Catégorie : Arts de la scène

« Mademoiselle Julie » : Pères, ne laissez jamais vos filles seules les nuits de Saint-Jean!

— Par Roland Sabra —
Michèle Césaire continue d’explorer les relations maître-serviteur. Après nous avoir présenté un Jacques le Fataliste très sage, elle nous offre aujourd’hui une Mademoiselle Julie tourmentée. Le tourment accompagne d’ailleurs la vie de Strindberg, auteur de la pièce et inventeur du théâtre moderne.

La pièce est un huis clos de trois personnages qui pousse au suicide une jeune fille la nuit des feux de la Saint-Jean. Mademoiselle Julie est une jeune fille qui appartient à à une noblesse d’épée sur le déclin. Jean est un domestique qui imagine échapper à sa condition par l’entremise d’une liaison avec la fille du Comte, sous les yeux de la cuisinière Christine, sa promise. Jeu de dupes à la fatale issue. Déjà enfant, le domestique croyait aimer Julie quand il n’était attiré que par les richesses, le château et les soins de la jeune fille. Il rêvait d’ascension sociale, elle vivra une descente aux enfers. A la transgression sociale s’ajoute une transgression des rôles sexuels, puisque c’est elle Julie qui prend l’initiative de séduire son domestique. On retrouve dans la pièce toute l’ambivalence de Strindberg vis à vis de ses propres parents.

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La Julie présentée à Foyal n’était pas Mademoiselle!

— Par Roland Sabra —

Mademoiselle JULIE est une leçon de sociologie sous la fausse apparence d’un divertissement. C’est là toute la différence entre un théâtre militant, didactique, pesant qui noie le divertissement dans la leçon démonstrative et le théâtre de réflexion qui, se présentant d’abord comme un divertissement, amène le spectateur à s’interroger, à penser. Un espace est constitué entre la scène et la salle que le spectateur aura la possibilité, le loisir et pas l’obligation, de traverser par un processus d’identifications plus ou moins conscient non pas à des personnages, mais à des situations vécues, incarnées par des comédiens. Ce qui est asséné d’un côté est laissé à la liberté d’appropriation de l’autre. Distinction entre texte de propagande et texte à thèse, éloge de la distanciation surtout quand elle est brechtienne. Parvenir à cette magie assure à la pièce sa pérennité. C’est pourquoi on peut toujours jouer Sophocle et quelques autres.

La JULIE de Stindgerg n’a pas pris une ride. Elle est de tout temps, de toute éternité, de tout lieu à tel point que c’est à se demander pourquoi un metteur en scène antillais ne l’a pas encore adaptée, transposée, créolisée.

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« Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée », d’Alfred de Musset

— Par Laurence Aurry —

par Laurence Aurry

  En tant que simple amatrice de théâtre, je voudrai juste vous faire part de mes impressions concernant la pièce de Musset, jouée vendredi et samedi 22 et 23 février, dans la petite salle de l’Atrium.

Je vous avoue qu’une mise en scène de Yoshvina Médina me laissait espérer un plus agréable moment.

D’abord le choix même du texte surprend, une œuvre peu connue, Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, et pour cause ! Le titre résume assez bien le bavardage de cette pièce en un acte, proche du marivaudage mais n’en possédant pas toute la saveur. Pourquoi ce texte désuet alors que le répertoire de Musset offre tant d’œuvres passionnantes et que le théâtre contemporain regorge de pièces courtes autrement plus intéressantes ? Veut-on ramener le public dans les salles ou définitivement signer l’arrêt de mort d’un art déjà moribond ?

Que dire de la mise en scène et des costumes ? On a pu lire dans la presse que Médina signait là « une mise en scène aux accents bruts de modernité ».

