— Par Jean-Durosier Desrivières,—
Georges mouri. Mezanmi, pa gen bouch.2 Ne reste que l’encre, sa demeure. Et sa voix, réelle ou à fleur d’encre. Des mots donc, pour nous guider sur tant de chemins hantés par l’homme, le poète… Pour retrouver son esprit, son style, son goût de vivre…
Sur les chemins des langues
De toujours, il a embrassé ses deux langues – créole, français, qui l’ont tellement embrasé en retour, lui, Georges Castera fils, l’enfant qui a grandi avec « de grandes taches d’encre au cœur » (Ratures d’un miroir)3, au mitan d’un Port-au-Prince qui misait peu sur cet insolite duo linguistique-littéraire dans le paysage haïtien. Ecrivant dans la pureté de chacune de ses deux langues, il a pratiqué toute sa vie un bilinguisme d’autonomie. Au compteur : une dizaine d’ouvrages en français, plus d’une vingtaine en créole.
Jamais de mélange. Sinon quelques suggestions entre les lignes, quand l’une de ses langues se met à murmurer sous l’autre langue :
« …la mort fait mouche
sans jeu de mots
le bilinguisme entre les cuisses »
(« La lettre sur mer », Les cinq lettres)4



La jupe de la rue Gît-le-Coeur
Le poète haïtien Jean-Durosier Desrivières signe aux éditions « Le teneur » un magnifique recueil de poésies, préfacé par Roger Toumson et illustré par l’artiste-peintre Bernard Thomas-Roudeix.

En dehors d’autres outils sans doute de grandes valeurs, les haïtiens disposent, de façon légitime et légale, de deux langues – le créole et le français – pour investir pleinement leur imaginaire. A l’instar des vrais bilingues se permettant de passer d’un territoire linguistique à l’autre sans failles, notamment sur le plan oral, je m’autorise un exercice similaire dans ce texte (ainsi commandé), dépourvu pourtant de tout esprit démagogique et de toute sensibilité au quota. En ce sens, je ne saurais ignorer mon adhésion aux concepts et notions largement mis en valeur par Robert Berrouët-Oriol dans ce lumineux ouvrage collectif (autres collaborateurs : Darline Cothière, Robert Fournier et Hugues St-Fort), d’une extrême rigueur méthodologique, qu’il a coordonné : L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions




Topographie inventée, dans l’attente du jour
À l’angle des rues parallèles, Gary Victor • Vent d’ailleurs • ISBN 978-2911412233 • 2003.
Le jury du 13e prix Carbet de la Caraïbe, présidé par Edouard Glissant, s’est retrouvé au soir du vendredi 20 décembre à l’Atrium de Fort-de-France, salle Frantz Fanon, pour honorer, face à un public dirait-on sélectif, la dernière parution de Frankétienne : H’éros-Chimères. Ce titre résumerait « de manière profonde et provocatrice les horreurs qui bornent nos horizons ; les tourments et les fantasmes qui peuplent l’imaginaire des humanités contemporaines ». L’auteur reçoit ce prix comme un hommage rendu à la créativité féconde du peuple haïtien qui compte tant de « guerriers de l’imaginaire ». Tout se serait joué entre mise en scène de l’artiste, proximité visible avec le jury et son « jeu/je » parfois morbide et lassant.