisé son écriture pour dénoncer activement la résurgence du fascisme en Italie et pour promouvoir l’égalité des sexes et les droits civiques. Elle a débuté avec le roman « Le Monde doit savoir » (2006), qui avec sarcasme, relate les vicissitudes d’une télévendeuse précaire travaillant dans un centre d’appels. Son engagement en faveur de l’égalité des sexes s’est poursuivi avec « Ave Mary. E la chiesa inventò la donna » (2011), une réflexion sur le rôle des femmes dans la religion catholique.

L’un de ses accomplissements les plus marquants est « Accabadora » (2011), un roman qui s’inscrit dans la Sardaigne archaïque des années cinquante et explore l’euthanasie clandestine et le thème de l’adoption.

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Playdoyer pour les deux langues officielles en Haïti

Playdoyerpour l’aménagement simultatné, dans l’école haïtienne, des deux langues officielles d’Haîti conformément à la Constitution de 1987

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

« On ne peut plus écrire son paysage ni écrire sa propre langue de manière monolingue. Par conséquent, les gens qui, comme par exemple les Américains, les États-Uniens, n’imaginent pas la problématique des langues, n’imaginent même pas le monde. Certains défenseurs du créole sont complètement fermés à cette problématique. Ils veulent défendre le créole de manière monolingue, à la manière de ceux qui les ont opprimés linguistiquement. Ils héritent de ce monolinguisme sectaire et ils défendent leur langue à mon avis d’une mauvaise manière. Ma position sur la question est qu’on ne sauvera pas une langue dans un pays en laissant tomber les autres. » (Lise Gauvin : « L’imaginaire des langues – Entretien avec Édouard Glissant », revue Études françaises, 28, 2/3, 1992 – 1993, Presses de l’Université de Montréal, 1993.)

Le directeur d’une école secondaire du Cap-Haïtien a récemment demandé par courriel s’il ne vaudrait pas mieux « donner la priorité, dans les échanges et les débats publics, à la résolution des problèmes prioritaires et urgents du pays plutôt que de discuter d’aménagement linguistique dans les écoles d’Haïti ».

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« Osyssée » & « Oasis »

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

Odyssée

Vaisseau de pierre à la dérive,
flottant sur un océan d’argile
en quête d’une terre d’asile
qui jamais ne fut promise,
seulement espérée
de toute la force de mon âme inquiète,
la certitude ici n’est point de mise…

Sans boussole ni repère d’étoiles,
sans gouverne et sans voile
ne craignant pas les vents
quelle qu’en soit la provenance,
je roule, tangue et danse
au gré des houles
mais je m’en balance…

Et tant pis si je coule,
peu importe que je meure ou vive,
que j’atteigne ou non l’autre rive
il faut juste ne jamais cesser d’essayer !

Oasis

Dans la solitude vide
du vaste désert aride
où depuis trop longtemps j’erre
et où mon âme se perd,

en proie à tous les mirages
comme l’un de ces rois mages
en quête de leur étoile
quand même le ciel se voile,

tu es mon oasis,
toi, mon histoire d’eau,
ma fraîcheur, mon repos,
source jamais tarie

où mes lèvres desséchées
boivent un salutaire oubli
des ennuis de cette vie
et celle qui assouvit

ma très grande soif d’amour
en faisant de chaque jour
un conte de mille une nuits
que l’on raconte à l’infini…

Patrick MATHELIÉ-GUINLET

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Nicole Cage et la carte poétique de sa Madinina

— Par Sara Florian(*) —

Nicole Cage. Carrefour des Errances. Crossroads of Wanderings. Où Irait Mon Cri? Where Would Go My Cry? Trans. Kemadjou Njanke Marcel & Jeff Florentiny. Editions Livre Ouvert, Cameroun et Cimarrón EdiProd, Martinique. 2018.

Lire ce recueil de poésie, c’est comme écouter une chanson, parfois une douloureuse complainte des esclavisés africains, parfois une berceuse douce chuchotée à l’oreille du lecteur. Madinina, l’île de Nicole Cage a été métamorphosée par la poétesse martiniquaise de topos littéraire féminin et sensuel à une dimension cathartique à la fois personnelle et collective. Le territoire végétal, enlacé entre sa nature volcanique et la mer, constitue l’arrière-plan à partir duquel l’écrivaine a exprimé les préoccupations d’un peuple et les souffrances liées à l’amour, comme elle le dépeint ici : “Volcan solitaire en mal d’amour” (45).