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Rap et politique

— par Roland Sabra —

Editorial du 07 février 2008

Poster-Tabou

Le rap a trente-trois ans, l’âge du Chirst, mais s’il grimpe c’est au box office pas sur le Golgotha. Il est né à New York de joutes verbales, plutôt poétiques dans les prisons et franchement militantes sur les trottoirs du Bronx, du Queens ou de Brooklyn. N’en déplaise aux rombières c’est un mouvement artistique complet, un mode de vie, le hip hop. A la musique se joignent la danse, break, smurf etc., l’expression picturale, graffitis, tags et des codes vestimentaires et comportementaux déterminants, baggies, look XXL, bijoux en or et rollex ostentatoires. La généalogie du rap est rhizomatique, elle emprunte à la fin des années soixante aux Last poets, un collectifs de jeunes noirs militants qui clament en musique leurs révoltes à caractère politique, mais elle est reliée aux sounds systems jamaïquains et à leurs discos mobiles qui parcouraient l’île sono hurlante pour faire connaître les derniers tubes. Au milieux des années soixante-dix dans le Bronx, un surnommé Kool Herc organise une fête et a l’idée d’utiliser deux platines pour mieux assurer l’enchainement des morceaux et faire durer les breaks, ces moments où ne reste que le tempo, le beat.

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Identité : Madiana et les musées coloniaux

— par Roland Sabra —

Edito du 10-01-08


Deux lignes de forces dans ce numéro de rentrée.

Dans la solitude d’un champ de navets

La première ligne de force de ce numéro aborde la  thématique   de l’identité à partir des effets d’acculturation et même de « déculturation » de la programmation cinématographique en Martinique.

Parmi la vingtaine de films que la critique estime être les meilleurs de l’année 2007 ( cf; ci-après) Madiana en a programmé deux! On ne peut que saluer l’abnégation de Sarah Netter, la critique d’Antilla qui chaque semaine est contrainte non seulement de voir mais, et c’est le pire, de commenter les « nanards » de la programmation éliséenne.  Trouver un bon film en Martinique relève de l’expérience de la solitude dans un champ de navets. Madiana est entrain de tuer doucement mais sûrement le cinéma en Martinique. Mais le plus inquiétant est la mise en œuvre d’une acculturation aux mœurs étasuniennes en matière de relations sociales et, c’est surtout là que le bât blesse de violences sociales.

Premier effet de la présence de ce multiplexe : la disparition des salles de quartier et même de communes au profit d’une  centralisation des projections aux portes de Fort-de-France .

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Cahier d’un retour au pays natal : Le Film

–Par Christian Antourel —

Jacques Martial

Avec tout ce qui se passe sur nos grands et petits écrans, tous ces films dont l’image semble toujours être à bout de souffle, tant il faut greffer à ces histoires imprévisibles des suites artificielles, feuilletons griffonnés à la hâte sous couvert d’audimat, qu’elles en deviennent interminables et incontrôlables. Ou lorsque les armes sont plus loquaces que les textes qui les incluent, plus vrais que les acteurs tout couleurs hémoglobine, dont les rôles réflexes conditionnés, se résument à parler haut et remue-ménage, à appuyer sur la détente d’armes plus automatiques que leurs créations artistiques. Savez-vous qu’un film se tourne chez nous, qu’il se nomme : « Cahier d’un retour au pays natal ». Une adaptation audiovisuelle du texte d’Aimé Césaire, mis en scène par Philippe Berenger. Absolument ! Même que Jacques Martial en fait partie. Je vous le rappelle, il en est l’interprète principal et l’instigateur.

Un petit bijou de film,  poli comme une pierre précieuse

Après son rôle majuscule, grandiose, dans la pièce du même titre, au théâtre de Fort-de-France, c’est encore un retour au pays natal.

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« Le collier d’Hélène » : Daniely Francisque entre guerre civile et guerre intime

— Par Roland Sabra —

 

Qu’est-il plus grave?  perdre sa terre? ou un collier? La question est insensée pour qui oublierait qu’un chagrin d’amour peut anéantir un sujet plus sûrement qu’un bombardement. Oser dire cela dans un pays en guerre depuis trente ans, dans un pays occupé, dans un pays déchiré, dans un pays qui n’est qu’affrontements, enlèvements et assassinats dans un pays qui pourtant veut vivre, oser dire cela relève de la folie. C’est ce à quoi nous convie Lucette Salibur en montant une pièce de Carole Fréchette, « Le collier d’Hélène » dont on avait pu écouter la lecture dans le cadre de la troisième rencontre métisse « Théâtre des Nations » Martinique/Québec au Théâtre de Fort-de-France de Michèle Césaire sur une invitation de Etc Caraïbe/CEAD.

