Mé ki sa nou lé

sarah_co5— Par Annick JUSTIN JOSEPH —

43° Festival de Fort de France

Mezzo vocce… et en musique… A voix basse… à voix égale… La comédienne – chanteuse, Sara Corinne EMMANUEL, place d’entrée de jeu en chacune, chacun d’entre nous, la saveur aigre-douce-amère du conte de nos réalités.
Sur le plateau du Théâtre Aimé CESAIRE, un fauteuil tournant d’un blanc immaculé, les tonalités changeantes d’un rideau de fils faisant subtilement office de limite sensuelle ou de passage. La diseuse – corps – pays, parole – et – musique tout en nuance, campe dans ce décor d’une grande sobriété, conçu par Marie – Paule PINEL – FERREOL, des trajectoires de femmes, des rencontres manquées qui disent notre histoire, sur des airs plus ou moins familiers de chansons qui ne sont pas toutes créoles : Se donnent à entendre au piano dirait – on (en réalité au steel band) au tambour, ou sur le souffle du saxo, des musiques qui stigmatisent les non – dits, le désabus de femmes jeunes ou moins jeunes, mécaniquement illusionnées, trop tôt piégées en amour ; elles font écho à des réalités encore tenaces, oppressantes, engageant par là – même la nécessité de se dresser, de faire émerger au – delà de la peur, de toute posture subie, une conscience neuve, la force de commuer en expérience active ce vécu d’une apparente fatalité, la force, pour tout dire, de se fabriquer un destin … Ainsi, depuis l’air bien connu de « asi paré » ou encore la brève évocation du personnage de Lumina Sophie, notre diseuse fait bouger cet autre possible en chacune, de femme agissante et debout, la beauté rebelle d’une construction, solidaire de qui nous sommes, au fond ; sœurs, maîtresses, épouses, mères… passeuses en tous les cas de cet essentiel: « Mé ki sa nou lé »…. ?
Sara Corinne EMMANUEL s’est prêtée sous la houlette d’Hervé DELUGE, à un travail de composition d’où ressort, avec des effets intelligents de décalage frayant parfois avec la gouaille ou l’auto – dérision, un registre d’interprétation dépouillé, non exempt de nuances, une mise en cohérence efficace et juste, sur un texte d’EMMABEL à entendre, encore et encore… Paroles en musique, paroles et musique, le tout soutenu par les tambours de Maurice MOUFFLET, un trio de choristes, l’élégante délicatesse du jeu de Guy LOUISET, la belle magie du saxo de Jean – Marc REUNIF, le travail d’équipe de la régie plateau, une création lumière signée Pierre Marie – Rose.
Annick JUSTIN JOSEPH