Près de trois ans après l’éruption du volcan Soufrière sur l’île de Saint-Vincent, on ne peut que se souvenir de l’éruption volcanique de la montagne Pelée en 1902, un événement qui a bouleversé l’histoire de la Martinique. Nicole Cage dans son poème ‘Quand parlent les volcans’, imagine que ce repère de l’île a explosé en raison d’un mal d’amour.

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Le créole face aux  » créolistes » fondamantaliste

L’aménagement du créole dans l’école haïtienne à l’épreuve des errements épistémologiques des « créolistes » fondamentalistes

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Épistémologie / 1. « Étude critique des sciences, destinée à déterminer leur origine logique, leur valeur et leur portée (théorie de la connaissance). » 2. « Théorie de la connaissance ; étude de la constitution des connaissances valables » (Piaget). » (Dictionnaire Le Robert) 

Épistémologique / Relatif à l’épistémologie. (Ibidem) 

« (…) il n’est pas de production de connaissance robuste et fiable hors du collectif de scientifiques qui s’intéressent aux mêmes objets, faits et questions. La connaissance scientifique doit être mise à l’épreuve et vérifiée par des collègues ou pairs compétents, à savoir ceux qui sont préoccupés par les mêmes questions ou sont pour le moins familiers de la démarche scientifique concernant la matière spécifique (…). »

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Hissant les couleurs… Like : a Rolling Stone

— Patrick Mathelié-Guinlet —

“Like” : a Rollling Stone…

Pour un “like” de plus,
prêt à tous les mensonges
car le nombre de vues
de ceux qui vont te suivre
est un mal qui te ronge…

Pour un “like” de plus,
un frelaté “je t’aime”,
t’es même plus toi-même !
Addiction qui rend ivre :
sans ça tu ne peux vivre…

Tu ne sais même plus
qui tu es dans le fond :
l’image fabriquée
a d’un coup remplacé
toute réalité !

Comptent seuls à tes yeux
tous ces pouces levés
qui font de toi un dieu…
Sache que l’opinion
est vite versatile

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Plaidoyer pour une lexicographie créole de haute qualité scientifique, citoyenne et rassembleuse

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

À la mémoire de Pradel Pompilus,

pionnier de la lexicographie créole contemporaine et auteur, en 1958, du premier « Lexique créole-français » (Université de Paris).

À la mémoire de Pierre Vernet, fondateur de la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti et précurseur du partenariat créole-français en Haïti.

À la mémoire d’André Vilaire Chery, rigoureux éclaireur de la lexicographie haïtienne contemporaine et auteur du « Dictionnaire de l’évolution du vocabulaire français en Haïti » (tomes 1 et 2, Éditions Édutex, 2000 et 2002).

L’objet de ce « Plaidoyer pour une lexicographie créole de haute qualité scientifique, citoyenne et rassembleuse » est d’exposer, pour le lecteur non-linguiste et de manière analytique, les caractéristiques d’une lexicographie créole de haute qualité scientifique (son projet, ses cibles, sa méthodologie, ses liens avec l’aménagement linguistique en Haïti ainsi que son indispensable apport à l’usage de la langue maternelle créole dans l’École haïtienne). Il est utile en amont de préciser, afin d’apporter un éclairage notionnel à notre propos, que « La lexicographie est la branche de la linguistique appliquée qui a pour objet d’observer, de recueillir, de choisir et de décrire les unités lexicales d’une langue et les interactions qui s’exercent entre elles.

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Haïti : l’amènagement du créole à l’épreuve de l’amateurisme et du « showbiz »

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

L’aménagement du créole dans l’École haïtienne à l’épreuve de l’amateurisme et du « showbiz » cosmétique du ministère de l’Éducation nationale

