Le créole face aux  » créolistes » fondamantaliste

L’aménagement du créole dans l’école haïtienne à l’épreuve des errements épistémologiques des « créolistes » fondamentalistes

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Épistémologie / 1. « Étude critique des sciences, destinée à déterminer leur origine logique, leur valeur et leur portée (théorie de la connaissance). » 2. « Théorie de la connaissance ; étude de la constitution des connaissances valables » (Piaget). » (Dictionnaire Le Robert) 

Épistémologique / Relatif à l’épistémologie. (Ibidem) 

« (…) il n’est pas de production de connaissance robuste et fiable hors du collectif de scientifiques qui s’intéressent aux mêmes objets, faits et questions. La connaissance scientifique doit être mise à l’épreuve et vérifiée par des collègues ou pairs compétents, à savoir ceux qui sont préoccupés par les mêmes questions ou sont pour le moins familiers de la démarche scientifique concernant la matière spécifique (…). »Les sciences et leurs problèmes : la fraude scientifique, un moyen de diversion ? », par Serge Gutwirth et Jenneke Christiaens, Revue interdisciplinaire d’études juridiques 2015/1 (Volume 74.)

À la suite de la publication en Haïti et aux États-Unis de mes deux articles traitant de la lexicographie créole et de l’aménagement du créole dans l’École haïtienne –« Plaidoyer pour une lexicographie créole de haute qualité scientifique, citoyenne et rassembleuse » (AlterPresse, 25 juillet 2023), et « L’aménagement du créole dans l’École haïtienne à l’épreuve de l’amateurisme et du « showbiz » cosmétique du ministère de l’éducation nationale » (Rezonòdwès, 19 juillet 2023)–, des étudiants de la Faculté des sciences humaines de l’Université d’État d’Haïti ont explicitement formulé le souhait d’obtenir un éclairage supplémentaire sur la nécessité et la pertinence du débat public sur la lexicographie créole en lien avec l’aménagement du créole dans l’École haïtienne. Le présent article fournit l’éclairage demandé dans une perspective ouverte et rassembleuse en exposant de manière documentée des réponses adéquates aux questions posées par ces étudiants.

En amont de cet article, il est nécessaire de préciser que le débat d’idées, la confrontation publique des idées ne doit en aucun cas être assimilé ou réduit à un « jouman », à un « chire pit » ou à des attaques et insultes personnelles. Dans un pays, Haïti, qui a connu ces dernières années une accélération de la perte des repères historiques de la citoyenneté conjoint au relatif reflux de la pensée critique, il faut prendre toute la mesure des exigences d’une éthique du débat d’idées qui interdit l’usage de l’injure, de l’exécration et de l’insulte dans la confrontation publique des idées. Professeur titulaire au Département d’information et de communication de l’Université Laval, Gilles Gauthier expose comme suit, dans une étude fort pertinente sur la « méséthicisation » du débat public, le dispositif et les enjeux de l’éthique du débat d’idées : « ­L’hypothèse mise en avant est que cette méséthicisation résulte d’une carence argumentative. Elle est examinée à propos de la qualification éthique donnée à des questions en débat et du recours à des justifications morales dans la défense de positions qu’elles soient non évaluatives, non morales ou morales. Une démonstration est développée qui fait ressortir la déficience du point de vue argumentatif de chacun de ces usages de l’éthique dans le débat public » (Gilles Gauthier : « Éthique et rationalité. La méséthicisation du débat public », Revue française d’éthique appliquée, 2029/1, no 7).

Le débat d’idées est le lieu du libre exercice du droit à la liberté d’expression que garantit la Constitution de 1987 et ce droit s’apparie à l’ensemble des droits citoyens consignés dans notre charte fondamentale. Sur le registre du débat public, il est utile de rappeler que l’histoire des idées en Haïti est riche d’enseignements légués par des intellectuels haïtiens de premier plan. En voici quelques exemples

(1) La résistance des intellectuels face à l’occupation américaine de 1915 : « (…) dès le 10 août 1915, à l’appel de Georges Sylvain, ancien ministre plénipotentiaire à Paris et avocat du barreau de Port-au-Prince, un groupe d’Haïtiens hostiles à la présence des marines dans le pays – la plupart exerçant des professions libérales, fonda L’Union patriotique qui déclara se constituer pour combattre l’occupation et contribuer au recouvrement de la souveraineté nationale ». (…) En portant leurs idées sur la place publique, la résistance des intellectuels « donna lieu à la parution d’une pléiade de journaux d’opposition : La Patrie, Haïti intégrale, La Tribune, La Ligue, qui furent le fer de lance de ce bouillonnement d’idées anti-occupationnistes » (Sauveur Pierre Étienne : « L’énigme haïtienne. Échec de l’État moderne en Haïti », Presses de l’Université de Montréal, 2007). Parmi les devanciers qui ont mené le combat pour la reconnaissance du créole, il y a lieu de citer Auguste Magloire en 1915. Dans son livre « Les blancs débarquent – Premier écrasement du cacoisme » (1915, tome 3, Port-au-Prince, Imprimerie Le Natal, 1980, p. 198), Roger Gaillard cite ainsi Auguste Magloire : « Un peuple qui n’a pas de langue (…) n’est pas un peuple grand et indépendant. Il me fit part de son projet de créer une Académie haïtienne, pour la culture disciplinée du créole, et de quelques hautes adhésions qu’il avait déjà recueillies ».

(2) Le combat multifacette du médecin-ethnologue Jean Price-Mars, auteur du fameux « Ainsi parla l’oncle » [1928] réédité à Montréal en 2009 par Mémoire d’encrier sous le titre de « Ainsi parla l’oncle suivi de Revisiter l’oncle ». Bravant la dictature de François Duvalier qui a maintes fois tenté de l’instrumentaliser pour asseoir son idéologie raciste, le noirisme, Jean Price-Mars a pris l’énorme risque d’intervenir dans la confrontation publique des idées en publiant sa « Lettre ouverte au Dr René Piquion, directeur de l’École normale supérieure, sur son Manuel de la négritude » (Éditions des Antilles, 1967). Il est attesté que le dictateur François Duvalier s’est livré à une « obscurantisation » des notions de négritude et d’indigénisme et que, pour y parvenir, il a mis à son service les frères Paul et Jules Blanchet, l’autoproclamé « historien » Rony Gilot, laudateur de la dictature duvaliériste, l’idéologue noiriste-raciste René Piquion, Gérard Daumec, Clovis Désinor, le proto-nazi Gérard de Catalogne, admirateur de Pétain et de Maurras et responsable éditorial des « Œuvres essentielles » de François Duvalier.

(3) L’estocade portée par le romancier Jacques Roumain suite au déclenchement de la « campagne antisuperstitieuse » par la hiérarchie de l’Église catholique en guerre ouverte contre le vodou (voir son livre « À propos de la campagne antisuperstitieuse », Imprimerie de l’État, 1942). Les textes de débat public et les écrits politiques de Jacques Roumain sont rassemblés dans le monumental livre « Œuvres complètes » (Édition critique coordonnée par Léon-François Hoffmann, Nanterre, ALLCA/Paris Ediciones Unesco «Archivos» 58, 2003).

(4) Plus près de nous dans le temps, des journalistes et des intellectuels ont fait entendre « la voix des sans voix » dans le combat contre la dictature duvaliériste. Ils ont pris le risque énorme d’alimenter le débat d’idées dans le magazine Le Petit samedi soir (PSS) et sur les ondes de Radio Haïti inter (Moïse et Ollivier, 1992, p. 65, cité par Francisco Paulcéna dans son mémoire de maîtrise en sociologie soutenu en 2007 à l’Université du Québec à Montréal, « Le « mouvement populaire haïtien » des années 1980-1990 : pratiques et perspectives analytiques »).

(5) Dans son livre de référence « Entre savoir et démocratie – Les luttes de l’Union nationale des étudiants haïtiens sous le gouvernement de Duvalier » (Éditions Mémoire d’Encrier, 2010), l’économiste et historien Leslie Péan relate la parution du journal « Tribune des étudiants » dans lequel les jeunes universitaires, en lutte contre la dictature de François Duvalier, ont diffusé des idées de démocratie. L’UNEH (l’Union nationale des étudiants haïtiens) a été créée le 17 mai 1960 par la fédération de huit associations universitaires : A.D.E.N.A. (Agronomie) ; A.D.E.D. (Droit) ; A.D.E.N.S. (École normale supérieure) ; A.D.E.F.E. (Ethnologie) ; A.E.D.E.F.S. (Sciences) ; A.D.E.M.P. (Médecine et pharmacie) ; A.D.E.A.D. (Art dentaire) et A.D.E.E.N.H.E.I. (Hautes études internationales).

