Étiquette : Monchoachi

Une parole qui fait corps avec l’invisible

 — Par Richard Blin —

Quand il n’explore pas la matérialité d’une Parole sauvage, Monchoachi hisse jusqu’à la joie du contre-chant une poésie qui célèbre l’éclat, le mystère et l’épiphanie d’une présence qu rend sensible l’insaisissable.

Souple, orageuse, ondoyante, magnifiquement sonore, elle danse avec le monde la parole que déploie Monchoachi, pseudonyme d’un poète martiniquais qui, dans le sillage de Césaire et Saint-John Perse, donne à lire et à entendre l’une des voix les plus originales de la Caraïbe. Portée par une langue elliptique et mêlée, elle réveille les sens, subvertit les apparences, fait descendre les mystères dans la bouche. Lémisté (Les Mystères) est d’ailleurs le titre du monumental chantier poétique qu’a entrepris l’auteur, et qui, en six volumes, embrassera tous les recoins de la Terre pour y débusquer les richesses langagières, les mythes et les rites recouverts et menacés de mort par l’appétit insatiable de la civilisation occidentale. Après les trois premiers volumes consacrés à l’Amérique (Liber America, Obsidiane, 2012), à l’Afrique noire (Partition noire et bleue, 2015) et à l’Europe (Fugue vs fugs, 2021), voici Streitti, sous-titré « La confrontation » parce que son contenu fait jouer, en les mettant en présence, à la fois l’unité et la différence entre la parole prophétique, telle qu’elle apparaît dans les religions monothéistes, et la parole poétique.

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Le sauvage et le barbare

— Par Rudy Rabathaly —

La lisse blancheur de la couverture de Retour à la parole sauvage, le dernier ouvrage de Monchoachi, ainsi que la faible police de caractère du titre, pourrait avec effarement donner à présumer que depuis son anba bwa, le poète rebelle hisse le drapeau de la reddition ou pire, de la neutralité dans son marronnage à vivre dans la beauté.

Heureusement du bonheur, ce saisissement de désertion de la sentinelle de l’extase qu’il est, s’étiole à la vitesse de la descente d’un gonbo dans la gorge d’un malheureux : le sauvage garde toujours langue.

Une parole qui cette fois, sous le bouclier des mots en prose traverse les champs de bataille des lieux du monde à la rescousse des écrasés de la prétendue grandeur civilisatrice. Dans cette guerre de re-conquête en subjugation del’ombre du présent, Monchoachi, lutteur aux langues nues, sans crainte mais aussi sans arrogance, défie les illusions du modernisme du nouveau Monde. Le ladja prend forme dès les premières pages du recueil. La parole sauvage bande tous les muscles des magies de sa poésie chantée face à la barbarie d’un monde cul-de-jatte de la beauté vré.

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« Retour à la parole sauvage » de Monchoachi

Un Art subtil de la guerre, Monchoachi nous invite à entrer dans la ronde

—Note de lecture de Mireille Jean-Gilles —

Un livre à avaler d’un seul coup vloup,
comme un sèk,
ou à déguster à petites gorgées,
tel un feu qui vous vivifie …

Retour à la parole sauvage, c’est d’abord un beau livre, une beauté épurée, presque une page blanche en guise de couverture, avec quelques très petites lettres, vertes, d’un vert sauvage, entre deux lignes, vertes, elles aussi, Retour à la parole sauvage, c’est un recueil d’essais d’une beauté profonde, plus immédiatement accessible que les poèmes de Monchoachi qui, eux, ont besoin d’obscurité pour s’épanouir, dialoguer avec l’Invisible, et dans Retour à la parole sauvage, la poésie volant la vedette à la pensée s’impose d’emblée, pure, effilée, transparente, même si le poète aurait désavoué ce mot, lui qui aime tant frayer avec l’ombre, pour in fine débusquer ce qui ne se montre pas, ne se nomme pas, ici, à la faveur d’un recueil d’essais voulu par les Editions Lundimatin, c’est encore la poésie qui apparaît, qui semble vouloir tenir la pensée en bride,.

