Catégorie : Arts de la scène

Quand on aime (le théâtre), on a toujours 20 ans

 — Par Roland Sabra —

Un des bonheur de chroniqueur de théâtre est de faire une découverte. Un soir comme ça, vous prenez votre voiture pour affronter les embouteillages, les chauffards, la pluie, la route glissante et la nuit tombante. Une heure pour faire moins de 30 kilomètres, en conduisant vous pensez non pas à la mort de Ivan Illitch mais à Ivan Illich le sociologue écologiste qui avançait que si l’on additionnait au temps passé dans nos bagnoles le temps de travail nécessaire à leur achat et à leur entretien pour diviser la distance parcourue, la vitesse obtenue serait telle qu’on achèterait tous des vélos. Bref, vous êtes un peu morose en allant au Festival de théâtre amateur de Trinité. Vous avez beau être ravi de l’initiative, vous déplorez l’absence quasi totale de communication autour de l’évènement et pour clore le tout vous vous dites que vraiment la municipalité aurait pu investir un minimum dans l’amélioration de la salle et qu’il s’agit là de la part des édiles d’une opération « low coast« . Et comme il se doit, le spectacle commence avec une bonne demi-heure de retard sur l’horaire prévu.

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Daniely Francisque : « Je me considère depuis quelques années comme un metteur en scène « en chantier »

 Daniely Francisque, auteure, metteure en scène, comédienne, danseuse… :

Daniely Francisque, portrait (photo : Carlotta Forsberg)

 Engagée! Dans toutes les acceptions les plus nobles du terme. D’abord dans son métier dont elle explore systématiquement, avec méthode et détermination toutes les palettes, ensuite dans chaque le mode d’expression retenu, sur scène elle impose avec force une présence dont l’évidence n’est pas à questionner. Les arts de la scène sont pour elle les espaces d’une construction identitaire, artistique et culturelle, qu’elle s’approprie avec un professionnalisme, pas si courant en Martinique. Elle a voulu maîtriser les modalités de l’interview qu’elle nous  à accordé et qu’elle considère comme une des dimensions de son métier. Quand elle est interrogée sur son intérêt ou son désintérêt pour ce que tout un chacun connait comme les « auteurs du répertoire », à savoir les Tchékhov, Shakespeare, Brecht, Molière, etc. elle fait semblant de ne pas comprendre la question, quand celle-ci se précise elle cite des auteurs contemporains dont la plupart ont une aura limitée, il faut bien le constater, au champ culturel caribéen. Comme si la recherche identitaire qui la porte était confondue, absorbée par une recherche illusoire des racines ou la quête mythique des origines ( cf.

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Théâtre & Politique

 — Par Marius Gottin —

 

marius_gottinMesdames, Messieurs,

 José Exélis a le nez fin, ou creux. Peut être les deux, j’ai oublié la différence. Vous me direz: c’est son côté artiste, d’aucun diraient handicapé, vous savez lorsque certains, souffrant par ailleurs de manques, développent des facultés particulières qui font qu’ils ressentent les choses différemment et c’est ce ressenti particulier qui explique la vision du monde qu’ils nous restituent en tant qu’artiste.

Il y a de cela plus d’un mois, l’intéressé m’appelle et m’annonce qu’il a pensé à moi pour introduire un débat tournant autour du thème : Théâtre & politique…et me revient cette déclaration de l’ancien président du parlement international des écrivains, l’américain Russel Banks: « la fonction de l’écrivain est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne puisse s’en dire innocent »

 Ah bon, cela veut dire qu’à un moment ou à un autre, il faut dire les choses, les nommer, les mettre sur la table ? Sur les questions qui agitent le théâtre (et notre société martiniquaise empêtrée dans des questions identitaires) cela fait déjà trois ans au moins que ces questions tarabustent l’auteur, le metteur en scène, le comédien José  Exélis; et qu’il nous invite, cette année encore, à y réfléchir, à la mise en relation, mise en perspective de deux mots recouvrant deux activités dissemblables mais rien n’est moins sûr, « théâtre et politique ».