Hélène est donc à Beyrouth, quand elle perd un collier de verroteries. Perte sur laquelle elle s’appuie pour rester dans ce pays meurtri et partir à la recherche de l’objet perdu.

Refuser de hiérarchiser la douleur, de considérer qu’il est des peines supérieures à d’autres c’est se situer d’emblée du côté du sujet, en posant comme incontournable le caractère incommensurable de la souffrance humaine.

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« On Bò a 2 Lans » de José Jernidier et Sylviane Telchid

 

 — Par Alvina Ruprecht —

 on_bol_a_2_lansPrésentée au Centre des Arts de Pointe-à-Pitre,7 novembre, 2007, première manifestation d’une tournée qui amènera l’équipe autour de la Guadeloupe et à Paris.

 L’histoire théâtrale nous montre que la comédie n’est pas un art mineur. Bien au contraire. Dans le contexte européen, le théâtre de la foire était le lieu privilégié des mimes grotesques et clownesques, l’origine du théâtre populaire qui servait de soupape de sécurité contre les mouvements contestataires dans les sociétés féodales. En Italie, il y a eu surtout la Commédia dell’arte, des acteurs itinérants connus à travers le continent qui ont laissé des traces profondes sur les premières créations de Molière, sur son panthéon de personnages inspirés souvent des types de la Commédia, et surtout sur ses premieres conceptions scéniques basés sur un jeu très gros, très physique, très codé. La Commedia était un théâtre de mime et de mimique sans véritable dialogue mais qui avait recours aux bruitages, aux onomatopées, aux sonorités de toutes sortes. Rien de plus vulgaire que ces grognements, ces cris, ces rots, rien de plus corporel, de plus bruyant, de plus chaotique que les lazzi de la Commedia qui rendent hommage aux jeux du bas du corps populaire que Bakhtine a théorisé (le Carnavalesque) dans son livre sur Rabelais.

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Archie Shepp : l’Art du métissage noir, mais surtout celui du partage

—Par Roland Sabra —

En concert à l’Atrium

Photo avec l’aimable autorisation de Philippe Bourgade

 Cela faisait dix-huit ans qu’il n’était pas revenu en Martinique. Vendredi 23 novembre 2007 à l’Atrium de Fort-de-France il a retrouvé près d’un millier d’amis qu’en vérité il n’avait pas quittés. Archie Shepp est un jeune homme qui, s’il vient de fêter ses soixante-dix ans cette année, est toujours prêt à défricher des pistes musicales inexplorées pour les rattacher, les lier à cet ensemble imprécis, aux contours flous que l’on appelle le Jazz. Énumérer les facettes du talent de cet immense artiste est un travail de longue haleine. Jugez -en brièvement : il apprend successivement le banjo, le piano, le saxo alto, le saxo soprano, il fait des études de théâtre, il écrit des pièces, il les monte, il en produit, entre temps, après des études universitaires rondement menées, il dispense des cours d’ethnomusicologie au sein de l’Université de Amherst au Massachusetts. Ce qui ne le dispense pas, bien au contraire de s’engager politiquement dans le mouvement pour les droits civiques aux USA, tout en passant un grande partie de son temps en France, une terre d’adoption.