L’année scolaire 2022-2023 s’est achevée en Haïti sur le constat très largement partagé entre les parents d’élèves, les directeurs d’écoles et les enseignants : l’échec est flagrant à tous les niveaux dans l’École haïtienne. Un tel constat confirme la réalité qu’un grand nombre d’écoles privées (80% de l’offre scolaire) et d’écoles publiques (20% de l’offre scolaire), –elles forment le dispositif institutionnel d’un système scolaire très largement défaillant et reproducteur d’inégalités sociales–, est aux abois et que ces écoles éprouvent d’énormes difficultés à accomplir leur mission éducative. En 2022-2023, le système scolaire haïtien s’est encore fortement dégradé, des écoles ont dû fermer les portes, l’État n’arrive toujours pas à verser régulièrement leur maigre salaire aux professeurs du secteur public, nombre d’enseignants sont pris dans la spirale de la migration-sauve-qui-peut à destination des États-Unis et du Canada, tandis que les parents et les directeurs d’écoles sont systématiquement « rakettés » par les gangs armés qui, sous le regard complaisant voire complice du Core Group et du gouvernement illégal et inconstitutionnel d’Ariel Henry, contrôlent de larges portions du territoire national.

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Krazman

— Par Daniel M. Berté —

Ki malè latè ka péyé
Kanada jòdi pri-difé
Koré-di-sid li ka néyé
Konsi lanati détratjé

Kisa ka fè latè vin fol
Konsidiré i ped kontrol
Ka fè labankiz fonn o pol
Ka fè’y jwé an si mové rol

Kou latè za pran an plim fal
Kalamité za ka ba’y bal
Katastrof ka suiv an pagal
Kriz ka suiv kriz an gran rafal

Koz latitid lé zabitan
Koupé-raché fet san manman
Krim ki fet dépi si lontan
Klima vin chanjé atjolman

Krizman ka vini pli frékan
Krazé-brizé pres permanan
Kalot latè ka pran souvan
Kan lé zéléman an mouvman

Kisa ki fo fè aprézan
Konsians sitiyasion a pran
Konprann ki fo pa nou ped tan
Kolé kò pou rété krazman

Daniel M. Berté 160723

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FAIRE-PAYS, Éloge de la responsabilisation », Patrick Chamoiseau

Nous, de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion ; gens d’ailleurs et de tous les côtés ; acteurs d’associations ou d’organismes non étatiques ; membres de la société civile ; professionnels de l’éducation, de la santé, de la recherche, de l’information, de la prospective, de la coopération internationale ; pratiquants du travail social, des arts, des lettres, du numérique, de la culture…, considérons que le monde d’aujourd’hui est une alchimie de civilisations, de cultures et d’individus ; qu’il résulte de la traite des Africains, des esclavages du Nouveau Monde et du système des plantations, des grandes guerres européennes et de leurs conséquences, du colonialisme en ses méfaits et de son extension capitaliste planétaire ;
que de cette alchimie ont surgi des peuples-nations demeurés indéchiffrables aux clairvoyances des décolonisations ; que ces peuples nouveaux se sont vus embarqués dans des fictions territoriales, identitaires, historiques et culturelles qui n’étaient pas les leurs ; que ces peuples sont demeurés hors d’atteinte, souvent de leur propre conscience, toujours de la conscience de ceux qui les régentent encore ;
que les insuffisances des décolonisations ont favorisé des Etats-nations souverains, antagonistes, compétitifs, dans un dogme de libéralisme économique où la liberté ne concerne que les marchandises, les capitaux et les lois du profit, cela au détriment de l’humain, du vivant, de la planète en son entier ;

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Noria, exposition collective pour les 110 ans de la naissance d’Aimé Césaire

Jusqu’au 31 août 2023 au Centre culturel Tangamen, sur le site de Gradis à Basse-Pointe

— Par Jean-Marc Terrine, Commissaire d’exposition —

La ville de Basse Pointe ouvre une ronde culturelle, en collaboration avec la Collectivité Territoriale de Martinique, dans le cadre de la célébration des 110 ans de naissance du poète de la blessure sacrée. Les arts visuels sont de la fête avec une exposition collective autour de six plasticiens martiniquais.

Des formes et des couleurs pour émerveiller le poète.

En effet, Aimé CÉSAIRE n’aimait pas les concepts, ni la raison folle des Lumières et sa langue qui enferme. Corset tricoté, étriqué du signe et du sens qui parlent sans dire. Poète plutôt sensible aux images et au langage polysémique qui chante l’imaginaire : le rythme-flux et les métaphores, l’antipoésie.

Alors, pour célébrer les 110 ans d’enfantement du poète dans sa terre de Basse Pointe, qu’Aimé Eyma tant, une exposition d’art et d’expression du visible et de l’invisible, ne pouvait être que le meilleur cadeau.