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Le théâtre amateur en Martinique est bien vivace

 

De la nécessité d'organiser et de promouvoir le théâtre amateur en Martinique

Le théâtre amateur en Martinique est bien vivace. Michèle Césaire vient de proposer au Théâtre de Foyal les Premières rencontres du Théâtre Amateur, en mai 2008, suivie par la ville de Trinité qui propose elle aussi des rencontres pendant la première semaine de juin. Jandira Bauer de Jesus l’an dernier dans « Madame Marguerite, la jeune Daniely Francisque le 22 mai de cette année, avec Neg Pa Ka Mo, nous ont offert dans des registres très différents, des spectacles porteurs de promesses d’avenir.

La programmation du Théâtre Municipal de Foyal était assez restreinte . Trois pièces, dont une déjà programmée l’an dernier à titre privé. En premier lieu nous avons vu « Le dindon » de Feydeau, mis en scène par Claude Georges Grimonprez  qui dirige  la Compagnie théâtrale Courtes Lignes fondée en 1993  avec  Anne-Marie CLERC. La troupe nous avait gratifié l’an dernier de « Douze hommes en colères. » Il y a dans cette compagnie, un bonheur à jouer dont on ne peut douter, et qui éclate sur scène. C’est cette énergie qui fait oublier les imperfections, les maladresses, inhérentes à cette pratique.

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Projet d’écriture théâtrale (Esquisses)

 

— Par Jean Durosier DESRIVIERES —

Titre :

*Paroles en crue

Genre :

*Drame.

Durée :

*Théoriquement la représentation de cette pièce, encore au stade de projet, devrait osciller entre une heure (1h) et une heure et demie (1h30).

Résumé :

*On est à la Cité de l’Indépendance, un soir de forte averse provoquant un début d’inondation. Deux inconnus, Maton et Voltaire, se retrouvent par hasard sous un abri de fortune, le porche d’un magasin-bric-à-brac où ils se réfugient, en attendant une éventuelle accalmie pour pouvoir rentrer : le premier chez sa compagne Sonia et le second Chez son amante Eva. Alors que l’eau monte graduellement, Maton, enjoué et sans doute habitué à de pareilles situations, éprouve tout simplement, pour tuer le temps, le besoin de parler à son compagnon (Voltaire) de circonstance qui paraît être un Etranger à ses yeux, un coopérant, apparemment coincé et méprisant par-dessus tout. Mais l’eau se fait de plus en plus menaçante, quand soudain passe un cadavre. C’est alors que, sous le choc, la voix de Voltaire se fera entendre de façon plus drue, et l’on discernera également la fragilité du personnage et découvrira presque toute sa vérité.

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Sont-ils ce qu’ils disent être ou sont-ils ce qu’ils font?

— Par Roland Sabra —

Poster-TabouEdito du 20/05/2008

  Le film de Guy Deslauriers, sur un scénario de Patrick Chamoiseau, avec Stomy Bugsy dans le rôle du journaliste martiniquais assassiné rencontre des difficultés de financement. Le budget du film s’élève à 3 millions d’Euros, moitié moins que la moyenne des films français. Les Chti’s ont couté 11 millions d’Euros alors que le budget d’un film étasunien oscille  aux environs de 60 millions de dollars soit 40 millions d’Euros en moyenne, mais  « Titanic »  avait coûté à l’époque 135 Millions d’euros (200MD). Guy Deslauriers précise que le sujet du film, les faits qu’il relate, a privé les producteurs « Kreol Productions » de certains financements habituellement réservés aux films français et d’outremer. En d’autres termes, pour appeler un chat, un chat et une censure une censure, le film a été pénalisé parce que qu’il a eu l’heur de déplaire politiquement. Et le réalisateur d’ajouter « Qu’un certain nombre de partenaires ne sont pas allés au bout de leurs engagements et encore moins de leur promesses. » Ceux-là on voudrait bien les connaître, pour mieux les faire connaître!

