« Mé ki sa nou lé » avec Sarah-Corine Emmanuel

sarah_co4— Par Roland Sabra —

On aura tout vu ! Un spectacle féministe mis en scène par Hervé Deluge ! 🙄 Certes il était en service commandé, mais il a fait le boulot pour lequel il était requis. Et plutôt bien ! Il faut dire que le thème est porteur.
Entre chant et théâtre, entre humour et colère, entre plaisir et tristesse, entre désir et douleur, entre partage et solitude, entre mère et femme,  Sarah-Corine Emmanuel nous a pris par la main pendant un long moment dans un assemblage de textes, de musiques et de chansons autour de la condition féminine, ici et ailleurs, pour une promenade réfléchie et enjouée. Des récits émouvants et drôles, des tranches de vies jubilatoires et parfois pathétiques ont été présentés avec cette gouaille, cette assurance de celle, Sarah-Corine Emmanuel, qui sait de quoi elle cause⋅ Dans ce genre elle est sur scène chez elle, nul ne peut en douter⋅ La scène ? Un triptyque de rideaux de fils blancs derrière lequel on entrevoit un orchestre et un chœur qui soutiennent la « diseuse »⋅ Au milieu un fauteuil de bar, blanc lui aussi, pivotant qu’elle occupe le plus souvent dans ses narrations.
La touche delugienne est très facilement repérable dans l’épisode désopilant de princesse attendant son prince charmant, une reprise d’Anne Sylvestre et Boby Lapointe (Depuis l’temps que j’l’attends mon prince charmant), qui permet une joyeuse respiration après un passage plus dramatique qui, lui, évoque, avec beaucoup d’émotion, une situation de femme soumise au mariage et rouée de coups par un mari ayant peu accès au langage articulé et versant dans l’ alcoolisme.  Au delà de ce passage la tonalité générale du travail présenté est plutôt joyeuse. Et si les hommes en prennent pour leur grade, comme il se doit, le consentement voire la complicité des femmes à l’oppression qui les domine ne sont  pas passés sous silence. On ne verse pas pour autant, dans la récrimination pour la récrimination, mais dans une critique utilisant principalement les armes de la dérision et de l’humour. La salle rit de bon cœur, applaudit sans réserve, comme par exemple lors de la chanson de Brassens :

Quatre-vingt-quinze fois sur cent,
La femme s’emmerde en baisant .
Qu’elle le taise ou le confesse
C’est pas tous les jours qu’on lui déride les fesses .
Les pauvres bougres convaincus
Du contraire sont des cocus .
A l’heure de l’œuvre de chair
Elle est souvent triste, peuchèr !
S’il n’entend le cœur qui bat,
Le corps non plus ne bronche pas .

Chanson dont le refrain sera repris en chœur par une partie de la salle. Moment de partage dans la bonne humeur.
Bien sûr il y a quelques imperfections, comme cette pénurie foyalaise de micros serre tête qui prive le chœur des moyens d’être entendu plus distinctement notamment dans les aigus. D’une manière plus générale, des réglages de sons et surtout de lumières sont perfectibles. Une baisse de l’attention ( la tension) en fin de spectacle avec une séquence de pas de danse qui fait retomber le soufflet n’est pas du meilleur effet, ne serait-ce que théâtralement parlant. Mais tout cela est très secondaire par rapport à un travail qui mériterait largement de circuler en commune. Alors Mesdames et Messieurs les élus un peu de courage.

Fort-de-France, le 12/07/2014,

R.S.

« Mé ki sa nou lé »

One woman show / Théâtre musical / Compagnie Île Aimée

Mise en scène Herve Deluge

Comédienne ; Sarah-Corine Emmanuel

Musiciens Guy Louiset / Jean-Marc Réunif / Maurise Mouflet

Choristes : Angéla Lalaus / Marie-Paule Pinel-Fereol / Harry Granomort