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Une ouverture de festival 2007 mal entamée mais sauvée par l’éblouissante Tania MARIA

 — par Roland Sabra —

Tania MARIA Quartet

 Après que Manuel Césaire ait présenté les intentions de ce festival de Jazz de Martinique, jeudi 22 novembre sur la grand scène de l’Atrium, les limites du genre sont vite apparues. L’idée est généreuse, unificatrice, consensuelle puisqu’il s’agit de réunir dans un même festival des artistes de stature internationale, d’autres de notoriété caribéenne et d’autres encore qui en dehors de la Martinique sont, allez soyons magnanimes, peu connus. Dans cette démarche se retrouvent toues les contradictions de la politique culturelle en Martinique. Il y a ceux pour qui seul compte le talent, d’où qu’il vienne, et les autres pour qui le « localisme », le « régionalisme » de l’artiste est primordial. Ceux qui pensent que peu importe la couleur du chat pourvu qu’il attrape des souris et ceux qui croient qu’il est plus important que le chat soit rouge. Ce sont ces derniers qui sous la houlette de Mao ont exterminé cent millions de chinois et c’est finalement la victoire des premiers qui a permis le décollage économique que l’on sait de la Chine.

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A l’Atrium « L’échange » : gagnant/gagnant

— Par Roland Sabra

 A l’Atrium de Fort-de-France

La compagnie de la Comédie Noire, dirigée par le guadeloupéen Jacques Martial, présentait, à Fort-de-France, les 08 & 09 novembre 2007, « L’échange » de Paul Claudel, dans une mise en scène de Sarah Sanders. La pièce existe dans deux versions, écrites à plus de 50 ans de distance.

La version retenue par Sarah Sanders est l’originale, la flamboyante, celle rédigée en 1893. C’est la plus jouée, la seconde, dans laquelle l’influence de Jena-Louis Barrault est sensible, semble imprégnée d’une lecture claudelienne de Teilhard de Chardin.

L’intrigue est connue. Deux couples se rencontrent sur une plage du Nouveau monde. L’un est au service de l’autre. Deux couples donc, l’un composé d’un homme d’affaire, Thomas Pollock Nageoire, immensément riche, figure prototypique de Citizen Kane et d’une actrice sur le retour, Lechy Elbernon, figure prémonitoire des stars hollyvoodiennes, l’autre d’un homme immensément pauvre, Louis Laine, de tout juste vingt ans,  toujours adolescent, forcément, projection rimbaldienne de Claudel lui-même, et d’une femme un peu plus âgée, peut-être un peu frustre mais servante du Seigneur et engagée dans sa parole.

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« Combat de Femmes » ou les ruses de l’illusion scénique!

 — par Alvina Ruprecht —

 combat de femmesSélectionné par l’association Textes en Paroles en 2004, Combat de femmes fut créé en Martinique en 2005 dans une mise en scène de l’auteur. La reprise que j’ai vue le 26 octobre, 2007 au Centre Culturel de Sonis aux Abymes (Guadeloupe), également mise en scène par l’auteur, comporte la même distribution avec une seule différence : Fanny Gatibelza remplace Stana Roumillac dans le rôle de la deuxième fille.


Au premier abord, nous nous croyons en plein rêve romantique mais l’innocence du regard romantique se dissipe rapidement. Un salon cossu, des meuble recouverts d’un velours rouge-sang; des roses artificielles qui jonchent le sol tandis que des fleurs coupées et des plantes ornementales garnissent les meubles dans un cadre qui évoque l’opulence sensuelle d’un opéra de Verdi. Au milieu de cette extravagance se tient la Diva, vêtue d’un blouson couleur sang qui flotte derrière elle lorsqu’elle se déplace. D’énormes bagues brillent sur ses doigts dont les bouts rouges évoquent des griffes plutôt que des mains. Un brin de sadisme, de cruauté, des accès de colère assortis des bouffées de narcissisme quasi hystérique, caractérisent ce personnage, au bord de la crise de nerfs.

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Sous le signe du théâtre

— Par Roland Sabra —

 Poster-Tabou « L’échange » de Paul Claudel, les 08 et 09 novembre à Fort-de-France! Voilà un évènement théâtral de taille. Le travail de la Compagnie de la Comédie Noire a fait l’objet d’une couverture de presse élogieuse. On trouvera à la suite, un dossier de présentation avec un résumé de la pièce. A ne surtout pas manquer!