Le débat public stigmatisé à l’aune d’un épouvantail réducteur dénommé « polémique »

Dans la société haïtienne contemporaine, le débat d’idées, lieu du libre exercice du droit à la liberté d’expression que garantit la Constitution de 1987, est souvent refoulé sinon interdit au motif qu’il relève de la « polémique ». Le terme « polémique » (du grec πολεμικός / polêmikós, « qui concerne la guerre, belliqueux, querelleur ») est défini comme suit dans le dictionnaire Ortolang du Centre national de ressources textuelles et lexicales de France : « Subst. fém. Discussion, débat, controverse qui traduit de façon violente ou passionnée, et le plus souvent par écrit, des opinions contraires sur toutes espèces de sujets (politique, scientifique, littéraire, religieux, etc.) ; genre dont relèvent ces discussions ». Ces traits définitoires permettent de mieux comprendre la réticence voire la peur qu’inspire en Haïti le terme « polémique » stigmatisé à outrance chez nombre de personnes qui n’en retiennent que l’aspect « controverse » s’exprimant « de façon violente ou passionnée ». De la sorte, le terme « polémique » est perçu et réduit à une dimension uniquement péjorative (assimilée au « jouman » et au « chire pit ») au détriment de la dimension « discussion, débat, controverse » qui assure l’exposition des idées mises en débat. La dimension uniquement péjorative ainsi assignée au terme « polémique » alimente donc la peur du débat public et elle participe également du refoulé de l’esprit critique observable sur différents registres dans le corps social haïtien. L’expérience a démontré que la manière la plus constructive de maîtriser la « carence argumentative » examinée par le professeur Gilles Gauthier (voir plus haut) et la meilleure façon de dépasser la peur et la stigmatisation de la polémique-discussion-débat-controverse est précisément de soumettre au débat public des idées divergentes ou opposées dans le respect des personnes, sans sombrer dans le « jouman » et le « chire pit », et de s’en tenir rigoureusement à l’éthique du débat d’idées, y compris dans le champ linguistique, y compris dans les domaines spécialisés de l’aménagement du créole et de la lexicographie créole. Mais avant d’aborder amplement les temps forts du débat d’idées dans les domaines spécialisés de l’aménagement du créole et de la lexicographie créole, il est utile de rappeler quelques fondamentaux de ce que des universitaires, sur le registre de l’épistémologie, désignent par l’expression « les controverses en sciences ».

À l’Université de Sherbrooke, au Canada, le Collectif de recherche sur l’enseignement et l’apprentissage des sciences (CREAS) regroupe des chercheurs qui s’intéressent, dans leurs travaux, à des problématiques d’enseignement et d’apprentissage des disciplines scientifiques à l’école, en tenant compte de trois types d’enjeux : épistémologiques, cognitifs et sociaux. Dans un dossier thématique non daté et consigné sur le site du CREAS, « Les controverses en sciences : significations et défis pour les universitaires », Abdelkrim Hasni et Nancy Dumais exposent de manière fort pertinente que « Les controverses qui accompagnent les avancées scientifiques et technologiques ne sont pas nouvelles. Notons, à titre d’exemples : a) les débats qui ont accompagné la remise en question du géocentrisme par Copernic au début du 16e siècle, en soutenant que la Terre n’était qu’une planète parmi d’autres et qu’elle gravitait autour du Soleil (Lerner et Savoie, 2017) ; b) la polémique animée, au milieu du 19e siècle, par les positions divergentes de Lord Kelvin (physicien) et de Charles Darwin (naturaliste) sur l’âge de la Terre (Lemarchand, 2017) ; c) le désaccord, au 19e siècle, sur la possibilité de l’apparition spontanée d’entités vivantes dans la matière inerte (génération spontanée) qui a opposé notamment Louis Pasteur et Félix-Archimède Pouchet (Chevassus-au-Louis, 2017). En raison de l’évolution actuelle des sciences et des techniques, de la diversité des enjeux (économiques, sociaux, éthiques, etc.) et de l’accès de plus en plus croissant de la population à ces champs de savoirs, ces controverses sont plus nombreuses et elles interpellent aussi bien la communauté scientifique que la société en général ». Les deux auteurs précisent que « Par controverses, nous entendons les désaccords qui opposent des individus ou des groupes sur une question scientifique (ou technique) donnée et qui perdurent dans le temps ». Abdelkrim Hasni et Nancy Dumais reprennent à leur compte la typologie de Yves Gingras comme suit : « Les controverses qui accompagnent les avancées scientifiques et techniques varient en fonction notamment des enjeux (scien- tifiques, idéologiques, économiques, etc.) qui les alimentent et des acteurs en scène. Une façon de caractériser et de catégoriser ces controverses est celle que propose Yves Gingras (2014, 2017a) qui distingue les controverses scientifiques et les controverses publiques. Il faut distinguer les controverses « froides » (purement scientifiques), qui ne suscitent guère de débat public, comme celle sur les ondes gravitationnelles, et les controverses « chaudes », qui au contraire déchainent les passions parce qu’elles concernent tout le monde et remettent en cause la pensée dominante de l’opinion publique (Gingras, 2017a, p. 7) ». Ces pertinentes observations, de nature épistémologique, permettent d’appréhender la nécessité du débat d’idées ou de la controverse ou de la polémique dans le cours normal d’exposition et d’appropriation des idées dans une société donnée : les controverses « chaudes » surgissent et contribuent aux avancées scientifiques dans différents domaines des savoirs et des connaissances en sciences humaines et sociales, en aménagement du territoire, en écologie, en études féminines, en bioéthique, etc. Par exemple, dans notre article « De la nécessité de questionner l’idéologie racialiste et le révisionnisme historique en Haïti » (Le National, 28 juin 2023), nous avons exploré la nature et le rôle de l’idéologie racialiste-noiriste réactivée par Garaudy Laguerre au creux d’une tentative de réhabilitation du duvaliérisme dans le contexte où le cartel politico-mafieux du PHTK s’est arrogé tous les pouvoirs de l’État (la présidence, la primature, le parlement, le système judiciaire) avec la complicité du Core Group… (Sur un registre apparenté, voir aussi notre article « La « pathologisation » du débat d’idées en Haïti selon le sociologue du PHTK Louis Naud Pierre : le dessous des cartes », Le National, 16 août 2022.) 

Les domaines spécialisés de l’aménagement du créole et de la lexicographie créole sont eux aussi « habités » par un certain nombre d’idées qui relèvent de l’idéologie, d’un système de perceptions identifié sous l’appellation d’« appareils idéologiques d’État » et ces idées expriment la stratification sociale héritée de l’Indépendance de 1804. (Sur la notion d’« appareils idéologiques d’État » voir l’étude princeps du philosophe Louis Althusser, « Idéologie et appareils idéologiques d’État / Notes pour une recherche) », article originalement publié dans la revue La Pensée, no 151, juin 1970 – Texte consigné dans l’ouvrage de Louis Althusser, « Positions (1964-1975) », Paris, Les Éditions sociales, 1976.)

La fameuse « question linguistique haïtienne » hautement auscultée par le linguiste Pradel Pompilus dans « Le problème linguistique haïtien » (Éditions Fardin, 1985), avait auparavant été abordée par d’autres auteurs comme nous le rappelle le linguiste Renauld Govain dans une étude d’une ample rigueur analytique, « De l’expression vernaculaire à l’élaboration scientifique : le créole haïtien à l’épreuve des représentations méta-épilinguistiques » (Contextes et didactiques, 17 | 2021). Mettant en lumière l’antériorité des débats sur le créole, Renauld Govain nous instruit que « (…) le Général Guérin, secrétaire du Président Alexandre Pétion (1807-1818), proposait d’utiliser le CH [créole haïtien] comme langue d’enseignement à l’école primaire. En 1898, Georges Sylvain aurait déclaré que si le créole était introduit dans les écoles primaires, rurales et urbaines, le problème de l’organisation de l’enseignement populaire haïtien connaitrait une nette amélioration (cité par Vaval 1911) ». Dans les années 1940, la perspective de l’usage du créole dans l’enseignement a été posée notamment par Christian Beaulieu, compagnon de lutte de Jacques Roumain et auteur de « Pour écrire le créole » (Les Griots, 1939). Il fut l’un des premiers, à cette époque, à réclamer l’utilisation du créole à des fins pédagogiques. De manière plus programmatique, la question de l’aménagement du créole dans le système éducatif haïtien a été posée avec la réforme Bernard de 1979, mise en veilleuse en 1987, et qui faisait du créole langue d’enseignement et langue enseignée (voir nos articles « De l’usage du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti : qu’en savons-nous vraiment ? » (Le National, 11 novembre 2021), et « L’aménagement du créole en Haïti et la réforme Bernard de 1979 : le bilan exhaustif reste à faire » (Le National, 17 mars 2021).

Les errements épistémologiques des « créolistes » fondamentalistes et des Ayatollahs du créole s’opposent aux sciences du langage et à la Constitution haïtienne de 1987

Les errements épistémologiques des « créolistes » fondamentalistes sont divers et ils peuvent être répertoriés sur le registre de « l’idéologie linguistique haïtienne » exposée par le sociolinguiste et sociodidacticien Bartholy Pierre Louis dans sa thèse de doctorat « Quelle autogestion des pratiques sociolinguistiques haïtiennes dans les interactions verbales scolaires et extrascolaires en Haïti ? : une approche sociodidactique de la pluralité linguistique ». Dans cette thèse soutenue en 2015 à l’Université européenne de Bretagne, Bartholy Pierre Louis examine, à partir d’une recherche de terrain effectuée en Haïti, « L’idéologie linguistique haïtienne : pour ou contre le français ? » (chapitre 4.3.1.3, p. 201 et suiv.). Il expose que « Ce travail de recherche basé sur une approche empirico-inductive est une description analytique et une synthèse interprétative des pratiques sociolinguistiques haïtiennes à partir des représentations du français et du créole (langues co-officielles) ». Il fait la démonstration que « l’idéologie linguistique haïtienne » fonctionne sur le mode de l’opposition français-créole dans le discours des « créolistes » fondamentalistes.