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Balisaille : parler la poésie

Mai.Poésie / Festival d’un genre majeur 26-28 mai 2022 au Saint-Esprit

 Liminaire

Aimé CÉSAIRE : ce nom seul suffirait à faire de la Martinique une terre de poésie. Le rayonnement planétaire, la puissance du verbe, la magnificence des images de l’auteur du « Cahier d’un retour au pays natal », en font l’un des plus grands poètes du vingtième siècle. Cependant, paradoxalement, pendant que le roman, le théâtre, voire le conte ou le slam tiennent le haut du pavé, la poésie y paraît délaissée.

MONCHOACHI, en dépit de la force tellurique de sa poésie, n’est pas connu au-delà de certains cercles d’initié.e.s, et n’en demande pas davantage puisque volontairement il s’est retiré sur les hauteurs du Vauclin, d’où il ne serait sorti pour se montrer en public que deux fois en dix ans.

S’il ne s’agit nullement de dire que, comme l’auteur de « Lémistè », la poésie se fait rare au pays de Césaire, il est néanmoins évident que d’un point de vue strictement institutionnel celle-ci a encore à faire sa place dans le paysage culturel de l’île.

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Nous ne voulons pas de votre « mesure »

Par Monchoachi

Le corps de l’homme est le nœud : il est l’originaire, le lieu natif d’où tout se met en mouvement et se propulse. Il est le support sur lequel tout vient se nouer. Traversé par la parole, il est la matrice en laquelle s’articule son rapport au temps, à l’espace et à la terre. Il est l’ultime où tout se joue. Il ne faut donc pas s’étonner qu’à chaque phase importante de l’évolution du monde, le corps constituât l’enjeu majeur, la mise décisive.

Déjà le christianisme, avec le génie particulier qui est le sien avait à juste titre saisi ce qu’a de véritablement crucial le corps. Il s’en est d’emblée emparé comme emblème; mais un emblème chargé d’ambigüité puisqu’il s’agit d’un corps martyrisé, châtié. Il l’a ensuite, de nouveau en toute ambigüité, métamorphosé en corpus dei (corps de dieu), ce qui constitue pour le moins une manière de l’absenter car le dieu de la religion de l’Unique n’a pas de corps, autrement dit: ou wèy, ou pa wèy, disparèt’ pran-y. Toutefois, l’exhibition du corps de Jésus, complaisamment orchestrée tout au long par l’art occidental du Moyen-âge, permettait par ailleurs au christianisme d’étendre son emprise à toute la terre, en particulier à la terre dite « païenne » (en laquelle, ne l’oublions pas, l’Europe du Moyen-âge se trouve incluse); autrement dit, d’étendre son emprise partout là où le corps est incontournable comme axe accordant l’homme au monde.

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Fugue vs Fug

— Par Mireille Pierre-Louis —

Depuis quelques temps, le poète Monchoachi a entrepris une longue investigation poétique, Lémistè, visant à mettre en évidence le projet dévastateur d’une civilisation, ainsi nommée « Occident », au regard d’une manière d’habiter la terre. Après deux premiers volets consacrés à l’Amérique et à l’Afrique, vient de paraître aux Editions Obsidiane, « Fugue vs Fug » consacré à l’Europe.

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Lémistè, un chantier poétique qui propulse le lecteur dans la beauté et la présence des mondes magiques, présence qui subsiste encore ici et là, mais recouverte par des siècles d’hégémonie d’une civilisation occidentale (ratio) dévastatrice.

Lémistè, n’est pas une ode au passé, mais une quête éminemment actuelle de la voie de l’homme, déviée vers une trajectoire funeste.

Après les deux premiers volets consacrés à l’Amérique indienne (Liber America) et à l’Afrique noire (Partition noire et bleue), le troisième opus de Lémistè, Fugue vs Fug, nous conduit maintenant en Europe.