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Haïti, Guadeloupe, Dominique : nouvelles écritures théâtrales

 — par José Pliya* —

arlequin-2Le point commun entre les trois territoires à explorer sous l’angle des « nouvelles écritures théâtrales », c’est la Caraïbe. Cette partie du monde a, entre autres singularités, ces insularités multiples, ces langues en archipels : français, anglais, espagnol, créole… À ce titre, on peut dire que le deuxième point commun entre nos trois territoires est la langue créole qu’ils ont en partage. Cela est important, car, comme nous allons le voir, cette langue créole – dont la caractéristique est le mélange d’idiomes, le croisement de formes syntaxiques, la transversalité d’imaginaires linguistiques – reflète assez bien la réalité des scènes théâtrales de ces trois îles, et même de la Grande Caraïbe.

Haïti : entre ancrage local et aspiration à l’universel

Dans le foisonnement artistique perpétuel qui frappe le spectateur qui découvre cette île, le théâtre a toujours eu une place importante. Les années 1970-1980 sont dominées par la figure de grands metteurs en scène comme Syto Cavé et, surtout, le regretté Hervé Denis. Avec eux, le théâtre est une affaire de troupe, de famille et de grands textes du répertoire haïtien (Jacques Stephen Alexis) ou caribéen (Simone Schwarz-Bart, Aimé Césaire) qui sont créés et joués un peu partout dans le monde.

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« Le Dindon » de G.Feydeau

— Par Christian Antourel —

coutelignes-390Acclamé en France, jusqu’à la comédie Française « le Dindon » un des vaudevilles de Feydeau des plus aboutis a traversé la mer et mis en scène par Claude-Georges Grimonprez à eu un succès considérable en Guadeloupe.

Une comédie délirante

Tout fait divers devrait s’appeler Feydeau, tant l’auteur a le réflexe spontané de l’histoire surgie au coin du quotidien. De ces choses de peu d’importance, postures et gestes des plus anodins, il fait le vaudeville, comédie légère fondée sur l’intrigue et le quiproquo et la Cie Courtes Lignes présente cette pièce qui résiste à l’épreuve du temps, qui dit, sans y paraître l’humour dans son habit de lumière. Gardons nous d’applaudir trop tôt et voyons quel rythme, quelle mise en espace, quel imaginaire scénique nourri à la source buissonnière, hors l’académie du théâtre, dans une langue réinventée pour saltimbanques d’un théâtre de salon, mérite un tel succès. A n’en point douter, le verbe aimer le théâtre composé, conjugué de passion et de professionnalisme est un élément à considérer et quand on verra avec quel ravissement, l’esprit cocasse, la justesse du verbe et le geste précis précipitent dans l’élégance agitée les mots en chute exacerbée, il se peut que nous soyons convaincus.

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Le Tour du Monde en 80 Jours

 — par Laurence Aurry —

tour_du_monde_80LE TOUR DU MONDE en 80 Jours, joué à guichets fermés les 6, 7 et 8 mars 2008 au Théâtre de Fort-de-France, nous a offert un vrai moment de détente.

Les auteurs, Sébastien Azzopardi et Sacha Danino, ne se sont pas contentés d’une simple adaptation de l’œuvre romanesque de Jules Verne, comme on a pu en voir au cinéma. Tout en gardant la trame narrative et les principaux personnages du récit de Verne, ils ont su faire preuve d’originalité et de créativité. Le charme du spectacle vient de ce constant décalage entre l’époque représentée, celle de Phileas Fogg, qui pense gagner son pari grâce aux nouveaux moyens de locomotion que l’ère industrielle a développés à la fin du XIXè siècle, et les nombreuses allusions à notre monde contemporain. Les multiples anachronismes qui jalonnent le texte offrent une réécriture amusée et amusante qui nous permet de voyager à travers notre propre époque ou plutôt à travers les représentations que nous nous faisons encore du monde. C’est un tour du monde des caricatures et des clichés, des images toutes faites dans lesquelles nous enfermons volontiers l’Autre.

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« Monsieur Jourdain » : baroque et jubilatoire

  — Par Roland Sabra —

Didier Carette n’aime pas Molière. Il a du mal avec le théâtre du XVII ème siècle dont il trouve l’écriture trop « monologuante » et les personnages trop « monolithes ». Le contraire de ce qu’il aime dit-il. Le metteur en scène à des affinités avec Brecht, avec Shakespeare, pas beaucoup avec Jean-Baptiste Poquelin. C’est pour des raisons économiques, pour assurer des recettes, il faut bien vivre, qu’il se contraint à monter « Le Bourgeois gentilhomme » pièce du répertoire dont le grand public est friand. Comme Didier Carette est un homme de paradoxes que les défis stimulent il confie le rôle de M. Jourdain à Georges Gaillard qui lui détestait franchement cette pièce et « Le Medecin malgré lui » avec. Le résultat? Il est jubilatoire! Comme quoi l’art est avant tout affaire de labeur et d’intelligence.

