Nicole Cage et la carte poétique de sa Madinina

— Par Sara Florian(*) —

Nicole Cage. Carrefour des Errances. Crossroads of Wanderings. Où Irait Mon Cri? Where Would Go My Cry? Trans. Kemadjou Njanke Marcel & Jeff Florentiny. Editions Livre Ouvert, Cameroun et Cimarrón EdiProd, Martinique. 2018.

Lire ce recueil de poésie, c’est comme écouter une chanson, parfois une douloureuse complainte des esclavisés africains, parfois une berceuse douce chuchotée à l’oreille du lecteur. Madinina, l’île de Nicole Cage a été métamorphosée par la poétesse martiniquaise de topos littéraire féminin et sensuel à une dimension cathartique à la fois personnelle et collective. Le territoire végétal, enlacé entre sa nature volcanique et la mer, constitue l’arrière-plan à partir duquel l’écrivaine a exprimé les préoccupations d’un peuple et les souffrances liées à l’amour, comme elle le dépeint ici : “Volcan solitaire en mal d’amour” (45).

Près de trois ans après l’éruption du volcan Soufrière sur l’île de Saint-Vincent, on ne peut que se souvenir de l’éruption volcanique de la montagne Pelée en 1902, un événement qui a bouleversé l’histoire de la Martinique. Nicole Cage dans son poème ‘Quand parlent les volcans’, imagine que ce repère de l’île a explosé en raison d’un mal d’amour. Donc l’île agit et réagit depuis l’espace de son cœur de lave, ses poumons de vallées, ses pieds d’eau. L’écrivaine martiniquaise, également auteure de théâtre, de romans et de nouvelles, s’inspire de la géographie et de l’histoire de son pays natal dans son recueil de poésie bilingue Carrefour des Errances.

Imaginons de déplier une carte ancienne et de tracer les routes des navires négriers : on trouvera la Martinique au cœur d’une triangulation qui inclut l’Europe, l’Afrique et les Caraïbes. Grâce à cette carte la poétesse visite tous les trois points, même si la boussole est perdue : “Boussole brisée / Lumières du Phare éteintes / Nos barques en perdition” (58), parce que le cri devient une voix étouffée : “Un pays sans boussole / Perdu sans ta parole” (71). Elle définit son île “Pas encore un pays” (33) : en se référant au statut de DOM, Cage établit un parallèle entre l’histoire étouffée de la Martinique “[son] histoire étranglée” (‘Carrefour’, 14) et celle des autres îles antillaises (‘Je suis d’îles’, 23) et les « DOM-TOM » dans l’Océan Indien ou l’Océan Pacifique. Sur la même carte, les navires des esclaves sont devenus des vaisseaux pirates et se manifestent aujourd’hui sous forme de paquebots, qui jusqu’avant le Covid transportaient les croisiéristes.

Historiquement, la douceur des cannes à sucre se transforme en amertume du fait de l’horreur de l’histoire esclavagiste : chaque esclave arraché à l’Afrique comme les racines d’une plante, souvent dans l’impossibilité de se reconnecter avec elle-même ou lui-même dans un endroit étranger, une maison imposée, un exile perpétuel, forcé, en rendant “Ces îles amères, saveur douceâtre de canne à sucre” (23). Toutefois, certains grains se sont épanouis autour d’un oxymore paradoxal de l’histoire et malgré “le vent le sel et le temps” (85). En effet, en rappelant la poétique d’Édouard Glissant, Cage a écrit le poème ‘De terre-mer-mangrove’, vers parsemés des éléments de l’écosystème des mangroves, avec “moustiques”, “palétuviers / Et kayalis didines gangans à la voix rauque et carouges et / arrogant hérons at zagayas et sémafòt (…) et mexiliens” (29). D’un autre côté, dans le poème ‘Je serai d’ici’ on trouve “le Fromager” (51) et les “anolis” (51), celui-là étant un arbre séculaire, ceux-ci étant des lézards endémiques, qui évoquent probablement l’étymologie toponymique de l’île. Le lexique spécifique de la faune et de la flore que la poétesse utilise contextualise son message de douleur et d’espérance, esquissé avec des nuances plus marquées : bleu, azur, turquoise, ocre, rouge dans les poèmes ‘Carrefour’ et dans ‘D’ici, je suis’ on retrouve les couleurs du ciel, de la mer, de la terre et du sang, et aussi de l’esclavage qui a sévi de 1636 à 1848.

Dans “Où irait mon cri ? (Paroles pour Aimé Césaire)”, la deuxième partie du livre, on peut respirer un rythme différent. La carte nautique est perdue mais la direction poétique a été trouvée : c’est celle des ancêtres, en vertu de laquelle Cage devient bibliquement “Enfant prodigue” (75), en suivant les empreintes de l’auteur martiniquais Aimé Césaire puis celles du poète et griot sénégalais Birago Diop. À travers ses poèmes elle souhaite désormais respirer “Le souffle de l’Ancêtre” (58), en conversant méta-historiquement et méta-littérairement avec deux promoteurs du mouvement de la Négritude. Finalement, la géographie, l’histoire, la littérature se mélangent dans une oraison d’espérance dans le poème “Où irait mon cri ?” : l’angoisse des femmes violées par l’égarement des colonisateurs se cache dans les anses et recoins de l’île, cherchant réconfort par la grâce de la poésie : “Père / (…) Où iraient mes larmes / Si ce n’est à l’océan immense de ta tendresse (…) ?” (79).