L’Europe, et en particulier en son sein la Grèce antique, où prit naissance, voici quelques 2500 ans, la civilisation occidentale qui dans les Temps modernes, et à partir du tournant que constitua la découverte de l’Amérique, s’est étendue à la terre entière, de sorte qu’en elle se situe à la fois la provenance des traits essentiels du monde d’aujourd’hui, et les nœuds et articulations à partir desquels peuvent s’esquisser des voies menant à un au-delà de ladite civilisation.

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En ces temps obscurs…

Par Marie- Laurence Delor

Le fait le plus marquant de la période, pour l’observateur avisé, c’est l’irruption dans le débat public, grâce aux médias sous pression des réseaux sociaux, de problématiques régressives jusque là marginales, portées par une nébuleuse rouge-vert-noir (1). La notion de « régression », telle que nous en usons ici, n’est pas réductible à son sens courant d’opposition au « progrès ». Si elle recouvre l’idée d’un retour en arrière, d’une certaine façon proche de la psychologie expérimentale et de la psychanalyse (2), elle réfère surtout ici à des tendances inquiétantes et à leur banalisation à la faveur du silence des politiques et de la capitulation des intellectuels. Nous en avons repéré deux, à notre avis, principales :

1. La dictature de la croyance

La dictature de la croyance telle qu’elle se présente aujourd’hui est à la jonction du narcissisme libéral (3), de la crise de la politique et de l’explosion des réseaux sociaux. Des réseaux sociaux qui fonctionnent toujours plus selon le faux postulat d’égalité en dignité et en vérité de toute parole : une corruption de la liberté d’expression et de la démocratie.

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Celui qui se réfugia dans la montagne. Monchoachi.

— Par Widad Amra

S’il est des personnages qui avancent dans la vie, entourés d’un halo de mystère, par leur rapport à l’existence, par ce qu’ils donnent peu à voir, peu à entendre, mais tellement à comprendre, il en est un qui incarne cette alchimie mystérieuse, le poète Monchoachi.

Dans le film d’Arlette Pacquit : « La Parole Sovaj », présenté en avant-première à Tropiques – Atrium le 30 mars dernier et en première diffusion sur Martinique la 1ère, le 6 avril, André-Pierre Louis, alias Monchoachi, nous est présenté dans toute sa complexité et toute sa clarté. Chose étonnante, l’homme solitaire est descendu de la montagne du Vauclin, lui qui refuse tout projecteur, cultive l’absence plus que la présence. Il nous est apparu dans sa simplicité, son apparente fragilité, son sourire malicieux, sa modestie, son élégance.

Ce documentaire d’une belle poésie, est un voyage qui brise les codes habituels pour offrir ce que la poésie a de plus éclaté et de plus rassemblé, de plus libre, de plus primitif, voire subversif, dans ce qu’elle offre à voir de ce qu’est la beauté.

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La Martinique parle le présent

— Par Monchoachi
« A travers l’action RVN (Rouge Vert Noir) de ces dernières semaines, la Martinique parle le présent. Elle le parle doublement : elle parle le présent de son histoire coloniale. Elle parle en même temps le présent de la terre entière dont l’espace est au même titre dévasté par un technicisme productiviste débridé et le temps embrigadé dans l’historiographie, pressuré par l’exigence d’un développement (d’un progrès) dont la seule destination est la marchandisation complète du monde, son nivellement et son engloutissement dans le totalitarisme technologique. Elle le fait dans un langage qui lui est propre faisant écho à un contexte qui lui est propre : celui d’un colonialisme qui s’exaspère avec la cristallisation de deux phénomènes parallèles : d’un côté une jeunesse émigrée massivement, en quête d’emplois vers la métropole coloniale (un peuple une nouvelle fois déraciné, désertant sa terre, mué en ombre) ; d’un autre côté, une active colonisation de peuplement qui ne cesse de se renforcer depuis deux décennies. S’ajoute à cela, le resserrement colonial d’un encerclement administratif et répressif.

