Balisaille : parler la poésie

Mai.Poésie / Festival d’un genre majeur 26-28 mai 2022 au Saint-Esprit

 Liminaire

Aimé CÉSAIRE : ce nom seul suffirait à faire de la Martinique une terre de poésie. Le rayonnement planétaire, la puissance du verbe, la magnificence des images de l’auteur du « Cahier d’un retour au pays natal », en font l’un des plus grands poètes du vingtième siècle. Cependant, paradoxalement, pendant que le roman, le théâtre, voire le conte ou le slam tiennent le haut du pavé, la poésie y paraît délaissée.

MONCHOACHI, en dépit de la force tellurique de sa poésie, n’est pas connu au-delà de certains cercles d’initié.e.s, et n’en demande pas davantage puisque volontairement il s’est retiré sur les hauteurs du Vauclin, d’où il ne serait sorti pour se montrer en public que deux fois en dix ans.

S’il ne s’agit nullement de dire que, comme l’auteur de « Lémistè », la poésie se fait rare au pays de Césaire, il est néanmoins évident que d’un point de vue strictement institutionnel celle-ci a encore à faire sa place dans le paysage culturel de l’île.

Aussi, à BALISAILLE, nous a-t-il paru nécessaire de re-créer, avec le « Prix international de l’invention poétique et de la traduction en langue.s créole.s », « Mai.Poésie-Festival d’un genre majeur » et « Déblosaille », les conditions propices sinon à un ré-enracinement du moins une ré-institutionnalisation de la poésie en terre martiniquaise.

Qu’il nous soit permis de remercier les institutions et associations qui nous accompagnent dans cette tâche : la DAC Martinique, la Ville du Saint-Esprit, la Ville de Fort-de-France, LEGS Editions, Vagues littéraires / DO, Kre, I, S, Micela etc.

Nos remerciements vont également à l’ensemble des personnes, auteurs et autrices, ami.e.s, allié.e.s, sympathisant.e.s, qui nous témoignent quotidiennement leur soutien et leur confiance.

Enfin, une forte pensée pour Mireille et MONCHOACHI chez qui nous avons l’assurance de trouver toujours ouverts le cœur ou la porte et l’occasion de « parler la poésie ».

Faubert BOLIVAR

Directeur artistique

Le thème du festival : « Parler la poésie »

Parler la poésie, Extrait, Inédit

Nous croyons le temps venu de parler la poésie. Non qu’il ne soit de tout temps bienvenu, voire salutaire pour l’homme, de parler la poésie; mais le péril, péril suprême, est tel qui s’annonce et s’accroît à une telle allure dans le temps présent qu’il devient urgent de considérer avec toute la gravité requise cette question cruciale. Il s’agit en effet, ni plus ni moins, que de la menace qui s’appesantit sur l’homme, celle de ne plus à terme pouvoir parler. (…)

Et la poésie? pourquoi sommes-nous déconcertés quand il s’agit de parler la poésie? Peut-être faut-il en chercher la raison dans le fait qu’il ne s’agit pas d’un langage parmi d’autres, quelque chose qui peut être mis à distance et dont on se servirait , qu’on utiliserait pour s’exprimer. Mieux encore, peut-être ne s’agirait-il pas d’un langage du tout, en quel cas l’expression « langage poétique » prise à la lettre serait-elle quelque peu abusive, même si la poésie se dit à travers, et a même besoin pour se dire des langues particulières. Ainsi, ce qui nous déconcerterait et, littéralement, nous confondrait face à l’injonction d’avoir à « parler la poésie », c’est à première vue l’impossibilité devant laquelle nous sommes placés d’avoir à différencier la poésie de la parole. Mais plus drastiquement, ce qui nous déroute dans cette injonction, c’est qu’elle nous projette d’un coup sur le rivage oublié de l’homme, celui que nous n’aurions jamais dû quitter pour cette errance ravageuse dans laquelle nous a précipité le chimérique maître actuel de la terre. (…)

Parler la poésie serait donc parler la parole même. La poésie n’est pas un langage parmi les autres, elle est la parole qui se situant à la source de tout langage l’articule et le vivifie. Pourquoi elle est la parole même? Elle est le sol originel de tout langage, le terreau sans lequel ce dernier est voué à s’altérer et à s’étioler. (…)

Qu’en est-il alors de cette invitation présente à parler la poésie?

Qu’est-ce donc parler la poésie dans un temps où prévaut pareil sentiment d’encerclement implacable, voire d’étouffement, pris que nous sommes dans l’étau d’un lèsprit inexorable, partout à l’œuvre, mais sans bouche?

