— Par Selim Lander —
Les meilleures choses ont une fin : les cinéphiles martiniquais ne pourront plus visionner plusieurs films par jour (sur grand écran, cela va sans dire)… jusqu’à la prochaine édition des RCM, en 2019, qu’on espère aussi riche que cette année. Même si nous n’avons pu assister à autant de séances que nous l’aurions souhaité, nous garderons en mémoire quelques longs métrages qui nous ont particulièrement séduit – Carpinteros du Dominicain Jose Maria Cabral, Ailleurs du Québécois Samuel Matteau, enfin Razzia du Marocain Nabil Ayouch –, ce qui ne signifie pas que d’autres films n’avaient pas non plus leurs qualités. Du côté des « courts », nous retiendrons Selva de la Costa-Ricaine Sofia Quiros Ubeda et Möbius du Canadien Sam Kuhn, dans les deux cas pour la qualité de la photo. A nos lecteurs de faire émerger un palmarès plus complet en se reportant aux articles consacrés aux RCM par les autres chroniqueurs de Madinin’Art.
Un seul bémol, à vrai dire récurrent, à apporter à cette édition des RCM. Si l’on fait abstraction des quelques modifications inopinées de la programmation, qui semblent inévitables, il est vraiment fastidieux pour les spectateurs du festival un tant soit peu assidus, de devoir ingurgiter pendant dix bonnes minutes (sinon davantage) les mêmes tonitruantes séquences publicitaires avant chaque film projeté à Madiana.

Moving Parts d’Emilie Upczak. Quelques heures après la projection à Madiana du film Human Flow
— Par Roland Sabra—
Il est dans toute famille de ces zones d’ombre que l’on tient secrètes, et qui pourtant marquent notre inconscient, transmises de génération en génération, jusqu’au jour où l’un ou l’autre, parce que plus en souffrance, ou simplement plus curieux, se met en quête d’une vérité souvent pressentie mais jamais dévoilée.
Mary Prince, spectacle salué unanimement par la critique et plébiscité par le public est désormais disponible en DVD sur la boutique du site de la compagnie Man Lala 
Que l’on soit en Colombie, dans Bad Lucky Goat, dans une station balnéaire en France avec Ava, à Marseille sur Corniche Kennedy, l’adolescence est un passage obligé, un sas à franchir entre l’enfance évanescente et l’âge adulte qui s’approche, avec son cortège de découvertes, de choses neuves à appréhender, heureuses ou contraignantes, consenties ou imposées. Nombreux sont les réalisateurs qui s’attachent à en décrire les bonheurs et les affres, les consentements et les réticences.
Ce dimanche matin-là, la journée consacrée aux RCM s’est ouverte, au cinéma Madiana, sur Médée, une œuvre majeure de Pier Paolo Pasolini. Fidèle pour l’essentiel au mythe, le réalisateur italien en donne pourtant une version personnelle, flamboyante et poétique, où le personnage éponyme confié à Maria Callas nous tient tout au long sous son charme, au sens premier du terme, au sens où l’on se sent comme ensorcelé. Princesse et magicienne hiératique, femme amoureuse, épouse trahie, sœur et mère acculée par le destin à la cruauté : toutes ces figures, elle les incarne davantage par le corps que par la parole, et dans son regard, sombre et tout à la fois lumineux, cruel ou tendre, révolté ou apaisé, se lisent les nuances infinies des sentiments qui la traversent. Pasolini ouvre le film sur la figuration d’un des rituels agricoles de la mythologie grecque, accompli pour que se régénère la végétation, rituel sanglant qui repose sur le sacrifice humain. Il le ferme sur la colère démesurée d’une Médée échevelée défigurée par la haine, qui pour accomplir sa vengeance contre Jason l’infidèle vient de sacrifier ses deux fils, accomplissant ainsi son inéluctable destin.
La Maison Rouge:Maison des Arts a le plaisir de vous présenter ,le vendredi 23 Mars 2018 à 19h, le travail du chorégraphe Jean-Hugues MIREDIN et l’artiste Laurent TROUDART (Cie Art&Fact). 
Le temps comme mesure, celui d’histoires vécues, d’histoires imaginées, d’histoires racontées. Pour cette 13 e édition, nous avons choisi l’ancrage temporel comme fil conducteur de notre voyage. Un voyage qui ravive les mémoires, questionne le temps présent et se tourne vers l’avenir.
« En Afrique, chaque fois qu’un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ». Cette maxime a été si souvent citée qu’on en a perdu la trace. Elle est pourtant d’un écrivain connu, Amadou Hampâté Bâ (ci-après AHB, né en 1900 – mort en 1991), qui l’a prononcée au moins à deux reprises sous des formes légèrement différentes
Plus qu’une représentation théâtrale traditionnelle, le spectacle Le fabuleux destin d’ Amadou Hampâté Bâ, qui se donne les 13 et 14 mars à Tropiques Atrium, m’est apparu comme une leçon de littérature vivante et pleine d’intelligence, comme aussi le portrait animé d’un homme grand et sage, et de belle humanité. Une impression qui s’est confirmée lors du bord de scène final, où Hassan Kassi Kouyaté nous dit la genèse de la pièce, écrite par le conseiller littéraire Bernard Magnier, et qui s’inscrit dans un projet mené en collaboration avec le Tarmac, théâtre parisien dédié à la création francophone contemporaine. Un projet qui a pour finalité de faire découvrir, ou mieux connaître, des hommes et des femmes disparus, admirables non seulement par leur écriture, mais encore par leur engagement auprès de leurs semblables, par ce qu’ils ont été et par ce qu’ils ont fait. Après Sony Labou Tansi, dont « la chouette petite vie bien osée » nous fut montrée ici-même dans Sony Congo, après Hampâté Bâ, il est déjà prévu un opus sur Kateb Yacine, un autre sur Fanon… en espérant que place soit bientôt faite à une femme ?
Texte : Bernard Magnier
Sur scène, elles ne seront, pendant ces presque quatre heures de spectacle, que trois comédiennes, pour nous entraîner à leur suite dans cette épopée américaine, sorte de western palpitant, version femmes. Elles nous guideront, dans une sorte de “chevauchée fantastique” à la John Ford, mais légèrement parodique car poussant à l’extrême les codes du genre, sur la route des pionniers partis à la conquête de l’Ouest. Elles nous feront suivre la piste de l’Oregon et partager leurs aventures tumultueuses, au hasard de rencontres imprévues, heureuses ou malheureuses, et soumises souvent à la cruauté des hommes comme aux rigueurs du climat, car ici tout est paroxystique — chaleur, froidure extrême, tempête de neige qui oblige à rebrousser chemin…
Quatre comédiennes, appartenant à la compagnie Les Buv’Art, maintenant bien connue des scènes martiniquaises, ont eu la judicieuse idée, pour marquer de leur pierre cette semaine où l’on célèbre la Femme, de s’attaquer à un monument du théâtre dit populaire, Et pendant ce temps, Simone veille, qui tient la scène à Paris depuis de longs mois, et qui s’apparenterait plutôt au genre cabaret-théâtre, par ses jeux de mots, ses calembours, ses chansons, qu’elles soient dans leur forme originelle ou réécrites en version humoristique sur des airs célèbres, comme par une certaine volonté caricaturale dans la composition de ses personnages. On n’oubliera pas la parodie de “Bambino”, mimée et chantée, extrêmement drôle, où il est parlé de la libido des femmes, et des transformations qui se sont opérées grâce à la contraception.
Un spectacle drôle et touchant, haletant, composé de multiples rebondissements..
