— Par Léonora Miano, écrivaine —
Selon l’écrivaine Léonora Miano, satisfaire la demande de citoyens « devenus français en raison d’un crime contre l’humanité », l’esclavage colonial, ne ferait pas pour autant disparaître Jean-Baptiste Colbert des livres d’histoire.
Tribune. Les statues meurent aussi. Nous le savons depuis le film de Chris Marker, Alain Resnais et Ghislain Cloquet. Diatribe anticolonialiste sur le pillage des artefacts subsahariens, Les statues meurent aussi (1953) évoque le ravage intime que constitua le fait de détourner ces œuvres de leur fonction initiale pour les inhumer dans les musées français. Le film parlait d’une profanation. Il fut interdit avant d’être présenté, onze ans après sa création, dans une version tronquée par la censure.
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Que les statues meurent, la République l’avait su avant 1953. Comme souvent dans l’histoire, on s’était appliqué à soi-même les méthodes que l’on irait parfaire au loin. On avait abattu ses propres totems, vandalisé ses propres mausolées. La République naissante avait démonté nombre de statues royales en 1792, avant d’éventrer, en octobre 1793, le tombeau des monarques. Du passé, on faisait table rase.


Il est temps que la France regarde toute son histoire dans les yeux. Le climat de protestation mondial généré par la mort de George Floyd aux États-Unis doit pouvoir nous permettre de guérir les cicatrices mémorielles encore bien présentes dans notre société aujourd’hui. Cessons ainsi de prétendre que la grande différence entre l’histoire américaine et celle de la France est que l’une d’elles s’est construite sur une société esclavagiste alors que la nôtre, non. Cela est tout simplement faux. Ce serait oublier le passé bien chargé des territoires ultramarins qui font pourtant « la fierté de la France » comme aiment à le rappeler chaque nouveau Président de la République. La Martinique, la Guadeloupe, la Réunion, et la Guyane sont tant de territoires qui ont été marqués profondément par les crimes contre l’humanité que sont l’esclavage et la traite négrière. Ces territoires ont, comme les États-Unis, été construits sur cette atrocité qu’est l’esclavage, et l’omettre ne fait que renforcer un sentiment déjà bien présent de racisme.
Deux statues de Victor Schœlcher détruites, des écoles qui peinent à rouvrir malgré le déconfinement et le contrôle de la situation sanitaire, des coupures d’eau intempestives sur tout notre territoire qui privent une grande partie de la population martiniquaise du service qu’elle est en droit d’attendre notamment en période de crise sanitaire, des transports qui fonctionnent par intermittence, le dossier du chlordécone enkayé alors que de nombreuses propositions concrètes et intéressantes sont formulées par des associations ou des parlementaires, des jeunes agriculteurs en quête de terre pour s’installer alors que 20 000 hectares sont en friche et que la CTM est gestionnaire d’une banque de terres agricoles… notre pays Martinique souffre de maux qui semblent hors de portée de notre action ! Comme si nous étions impuissants à actionner les manettes du changement de notre quotidien et de notre réalité alors que localement nous n’avons jamais été autant en responsabilité.
La méconnaissance de l’histoire martiniquaise ne s’était pas limitée à la seule période de la colonisation et de l’esclavage. En effet, depuis les années 1950, avec le retour progressif puis en masse des intellectuels revenus de leurs études, ainsi qu’à la « découverte » du 22 mai 1848, la connaissance de l’histoire de l’esclavage a fait un véritable bond. Sous le magistère d’anciens tels qu’Armand Nicolas, Léo Elisabeth, Edouard Delépine, s’est développée une génération de professeurs d’histoire, tous formés à l’étude de l’esclavage. Le plus connu d’entre eux, l’historien Gilbert Pago, a produit plusieurs ouvrages et n’a pas cessé d’intervenir depuis 50 ans dans les écoles, sur les radios et télévisions, et au cours de conférences diverses. Lui et les autres historiens cités plus haut, en particulier Édouard Delépine
Ce n’est pas nouveau, mais cela prend une ampleur nouvelle. En effet, la question des emblèmes esclavagistes dans l’espace public se pose, en France comme ailleurs, formulée depuis quelques dizaines d’années par des citoyens
Contrôles policiers, accès à l’emploi, au logement ou à l’éducation… Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, réclame la création d’un
Ceux qui meurent le plus du fait d’interventions de la police sont, ici aussi, issus de quartiers populaires, noirs ou d’origine maghrébine, souligne la sociologue.