Sur le registre du populisme linguistique qui s’alimente de « l’idéologie linguistique haïtienne », les errements et les dérives épistémologiques des « créolistes » fondamentalistes ainsi que des Ayatollahs du créole se manifestent également par le recours cyclique aux différentes variantes de discours idéologiques-nationalistes où le créole est donné comme seul marqueur de l’identité nationale haïtienne. De « Ti Jan Bosal » au « Grenadye alaso », de « bay kreyòl la jarèt » à « yon lekòl tèt anwo », le dispositif argumentatif-idéologique des « créolistes » fondamentalistes tourne le dos aux sciences du langage tout en appelant au rejet des articles 5 et 40 de la Constitution haïtienne de 1987. C’est ainsi que Gérard-Marie Tardieu, membre fondateur de la microscopique Académie du créole haïtien (Akademi kreyòl) a en vain, et dans une grande solitude, plaidé pour l’exclusion du français en Haïti et l’adoption de « Yon sèl lang ofisyèl » alors même que la Constitution de 1987 consigne la co-officialité du créole et du français (voir le livre de Gérard-Marie Tardieu, « Yon sèl lang ofisyèl », Éditions Kopivit / L’Action sociale, 2018). C’est ainsi que le linguiste Michel DeGraff, sans doute le plus conflictuel, le plus sectaire et le plus dogmatique des virulents « défenseurs » du créole, mène une vindicative « fatwa évangélique » contre la francophonie haïtienne et la langue française en Haïti –langue pourtant co-officielle selon l’article 5 de la Constitution de 1987–, au motif qu’elle est essentiellement une « langue coloniale », celle de la « gwojemoni » coloniale.

En effet, et toujours sur le registre du populisme linguistique, le linguiste Michel DeGraff a introduit dans le débat linguistique haïtien une ample mystification : seul le français serait en Haïti une « langue coloniale » responsable de tous les maux du pays. Dans son intempestive et « bavardeuse » croisade contre la langue française en Haïti, Michel DeGraff confond volontairement et frauduleusement la langue et ses usages sociaux, économiques et politiques, assumant ainsi une « francophobie de l’assiégé » devenue au fil des ans une caractéristique majeure de son « analyse » de la situation linguistique d’Haïti. Et pareille acrobatie « scientifique » ne vaut que pour le français. Un tel enfermement, catéchétique et mystifiant, se donne à mesurer au creux de l’article écrit par Tara García Mathewson, « How Discrimination Nearly Stalled a Dual-Language Program in Boston » (The Atlantic.com, 7 avril 2017), dans lequel pince sans rire Michel DeGraff, cité par l’auteure, assène que « We became free in 1804 but through the french language we did remain colonized » (« Nous sommes devenus libres en 1804 mais à travers la langue française, nous sommes demeurés colonisés. ») [Ma traduction] Les 11 millions d’Haïtiens seraient aujourd’hui des « colonisés »… grâce à et au moyen de la langue française, ce présumé statut « colonial » étant intrinsèquement produit par la langue française du seul fait de sa présence en Haïti. Pire : ce présumé statut « colonial » n’aurait donc rien à voir avec la configuration des rapports socio-économiques du pays, avec le mode d’exercice kleptocratique du pouvoir d’État, avec l’inféodation de l’économie haïtienne à celle du « Loup impérial » américain de l’Occupation de 1915 à nos jours… (voir l’article fort éclairant de Gary Olius, « L’ordre néocolonialiste et impérialiste dans le chaos d’Haïti », AlterPresse, 5 janvier 2021).

Sur le registre du populisme linguistique, il est nécessaire de rappeler qu’aucun linguiste haïtien n’a publiquement soutenu le PSUGO du PHTK, à l’exception notable du directeur du MIT Haiti Initiative, le linguiste Michel DeGraff. L’appui de Michel DeGraff au PHTK au pouvoir en Haïti depuis onze ans est de notoriété publique comme on peut le constater dans l’un de ses articles et dans une vidéo diffusée sur YouTube. Dans son article « La langue maternelle comme fondement du savoir : L’Initiative MIT-Haïti : vers une éducation en créole efficace et inclusive » (Revue transatlantique d’études suisses, 6/7, 2016/2017), Michel DeGraff soutient frauduleusement qu’« Il existe déjà de louables efforts pour améliorer la situation en Haïti, où une éducation de qualité a traditionnellement été réservée au petit nombre. Un exemple récent est le Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire (PSUGO) lancé par le gouvernement haïtien en 2011 dans le but de garantir à tous les enfants une scolarité libre et obligatoire ». Et dans la vidéo qu’il a postée sur Youtube le 5 juin 2014, il affirme tout aussi frauduleusement que « Gras a pwogram PSUGO a 88% timoun ale lekòl ann Ayiti » –« Grâce au PSUGO 88% des enfants sont scolarisés en Haïti », soit le faramineux total de… 3 500 000 élèves scolarisés, selon les affabulations propagandistes de Michel DeGraff, « Gras a pwogram PSUGO a ». Ces « grandes conquêtes » du PHTK dans le domaine de l’éducation, dont Michel DeGraff s’est fait le zélé propagandiste, n’apparaissent toutefois pas dans son article de 2022 qu’il a réactualisé en 2023 sous le titre « Language Policy in Haitian Education : a History of Conflict over the use of kreyòl as Language of instruction  » (Journal of Haitian Studies, University of California, Santa Barbara, automne 2022). Le PSUGO, en 2023, disparait donc de l’« analyse » de Michel DeGraff  relative au « Language Policy in Haitian Education » après avoir été promu au rang d’une « conquête » majeure pour le système éducatif national frauduleusement (« propagandistement ») attribuée au PHTK. L’on a par ailleurs noté que cet article rédigé par Michel DeGraff, semble avoir été naïvement et/ou complaisamment accueilli par le Journal of Haitian Studies et il porte la signature essentiellement décorative et marketing de deux « lamayòt » inconnus de la créolistique, de l’aménagement du créole et de la lexicographie créole, William Scott Frager (« a PhD student, University of Oxford, Department of Social Policy and Intervention ») et Haynes Miller, professeur au Département de mathématiques au MIT. Une recherche documentaire approfondie ne nous a pas permis de retracer la moindre étude scientifique de ces deux cosignataires « lamayòt » dans les champs de la créolistique ou de la lexicographie créole ou de la didactique créole…

Le populisme linguistique s’est encore « enrichi » sous la plume vindicative et coléreuse de Michel DeGraff dans deux récents « post » qui appauvrissent considérablement le débat public sur l’aménagement du créole et la lexicographie créole. Avant de les citer intégralement, il y a lieu de préciser que le site Web du Département de linguistique du MIT, qui donne accès aux publications de ses linguistes, ne consigne aucun article scientifique, aucun texte de vulgarisation linguistique rédigé par Michel DeGraff et consacré de manière spécifique à la lexicographie créole, à la didactique du créole et à la didactisation du créole ou à la méthodologie de la néologie scientifique et technique en créole… La lexicographie générale et la lexicographie créole ne sont pas enseignées au Département de linguistique du MIT, pas plus que l’enseignement de la néologie scientifique et technique créole ou celui de la rédaction scientifique et technique créole… Le MIT Haiti Initiative étant totalement dépourvu de la moindre compétence avérée en lexicographie générale et lexicographie créole, en néologie scientifique et technique créole et en rédaction scientifique et technique créole, Michel DeGraff rabaisse et enferme l’aménagement du créole dans l’espace rachitique et subjectif du « jouman » et du « chire pit » dans les termes suivants :

–« Post » de Michel DeGraff sur Facebook, 22 juillet 2023 :

 « Sa se yon ti blòg sou yon fo « Linguiste terminologue » ki se yon vre demagòg : http://www.facebook.com/michel.degraff/posts/

 « Lengwis tèminològ Robert Berrouët-Oriol se yon enpostè mantadò an misyon, anba chal, pou frankofoli. Men fòk nou di l mèsi kanmenm paske li pa janm sispann fè reklam, gratis ti cheri, pou MIT-Ayiti nan rezo li yo. Nou menm nan @MITHaiti, se travay n ap travay pou lekòl tèt an wo an kreyòl pandan Berrouët-Oriol, li menm, ap pale franse san rete san l pa ko janm pwodui anyen menm ki ka ede nan devlopman lengwistik ak tèminoloji pou lang kreyòl la. Epi li di l ap fè pwomosyon « parité linguistique créole-français » epi se an franse sèlman l ap ekri. Sila yo ki enterese aprann ki moun Berrouët-Oriol ye, tout bon vre, ava li atik sa a : http://www.potomitan.info/ayiti/degraff/repons2.php . »

–« Post » de Michel DeGraff sur Facebook, 29 décembre 2022, où s’expose avec une rare violence symbolique la dimension scatgologique de sa dérive idéologique :

« Sa se yon pati nan repons mwen pou yon « linguiste terminologue » nan mouvman P.H.K.K. (Parti Haïtien Kont Kreyòl) k ap voye wòch kache men nan yon kanpay difamasyon kont Pwòf Grenadye Michel DeGraff @ MIT-Ayiti. Kanpay P.H.K.K. Robert Berrouët-Oriol sa a se pou enterè Lagrandyab kont Lakou — se yon operasyon difamasyon kont nasyon. https://www.potomitan.info/ayiti/degraff/repons2.php ».