Le travail de Didier Carette se situe dans la veine d’un théâtre baroque qu’il tire vers l’expressionnisme allemand à la Murnau pour inventer, à l’instar du cinéma de même nom, une sorte de théâtre noir, de théâtre d’horreur dans lequel il s’évertue à chercher dans les personnages les plus négatifs ce qu’il y a d’humanité profonde, enfouie.

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Comité de soutien au film « ALIKER »

du réalisateur Guy des LAURIERS

L’objectif du comité qui s’est constitué le 30 avril 2008 est de :

  • Soutenir financièrement la production de ce film. En effet, suite à des problèmes techniques et à la détérioration de la pellicule ayant entraîné un sinistre important pour le film, les fonds récoltés majoritairement auprès des collectivités locales de Martinique, Guadeloupe, Guyane et de quelques entreprises privées s’avèrent insuffisants.

  • 85.000 €uros sont nécessaires pour achever la production et envisager une sortie sur les écrans pour la fin de cette année 2008.

  • L’importance de ce film du point de vue historique est incontestable et nous ne pouvons laisser mourir une telle initiative !

  • Au-delà de l’aide financière, le comité et tous ceux qui le soutiennent veulent contribuer par leur action à faire connaître des faits historiques qui ont marqué et marquent encore la société martiniquaise.

comité de soutien au film « ALIKER »

du réalisateur Guy des LAURIERS

André Aliker est mort le 12 janvier 1934 assassiné par les puissances d’argent de ce pays, parce qu’il avait osé l’impensable :

affronter le riche béké AUBERY, propriétaire de l’usine du Lareinty.

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« Cahier d’un retour mal assuré au pays des bonnes intentions» « Mann ist, was mann isst »

— Par Roland Sabra —

Yé Mystikwi! et Mangeons!

Photo Philippe

Yé Mystikwi ! Deux spectacles pour clore la biennale de danse contemporaine. Tout d’abord une chorégraphie de Lucien Peter inspirée du « Cahier d’un retour au pays natal » dont on retiendra la belle mise en lumière de José Cloquel et la difficulté à passer des bonnes intentions à la réalisation. Dès la lecture du prologue(1) par le psychanalyste Guillaume Suréna, les danseurs apparaissent sur scène un peu, et dans la salle, beaucoup, en se déplaçant comme des automates, de façon mécanique mi zombies mi-âmes errantes à la recherche d’un havre sur le fond de la scène une sorte de lune bleue tordue qui servira d’écran aux projections multimédia, à dire vrai beaucoup d’écrans de veille repiqués d’un Winamp quelconque. Sur la scène se dessine un espace qui semble figurer l’île yougoslave dont le nom et la vue vont déclencher l’écriture du cahier. En fond musical plus qu’en accompagnement la voix de Césaire se fait entendre dans un environnement sonore confus : sur la voix du poète la gestuelle de la danseuse se construit en opposition aux gestes des automates.

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« Ecorce de peines »

 — par Selim Lander —

17 avril 2008

Un moment de vérité et de deuil au théâtre de Fort-de-France

[Théâtre D’ de Kabal] 

On peut débarquer du « 9-3 », être nourri de la culture des banlieues, être porteur d’une identité bâtarde, avec du martiniquais mêlé à bien d’autres origines, et être néanmoins capable de s’adresser aux Antillais d’ici, à ceux qui ont fait le choix de rester dans le pays du premier exil, le pays des anciennes humiliations et des douleurs jamais complètement effacées. A en juger par l’émotion qui a saisi les spectateurs, D’ de Kabal, l’auteur et principal interprète d’Ecorce de peines, présentée à Fort-de-France le 17 avril, a su les toucher au plus profond et, qui sait ? leur apprendre quelque chose d’eux-mêmes qu’ils ignoraient, comme la fraternité profonde qui les lie aux « sauvageons » des banlieues, à l’égard desquels il leur arrive pourtant – quand la violence se met à déferler sur les cités – de tenir des propos dépourvus de toute compréhension.