Par conséquent, s’entêter de renvoyer à tout prix à l’histoire et à ses chères études ce qui parle le présent avec une telle insistance, c’est, contre toute évidence, prendre option de tourner la tête, de se voiler la face pour ne pas voir la présence de ce présent certes suffoquant, continuer de s’abuser à bon compte et préférer en quelque sorte se raconter des histoires.

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« Abord psychanalytique du concept de créolisation chez Édouard Glissant »

Mercredi  21 juin 2017 à 18h 30 à la Bibliothèque Schoelcher

  • Conférence de Jeanne Wiltord, psychiatre, psychanalyste
  • Des corps et des voix : textes de Monchoachi, poète, écrivain, philosophe, lus par Clément Relouzat, professeur agrégé de Lettres
  • Glissant sur la trace : « La trace c’est la manière opaque d’apprendre la branche et le vent : être soi, dérivé à l’autre. » Texte d’Édouard Glissant, mise en espace par Hervé Deluge, comédien, metteur en scène, mis en musique par Luther François, déclamé par Nicole Ozier-Lafontaine et Hervé Deluge

 

Le concept de créolisation, élaboré par Édouard Glissant n’est pas à confondre avec la notion de métissage, il n’inscrit pas l’identité dans une visée de l’être, ni dans la recherche d’une origine ou d’une racine. Jeanne WILTORD interrogera ces conséquences, à partir de ce qu’enseigne la psychanalyse avec des femmes et des hommes dont l’histoire personnelle a eu à s’inscrire dans l’histoire de l’expérience première de la créolisation, puis dans l’expérience de l’assimilation : conséquences subjectives sur ce qui fonde l’identité ; conséquences sur le fonctionnement du lien social.

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« Les Rencontres pour le lendemain » – Premier bilan

— Par Selim Lander —

mairie Saint-EspritOrganisées à la médiathèque du Saint-Esprit, à l’initiative d’un écrivain philosophe, Faubert Bolivar, épaulé par un petit groupe de volontaires passionné(e)s, les Rencontres du lendemain dont la première a eu lieu au mois de janvier 2016 se sont déroulées jusqu’ici au rythme annoncé d’une par mois. Il s’agit à chaque fois de donner à la personnalité autour de laquelle s’organise la soirée l’occasion de se faire connaître du public autrement que par ses œuvres, d’une manière plus personnelle, plus intime. Le déroulement de chaque soirée suit toujours à peu près le même canevas : les deux ou trois personnes que la tête d’affiche a souhaité avoir auprès d’elle pour témoigner s’expriment avant qu’elle ne prenne elle-même la parole, puis un débat s’ouvre avec le public. Dans les intervalles, un film peut être projeté à la demande de la personnalité invitée et les organisateurs s’arrangent pour lui ménager quelques « surprises » : la lecture à plusieurs voix d’un de ses textes, une chanson accompagnée au clavier ou au tambour, un témoignage qu’elle n’avait pas sollicité, par exemple de la part de quelqu’un d’éloigné qui se sera fait filmer pour la circonstance…

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Mésiézédanm bien bonswè !

— Par Roger EBION, lors de la soirée d’ouverture des Rencontres pour le lendemain —monchoachi-2

« Le poète est celui qui par la parole, les mots, déploie le monde dans sa présence et nous le rend proche. S’ouvrir au monde, ce n’est pas comme on veut le faire croire, s’ouvrir aux quatre coins de la planète : le monde est là où nous sommes, et s’ouvrir au monde, c’est s’ouvrir à sa présence ici et maintenant. Je ne vois pas d’autre façon que celle-là d’aller sur le chemin de la poésie. »

Mi sa Monchoachi di adan « Lakouzémi retour à la parole sauvage, page 11, novembre 2008 ». É sé pou sa, mwen la, pou di poutji poézi Monchoachi, sé sa i di nou a. Pou mwen poézi sé sa.