Pour autant, il ne saurait s’agir de rétablir de façon factice le chant passé de l’homme, de restaurer de manière artificielle une parole accordée au rythme des saisons et des fructifications de la terre. Certes, il convient de restituer dans toute sa beauté et grandeur pour s’en nourrir, la parole qui puisait son ton et ses harmonies d’un tel rythme.

Mais pour parler au temps présent, encore faut-il écouter parler le temps présent, non point pour se conformer à son langage, non point pour s’y assujettir, mais pour entendre ce qu’est parler dans ce temps présent.

Il se trouve que la parole, dans une semblable invocation et peut-être de façon plus décisive encore que dans sa jointure avec la mesure de la terre et du ciel, prend son rythme de son abouchement avec les humains et de leur entretien. Or, comment parler à vrai dire là où le langage sourdement, mais à grandes enjambées, se réduit à signifier? A informer et à commissionner? Et où les hommes, absorbés par des dispositifs informatifs-formatifs usant d’un langage formatisé, uniformisé, droit sorti de l’esprit de mainmise et de conquête, sont voués à fonctionner?

Pourtant, c’est assurément de l’arrachement de la parole humaine à son assignation présente au langage formaté et en particulier aux catégories et aux disciplines qui régissent le temps, qu’elle recouvre la fraîcheur de sa source poétique. Ainsi peut-elle se propulser en direction et à l’encontre des sceaux et des emblèmes qui scellent, cadenassent le temps sur le parcours historique dévastateur de l’Occident et, en un même mouvement, ouvrir parole et temps à leur libre élan les soustraire à l’atonie et à la pesanteur.

Ainsi pouvons-nous entendre parler la poésie. Elle parle dans toutes paroles, dans tous gestes et actes qui, traversant de part en part le dispositif de main mise de l’Occident, le criblent, le taraudent, le lardent, et le démaillant de haut en bas et de bas en haut, le met à nu débattre son corps éructer crûment ses soubassements et ses sous-entendus.

Ainsi, parlant la poésie, l’homme pourra-t-il de nouveau parler et, léger, démassifié et désencombré, pourra-t-il ouvrir grand son lakou et accueillir résonner sous le ciel la musique de sa terre.

MONCHOACHI, Poète

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Lire aussi :La pré-sélection du jury du Prix international de l’invention poétique et de la traduction en langue.s créole.s

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Le Programme

MAI.POÉSIE / Festival d’un genre majeur

26-28 mai 2022, Saint-Esprit /Fort-de-France

Mercredi 25 / Prélude, Jour-1

18h30 : Rencontres pour le lendemain

Carte blanche à Raphaël CONFIANT, Médiathèque Alfred Melon-Dégras

Jeudi 26 / Jour 1

Matin et soir, Médiathèque Alfred Melon-Dégras

8h-10h : Le monde a-t-il encore besoin de la poésie ? – Lyonel Trouillot / Patricia Latour, Georges Henri Léotin (Joko), Roger Parsemain, Lasana Sekou.

10h30-12H30 : Poésie créole, poésie en créole ? – Patricia Conflon / Raphaël Confiant, Max Rippon, Jean-Erian Samson, Yawa.

Focus sur l’œuvre poétique de Térèz Léotin.

18h30-19h30 : Carte blanche à Widad Amra, Invitée d’honneur.

19h30-20h30 : Lecture / Hommage à la tradition poétique martiniquaise. Focus sur les poètes méconnus et oubliés.

Vendredi 27 / Jour 2

Matin/ Médiathèque Alfred Melon-Dégras

8h-10h : La poésie à la frontière des genres – Stéphanie Melyon Reinette / Widad Amra, Daniel Boukman, Serghe Keclard, Stéphane Martelly.

10H30-12H30 : Dire la poésie aujourd’hui – Nicole Cage / Joby Bernabé, Francis Combes, Anick Justin Joseph, Christophe Rangoly (Papa Slam).

Soir / Maison d’Aimé Césaire, 131 route de Redoute, Fort-de-France

19H : Hommage / Projection de « Jacques Stephen Alexis, mort sans sépulture », 2015, 95 mn, film d’Arnold Antonin suivi d’échange avec le public, animé par Lyonel Trouillot.

Samedi 28/ Jour 3

Matin / Médiathèque Alfred Melon-Dégras

8h-10h : La poésie d’Aimé Césaire, traces ? –Faubert Bolivar/ Michel Ducasse, Adams Kwateh, Dieulermesson Petit-Frère.

Intervention en visioconférence depuis le Cameroun de Marcel Kemadjou Njanke.