La « stratégie du discours vindicatif » volontairement clivante et conflictuelle que privilégie Michel DeGraff rabaisse et enferme donc l’aménagement du créole dans l’espace du populisme linguistique, rachitique et subjectif, du « jouman » et du « chire pit ». Elle démobilise et éloigne les non-linguistes de l’indispensable concertation citoyenne en faveur de l’aménagement du créole fondé sur les sciences du langage, la Constitution haïtienne de 1987 et la Déclaration universelle des droits linguistiques de 1996. Il y a là, incontestablement, un enjeu majeur de société dont doit davantage s’emparer le débat public sur l’aménagement linguistique en Haïti.

C’est encore sur le registre du populisme linguistique que l’on assiste au ministère de l’Éducation nationale, sous la houlette du ministre de facto Nesmy Manigat, au défilé d’un constant « showbiz » cosmétique de « mesures » de « plans » et de « directives » ciblant le créole en dehors d’une politique linguistique éducative. Nous en avons établi le diagnostic analytique dans l’article que nous avons publié aux États-Unis, « L’aménagement du créole dans l’École haïtienne à l’épreuve de l’amateurisme et du « showbiz » cosmétique du ministère de l’Éducation nationale » (Rezonòdwès, 19 juillet 2023). Dans cet article, nous avons démontré, entre autres, qu’« Il serait naïf, illusoire et vain de procéder à l’examen analytique de l’aménagement du créole dans l’École haïtienne en dehors de ses dimensions constitutionnelle, politique, institutionnelle et conjoncturelle. Comme nous l’avons démontré dans plusieurs articles, ces dimensions sont liées et elles renvoient à une problématique complexe : l’aménagement du créole dans l’École haïtienne est tributaire de facteurs dont la prise en charge par l’État est lourdement déficitaire et inefficiente (voir également notre article « Le ministre de facto de l’Éducation Nesmy Manigat et l’aménagement du créole dans l’École haïtienne : entre surdité, mal-voyance et déni de réalité », Le National, 2 décembre 2021). Il est hautement significatif que sur les plans systémique et politique, le diagnostic posé en 2018 par Nesmy Manigat –joker-superstar du PHTK–, est à la fois surprenant et étonnamment juste : ce qui a caractérisé la gouvernance du système éducatif sous sa direction durant son premier mandat, ce qui caractérise cette même gouvernance au cours de son second et actuel mandat, c’est bien l’amateurisme, l’absence d’une vision constitutionnelle et hautement stratégique de l’éducation en Haïti liée à l’absence d’un plan directeur à l’échelle nationale. Les enseignants oeuvrant sur le terrain en Haïti et avec lesquels nous dialoguons régulièrement estiment largement partagé le constat que le ministère de l’Éducation nationale navigue à vue en fonction de l’impact que doit avoir dans le public son aventureuse « stratégie du showbiz » compulsif, ce que d’ailleurs confirme le diagnostic de Nesmy Manigat lui-même : « Nous avons beaucoup zigzagué et perdu du temps, et, aujourd’hui, à part de simples idées de réforme, nous ne pouvons pas dire que le pays suit un véritable plan » (voir l’article « Éducation : la réforme ne doit pas attendre », Le National, 30 août 2018, qui consigne les propos de Nesmy Manigat).

Sur le registre de l’aménagement du créole dans l’École haïtienne au creux de la gestion erratique, tape à l’œil et au coup par coup du ministère de l’Éducation nationale, il y a lieu de rappeler la directive ministérielle qualifiée de populiste et de démagogique par de nombreux enseignants et directeurs d’écoles relative aux manuels scolaires créoles. Cette directive concerne le financement exclusif des manuels scolaires rédigés en créole associé à la suspension du financement des manuels rédigés en français qui sont pourtant encore aujourd’hui majoritaires en salle de classe (voir notre article « Financement des manuels scolaires en créole en Haïti: confusion et démagogie au plus haut niveau de l’État », Le National, 8 mars 2022). Au moment où nous rédigeons cet article, le ministère de l’Éducation nationale n’a toujours pas présenté de bilan public sur le financement exclusif des manuels scolaires rédigés en créole.

La lexicographie créole : un enjeu majeur de l’aménagement du créole dans l’École haïtienne

Dans la seconde partie du présent article, nous proposons un regard actualisé sur les enjeux contemporains de la lexicographie créole, sur son rôle et sur ses défis. Il est utile de préciser, afin d’apporter un éclairage notionnel adéquat à notre propos, que « La lexicographie est la branche de la linguistique appliquée qui a pour objet d’observer, de recueillir, de choisir et de décrire les unités lexicales d’une langue et les interactions qui s’exercent entre elles. L’objet de son étude est donc le lexique, c’est-à-dire l’ensemble des mots, des locutions en ce qui a trait à leurs formes, à leurs significations et à la façon dont ils se combinent entre eux » (Marie-Éva de Villers : « Profession lexicographe » (Presses de l’Université de Montréal, 2006). 

Ainsi située dans sa dimension scientifique, l’on retiendra que la lexicographie haïtienne est une discipline de la linguistique appliquée qui a pour objet la conceptualisation et l’élaboration de lexiques et de dictionnaires sur ses deux versants : la lexicographie créole unidirectionnelle et la lexicographie bidirectionnelle créole-français ou français-créole ou anglais-créole. Par commodité d’exposition du propos, le terme « lexicographie créole » est ici employé dans le sens englobant de lexicographie haïtienne unilingue créole et/ou bilingue français-créole. Discipline relativement jeune, la lexicographie créole est apparue en Haïti à la fin des années 1950 avec les travaux pionniers de Pradel Pompilus, auteur du premier « Lexique créole-français » (Université de Paris, 1958). Comme nous l’avons établi au moyen d’un ample travail de recherche documentaire consigné dans notre « Essai de typologie de la lexicographie créole de 1958 à 2022 » (Le National, 21 juillet 2022), le champ lexicographique haïtien a produit 64 dictionnaires et 11 lexiques, soit un total de 75 ouvrages édités pour la plupart au format livre imprimé et quelques titres sont offerts au format électronique.

Destinés pour l’essentiel au grand public sans que l’on soit renseigné sur les modalités de leur diffusion, les 75 ouvrages de la lexicographie créole –sauf exceptions notables : voir le tableau 1–, partagent les traits communs suivants : (1) les rédacteurs ne sont ni des linguistes ni des lexicographes professionnels ; (2) l’amateurisme est une pratique dominante parmi les rédacteurs ; (3) les ouvrages n’ont pas été élaborés en conformité avec la méthodologie de la lexicographie professionnelle ; (4) la plupart du temps les ouvrages n’ont pas fait l’objet d’une mise à jour. Les deux tableaux qui suivent exemplifient les productions lexicographiques élaborées en conformité avec la méthodologie de la lexicographie professionnelle d’une part et celles, d’autre part, qui ont été confectionnées en dehors de la méthodologie de la lexicographie professionnelle.

Tableau 1 / Identification des productions lexicographiques haïtiennes élaborées

en conformité avec la méthodologie de la lexicographie professionnelle

(10 ouvrages sur un total de 75 publiés entre 1958 et 2022)

  1. Ti diksyonnè kreyòl-franse
Henry Tourneux, Pierre Vernet et al. 1976 Éditions caraïbes
  1. Haitian Creole – English – French Dictionary (vol. I

and II)

Albert Valdman (et al) 1981 Creole Institute

Bloomington University

  1. Petit lexique créole haïtien utilisé dans le domaine de l’électricité
Henry Tourneux 1986 CNRS/

Cahiers du Lacito

  1. Diksyonè òtograf kreyòl ayisyen 
Pierre Vernet, B. C. Freeman 1988 Sant lengwistik aplike, Inivèsite Leta Ayiti
  1. Dictionnaire préliminaire des fréquences de la langue créole haïtienne 
Pierre Vernet, B. C. Freeman 1989 Sant lengwistik aplike, Inivèsite Leta Ayiti
  1. Dictionnaire inverse de la langue créole haïtienne / Diksyonè lanvè lang kreyòl ayisyen
Bryant Freeman 1989 Sant lengwistik aplike, Inivèsite Leta Ayiti
  1. Dictionnaire de l’écolier haïtien 
André Vilaire Chery et al. 1996 Hachette-Deschamps / EDITHA
  1. Dictionnaire de l’évolution du vocabulaire français en Haïti (tomes 1 et 2)
André Vilaire Chery 2000 et 2002 Éditions Édutex
  1. Haitian Creole-English Bilingual Dictionnary 
Albert Valdman 2007 Creole Institute, Indiana University
  1. English-Haitian Creole bilingual dictionary
Albert Valdman, Marvin D Moody, Thomas E Davies 2017 Indiana University Creole Institute

Les 10 lexiques et dictionnaires du tableau 1 comportent un trait caractéristique majeur : tel que décrit dans nos articles publiés entre 2020 et 2023 sur ce sujet, la lexicographie est une activité scientifique fortement codifiée, elle s’élabore dans l’ancrage sur un socle méthodologique modélisé qui en garantit la scientificité et la crédibilité. Ainsi les dictionnaires et lexiques présentés au tableau 1 sont de grande qualité scientifique, ils  mettent tous en œuvre le même cadre méthodologique qui consiste (1) à définir le projet éditorial et les usagers-cibles visés ; (2) à identifier les sources du corpus de référence en vue de l’établissement de la nomenclature ; (3) à procéder à l’établissement de la nomenclature des termes retenus à l’étape du dépouillement du corpus de référence ; (4) et, exception faite des lexiques qui ne comprennent pas de définitions, à procéder au traitement lexicographique des termes de la nomenclature (catégorisation grammaticale, équivalence motivée des unités lexicales, etc.) et à la rédaction des rubriques dictionnairiques (définitions, notes). Le socle méthodologique des travaux lexicographiques est illustré par le tableau suivant :

Tableau 2 / Modélisation du dispositif méthodologique de la lexicographie contemporaine : les différentes étapes de l’élaboration du dictionnaire

Étape 1  : élaboration de la politique éditoriale : quel type de dictionnaire et quel public-cible ? Étape 2  : détermination du corpus à dépouiller et mise en œuvre du dépouillement de diverses sources documentaires. Étape 3  : établissement de la nomenclature du dictionnaire : relevé des termes qui sont définis dans le dictionnaire Étape 4 : traitement lexicographique des termes de la nomenclature : catégories grammaticales, rédaction des définitions, choix des exemples illustratifs et des notes
Taille et format choisis : papier et/ou numérique.