Le débat, parfois vif, qui depuis deux ans travaille à nouveau, le monde théâtral et qui porte, pour le dire vite, sur la place du texte dans la représentation se poursuit, comme l’illustre la controverse entre Florence Dupont et Denis Guénoun. Ce débat n’est pas importé, ici en Martinique. Il est enraciné à l’existence même du théâtre martiniquais dont l’indubitable filiation avec la poésie est à la fois sa force et sa faiblesse. Comme aime à le souligner la comédienne Amel Aïdoudi « On fait de l’or avec de l’or« . C’est pourquoi le recours à des textes forts, « L’échange » de Claudel, « Les Bonnes » de Genet,  Manteca de Torriente ou les admirables traductions en créole de Becket par Monchoachi peut être  salué comme une tentative de refondation du théâtre.

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Manuel Césaire aux commandes

— Par Roland Sabra —

Poster-TabouEdito du 20/10/2007

  La rentrée des Mercredi-Cinéma de l’Atrium s’est faite sur les chapeaux de roues. Il y eu d’abord  » L’avenir est ailleurs« , déjà vu et puis l’admirable « Persépolis » d’après la B.D. de Marjane Satrapi. . Plusieurs projections avec débats sont prévues pour « Gouverneurs de la rosée » déjà vu lui aussi. Côté théâtre nous avons déjà évoqué « Manteca« , et nous attendons vivement « L’échange » de Paul Claudel (08 & 09-XI-07) et « L’amour » adaptation de José Pliya du roman « Amour, Colère et Folie » de Marie Vieux-Chauvet ». Monter Claudel est une gageure difficile à soutenir. On lira avec intérêt les propos de  Brigitte Salino, confirmés à postériori par le relatif échec de « L’échange » de Julie Brochen, cet été en Avignon , dont on  a constaté, avec regret, que la profondeur, indiscutable, de sa lecture avait été trahie par une distribution un peu faible.

« Circus baobab » nous a offert un numéro de cirque, convenu, sans surprise, qui a ravi de joie une bonne partie du public, nombreux.

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Manteca, une pièce de Alberto Pedro Torriente, mise en scène par Ricardo Miranda : servir le texte ou se servir du texte?

 — Par Roland Sabra —

 Issu de l’école du théâtre Si de Yohvani Medina, Ricardo Miranda signe avec Manteca du cubain Alberto Pedro Torriente sa première mise en scène, récompensée par le prix de la presse au festival « Off » d’Avignon en juillet 2007.

 L’intrigue se déroule à La Havane, dans les années 90 pendant la période dite « spéciale » celle qui fait suite à la disparition de l’URSS. Le grand frère soviétique qui soutenait à bout de bras, face à l’Amérique, la vitrine cubaine du socialisme s’est effondré entraînant dans sa chute l’économie cubaine. A méditer cette situation d’un petit pays maintenu pendant des décennies sous perfusion par une grande puissance et qui se retrouve plongé dans la misère quand le protecteur vient à faire défaut! Camilla Guzmann dans son film attachant, « Le rideau de sucre », projeté en avant-première à Fort-de-France lors des 3ème rencontres Cinéma mettait le doigt sur cette désillusion.

 Dans « Manteca, une femme Dulce et ses deux frères Célestino ingénieur rapatrié après une formation en URSS et et Pucho, professeur exclu de l’université pour homosexualité élèvent un cochon dans un appartenant havanais qu’il s’agit de transformer en charcuterie à la veille du nouvel an, fête nationale cubaine.