17 avril 2008 : la mort d’Aimé Césaire avait été annoncée le matin même.

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« Les Bonnes » : vertiges et folie dans le grenier des morts-vivants

 — par Selim Lander —

  au Théâtre de Fort-de-France

 10, 11 et 12 avril 2008

« Au moins cette beauté doit-elle avoir la puissance d’un poème, c’est-à-dire d’un crime ». Jean Genet

 Le théâtre de Genet est fait d’outrance et d’excès. Il ne se complaît pas dans le médiocre. Les sentiments ordinaires n’y ont pas leur place. Les vertus, surtout, n’existent pas. Il n’y a pas d’amour sans haine, de respect sans moquerie, de modestie sans orgueil, d’attention sans dérision. Et puis, au-delà de tout ce qui précède, il y a la malédiction suprême – « La scène est un lieu voisin de la mort » – et les comédiens ne sont déjà plus de notre monde : il leur faut « des accoutrements terribles, qui ne seraient pas à leur place sur les épaules des vivants ». Impossible donc d’aborder une pièce de Genet sans accepter d’être confronté à la cruauté sous toute ses formes : jalousie, mépris, méchanceté, jusqu’au meurtre. Il faut « que le mal sur la scène explose ».

Mais le théâtre a sa logique propre qui s’impose même à un Genet. Il est faux-semblants, retournements de situations, coups-de-théâtre.

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« La Route » de Zakes Mda

 — par Selim Lander —

Zakes Mda est un noir sud-africain, né en 1948 à Soweto, auteur de sept romans et de cinq pièces de théâtre. Il a dû s’exiler, a enseigné le creative writing à l’université d’Ohio, avant de revenir s’installer dans son pays. Sur la foi de La Route – présentée à l’Atrium de Fort-de-France les 11 et 12 avril 2008, après être passée par Avignon l’été précédent – on est forcé de conclure qu’il s’agit d’un écrivain talentueux et l’on regrette qu’il soit resté jusqu’ici si peu connu en France (trois romans ont néanmoins été traduits : Au pays de l’ocre rouge, Le Pleureur, La Madone d’Excelsior). Dieu sait pourtant qu’on pouvait redouter le pire : que peut bien apporter une pièce (de plus) sur l’apartheid qu’on ne sache déjà ? Nos craintes étaient heureusement injustifiées. Et, de fait, le théâtre n’a nul besoin de chercher des sujets originaux, les tragédiens français du Grand Siècle en étaient les premiers convaincus, eux qui revisitaient inlassablement les mythes antiques.

L’argument de la pièce, qui date de 1982, avant la fin de l’apartheid, est des plus simples : un blanc et un noir se rencontrent sur une route, un fermier et un ouvrier mécanicien itinérant.

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« Les Bonnes » : « Solange » Aïdoudi éblouissante dans une cérémonie sacrificielle, érotique et religieuse

 — Par Roland Sabra —

Une création foyalaise

Les comédiens et les comédiennes sont des êtres insupportables. Narcissiques, auto-centrés, mégalomanes, d’une redoutable fragilité qui se pare de la robe de l’infantilisme le plus indécrottable, on ne peut que les haïr de ne pouvoir faire du théâtre sans eux. Et pourtant… l’adage est bien connu qui affirme que l’on apprécie les gens que pour leurs qualités alors qu’on les aime pour leur défauts. Jandira de Jesus Bauer a été comédienne, ce qui explique pourquoi elle est sans doute assez folle pour s’embarquer avec trois comédiennes antillaises et monter « Les Bonnes » à Fort-de-France. Le résultat est à la mesure de l’entreprise, décalé, iconoclaste et fidèle, inventif et décapant, mais surtout réussi.