 

Rédaction de la « Préface » ou du guide d’utilisation du dictionnaire (exposé de la méthodologie)

Sources documentaires : dictionnaires antérieurs (Littré, Larousse, Robert, etc.), œuvres littéraires et scientifiques, journaux et revues, corpus lexicaux informatisés, banques de données lexicales et banques de données terminologiques en ligne. Application des critères de sélection des termes et des synonymes : attestations écrites, fréquence d’usage du mot, néologisme récent ou en cours d’implantation, terme doté d’un sens nouveau, niveaux de langue.

 

Tableau 3 / Échantillon d’ouvrages lexicographiques élaborés en dehors

de la méthodologie de la lexicographie professionnelle

Titre de l’ouvrage Auteur(s) Éditeur Année de publication
Diksyonè kreyòl Vilsen  Maud Heurtelou, Féquière Vilsaint Éduca Vision 1994 [2009]
Leksik kreyòl : ekzanp devlopman kèk mo ak fraz a pati 1986  Emmanuel Védrine Védrine Creole Project [?] 2000
Diksyonè kreyòl karayib  Jocelyne Trouillot CUC Université Caraïbe  2003 [?]
Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative  MIT – Haiti Initiative  MIT – Haiti Initiative  2015 [?]

Tableau 4 / Principales caractéristiques des ouvrages élaborés en dehors de la méthodologie de la lexicographie professionnelle (échantillon représentatif de 4 publications)

Titre de l’ouvrage Auteur(s) Catégorie Principales caractéristiques lexicographiques
Diksyonè kreyòl Vilsen  Maud Heurtelou, Féquière Vilsaint Dictionnaire unilingue créole Accès Web uniquement Incohérence, insuffisance ou inadéquation de nombreuses définitions. Certaines rubriques comprennent des notes explicatives plutôt que des définitions
Leksik kreyòl : ekzanp devlopman kèk mo ak fraz a pati 1986  Emmanuel Védrine S’intitule « leksik » alors qu’il est un glossaire unilingue créole De nombreuses entrées (« mots vedettes ») sont des slogans ou des séquences de phrases ou des proverbes. De nombreuses entrées ne sont pas des unités lexicales. Incohérence, insuffisance ou inadéquation des rares définitions.
Diksyonè kreyòl karayib  Jocelyne Trouillot Dictionnaire unilingue créole au format papier uniquement Incohérence, insuffisance ou inadéquation de nombreuses définitions. De nombreuses entrées (« mots vedettes ») ne sont pas des unités lexicales, ce sont plutôt des noms propres ou des toponymes…
Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative  MIT – Haiti Initiative  Lexique bilingue anglais-créole. 

Accès Web uniquement

Équivalents créoles majoritairement fantaisistes, erratiques, a-sémantiques et non conformes au système morphosyntaxique du créole

Les ouvrages élaborés en dehors de la méthodologie de la lexicographie professionnelle ont donc des traits caractéristiques communs, notamment l’incohérence, l’insuffisance ou l’inadéquation de nombreuses définitions dans le cas des dictionnaires. De manière générale, le projet lexicographique et éditorial n’est pas défini et encore moins la démarche méthodologique sur laquelle se seraient éventuellement appuyées ces productions lexicographiques. En ce qui concerne les lexiques bilingues anglais-créole ou français-créole, l’exemple le plus flagrant d’une œuvre pré-scientifique caractéristique de la « lexicographie borlette » ou « lexicographie lamayòt » est le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » (voir notre diagnostic analytique contenu dans les articles « Le traitement lexicographique du créole dans le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haïti Initiative » (Le National, 21 juillet 2020), « Le naufrage de la lexicographie créole au MIT Haiti Initiative » (Le National, 15 février 2022), et « La « lexicographie borlette » du MIT Haiti Initiative n’a jamais pu s’implanter en Haïti dans l’enseignement en créole des sciences et des techniques » (Le National, 3 juillet 2023). (Précision terminologique à propos de la notion de STEM / Les sciences, les technologies, l’ingénierie et les mathématiques (STIM) [STEM, en anglais] sont un terme générique utilisé pour regrouper les disciplines techniques distinctes mais apparentées que sont les sciences, les technologies, l’ingénierie et les mathématiques. Ce terme est généralement utilisé dans le contexte de la politique éducative ou des choix de programmes scolaires [aux États-Unis]).

L’évaluation analytique du « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » est riche d’enseignements, notamment en ce qui a trait, en lexicographie professionnelle, au CRITÈRE CENTRAL DE L’EXACTITUDE DE L’ÉQUIVALENCE LEXICALE CONJOINT À CELUI DE L’ÉQUIVALENCE NOTIONNELLE : CE CRITÈRE MAJEUR PLACÉ AU CENTRE DE TOUTE DÉMARCHE LEXICOGRAPHIQUE ET TERMINOLOGIQUE est absent dans la majorité des pseudo équivalents « créoles » de ce « Glossary ». Il est donc nécessaire et utile de réactiver l’évaluation critique de ce « Glossary » mal dénommé puisqu’il s’agit en réalité, selon la tradition lexicographique, d’un lexique listant des termes sans « gloses » définitoires. Les rédacteurs-bricoleurs du fantaisiste « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative », dépourvus de la moindre compétence connue en lexicographie créole, soutiennent frauduleusement mener une entreprise de néologie créole. En effet, l’élaboration du « Glossary » est présentée, sur le site du MIT – Haiti Initiative –au chapitre « Kreyòl-English glosses for creating and translating materials in Science, Technology, Engineering & Mathematics (STEM) fields in the MIT-Haiti Initiative »–, dans les termes suivants : « (…)  l’un des effets secondaires positifs des activités du MIT-Haïti (ateliers sur les STEM, production de matériel en kreyòl de haute qualité, etc.) est que nous enrichissons la langue d’un nouveau vocabulaire scientifique qui peut servir de ressource indispensable aux enseignants et aux étudiantsCes activités contribuent au développement lexical de la langue » créole » [Traduction par RBO]. Ce « nouveau vocabulaire scientifique » prétendument capable de contribuer « au développement lexical de la langue » créole s’illustre comme suit :

Tableau 5 / Échantillon de pseudo équivalents « créoles » provenant du « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative »

Termes anglais Équivalents « créoles »** 
bar graph grafik ti baton [1,2,3]
accumulation antipilasyon [1,2,3]
atomic packing makonn atomik [1,2,3]
air resistance rezistans lè [1,3,4]
air track pis kout lè // pis ayere [1,2,3,4]
and replica plate on epi plak pou replik sou [1,2,3,4]
escape velocity vitès chape poul [1,3,4]
multiple regression analysis analiz pou yon makonnay regresyon [1,2,3,4]
center of mass sant mas yo [1,2,3,4]
checkbox bwat tchèk [1,2,3,4]
flux meter flimèt [1,3,4]
line integral  entegral sou liy [1,2,3,4]
how many more matings would you like to perform ? konbyen kwazman ou vle reyalize ? [1,4]
peer instruction enstriksyon ant kanmarad [1,3,4]
prior (conjugate) konpayèl o pa [1,2,3,4]
seasaw prinsiple prensip balanswa baskil [1,2,3,4]
spin angular momentum moman angilè piwèt [1,2,3,4]

**Remarques analytiques sur ces équivalents « créoles » : 1 = équivalent faux et/ou fantaisiste et/ou qui ne constitue pas une unité lexicale ; 2 = équivalent non conforme à la syntaxe du créole ; 3 = équivalent présentant une totale opacité sémantique ; 4 = équivalent dont la catégorie lexicale n’est pas précisée.

Sur le registre des critères méthodologiques de la lexicographie professionnelle, l’évaluation critique et objective du « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » fournit de précieux enseignements. Ces enseignements interpellent l’ensemble de la lexicographie haïtienne et se résument comme suit :

  1. Le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » a été bricolé dans un environnement universitaire avec l’aval complaisant et aveugle du Département de linguistique du MIT. Mais ses promoteurs, dépourvus de la moindre compétence connue en lexicographie générale et en lexicographie créole, n’ont produit jusqu’à présent aucune étude académique, aucun texte théorique de référence sur la lexicographie créole et encore moins sur la néologie créole.

  2. Cette absence généralisée mais banalisée de toute compétence connue en lexicographie créole au MIT Haiti Initiative est à l’origine d’une lourde lacune conceptuelle sur l’objet lui-même : le MIT Haiti Initiative a produit un lexique anglais-créole alors même qu’il le présente frauduleusement comme un « glossaire », contrairement aux fondements scientifiques et à la longue tradition de la lexicographie.