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« Emballage perdu » de Véra Feyder

 — par Selim Lander —

Un filage à Nouméa 

La Nouvelle-Calédonie est grande par sa superficie mais petite par le nombre de ses habitants. Ceux-ci, de surcroît, sont divisés en plusieurs communautés qui ne montrent pas toutes une grande appétence pour le théâtre. Contre vents et marées, Max Darcis parvient néanmoins à faire vivre sur la scène calédonienne, depuis maintenant une dizaine d’années, des spectacles de grande qualité qu’on aimerait pouvoir inviter à Fort-de-France. Les plus anciens spectateurs de Nouméa se souviennent du Horla, d’après Maupassant, où Max Darcis

était seul en scène. Professeur de théâtre, il n’a pas tardé par la suite à constituer une compagnie, Aléthéïa Théâtre, réunissant quelques comédiens talentueux avec lesquels il a monté des pièces souvent dérangeantes, comme une Mademoiselle Julie avec Delphine Mahieu dans le rôle titre, qui faisait ressortir toute la fantaisie et la folie de son personnage, tandis que Max Darcis exprimait à merveille les ambiguïtés du valet, partagé entre la force des conventions et celles du désir, sans oublier l’appât du gain propre à une classe qui côtoie sans cesse la richesse sans la posséder jamais.

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« Amour » : qui trop embrasse mal étreint

 — par Roland Sabra —

amourUne mise en scène de Vincent Goethals 

D’après « Amour, Colère et Folie » de Marie Vieux-Chauvet

Adaptation José Pliya

Le projet est original et séduisant. A partir d’un roman « Amour, Colère et Folie » de l’auteure haïtienne Marie Vieille-Chavet il s’agit de confier à trois metteurs en scène la charge de présenter un des volets de ce triptyque. José Plya, directeur général de l’Archipel, Scène nationale de Guadeloupe est chargé de l’adaptation et c’est le metteur en-scène français Vincent Goethals à qui est revenu l’honneur d’inaugurer la série avec « Amour. », joué les 17 et 18 novembre 2007 à Fort-de-France à l’Atrium.

Le roman « Amour, Colère et Folie », découvert par Simone de Beauvoir, est édité en 1968 et aussitôt interdit de parution en Haïti par Duvalier. Devant les menaces on ne peut plus précises, La famille de l’auteure n’hésite pas à racheter les exemplaires déjà vendus et à les détruire et obtient de l’éditeur la suspension de la vente avant de racheter là aussi le stock quelques années plus tard.

Il faut dire que le livre est une dénonciation du régime de violence et d’oppression, de compromis nécessaires et de lâchetés, de courage et de veuleries engendrés par un univers dominé par la folie et l’arbitraire.

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Lettre ouverte à Greg Germain et Marie-Pierre Bousquet

de Yoshvani Medina

lettre_ouverteChers Greg et Marie-Pierre :

Vous écrire équivaut à être encore en Avignon, à revivre ces moments tellement spéciaux que vous nous avez offert : je me vois encore en train de préparer la scène pour jouer ; de la défaire, une fois que le sortilège a eu lieu ; de tracter dans cet Avignon vôtre, qui maintenant, d’une certaine façon est à nous ; d’apprendre avec ces gens merveilleux que vous avez fait converger dans votre théâtre ; de prendre position dans cette lutte que vous menez, pas pour les idées qui vous donnent le pouvoir d’un festival, mais pour un festival d’idées qui donnent la priorité à l’artistique et à l’humain.

Et justement c’est de l’artistique et de l’humain que s’éloigne de plus en plus le Festival d’Avignon Off, qui n’est qu’un reflet de ce qui se passe en France, de là l’importance de votre combat, qui est l’essence même de votre existence.

Nous étions là déjà en 2003, l’année de tous les dangers, nous avons partagé avec vous les heures terribles d’une guerre qui n’était pas la nôtre par ignorance, et qui l’est devenue par vocation.

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Le dernier tango « en la cama

par Roland Sabra et Selim Lander —

un film de Matias Bize

Écran noir, souffles coupés, râles étouffés, cris échappés, ressorts qui grincent. Ecran blanc saisi de tremblements, de déchirements pour entrevoir, dans le désordre des draps, un morceau de chair, un ventre , un sein, une cuisse, le sien , la sienne. Cri. Un visage et puis un autre et se déroule le Générique de « En la cama » le film chilien de Matias Bize projeté ce vendredi 29 juin à l’Atrium.