Toute l’œuvre de Genet peut se lire autour de deux axes, le bien/le mal, le masculin/le féminin. « Les bonnes » ont d’ailleurs été jouées plusieurs fois par des hommes. « Sol Ange » est un nom de personnage qui apparaît pour la première fois dans « Notre Dame des Fleurs » et Claire est aussi un signifiant qui renvoie à celui qui quitte le monde laïque pour le monde ecclésial.

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Soweto: la recette d’un succès populaire ambigu

 — Par Roland Sabra —

Soweto texte de Serge BiléComme toute recette de cuisine tout dépend de l’endroit où vous concoctez votre plat. On ne fait pas une bouillabaisse de la même façon à Marseille, à Miami, à Tokyo, à Fort-de-France. Il est important de tenir compte des ingrédients locaux, de ce que vous pourrez trouver sur le marché.

Prenons l’exemple de Soweto, spectacle qu’il est difficile de qualifier, tant il relève de genres indéfinis, (comédie musicale? tour de chant? danses? music-hall? variétés?) et qui a suscité un enthousiasme populaire indéniable à l’Atrium de Fort-de-France. Les trois représentations ont été doublées et chaque fois elles ont fait salle comble.

Serge Bilé, est un journaliste honnête et compétent, et ses papiers retracent, sans compromis, sans flatterie aucune ce qu’il constate, n’en déplaise à quelques nationalo-populistes qui lui contestent ( de quel droit?) sa liberté de parole au fallacieux prétexte qu’il ne serait pas martiniquais d’origine! La bêtise est sans frontière. Sans être historien, essayiste, ni même écrivain Serge Bilé écrit des livres, témoigne. « Noirs dans les camps nazis », qui aurait dû obtenir le prix Essais France Télévision a été écarté à la suite d’une intervention de la responsable des prix littéraires mettant injustement en doute le sérieux de l’ouvrage.

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Zandoli pa tini pat

—  par Selim Lander —

Bestiaire chorégraphique

3-4-5 avril 2008 au Théâtre de Fort-de-France

Décidément, les mauvaises habitudes ont la vie dure. A Fort-de-France où l’on n’est pas submergé par une offre surabondante de spectacles vivants, on observe souvent que les représentations, au lieu de s’étager tout au long de l’année suivant un calendrier harmonieux, sont souvent programmées de façon à se phagocyter mutuellement. A croire que les responsables de la programmation ont suivi des études de sciences économiques et qu’ils en sont sortis convaincus à tout jamais des vertus de la concurrence.

Le 3 au soir pour la première de Zandoli, il n’y avait pas beaucoup plus de 30 personnes au Théâtre de Fort-de-France. Sans doute les afficionados du spectacle vivant s’étaient-ils précipités à l’adaptation martiniquaise de Soweto, présentée exactement aux mêmes dates, 3-4-5 avril à l’Atrium… On espère que les deux soirées suivantes seront plus équilibrées et que l’on verra davantage de spectateurs au Théâtre car il n’est pas normal que des artistes de qualité se produisent devant une salle presque vide.

Claire Moineau dans Crescendo

D’autant que le spectacle offre un prologue, non annoncé sur le programme, qui justifierait à lui seul le déplacement de tous les amateurs de danse.

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« Les Bonnes » de Jean Genet en Martinique : en voilà du propre!

— Par Roland Sabra —

Comment le choix de la pièce vient au metteur en scène?

Épisode 1

Jandira Bauer, metteuse en scène martiniquaise d’origine brésilienne a accepté la présence d’un critique tout au long de la gestation et l’accouchement d’un spectacle. Je vais tenter de rendre compte de cette aventure. Roland Sabra.

Jandira Bauer a consacré sa vie au théâtre. Du Brésil à la Martinique en passant par la France, elle a fréquenté, cotoyé, mais surtout appris auprès des plus grands. De Jean Genet à Ariane Mouchkine. De Jean Genet justement au début dea années 80 qu’elle rencontre comme comédienne dans « Les Bonnes ». Le Maître est imposant, la comédienne impressionnée car au-delà d’un apparent détachement il veille au grain. Jamais il ne donnera l‘imprimatur pour une version définitive de son texte. Ce sera la deuxième version, trois sont connues, deux publiées, la troisième aux archives Loius Jouvet.

