Binari- Souvenirs de la mère

binari— Par Michèle Bigot —

Binari- Souvenirs de la mère
MAC théâtre company
Festival d’Avignon, off 2014, Présence Pasteur
Mise en scène Jungnam Lee

La Corée est très présente cette année au festival d’Avignon, nous livrant des spectacles originaux et variés, allant de la tradition au plus contemporain⋅ Binari appartient à la première catégorie, en tant que relecture du théâtre traditionnel coréen⋅ Les costumes, les masques, la musique, l’évolution des chœurs actualisent la cérémonie traditionnelle telle qu’elle a pu vivre en Corée lors des rites funéraires⋅⋅
Structurée comme un conte, dont le fil narratif est la recherche de la paix pour une âme qui vient de passer de vie à trépas, la pièce présente une succession de tableaux et saynètes.
Le pathétique est donc invité, la gravité cérémonielle, le drame aussi, mais le tout est relevé par des saynètes comiques, voire franchement bouffonnes qui nous rappellent la couleur moliéresque, voire la Commedia Dell’Arte.
Il s’agit d’une pièce adaptée du Doghaean ogukut de la côte est de la Corée, danse chamanique portant le nom de « BINARI » . Le théâtre du rituel chamanique est donc en pleine renaissance, donnant à voir l’espace de la communication entre les humains et le ciel.
Le monde de l’au-delà est donc présent pour nous, la scène théâtrale étant justement le lieu de cette actualisation. Magie, rite, drame humain sont articulés dans un spectacle qui allient ces opposés sans heurter la vraisemblance. La chorégraphie, le masque, l’accompagnement musical, le cérémonial, les processions et cortèges, tout participe à créer sur scène cette ambiance sacrée qui n’exclut pas l’humain. Cette errance entre le monde des vivants et des morts nous transporte du rire aux larmes, à la recherche de la paix.
Il y a là une invitation à s’extraire d’une vie éprouvante, quitte à en revivre les scènes les plus douloureuses, pour sortir des limbes et accéder au repos de l’âme. Soutenue par la voix de la mudang, la chaman, la mère, quoique s’accrochant longtemps au monde des vivants, finit par s’arracher à cet univers terrestre ; voyage initiatique vers la mort, cadencé par les chants et évolutions chamaniques, rites de passage, chant de regret plein de tristesse et de nostalgie pour la vie difficile d’ici bas, la pièce nous apporte, à nous occidentaux, une vision de l’au-delà plus sereine et plus belle, sans rien renier des douceurs et douleurs de la vie sur terre.