De l’autre, ils ne savent pas même le nom, mais ils se connaissent au sens biblique du terme. Charnellement, intimement au plus proche d’eux-mêmes. Fantasme, assez masculin de la rencontre totale sans avoir à livrer quoi que ce soit de soi que Bertolucci avait déployé dans « Le dernier tango à Paris ». Un américain de passage rencontre lors d’une visite d’un appartement vide une jeune femme à la veille de son mariage. Une passion purement limitée au sexe se développe avec la volonté de ne rien vouloir savoir de l’autre. C’est donc ce même argument qui est repris par Matias Bize, avec infiniment moins de moyens bien sûr que son aîné et c’est donc dans la façon de le traiter que réside l’intérêt de la chose.

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Le tambour dans la peau

Une voix, du rythme et beaucoup d’énergie : les ingrédients du bèlè sont simples. Longtemps méprisée, cette musique héritée des esclaves martiniquais reprend vie. Enfin.

Avec son tambour, il fait corps, il le chevauche, un pied à l’air, l’autre chaussé de cuir. Ce talon nu est ­essentiel à son jeu. Il glisse sur la peau de chèvre tendue pour en moduler les sonorités, tandis que les mains tambourinent frénétiquement. Par sa frappe précise, en rafales subites, en syncopes acrobatiques, Félix ­Casérus, 74 ans, un petit air de Paul Meurisse mâtiné de Cary Grant, ­dirige le pas des danseurs qui tournoient et sautillent, jambes écartées, buste en avant. Le bèlè (le « bel air »), revigorant chant au tambour martiniquais hérité du temps de l’esclavage, allie la jubilation des rythmes à la mélancolie des voix éraillées. Une musique qui soigne les plaies de l’âme et donne de l’énergie.

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Marie-Thérèse Barnabé, Négresse de France

   — par Alvina Ruprecht —

Conçu et interprété par Souria Adèle

Production de la Compagnie Man Lala

Avignon, 2007 Théâtre Le Paris
Mais qui est vraiment cette « Négresse de France » dont le portrait circulait sur les affiches du milieu « off » en Avignon? Il fallait absolument la connaître. Nous nous sommes rendus donc au théâtre Le Paris pour la découvrir. De premier abord, Souria Adèle, comédienne d’origine martiniquaise, nous trompe par son costume grotesque, ses grimaces un peu béates, la perruque collée sur le crâne, le « gwo bonda » – énorme protubérance d’un corps déformé par des années de travail et peut-être des accouchements multiples. Nous étions convaincus qu’il s’agissait d’une autre version de Jack et Pat, de Bankoulélé, ou de n’importe quel personnage sorti des sketches comiques du genre grosse farce très prisée par tous les publics en Martinique et en Guadeloupe. On adore ces personnages grotesques, simplistes, coléreux, à la fois naïfs et espiègles qui incarnent le bon sens du peuple mais un bon sens tourné en dérision. On a besoin de se voir sur scène.

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« POUSSIERE DE BAMBOU » : arts de la scène caribéens cherchent auteur désespérément

— Par Roland Sabra —

« Entre les autres et moi le silence s’amplifie » dit il. Alors face à ce vide tétanisant il dévide de sa bouche la bobine interminable du ruban de la langue. Blanc ruban comme les blancs du discours que celui-ci souligne à vouloir masquer ceux-là. Hildevert Lorsold aussi seul en scène qu’il l’est face aux mots, comme nous tous qui avons toujours ce vieux rêve adamique d’un isomorphisme parfait entre les mots et les choses. Retour fusionnel dans le giron de « lalangue », vers un temps sans temps morts, en un lieu sans coupure. Il est donc seul en scène et tout commence par ce « bonjour » délesté d’épaisseur, déraciné de toute glaise, aussi consistant que les bulles de savon qui envahissent le plateau. La langue n’est pas un nomenclature. Les animaux et les choses ne sont pas présentés devant Adam pour être nommées tout uniment. Apprendre par cœur un dictionnaire franco-anglais ne fait pas accéder à la maîtrise écrite ni parlée de la langue de Shakespeare.

Les mots sont énigmatiques. Alors on joue avec pour les mieux connaître.