Mwen ba zot pawol Monchoachi pou zot konprann sé poézi ki fè mwen isi-a oswè-a … Anlè chimen poézi Monchoachi, i ni Lémistè ki paret lanné 2012. Daprè mwen, pa ni anpil matinitjé ki sav i paret, ek sel an ti lech moun li déotwa mòso adan. Moun andéwò pran wotè travay Monchaochi.

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Parution de Lémistè 2, de Monchoachi

monchoachi-2Le mardi 19 janvier 2016 se tenait la soirée d’ouverture des Rencontres pour le lendemain à la Médiathèque du Saint-Esprit, autour de la vie et l’œuvre de Monchoachi. Le public, nombreux et attentif, était heureux de re-découvrir cet immense poète qui se fait discret depuis de nombreuses années, se retirant dans les hauteurs du Vauclin pour mener son œuvre poétique.  Avec son aimable autorisation, nous publions ici les poèmes qui ont été lus ce soir-là. Ils sont extraits de Lémistè 2, en librairie à partir du 29 mars. Bonne lecture !
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XV

Mâle / Fimelle

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Rencontres pour le lendemain

Lettre ouverte aux Martiniquaises et Martiniquais

logo rencontresA l’aube de cette nouvelle année, alors que la Martinique vient de s’engager dans un nouveau tournant politique et administratif, ce qui la rend comme toute neuve, alors que tous les espoirs sont encore permis, nous avons le plaisir de vous convier à une aventure, une belle aventure, une riche aventure ayant pour nom Rencontres pour le lendemain.

Parce que nous croyons au lendemain. Parce que nous savons que nous ne pouvons pas vivre sans aller à la rencontre de l’autre. L’autre, quel qu’il soit. Humain ou végétal. Minéral ou animal. Pur esprit ou matière seule. Oui, nous naissons de nos rencontres. Oui, elles nous enrichissent. Oui, elles nous poussent à nous remettre en question. A nous dépasser. A nous modifier.

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Albin et Serena

À Monchoachi, mon ami du Morne, qui m’a soufflé un chant que j’ai écouté, et aimé à ma façon…

— Par Frantz Succab —

boulanger_loverAlbin-boulanger nous procurait notre pain quotidien ; mais si l’on fait la part entre son métier qu’il exerçait avec conscience et le reste, il n’avait montré qu’un seul don dans sa vie, celui de disparaître.

  Il ne disparaissait pas lui-même. En vérité, ou plus exactement, disparaître le prenait de l’en-dedans de son corps, là-même, sans prendre son corps ; au milieu d’une conversation, d’une réunion ou d’un monter-descendre au vu et au su de tout le monde le long de la rue Bord-de-mer. Des vieux y refaisaient sans cesse le chemin du temps, des jeunes par petits-pilots bruyants,  gesticulaient avec ces mots en rafales passés à la râpe des play-list et vendus prêt-à-porter, les flâneurs s’occupaient à ne faire rien d’autre que s’occuper des affaires d’autrui et la plupart des autres gens faisaient aller-venir pour commissions autour du marché. Et Albin faisait partie de ce paysage.

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Sur « Lémistè » de Monchoachi

 Ce livre ci est frère de très grandes sommes poétiques…

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— Par  Yves Bergeret, poète —

Le titre en créole pousse d’emblée le lecteur loin de la stable lumière apollinienne. Lémistè : Les mystères. Le livre entraîne le lecteur dans un très âpre tourbillon de gestes rituels et surtout de longues formules sacrées antillaises. Le livre est paroles en tous sens, extrêmement vivantes et actives. Presque aucune contemplation, presque aucune strophe où le temps s’arrête en s’ouvrant vers une sorte d’infini ou d’éternité. Tout ici est proche, odorant, sensible, tactile. Pas d’horizon lointain, pas d’infini océanique, pas de grands ciels. Mais le livre entraîne toujours son lecteur dans l’intensité d’un rite sacré dans un lieu cultuel ou d’un geste sacré de la vie pratique dans la cour et même dans le secret de la maison. Le livre entraîne son lecteur dans la proximité mobile de ce rite ou de ce geste. Continuels gros plans. Nous voici dans les Antilles, dont presque chaque habitant se rappelle la déportation esclavagiste de ses ancêtres.