  3. Les rédacteurs-bricoleurs du « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » accréditent un pseudo « modèle » lexicographique qui à l’analyse se révèle être un « modèle » essentiellement amateur, erratique, fantaisiste et pré-scientifique de type Wikipedia, qui ne respecte pas le protocole méthodologique de la lexicographie professionnelle. Le pseudo « modèle » lexicographique du MIT Haiti Initiative, qui se révèle à l’analyse la plus rigoureuse être essentiellement une « lexicographie borlette », appauvrit considérablement la créolistique. À l’échelle internationale, le pseudo « modèle » lexicographique Wikipedia/MIT Haiti Initiative n’est enseigné dans aucune université et il n’a fait l’objet d’aucune publication scientifique de référence.

  4. Les pseudo équivalents « créoles » du Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » sont en majorité fantaisistes, a-sémantiques, non conformes au système morphosyntaxique du créole. Ils ne sont pas conformes au principe de base de l’équivalence lexicale/équivalence notionnelle, ne peuvent pas être compris du locuteur créolophone et ne peuvent en aucun cas être utilisés dans l’enseignement des sciences et des techniques. Ils ne peuvent pas non plus être mis à contribution pour élaborer une compétente didactique du créole et encore moins pour assurer l’expansion de la didactisation du créole.

  5. Le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » fait la promotion d’une vision fantaisiste et arnaqueuse de la lexicographie créole et de la néologie scientifique et technique créole : la « lexicographie borlette », qui n’est enseignée dans aucun Département de linguistique/traduction/terminologie à travers le monde, y compris en Haïti où elle n’est pas reconnue sur le plan scientifique en dépit du fait que le MIT Haiti Initiative est adoubé par une puissante institution universitaire américaine connue pour ses recherches de pointe dans différents domaine scientifiques –sauf en lexicographie générale et en lexicographie créole.

  6. Il est hautement significatif que le bric-à-brac « lexicographique » du MIT Haiti Initiative tourne le dos et passe sous silence les travaux de recherche et les publications de toute la lexicographie haïtienne de 1958 jusqu’à 2023, notamment les travaux menés dans un cadre institutionnel haïtien –en particulier au Centre de linguistique appliquée devenu par la suite la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti–, par Pradel Pompilus, Pierre Vernet, Henry Tourneux, Bryant Freeman, André Vilaire Chery, Renauld Govain, Fortenel Thélusma…

L’apport exemplaire du lexicographe André Vilaire Chery à la lexicographie haïtienne contemporaine

Depuis la parution des premiers travaux de la lexicographie haïtienne menés par Pradel Pompilus en 1958, plusieurs linguistes et lexicographes ont élaboré des travaux de grande qualité scientifique (voir le tableau 1). Ainsi, le lexicographe André Vilaire Chery, décédé le 26 juillet 2022, est l’auteur du remarquable « Dictionnaire de l’évolution du vocabulaire français en Haïti » (tomes 1 et 2, Éditions Édutex, 2000 et 2002). Dans notre compte-rendu publié en Haïti, « Le « Dictionnaire de l’écolier haïtien », un modèle de rigueur pour la lexicographie en Haïti », (Le National, 3 septembre 2022.), nous avons démontré que le « Dictionnaire de l’écolier haïtien » a été élaboré selon le protocole méthodologique de la lexicographie professionnelle, notamment par : (1) l’identification de l’ouvrage et de ses auteurs, le nom de l’éditeur et la date de publication ; (2) l’exposition du projet éditorial-lexicographique et l’identification de la méthodologie d’élaboration du dictionnaire ; (3) l’établissement du corpus dictionnairique ; (4) la confection de la nomenclature et le nombre de termes retenus ; (5) le traitement adéquat des données lexicographiques présentées à la suite des « mots-vedettes » (les entrées classées en ordre alphabétique dans les rubriques, à savoir les définitions, les contextes définitoires et les notes illustratives). 

Le projet éditorial du « Dictionnaire de l’écolier haïtien » est explicitement défini à la « Préface » (page 6) : présenté comme un ouvrage de référence, il est « destiné aux élèves de l’École fondamentale », d’où son titre mentionnant « écolier haïtien ». C’est un dictionnaire généraliste unidirectionnel qui, parce qu’il cible les écoliers haïtiens, est une adaptation pour Haïti d’« un grand nombre de références Hachette (…) réécrites en relation avec les réalités haïtienne (histoire, géographie, vie sociale, etc.) plus familières à l’élève ». La mention « adaptation pour Haïti » est essentielle au plan de la méthodologie d’élaboration de ce dictionnaire car elle précise que le corpus à partir duquel il a été élaboré provient d’un autre dictionnaire, à savoir le « Hachette Juniors ». (Pour une meilleure connaissance de l’histoire des dictionnaires dénommés dictionnaires pédagogiques ou scolaires ou d’apprentissage, voir Chantal Lambrechts, « La conception éditoriale d’un dictionnaire pédagogique », Presses de l’Université de Montréal, 2005. Pour une connaissance élargie de la méthodologie d’élaboration des dictionnaires pour enfants apparus au début des années 1950, voir Micaela Rossi (Università degli Studi di Genova, Italia), « Dictionnaires pour enfants en langue française / L’accès au sens lexical ». Dans cette magistrale thèse de doctorat soutenue en 2001, l’auteure retrace l’histoire des dictionnaires pour enfants, elle analyse « la structure d’un dictionnaire scolaire », « la présentation et organisation de la nomenclature », « les pratiques définitionnelles dans les dictionnaires pour enfants », etc. De la même auteure, voir aussi l’article « Dictionnaires pour enfants et accès au sens lexical – Pour une réflexion métalexicologique » (Euralex.org, 2004).

Ce même ancrage scientifique s’observe chez André Vilaire Chery, notamment en ce qui a trait à la nomenclature du « Dictionnaire de l’évolution du vocabulaire français en Haïti ». Cette nomenclature s’ordonne selon une typologie qui prend en compte plusieurs procédés de formation des unités lexicales. Le lecteur y trouvera donc (1) des créations lexicales (des néologismes) provenant du créole (« déchouquage », « déchouquer », « attaché », « lavalassien », « zenglendo », etc.) ; (2) des termes issus de procédés de formation lexicale usuels en français (« anti(-) changement », « haïtiano-haïtien », « néoduvaliériste », etc.) ; (3) des termes provenant de l’anglais (« implémenter » (un projet), « graduation » (académique), « performer », etc. Le lecteur trouvera également des termes reflétant des « changements intervenus à l’intérieur des structures politiques, institutionnelles, économiques » tels que « premier ministre », « ratification », « déclaration de politique générale », « pluralisme », « vote de confiance », « délégué », « Casec » etc. Le lecteur croisera aussi des unités lexicales qui, sans changer de sens, acquièrent un statut nouveau ou « sont dans l’air du temps » (« démocratie », « Constitution », « machine électorale », « privatisation », « magouille », etc. Certaines unités lexicales ont connu une extension de leur champ sémantique, soit une extension spécifique du sens initial (« béton », « agenda », « carnet », « fusible », etc.), tandis que d’autres ont évolué sur le mode d’un glissement de sens (« cambiste », « cahier des charges » en lieu et place de « cahier de doléances », « primature » pour « désigner à la fois la fonction de premier ministre et les locaux logeant les services du chef du gouvernement ».

L’exceptionnelle contribution du linguiste-lexicographe Albert Valdman à la lexicographie créole : revisiter son « Haitian Creole-English Bilingual Dictionnary »

Connu et apprécié des linguistes en Haïti et réputé à l’échelle internationale pour la grande qualité scientifique de ses travaux sur le créole, Albert Valdman est l’auteur, entre autres, de « L’évolution du lexique dans les créoles à base lexicale française » (L’information grammaticale no 85, mars 2000) ; « Vers un dictionnaire scolaire bilingue pour le créole haïtien ? » (revue La linguistique, vol. 41/1, 2005) ; « Vers la standardisation du créole haïtien » (Revue française de linguistique appliquée, vol. X/1, 2005).

Tableau 6 / Modélisation des rubriques lexicographiques dans le « Haitian Creole-English Bilingual Dictionnary » d’Albert Valdman

Terme créole Catégorie grammaticale Définition anglaise Terme(s) apparenté(s) Locutions illustratives Renvoi(s)
pipirit1 n. [nom ou substantif] Kind of small bird pipirit chandèl Anvan pipirit mete kanson li/depi pipirit chante Gri kou pipirit /see/ gri.