10h30-12h30 : La place de la poésie dans les politiques publiques – Rencontre professionnelle /Yaïssa Arnaud-Bolivar, Eloi Baratiny, Jean-Marc Rosier…

Soir /Jardin les Gommiers, Saint-Esprit, route du François

18H30 :

  • Grand récital, DEBLOSAILLE au Saint-Esprit. Avec, entre autres, Widad Amra, Joby Bernabé, Daniel Berté, Nicole Cage, Francis Combes, Michel Ducasse, Françoise Foutou, Roger Parsemain, Max Rippon, Elsa Senzi, Papa Slam…
  • Proclamation des résultats du Prix international de l’invention poétique et de la traduction en langue s créole s.

Tous les jours, dans le village du festival, Esplanade Raymond Félix-Théodose, au Saint-Esprit : dédicaces, micro ouvert, vente de livres, exposition…

L’invitée d’honneur

Widad Amra, est née en Palestine, d’une mère Martiniquaise et d’un père Palestinien. Elle fait ses études primaires et secondaires à Fort-de-France, entrecoupées par trois séjours au Moyen-Orient. L’un, en Cisjordanie, à Ramallah à l’âge de dix ans, deux autres sur une durée de quatre ans, à Beyrouth. Rapatriée à Fort-de-France en 1967, au moment de la Guerre des six jours, elle poursuit alors ses études supérieures à la faculté de lettres de Bordeaux. Professeure de français, chargée d’ateliers de théâtre, d’écriture, elle est également poète (Regards d’errance 2007 ; Salam Shalom 2008 ; Le souffle du pays 2019, aux éditions l’Harmattan. Ses textes sont également publiés dans des ouvrages collectifs : Grand Angle, aux éditions L’autre rive ; Ce qu’île dit, avec 68 poètes des îles, dans Bacchanales N°46.), une sélection de textes dans l’anthologie de paroles de femmes de Martinique : Fanm kon flanm. Elle est auteure-compositeure (Album Kouté 1998) et comédienne de théâtre amateur. Adaptatrice et narratrice de spectacles pour enfants (Album Ti Kréol 2010).

Les Invité.e.s / Tables rondes et Grand récital DEBLOSAILLE au Saint-Esprit :

  1. Widad AMRA

  2. Osendé ANSELIN

  3. Yaïssa ARNAUD-BOLIVAR

  4. Eloi BARATINY

  5. Joby BERNABE

  6. Daniel BERTE

  7. Joël BEUZE

  8. Faubert BOLIVAR

  9. Daniel BOUKMAN

  10. Nicole CAGE

  11. Francis COMBES

  12. Raphaël CONFIANT

  13. Patricia CONFLON

  14. Stelle DIBANDI

  15. Michel DUCASSE

  16. Marie-Françoise EMONIDE

  17. Françoise FOUTOU

  18. Annick JUSTIN-JOSEPH

  19. Serghe KECLARD

  20. Adams KWATEH

  21. Patricia LATOUR

  22. Georges Henri LEOTIN

  23. Térèz LEOTIN

  24. Kristian LORAN

  25. Stéphane MARTELLY

  26. Michèle MAUVOIS

  27. Stéphanie MELYON-REINETTE

  28. Ericka MORJON

  29. Marcel Kemadjou NJANKE

  30. Roger PARSEMAIN

  31. Dieulermesson PETIT-FRERE

  32. Suzanne Elise QUENETTE

  33. Christophe RANGOLY (Papa Slam)

  34. Max RIPPON

  35. Jean-Marc ROSIER

  36. Jean Erian SAMSON

  37. Lasana SEKOU

  38. Lyonel TROUILLOT

  39. YAWA

  40. Elsa ZENZI

 

A PROPOS DE BALISAILLE

Objectifs

  • Produire ou coproduire des créations théâtrales et les diffuser.
  • -Pratiquer des activités artistiques et culturelles.
  • -Agir en tant que force de proposition en matière artistique et culturelle.
  • -Organiser des rencontres pluridisciplinaires.
  • -De manière générale, initier ou participer à toute activité se rapportant aux objectifs de l’association.

Projets

  • Déblosaille 

  • Mai.Poésie / Festival d’un genre majeur

  • Prix international de l’invention poétique et de traduction en langues créoles

  • Rencontres pour le lendemain…

Bureau

  • Daniel BOYER-FAUSTIN, Président
  • Serge FLORENT, Trésorier
  • Sandrine RAMEDACE, Secrétaire

Comité exécutif

  • Daniel LEGRAND, Administrateur
  • Faubert BOLIVAR, Directeur artistique
  • Nicole CAGE, Chargée de mission

Contact :

BALISAILLE

ASSOCIATION LOI 1901

Identifiant SIRET : 902 818 004 00019

Adresse de gestion : 226 Impasse Vaillant 97232 Le Lamentin

Courriel : assobalisaille@gmail.com