Mini bio:

Sara Florian a obtenu un doctorat en philologie moderne en Italie et la même année elle a terminé un post-doctorat à Singapour. Ses critiques, essais, poèmes et nouvelles ont été publiés dans World Literature Today, Caribbean Quarterly, The Caribbean Writer, The Jamaica Observer, et d’autres revues. A Singapour, elle a écrit des librettos d’opéra. Son premier roman bilingue auto-traduit s’intitulait Luce/Light (2010 ; 2014). Ses poèmes ont été primés au Festival de poésie de Singapour – Catharsis en 2019, en 2020 et en 2021. Elle a présenté aussi ses vers au Festival International de Poésie à Medellín (Colombie) et au Salon du Livre de Saint-Martin. House of Nehesi Publishers a publié deux de ses livres : une étude de littérature comparée, Caribbean Counterpoint: The Aesthetics of Salt in Lasana Sekou (2019), et son premier recueil de poésies, Crevices (2023). Caribbean Counterpoint II va paraître. Site : https://s4r4fl0ri4n.wixsite.com/my-site

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News Release

Crevices by Sara Florian, “a passport into many worlds” of “savagery” and musical aspects of life

ST. MARTIN, Caribbean (2023)—Crevices by Sara Florian is a new poetry book that is as much about “savagery” as it is “musical,” said Jacqueline Sample, president of House of Nehesi Publishers (HNP).

Crevices was just published here by HNP and is available for everywhere at SPDbooks.org. Florian, an Italian writer, and Caribbean literary scholar, teaches at the National University of Singapore (NUS).

Revealed through her emigrant eyes—the Caribbean, USA, Stockholm, Brussels, Paris, Barcelona, Hội An, Venice, Australia, Singapore—poems lift off the pages” in Florian’s Crevices, said Australian author Geoff Goodfellow.

Sara does not shy away from writing movingly of the violence and savagery that is so often caught in life’s crevices,” said Goodfellow, himself a legendary, no holds barred performance poet.

The 96-page collection could also remind us of something else. “Sometimes, a book comes along that rides you back to that wonder, wandering moment when you first fell in love with poetry. … Crevices is such a book,” said Singaporean poet Felix Cheong.

The award-winning Cheong sees Florian’s debut volume as “a passport into many worlds – mythical, mysterious, mystical, and above all, musical,” with keen “attention to sound, as much as meaning and form.”

Sara Florian holds a doctorate in modern philology from Ca’ Foscari University, Italy. She studied literature and criticism at Singapore Management University and at The University of the West Indies research facilities in Jamaica, Trinidad, and Barbados.

Florian has been a guest author at St. Martin Book Fair and the International Poetry Festival of Medellín. Her writings have appeared in World Literature Today, The Sunday Gleaner, Prometeo, The Caribbean Writer, and Tripwire.

Florian’s work has been reviewed in La Nuova, Italy; Nouvelles Semaine, Guadeloupe; Kaieteur News, Guyana; 103rd Meridian East, Singapore/Russia; and The Straits Times, Singapore.

While teaching Italian at NUS, Florian wrote librettos for operas, and her poetry was shortlisted for Catharsis – Poetry Festival Singapore. Caribbean Counterpoint: The Aesthetics of Salt in Lasana Sekou is her critical study on contemporary Caribbean literature.

Caption: Crevices by Sara Florian (Italy/Singapore), new poetry book from House of Nehesi Publishers (HNP).

Crevices
Sara Florian, PhD

Pub Date:6/1/2023
Publisher: House of Nehesi Publishers
Product Number:9798985040142
ISBN979-8-985040-14-2
SKU #: D11A

Binding:PAPERBACK
Pages:96
Weight0 lbs.6 oz.
Quantity Available: 39

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Description Links & Reviews Author Bio

« It is as easy to slip into a crevice as it is to slip into the erudite poems of Sara Florian … revealed through her emigrant eyes—the Caribbean, USA, Stockholm, Brussels, Paris, Barcelona, Hộ ội An, Venice, Australia, Singapore—poems lift off the pages. Sara does not shy away from writing movingly of the violence and savagery that is so often caught in life’s crevices. Hers is an important voice. » – Geoff Goodfellow, poet, author, Australia

« Sometimes, a book comes along that rides you back to that wonder, wandering moment when you first fell in love with poetry. … CREVICES is such a book. And like the best poetry volumes, it is a passport into many worlds – mythical, mysterious, mystical, and above all, musical. That Sara Florian’s gift is in her attention to sound, as much as meaning and form, is without doubt. » – Felix Cheong, Young Artist Award recipient, Singapore

Poetry. Women’s Studies.

Pub Date:6/1/2023
Publisher: House of Nehesi Publishers
Product Number:9798985040142
ISBN979-8-985040-14-2
SKU #: D11A

Binding:PAPERBACK
Pages:96
Weight0 lbs.6 oz.
Quantity Available: 3

Contact
Jacqueline A. Sample, HNP
nehesi@sintmaarten.net
Sara Florian, PhD, author
saraflorian@gmail.com
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Caribbean
T. (721) 553-8078
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