Sou kon pipirit /see/ sou.

pipirit gri
pipirit gwo tèt
pipirit pa chante
pipirit rivyè
pipirit tètfou
pipirit2 /see/ pripri
[Les termes apparentés sont définis et suivis d’une illustration d’emploi. Ex. : Li kite lakay li o pipirit chantan]

Le « Haitian Creole-English Bilingual Dictionnary » se démarque en tous points de l’amateurisme persistant de la « lexicographie borlette » dont nous avons exposé le naufrage au début de cet article (voir le tableau 4). Ce dictionnaire bilingue constitue la plus rigoureuse et la plus pertinente référence méthodologique pour tous les travaux de la lexicographie créole. Illustration : sur le plan méthodologique, la toute première phase de l’élaboration du « Haitian Creole-English Bilingual Dictionnary » a été l’établissement du corpus de référence, étape obligatoire et indispensable de tout chantier lexicographique. « Un corpus est un ensemble de textes (d’énoncés, de phrases, de mots…) (oraux ou écrits) servant comme base pour une étude ciblée. (…) Un corpus fait office d’échantillon du langage, et se doit d’en être représentatif » (Barbara Rahma, « Approche de corpus : théories et application pratiques », séminaire 2016-2017 : dialectologie et langue du Maroc / Actes de la Journée d’études « Linguistique de terrain : description de faits et présentation de modèles », Fès, Maroc, 11 mai 2011). La détermination du corpus de référence créole et le dépouillement des données issues de ce corpus ont été conduits, sur le terrain, par deux équipes auprès de locuteurs natifs du créole. L’une des deux équipes a mis à contribution les ressources de la base de données lexicales d’un projet de dictionnaire bilingue créole-français et elle a bénéficié de la contribution d’André Vilaire Chery, auteur du remarquable « Dictionnaire de l’évolution du vocabulaire français en Haïti » (tomes 1 et 2 parus en 2000 et 2002 chez Édutex). Deux linguistes haïtiens, au sein de l’équipe initiale, ont collaboré étroitement à la production du dictionnaire : Jacques Pierre, qui enseigne aujourd’hui à Duke University, et Nicolas André. Le linguiste et traducteur Nicolas André enseigne depuis quelques années à la Florida International University ; il a auparavant effectué des études de premier cycle à la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti. Le corpus de référence du « Haitian Creole-English Bilingual Dictionnary » s’est également enrichi d’enregistrements de terrain de locuteurs natifs du créole du Nord d’Haïti, ainsi que de plusieurs sources écrites antérieures (dictionnaires anglais-créole et créole-français). L’information relative au corpus de référence et au dépouillement des données figure au premier chapitre du dictionnaire intitulé « Acknowledgments » (Remerciements).

La lexicographie créole a ses pionniers, ses éclaireurs et ses artisans ayant élaboré des œuvres de grande qualité scientifique en conformité avec la méthodologie de la lexicographie professionnelle. Promouvoir aujourd’hui une lexicographie créole de haute qualité scientifique requiert d’être à l’écoute des enseignements de Pradel Pompilus, Pierre Vernet, Bryant Freeman, Albert Valdman, Henry Tourneux, André Vilaire Chery… Nous leur sommes redevables et leur legs est précieux dans les institutions où est enseignée la lexicographie depuis quelques années, la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti et l’ISTI, l’Institut supérieur de traduction et d’interprétation. Une lexicographie créole citoyenne et rassembleuse est celle qui s’élabore dans l’ancrage aux sciences du langage et au creux d’une vision constitutionnelle de l’aménagement des deux langues officielles d’Haïti, le créole et le français, conformément à la Constitution de 1987 et à la Déclaration universelle des droits linguistiques de 1996. Une lexicographie créole citoyenne et rassembleuse est celle qui promeut la dimension institutionnelle de la professionnalisation du métier de lexicographe –et cette exigence est la même pour le métier de traducteur professionnel. Une lexicographie créole citoyenne et rassembleuse est celle qui apporte aux rédacteurs et aux éditeurs de manuels scolaires les dictionnaires et les lexiques créoles ou français-créole dont a besoin l’École haïtienne pour assurer adéquatement un enseignement de qualité en langue maternelle créole. La survenue d’une véritable école lexicographique haïtienne –fortement ancrée sur le socle méthodologique de la lexicographie professionnelle–, sera d’un apport majeur pour l’apprentissage en créole des savoirs et des connaissances. Au creux d’une lexicographie créole citoyenne et rassembleuse, l’arrivée du dictionnaire scolaire bilingue français-créole, qui sera mis à la disposition de l’École haïtienne, permettra à l’élève d’apprendre la langue-objet et de mieux maîtriser la langue-outil dans l’apprentissage des savoirs et des connaissances (voir notre article « Les dictionnaires et lexiques créoles, des outils pédagogiques de premier plan dans l’enseignement en Haïti », Le National, 18 août 2020).

Une lexicographie créole citoyenne et rassembleuse devra accorder une attention spéciale à la production des néologismes créoles dans le champ fortement normé de la néologie scientifique et technique. (Sur la néologie, ses concepts et sa méthode, voir Jean-Claude Boulanger (1989), « L’évolution du concept de néologie de la linguistique aux industries de la langue », paru dans Caroline De Schaetzen, dir. « Terminologie diachronique » (colloque « Terminologie diachronique », Bruxelles, 25-26 mars 1988), Paris : Conseil international de la langue française/Ministère de la communauté française de Belgique ; voir aussi « Présentation : néologie, nouveaux modèles théoriques et NTIC », par Salah Mejri et Jean-François Sablayrolles, revue Langages 2011/3, no 183 ; « Problématique d’une méthodologie d’identification des néologismes en terminologie », par Jean-Claude Boulanger, paru dans « Néologie et lexicologie : hommage à Louis Guilbert », coll. Langue et langage, Librairie Larousse, 1979 ; « Fondements théoriques des difficultés pratiques du traitement des néologismes », par Jean-François Sablayrolles, paru dans la Revue française de linguistique appliquée 2002/1 (vol. VII). Voir aussi l’article de Robert Berrouët-Oriol, « La néologie scientifique et technique, un indispensable auxiliaire de la didactisation du créole haïtien » paru dans le livre collectif de référence « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti », Éditions Zémès, Port-au-Prince et Éditions du Cidihca, Montréal, 382 pages, 2021.) Sur le registre d’une lexicographie créole citoyenne, les linguistes aménagistes ainsi que les lexicographes doivent renforcer leur commune vision de l’aménagement linguistique en Haïti et, aujourd’hui plus que jamais, faire un plaidoyer basé sur les sciences du langage, un plaidoyer convaincant, rassembleur et ciblant l’aménagement du créole dans la totalité de l’École haïtienne et aux côtés du français, en conformité avec les articles 5, 32, 32.1, 32.2 et 40 de la Constitution haïtienne de 1987. Ce plaidoyer doit être conduit auprès des directeurs d’école et des parents, auprès des enseignants et plus largement auprès de la population afin de démontrer (1) que l’usage de la langue maternelle créole est un droit constitutionnel ; (2) que l’apprentissage scolaire en langue maternelle créole garantit une appropriation/rétention adéquate des matières enseignées ; (3) que l’usage de la langue maternelle créole dans l’acquisition des matières scolaires ne doit en aucun cas exclure l’apprentissage de la langue seconde, le français. 

La composante épistémologique est un impératif de premier plan dans la réflexion sur la lexicographie créole et sur l’aménagement du créole dans l’École haïtienne aux côtés du français. Comme nous l’avons démontré dans cet article, l’aménagement du créole dans l’École haïtienne est aujourd’hui en butte aux errements épistémologiques des « créolistes » fondamentalistes et au « populisme linguistique ». Cela se manifeste également au niveau de la gouvernance du système éducatif où l’on assiste –sous la houlette du ministre de facto Nesmy Manigat à l’Éducation nationale–, au défilé d’un constant « showbiz » cosmétique de « mesures » de « plans » et de « directives » ciblant le créole en dehors d’une politique linguistique éducative traitant de nos deux langues officielles conformément aux articles 5 et 40 de la Constitution de 1987. L’aménagement du créole dans l’École haïtienne est aussi exposé aux diverses manifestations de « l’idéologie linguistique haïtienne », y compris celle appelant à adopter une posture anticonstitutionnelle (« yon sèl lang »), ainsi que celle, au MIT Haiti Initiative, qui assume publiquement son soutien au cartel politico-mafieux du PHTK néoduvaliériste dans le dossier du PSUGO et qui, du même mouvement, s’efforce en vain d’implanter en Haïti un « Glossary » bricolé en dehors de la méthodologie de la lexicographie professionnelle et comportant un nombre élevé d’équivalents « créoles » fantaisistes, erratiques, a-sémantiques et souvent non conformes au système morphosyntaxique du créole. En lien avec le diagnostic analytique exposé dans le présent article, nous appelons à l’édification d’une véritable école lexicographique haïtienne et le soutien à cette perspective rassembleuse devra se matérialiser notamment par l’appui au programme de formation en lexicographie initié à la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti. En confortant son indispensable dimension institutionnelle, une véritable école lexicographique haïtienne devra également travailler à la professionnalisation de l’activité lexicographique et à celle du métier de lexicographe. Ce sont là les conditions indispensables à la modernisation et à l’efficience de l’aménagement du créole dans l’École haïtienne aux côtés du français.

Annexe A

Contribution du linguiste-terminologue Robert Berrouët-Oriol à la lexicographie haïtienne

Liste 1 / Lexicographie créole : 24 articles.

  1. Essai de typologie de la lexicographie créole de 1958 à 2022. Le National, 21 juillet 2022. 

  2. Plaidoyer pour une lexicographie créole de haute qualité scientifique. Le National, 15 décembre 2021.

  3. Toute la lexicographie haïtienne doit être arrimée au socle méthodologique de la lexicographie professionnelle. Le National, 31 décembre 2022.

  4. Lexicographie créole : retour-synthèse sur la méthodologie d’élaboration des lexiques et des dictionnaires. Le National, 4 avril 2023.

  5. Lexicographie créole, traduction et terminologies spécialisées : l’amateurisme n’est pas une option… Le National, 8 février 2023.

  6. Dictionnaires et lexiques créoles : faut-il les élaborer de manière dilettante ou selon des critères scientifiques ?. Le National, 28 juillet 2020.