« Les statues meurent aussi ». Du sud des États-Unis à la France en passant par le Royaume-Uni, la déferlante iconoclaste déclenchée par le meurtre de George Floyd donne une actualité inattendue à ce titre du fascinant documentaire anticolonialiste tourné en 1953 par Alain Resnais et Chris Marker (Journal Le Monde du 12 juin 2020).
Le 19 juin aux Etats-Unis est fêté Juneteenth, en souvenir de ce jour de 1865 où les derniers esclaves ont été libérés au Texas. Des manifestations ont été observées dans les quatre coins du pays.
Voilà étalée au grand jour une divergence majeure sur un sujet majeur, l’eau courante en Martinique, opposant les deux organes de la Collectivité territoriale de Martinique : le conseil exécutif et l’assemblée délibérante. Jamais institution de la collectivité martiniquaise ne s’était trouvée devant une telle situation. De sa création, en 1825, à sa disparition en 2015, près de 2 siècles plus tard, le conseil général n’avait jamais été empêché par ses élus de fonctionner. De la colonie au département sa mission de développement avait toujours su supplanter les différends politiques. Aussi, en 1989 la collaboration d’un président de droite et d’une majorité de gauche avait permis un exercice fructueux et apaisé
« Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. »
Le 28 mai 2020
La CNCDH¹, Commission nationale consultative des droits de l’homme a rendu public, ce jeudi 18 juin, son rapport annuel sur « la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie ». Initialement prévue avant le confinement, la sortie de ce rapport, qui revient sur le racisme et le rôle des forces policières, avec un focus sur la population noire, fait écho à l’actualité en France et dans le monde.
Quand on se risque à imaginer la Martinique de demain, nos débats s’enlisent régulièrement dans des envolées injurieuses sur les évolutions statutaires, imaginant toujours ce que la France peut nous accorder sans jamais réfléchir à comment la Martinique pourrait le lui imposer. On rejette sur les autres la responsabilité de notre ankayaj [1] colonial, « chawayan [2] » avec nous un imaginaire que l’on exècre, celui du nèg bitasion [3] et de sa supposée docilité permanente. Par conséquent, il n’est pas question ici de proposer à la Martinique l’application des articles 73 ou 74 de la Constitution française et puisqu’il faut toujours montrer patte blanche même quand on a la main noire, il n’est pas question non plus d’exiger une autonomie ne serait-ce que renforcée, pas plus qu’une indépendance négociée et encore moins une assimilation confortée.
Une fois de plus , le député LETCHIMY cherche à induire en erreur l’opinion.
J’ai du mal à comprendre les gens qui disent qu’on leur a imposé l’image d’un « Schœlcher unique libérateur des esclaves ». C’est comme si ils n’avaient pas ou ils avaient perdu leur propre capacité de jugement. Peut-être « à l’insu de leur plein gré » ainsi que l’aurait prétendument dit un célèbre cycliste.
Le réalisateur, césarisé en 2018 pour son documentaire, Je ne suis pas votre nègre, estime dans l’hebdomadaire Le 1, que la patrie des droits de l’homme est «à la fin d’un bien trop lourd héritage d’injustice, de déni et de profits, construit sur la misère des autres».
« À l’instar des historiens Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire dans l’ouvrage “Fracture Coloniale”, je constate qu’il y a encore des traces de la pensée coloniale dans l’espace politique et médiatique français. Ces traces prennent place dès notre enfance, dans nos livres d’histoire-géographie qui construisent une histoire de France qui met en avant la blanchité¹ de ses figures nationales.
Des militants antiracistes souhaitent que la statue de Colbert, trônant devant l’Assemblée nationale, soit déboulonnée. L’ancien ministre de Louis XIV est à l’initiative en 1685 du Code noir, qui a légiféré l’esclavage. L’historien Frédéric Régent en appelle à un débat de fond.
— Par Ali Babar Kenjah —
« C’est ma faute, c’est ma très grande faute… », il y a peu d’élus et de partis politiques se partageant aujourd’hui les travées ou les lucarnes de visioconférence de la CTM qui n’aient été, à un moment ou un autre, concernés par le scandale de l’eau, et ne soient en posture de battre leur coulpe. C’est ce que peut suggérer le vote inattendu de la CTM concernant l’achat du terrain du quartier Séguino, au Lorrain : un « sémafot » aux frais du contribuable, bien entendu.
Le passé passe mal…Le passé mal passé, mal vécu devient la condition de notre cécité quant au présent…Le passé s’il est mal dit offre la meilleure façon de se tenir dans un état de cécité quant au futur…
— Par Marie-Louise Ryback Jansen
JDD : 20.000 personnes ont manifesté mardi devant le Palais de Justice, à Paris, pour demander « Justice pour Adama », quelles différences et quelles similitudes repérez-vous entre les situations américaine et française?