Le texte « Les Bonnes », Jandira Bauer un quart de siècle après sa rencontre avec l’auteur, le connaît par coeur. Il n’a cessé de la travailler et, elle, n’a cessé de le travailler tout au long de sa carrière dans de nombreux ateliers.

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« Les Bonnes » de Jandira Bauer : une créatrice marginale et provocatrice, profondément humaine.

« Les bonnes » création à Fort-de-france : homosexualité, religions, candomblé et luttes des classes

Elle arrive à l’heure au rendez-vous, qu’elle a demandé plusieurs fois de déplacer, parée des couleurs du diable : noire et rouge. Martinico-brésilienne, elle a gardé cet accent lent et chanté de son pays natal. La langue a du mal a maîtriser le bouillonnement de l’esprit. Venue parler de sa dernière création «  Les Bonnes » présentée pour la première fois à Fort-de-France, jeudi 10 avril avant Le Festival d’Avignon cet été, elle profite d’une incise sur Jean-Luc Lagarce pour décortiquer, pendant deux bonnes heures, la façon dont il faut lire « Juste avant la fin du monde » qu’elle travaille en ce moment avec des élèves comédiens. Genet, Lagarce, des auteurs à ne pas mettre en toutes les mains et dont Jandira de Jésus Bauer fait son quotidien. Un quotidien qui n’a rien de monotone, son rapport aux textes est charnel, il est fait de sexe, de transgressions, de tendresse, de mise en danger, de passions, et les mots sont à l’avenant, directs, sans fioritures, les formules assassines et drôlement imagées de tournures lusophones, en un mot, un discours d’humanité.

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« Epilogue d’une trottoire » de Alain-Kamal Martial

   — Par Alvina Ruprecht —

une_trottoireMise en scène de Thierry Bédard

Une production de la compagnie Notoire, la scène nationale d’Annecy.

Présentée au Théâtre du Grand Marché de Saint-Denis de la Réunion, 5-8 mars 2008

Équipe technique :
Création sonore : Jean Pascal Lamand

Lumières; Jean Louis Aichhorn

Distribution :

Marie Charlotte Biais – la femme

Joao Fernando Cabral – le fantôme

Le Théâtre du Grand Marché qui a la mission du Centre dramatique de l’Océan indien, se trouve tout au fond du pavillon du « grand marché », comme un bijou qu’on cache pour éviter que les indésirables ne le subtilisent. Pourtant, ce bijou de création scénique ouvre grand ses portes à tous les publics de Saint-Denis de la Réunion, en leur offrant une programmation des plus stimulantes et un lieu de rencontre agréable où artistes et grand public prennent un verre, se côtoient, et échangent des idées. Ce théâtre reçoit souvent les productions d’outre-mer pour alimenter le dialogue artistique au grand plaisir des habitants de la région. C’est dans le contexte de cette programmation ouverte qu’un texte intitulé Épilogue d’une trottoire, œuvre jouée dans le « cycle de l’Étranger(s) » au theatre Notoire (le CDR d’Annecy), a été donné au Théâtre du Grand Marché cette saison.

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« Mémoires d’Iles » d’Ina Césaire. Adaptation et mise-en-scène de José Exélis

— Par Roland Sabra—

memoire_d_ilesNostalgie Blues et lutte des classes

Le rideau s’ouvre sur un espace vide dessiné par José Exélis et sculpté par la lumière de Valéry Pétris. Réussite. Elles sont deux, deux de cet âge qui n’a plus nom. Elles sont d’un autre temps, de ce temps où la mémoire de ce que l’on a fait prend le pas sur ce qui reste à faire.. Deux d’un même père, mais l’une mulâtresse et l’autre « mal sortie ». L’une reconnue et l’autre ignorée. Deux sœurs donc, par le père. Impair et passe. Elles vont se laisser aller à remonter le temps. Hermance, truculente, joue la carte couleur, négresse elle est, négresse elle se revendique. Aurore, elle a en mains deux paires, une paire blanche une paire noire. Elle hésitera toujours à jouer. Ambivalence de classe, de l’entre-deux. Elle s’enorgueillit de bien parler français, d’avoir intégrer les codes de la classe dominante, et se révolte à l’assassinat, resté impuni, par un gendarme blanc, de Zizine et Désétages à la veille d’un scrutin municipal : « Élections sans incident » dira la presse à la botte.