Les artistes Catherine CÉSAIRE, Norville GUIROUARD-AIZÉE, René LOUISE, Maïmé MASSOL, Christophe MERT et Ricardo OZIER-LAFONTAINE sont là, avec leurs œuvres.

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Un 14 juillet en pétard mais j’ai rêvé que mon île pourrait se défiler

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —
J’ai rêvé que mon île, larguant la longue et lourde chaîne qui l’ancre à ce continent européen avec lequel elle n’a rien en commun si ce n’est un usage de la langue coloniale,

partait à la dérive au mitan du vaste océan, loin du bruit et de la fureur de ce théâtre qu’est le monde actuel et de la mauvaise tragi-comédie qui s’y joue…

J’ai rêvé que sur mon île on ne se préoccupait plus que du chant des oiseaux, du gazouillis des poètes et musiciens, de la luxuriante beauté des fleurs et paysages, d’amour fraternel et de chaleur humaine, bref de faire de cette vie la fête perpétuelle qu’elle devrait être, n’en déplaise aux contempteurs moralistes de tout poil politique, sanitaire ou religieux !

J’ai rêvé que sur ce paradis tropical on vivait de l’abondance des cadeaux de la Terre-Mère qu’on respecterait et cesserait d’empoisonner, dans le partage, l’amour et la libération de l’esclavage de l’argent en l’absence de tout besoin.

On peut me taxer d’irréalisme ou d’isolationnisme mais je désire seulement que mon île soit un asile, non de fous, mais pour tous ces rêveurs d’utopie du bonheur qui y vivent :

île oasis de paix et de joie au milieu du désert, à l’écart d’un monde devenu fou de haine, de peur et d’oppression,

île flottante au milieu d’un dessert de délices sucrés…

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Pour Milan Kundera

— Par Patrick Chamoiseau —

Kundera
La survie des petites nations gît tout entière, c’est vrai, dans l‘éclat de leur art, le lucide de leur rire, l’aérien des vérités qui dansent ; seulement, leurs géographies sont inconnues des cartographes.

Elles sont faites de rencontres.
D’expériences infinies, d’exils qui enracinent, de langues restées vivantes dans le jeu même des autres langues. Elles vont aux formes ouvertes, aux matières sans candeur, aux forces qui lèvent les insolites du vivre et la beauté d’une autre vision du monde. La nôtre, Martinique, que tu as vue avec grand soin, te fait ici, le signe de l’amitié : c’est geste ancien, tigé de l’algèbre d’un pouvoir.

Bien des choses ont changé au Diamant, mais tout ce qui s’y trouve de fidèle, d’immobile, de belle poussière inaltérable, de vagues et d’écume tiède, se souvient.

Milan
Ici, celui qui tient le verbe au jaillissement des sources, ne sait rien du roman ; juste le fleuve de la parole qui habille les nuits et désarme les jours ; juste la lumière sans flambeau qui questionne et qui n’impose rien ; juste la danse la musique et le rire qui réinventent l’antique complexité du vol des papillons.

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« Les défis contemporains de la traduction et de la lexicographie créole en Haïti »

Appel à contribution pour l’élaboration d’un livre collectif sur la traduction et la lexicographie créole : Document de projet

—Par  Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue

  1. Contexte général et problématique 

    1. De la traduction créole

L’observation de terrain, a minima, indique qu’en matière de traduction vers le créole l’on est passé en Haïti, au cours des cinquante dernières années, d’une tradition généraliste autodidacte, principalement littéraire et religieuse (fables, contes, textes bibliques, chants liturgiques, prédication), à une traduction plus technique, davantage diversifiée et spécialisée notamment en raison de la prolifération des ONG et des agences de coopération internationale présentes dans l’espace national. Jusqu’ici la problématique de la traduction en créole haïtien n’a pas fait l’objet de travaux de recherche universitaires approfondis, ni de mémoires de maîtrise, ni de thèses de doctorat, et encore moins d’ouvrages traitant de ce sujet. De manière générale, cette problématique est peu ou mal connue, et ce qui a prévalu jusqu’à une période pas trop lointaine s’apparente à un champ de travail au sein duquel prévalait la bonne vieille méthode de la « version » traductionnelle.

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