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« Lémistè » de Monchoachi

Monchoachi

à François Boddaert, Editions Obsidiane

 

…Je vous expose ma visée pour Lémistè dont Liber America que vous avez entre les mains, constitue un premier volet : il s’agirait d’un long parcours à travers les mythes, les magies, les rituels cérémoniels qui ont fait la présence des différentes parties ou lieux du monde, présence recouverte totalement de nos jours par la Civilisation : Amérique, Afrique-Océanie, Europe-Asie (se sont mes découpes), non évidemment dans le simple but de rapporter ceux-ci (je ne suis pas ethnologue), mais en les jouant, en les déplaçant, en les retournant, voire en les subjuguant, ceci en vue d’ébranler la vision calamiteuse du monde charriée par la dite Civilisation.

Comme tout poète, je n’ai à ma disposition pour ce faire que la langue, ou du moins j’en ai deux : la créole et la française, ce qui me permet de jouer des facultés de l’une et de l’autre, la française plus portée aux généralisations, la créole plus rythmique, plus sonore, plus imagée, plus sensible, plus traversée aussi par le souffle, non de l’esprit, mais des esprits et des magies, ce qui ne constitue pas un moindre recours pour nous ramener à une vision du monde sensible où toutes choses vivent et pas seulement l’homme.

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«Le monde tel qu’il est» de Monchoachi

 Une invite au débat

—par Roland Sabra —


Le débat commence. Monchoachi publie ces jours- ci un petit opuscule  » Le monde tel qu’il est« , d’un cinquantaine de pages qui se veut une réponse à celui de Chaoiseau et Glissant «  Quand les murs tombent« . Ce dernier écrit dans l’urgence d’une situation politique que le nécessitait, la création ignominieuse, d’un « Ministère de l’Immigration et de l’Identité Nationale » présentait les avantages et les imperfections d’un long tract qui permettait d’organiser des débats. Ce qui avait été le cas, dans plusieurs endroits du monde et notamment en Martinique. On se souvient en effet que des élèves du lycée Schoelcher, des étudiants de l’IUFM, des syndicalistes s’étaient emparés du texte et en avaient débattu avec les auteurs. A partir de la dénonciation de ce qu’ils considéraient comme une infamie, Glissant et Chamoiseau portaient sur la place publique la question de la nature d’un futur état  pour la Martinique. Etat-Nation ou Etat-Relation?

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« Eloge de la servilité ». L’écrier, la nuit A tous les Quashie

 

L’écrier, la nuit


A tous les Quashie



Eloge de la servilité. Là où loge la servilité. Non pas son bwabwa pitoyable, l’ancêtre esclave dérespecté dans son maintien et sa retenue, mais la résidence coloniale, au cœur (au corps, an kò’y menm) de nos élites. Déloger la servilité. La tracer, la traquer, la détraquer, tout à trac. Kri ! Est-ce que la cour dort ? Car il était temps de la réveiller de ce cauchemar académique et liturgique qui creuse nos renoncements, et notre abandon au pillage plutôt qu’à la Parole.

 

Ce qui habite Monchoachi c’est le cri. Monchoachi n’écrit pas, il é-crie (yékri) il est cri. Le cri est souffle, il est mantra, il est Nom. Kriyé c’est nommer. Le cri est Création (criation). Il figure un lieu, possiblement habitable et partageable, que nul ne possède en propre (malgré que les lieux communs soient toujours des noms propres). Le cri vient de l’envers des choses, il vibre sa vérité, et d’un saut nous révèle (i ka fè nou soté !). Poétique de l’événement, co-naissance à ce qui vient dans la fatalité tragique, ignorant l’inconnu qui déborde de toute sa grandeur (sa ou pa konnèt gran pasé’w).

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