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La Chapelle du verbe incarné fête sa première décennie en Avignon

 — Par Alvina Ruprecht —

Carnets d’Avignon.

La Guadeloupe a brillé par son absence lorsque 200 personnes se sont retrouvées dans la salle de théâtre, rue des Lices, mardi le 17 juillet pour fêter la première décennie de la Chapelle du Verbe incarné. Ce fut la confirmation d’une réussite artistique et humaine du projet de Greg Germain et Marie Pierre Bousquet, concepteurs d’une entreprise unique dans l’histoire du théâtre français.

La compagnie de production : Théâtres d’Outre-mer en Avignon (T.O.M.A.), établie dans l’ancien couvant de la Chapelle du verbe incarné, fut conçu pour mettre en valeur les théâtres originaires des départements français de la Caraibe,de l’Amérique, de l’Océan indien et du Pacifique du Sud, ainsi que le travail de tous les ressortissants de ces régions et de tous ceux pour qui le francais est une des langues véhiculaires et qui, par ce fait, participent à la redéfinition de ce nouvel espace interculturel qu’est devenu la France au XXIe siècle.


Il fallait un engagement passionnel, une volonté de fer et un regard visionnaire, capable de passer outre les obstacles matériels et idéologiques d’une entreprise qui, au départ, posait énormément de problèmes.

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« Le cœur à rire et à pleurer » ou l’enfance d’une écrivaine

 — Par Roland Sabra —

Il est des histoires dont l’intérêt ou la nouveauté résident dans la façon dont elles sont racontées plutôt que dans ce qu’elles racontent. C’est le cas du récit d’enfance « Le cœur à rire et à pleurer  » de Maryse Condé que tente d’adapter à la scène Alain Courvaud avec Martine Maximin accompagnée du clarinettiste Antoine Bory.

Le décor sur fond noir d’une grande sobriété se limite à quatre boîtes rectangulaires sur lesquelles la comédienne prendra appui de temps à autre pour dire son texte, les porte-instruments indispensables du musicien et un patron de couturier revêtu d’une robe chamarrée et n’ayant d’autre utilité que de figurer la présence de la mère de l’écrivaine. A décor minimaliste mise-en scène réduite au strict nécessaire, c’est à dire à un jeu de lumières et un dialogue d’un intérêt inégal entre la comédienne et le clarinettiste, pourtant complices depuis le début des années quatre-vingt.

L’intrigue est connue par avance : comment une petite fille à l’arrivée non désirée dans une famille déjà nombreuse de la petite bourgeoisie noire urbaine de Pointe-à-Pitre va devenir Maryse Condé.

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« Legends of Storm » : combats légendaires pour l’identité

—Par Roland Sabra —

 

   Les légendes d’un peuple sont issues de son histoire, au plus intime de sa vie faite, comme toutes les vies et pour tous les peuples, n’en déplaise aux fâcheux, d’amour, de travail de guerres, de victoires et de défaites, d’invasions, de résistances et de libérations. Le peuple géorgien a gagné la sienne en 1991, après l’effondrement du bloc soviétique.

Ce n’est qu’en 2001 soit dix ans après l’indépendance qu’il nous a été possible d’entendre ces chants a capela qui montent à l’assaut des siècles, ces valses somptueuses qui font tourbillonner le monde autour d’un hymne à la liberté et qu’il nous a été donner de voir ces danses de vie dédiées à l’affirmation irréductible d’une identité mille et mille et une  fois renaissante.

Elles et ils sont donc caucasiens dans un pays bien trop à l’étroit, trop souvent étouffé entre la l’Iran, la Russie  Turquie et l’Arménie. Que nous disent-elles, ces femmes à la peau si blanche? Ce que disent toutes les femmes qui attendent leurs hommes partis au loin pour chasser ou pour combattre, elles nous disent, dans la danse Khalta Tsekva, la tristesse qui les étreint et l’espoir d’un retour victorieux tout en préparant leurs enfants à s’engager sur les traces de leurs pères.

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