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« Les souvenirs de la dame en noir », monologue de et par Maïmouna Gueye

—- Par Laurence Aurry —

(Spectacle joué dans la salle Frantz Fanon de L’Atrium, le jeudi 13 mars 2008)

souvenirs de la Dame en noirC’est un cri de souffrance, c’est un souffle de liberté, c’est le théâtre de Maïmouna Gueye. Le monologue de la dame en noir est en réalité un écho de toutes les voix des femmes africaines qui ont vécu le mépris, les mutilations, l’oppression. De l’excision, au mariage forcé, à l’avortement, Maïmouna chante et pleure le triste destin de ces femmes, véritables objets sexuels. Avec beaucoup de violence mais aussi de poésie, d’humour et de dérision, le texte nous interpelle vigoureusement. Le jeu volontairement changeant, heurté, les nombreuses adresses aux spectateurs, l’alternance des tonalités donnent au monologue un réel dynamisme.

La dame en noir semble avoir perdu la raison. Elle pourrait être une de ces sans papiers misérables, qui vivent dans des squats infâmes, c’est du moins ce que suggère la scénographie avec la grosse poubelle, les détritus répandus sur le sol et ce qui ressemble à un lit de fortune, ainsi que ses vêtements déchirés. Elle a fui l’enfer pour vivre dans un autre enfer.

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 » Les Souvenirs de la dame en noir  » : Super-Nana à l’Atrium !

— par Selim Lander —

 On attend du comédien, surtout lorsqu’il se présente seul en scène, les qualités qui lui permettront d’imposer sa personnalité au spectateur. Le comédien n’est pas là pour enseigner, il n’a pas besoin de nous captiver par la profondeur de son discours. Nous voulons qu’il nous subjugue par sa présence, par son jeu, bref par son talent d’acteur. Les spectateurs qui auront eu la chance d’assister au spectacle de Maïmouna Gueye jeudi 13 mars 2008 à l’Atrium de Fort-de-France auront été, à cet égard, plus que comblés.

 Maïmouna Gueye a commencé le théâtre très jeune dans son Sénégal natal avec Gérard Chenet, auteur et metteur en scène d’origine haïtienne, qui lui a offert en particulier le rôle d’Antigone, puis elle est allée faire ses classes au conservatoire d’Avignon. On l’a vue dans quelques films puis, en 2003, elle a écrit et créé Les Souvenirs de la dame en noir, spectacle avec lequel elle continue de tourner, en alternance avec un autre « one woman show » plus récent, Bambi, elle est noire mais elle est belle, créé en 2006.

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« Les 16 de Basse-Pointe » : quand le sucre a le goût du sang

— par Roland Sabra —

Tournage avec René Polomat
Tournage avec René Polomat

« Manmay kouté, kouté sa ki pasé, sé té an mars, an mars 48».». La chanson de Kolo Barst pourrait, hélas être adaptée à de nombreuses situations en Martinique, tant le pouvoir colonial s’est inscrit avec un alphabet de sang et de feu sur le corps du peuple martiniquais. Le 04 mars 1948 au Carbet les gendarmes tirent sur des ouvriers en grève sur l’habitation Lajus. Trois morts. Le crime restera impuni. C’est dans ce contexte et dans un climat général de répression du mouvement ouvrier, diligentée par le pouvoir socialiste que le 06 septembre 1948, le petit béké Guy de Fabrique, administrateur de la plantation Leyritz, provoque arme au poing, en compagnie de trois gendarmes un groupe d’une soixantaine de grévistes. Désarmé il s’enfuit, puis est rejoint par un petit nombre d’ouvriers agricoles. Trois coups mortels lui sont portés suivis d’une trentaine d’autres. Un béké a été assassiné! La nouvelle est incroyable, habituellement ce sont les nègres que l’on assassine, mais là c’est un blanc créole, pensez-donc!! Dans les jours qui suivent 16 hommes sont arrêtés sans preuve, incarcérés trois ans avant d’être jugés dans l’ancien port négrier de Bordeaux.

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