  7. Les défis contemporains de la traduction et de la lexicographie créole en Haïti. Le National, 8 juillet 2023.

  8. Le traitement lexicographique du créole dans le « Diksyonè kreyòl Vilsen ». Le National, 22 juin 2020.

  9. Le traitement lexicographique du créole dans le « Leksik kreyòl » d’Emmanuel W. Védrine. Le National, 14 août 2021.

  10. Le traitement lexicographique du créole dans le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haïti Initiative. Le National, 21 juillet 2020.

  11. Le naufrage de la lexicographie créole au MIT Haiti Initiative. Le National, 15 février 2022.

  12. Le traitement lexicographique du créole dans le « Diksyonè kreyòl karayib » de Jocelyne Trouillot. Le National, 12 juillet 2022).

  13. Lettre ouverte au Département de linguistique du MIT : « Pour promouvoir une lexicographie créole de haute qualité scientifique ». Le National, 1er février 2022.

  14. Créole haïtien / Lettre ouverte à la Linguistic Society of America. Le National, 11 octobre 2022.

  15. La lexicographie créole à l’épreuve des égarements systémiques et de l’amateurisme d’une « lexicographie borlette ». Le National, 1er avril 2023.

  16. La « lexicographie borlette » du MIT Haiti Initiative n’a jamais pu s’implanter en Haïti dans l’enseignement en créole des sciences et des techniques. Le National, 3 juillet 2023.

  17. La lexicographie créole à l’épreuve de l’« English – Haitian Creole computer terms » / Tèm konpyoutè : anglè – kreyòl » d’Emmanuel W. Vedrine. Le National, 15 juin 2023. 

  18. La lexicographie créole à l’écoute des enseignements de la dictionnairique. Le National, 16 mai 2023.  

  19. La lexicographie créole, incontournable auxiliaire de l’aménagement linguistique en Haïti. Le National, 5 janvier 2023.

  20. Dictionnaires créoles, français-créole, anglais-créole : les grands défis de la lexicographie haïtienne contemporaine. Le National, 21 décembre 2022.

  21. Le « Dictionnaire de l’écolier haïtien », un modèle de rigueur pour la lexicographie en Haïti. Le National, 3 septembre 2022.

  22. La lexicographie créole à l’épreuve du « kreyòl machòkèt » en Haïti. Le National, 27 août 2022.

  23. Jean Pruvost et la fabrique des dictionnaires, un modèle pour la lexicographie haïtienne. Le National, 26 septembre 2021.

  24. Lexicographie créole : revisiter le « Haitian Creole-English Bilingual Dictionnary » d’Albert Valdman. Le National, 30 janvier 2023.

Liste 2 / Articles liés à la lexicographie créole : 11 textes

  1. L’état des lieux de la didactique du créole dans l’École haïtienne, une synthèse (1979 – 2022). Le National, 29 mai 2022.

  2. De l’usage du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti : qu’en savons-nous vraiment ?. Le National, 11 novembre 2021. 

  3. Enseigner en langue maternelle créole les sciences et les techniques : un défi aux multiples facettes. Rezonòdwès, 24 juin 2021.

  4. L’aménagement du créole en Haïti et la réforme Bernard de 1979 : le bilan exhaustif reste à faire. Le National, 17 mars 2021.

  5. La néologie scientifique et technique créole à l’épreuve des mirages du « monolinguisme de la surdité historique » en Haïti. Le National, 19 mai 2022.

  6. L’aménagement du créole dans l’École haïtienne : entre surdité, mal-voyance et déni de réalité. Le National, 3 décembre 2021.

  7. L’aménagement du créole dans l’École haïtienne à l’épreuve de l’amateurisme et du « showbiz » cosmétique du ministère de l’éducation nationale. Rezonòdwès.org, 18 juillet 2023. 

  8. Aménagement et « didactisation » du créole dans le système éducatif haïtien : pistes de réflexion. Le National, 24 janvier 2020.

  9. L’enseignement en créole à l’université en Haïti, un défi aux multiples facettes. Le National, 5 janvier 2021.

  10. Les dictionnaires et lexiques créoles, des outils pédagogiques de premier plan dans l’enseignement en Haïti. Le National, 18 août 2020.

  11. L’aménagement du créole en Haïti et les droits linguistiques au regard du projet de « Constitution » néoduvaliériste du PHTK : les sables mouvants d’une dérive totalitaire. Le National, 21 avril 2021.

Annexe B

Lexicographie, didactique et didactisation du créole : ouvrage collectif de référence

Titre : « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti ». Ouvrage conceptualisé et coordonné par Robert Berrouët-Oriol.

Co-auteurs : Robert Berrouët-Oriol, Guerlande Bien-Aimé, Sylvie Croisy, Jean-Durosier Desrivières, Renauld Govain, Alain Guillaume, Pierre-Michel Laguerre, Bonel Oxiné, Bartholy Pierre Louis, Hugues Saint-Fort, Charles Tardieu, Fortenel Thélusma, Frédéric Torterat, Albert Valdman, Georges Daniel Véronique, Lemète Zéphyr.

Éditeurs : Éditions Zémès, Port-au-Prince et Éditions du Cidihca, Montréal, 382 pages, 2021.

Ce livre collectif de référence a fait l’objet d’un compte-rendu de lecture réalisé par le sociolinguiste/sociodidacticien Philippe Blanchet, enseignant à l’Université de Rennes 2, paru en janvier 2022 dans les Cahiers internationaux de sociolinguistique no 19(2).

Annexe C

Travaux des pionniers émérites

Épistémologie et lexicographie créole

La réflexion des linguistes créolistes sur la lexicographie créole –à ne pas confondre avec la production de dictionnaires et de lexiques, est relativement peu connue alors même qu’elle constitue un enjeu majeur de la créolistique et de l’aménagement du créole en Haïti. Voici une liste indicative de la réflexion des linguistes émérites sur la lexicographie créole.

  1. Pradel Pompilus (1958). Lexique créole-français », sous-titré « Thèse complémentaire ». Éditions de la Sorbonne, Paris.

  2. Pradel Pompilus (1961). La langue française en Haïti. Éditions de la Sorbonne, Paris.

  3. Pradel Pompilus (1978). État présent des travaux de lexique sur le créole haïtien. Revue Études créoles, vol. 1 n° 107 ; accessible à la Bibliothèque universitaire de l’Université des Antilles, campus de Schoelcher, Martinique.

  4. Marie-Christine Hazaël-Massieux (1989). La lexicographie et la lexicologie à l’épreuve des études créoles. Paru dans la revue Études créoles 12/2.

  5. Marie-Christine Hazaël-Massieux (1994). À propos de la nomenclature de quelques dictionnaires des Petites Antilles. Revue études créoles, vol. XVII, n° 1.

  6. Marie-Christine Hazaël-Massieux (1997). Où l’on retrouve les dictionnaires créoles… à la recherche de l’impossible défi. Dans Contacts de langues, contacts de cultures, créolisation, M.C. Hazaël-Massieux et D. de Robillard, éds., Paris, L’Harmattan.

  7. Marie-Christine Hazaël-Massieux (2000). Français et créole dans la nomenclature des dictionnaires des Petites Antilles. Dans Danièle Latin et Claude Poirier, avec la collaboration de Nathalie Bacon et Jean Bédard, éds., Contacts de langues et identités culturelles, Presses de l’Université Laval, AUPELF-UREF.

  8. Marie-Christine Hazaël-Massieux (2002). Prolégomènes à une néologie créole. Paru dans la Revue française de linguistique appliquée, dossier « Lexique : recherches actuelles », vol. VII – 1.

  9. Marie-Christine Hazaël-Massieux (2015). Sens figurés et métaphores –
    Pour le développement du lexique créole. Paru dans Du français aux créoles / Phonétique, lexicologie et dialectologie antillaises », Éd. Classiques Garnier.

  10. Dominique Fattier (1984). De la variété rèk à la variété swa : pratiques vivantes de la langue en Haïti. Paru dans la revue Conjonction, 39-51.

  11. Dominique Fattier (1997). La lexicographie créole saisie à l’état naissant (Ducoeurjoly 1802). Paru dans Marie-Christine Hazaël-Massieux / Didier de Robillard (éds), Contacts de langues, contacts de cultures, créolisation, Paris, L’Harmattan, 259-273.

  12. Dominique Fattier (2002). Lexique : approche synchronique, à propos de l’haïtien. Paru dans C. Bavoux & D. de Robillard (éds) Linguistique et créolistique. Univers créoles 2, Paris : Anthropos.

  13. Dominique Fattier (2007). Étymologie et lexicographie historique : à propos de quelques-uns des apports de l’Atlas linguistique d’Haïti. [éditeur ?]

  14. Annegret Bollée (2005). Lexicographie créole : problèmes et perspectives. Revue française de linguistique appliquée, 2005/1 (Vol. X).

  15. Henry Tourneux (2006). Un quart de siècle de lexicographie du créole haïtien (1975-2000). Paru dans Raphaël Confiant : À l’arpenteur inspiré / Mélanges offerts à Jean Bernabé, Éditions Ibis Rouge.

  16. Albert Valdman (2000). L’évolution du lexique dans les créoles à base lexicale française ». Revue L’information grammaticale no 85.

  17. Albert Valdman (2005/1). Vers un dictionnaire scolaire bilingue pour le créole haïtien ? Revue La linguistique, vol. 14.