Portrait d’une femme à la recherche d’elle-même et de sa vérité
–– par Janine Bailly ––
Nous guider ou nous perdre dans le labyrinthe des identités multiples, telle est la mission que Stéphane Braunschweig dit attribuer à ses acteurs lorsqu’il monte à l’Odéon, en janvier 2021, la pièce de Luigi Pirandello, Comme tu me veux, dans sa propre traduction. Un compagnonnage fidèle entre le dramaturge et le metteur en scène, puisque ce dernier a déjà donné au théâtre Vêtir ceux qui sont nus, Six personnages en quête d’auteur et Les Géants de la montagne. Comme tu me veux fait escale au Théâtre National de Bretagne, en ce mois de février 2023, et c’est un bien que les spectacles sortent de leur pré carré parisien et voyagent jusque dans nos “provinces”…
Nous perdre, la comédienne Chloé Réjon, qui incarne l’Inconnue, – jamais explicitement nommée, mais à qui seront attribués dans l’histoire deux prénoms différents –, figure centrale, omniprésente sur scène, toute en mouvements, errements et émotions diverses, s’y attache et y parvient sans peine. Quand se clôt la représentation, nul ne saurait affirmer avec certitude qui est cette Femme, le spectateur pas davantage que ses compagnons de jeu.


Une exposition au Petit Palais, un bal, des dîners littéraires d’époque et des visites guidées, à Paris plusieurs événements rendront hommage à la comédienne française Sarah Bernhardt, disparue il y a 100 ans.





Compte rendu de deux spectacles du programme
1-
Il a trouvé le bon endroit, la bonne place.
Debout et libre!
Création Martinique 2022
C’est sans conteste la représentation de La Ronde, dans la mise en scène singulière d’Arthur Nauzyciel, qui marquera l’acmé de ce Festival TNB 2022. Imaginée en 1897, publiée en 1903, censurée en 1904, la pièce de l’écrivain autrichien Arthur Schnitzler ne put – bien qu’ayant été un immense succès littéraire – être créée à Berlin qu’en 1920, à Vienne en 1921. Elle suscita alors de telles critiques et attaques antisémites contre son auteur, traité par la presse viennoise conservatrice de « cochon de littérateur juif », qu’il préféra en interdire lui-même les représentations. Plus tard, le livre serait aussi un des premiers brûlés dans les autodafés nazis.
Nous voici, selon un rituel bientôt immuable, conviés à Rennes au Festival de rentrée du TNB (Théâtre National de Bretagne). Festival arc-en-ciel car dans sa corbeille cohabitent théâtre, danse, cinéma, musique et art de la performance. Arc-en-ciel car ouvert à des artistes venus de tous horizons. Arc-en-ciel car, curieux et sans craindre la prise de risque, aux côtés de troupes et artistes reconnus le Festival donne à d’autres la chance de se montrer et de conquérir un public toujours présent. Et en tous lieux – puisque la manifestation, loin de s’enfermer dans la seule structure du TNB, voyage en différents quartiers de la ville – c’est plaisir de voir les têtes chenues se mêler à nos “chères têtes blondes”…
Le metteur en scène italien
Dramaturge engagé dans la vie publique de son pays, le Burkina Faso, Aristide Tarnagda commence une carrière de comédien dans la troupe du théâtre de la Fraternité (1), créée en 1975 par Jean-Pierre Guingané (2). Lors du festival les Récréâtrales (3) de 2004, l’originalité de son écriture est révélée notamment grâce au soutien de Koffi Kwahulé. Sa production d’œuvres théâtrales dans les années qui suivent confirme sa vocation de dramaturge et de metteur en scène. J’expliciterai dans cet article un de ses dispositifs dramaturgiques de prédilection, commun à trois œuvres Et si je les tuais tous madame ? ; Les Larmes du ciel d’août et Façons d’aimer : le monologue. En effet, ce type de discours structure de manière originale une dramaturgie des laissés-pour-compte, êtres en situation de déréliction à qui il ne reste
Lolita MONGA, accompagnée de Rémi CAZAL, propose une expérience poétique et musicale exceptionnelle ponctuée d’harmonies australes et de percussions.
En matière de théâtre Lolita Monga n’est pas née de la dernière pluie. Auteure dramatique, metteure en scène, comédienne, poétesse, elle a la passion des mots. Les siens, flamboyants qui mêlent français et créole, et ceux d’auteurs qu’elle apprécie. Pour « 3 femmes et la pluie » elle a choisi Remi De Vos, Carole Fréchette et Daniel Keene. Elle voulait « Dresser la topographie de la mémoire qui reste de l’adolescence à l’âge adulte en les rattachant à des sensations physiques, des lieux, des histoires vécues. » Dans le premier volet du triptyque une femme se souvient des tourments de son adolescence passée dans la ferme de ses parents éleveurs de porcs au beau milieu de nulle part. Elle dit la lubricité des hommes qui la déshabillent du regard, en espérant davantage. Elle dit le machisme de son père qui l’empêche d’aller au bal. Elle dit l’enferment de sa mère dans la dépression. Elle dit le travail d’émancipation nécessaire pour se débarrasser de ses parents et accéder à la réalisation de son désir, quand bien même fut-il celui d’une adolescente de 14 ans d’être déflorée par un homme de 10 ans son aîné.