— Par André Lucrèce, Écrivain, Sociologue —
Notre pays connaît une indiscutable décroissance démographique. C’est un sujet suffisamment grave pour ne point se satisfaire d’explications relevant de lieux communs, lesquels résultent d’un spontanéisme simpliste. Vieillissement de la population et déficit migratoire nous amènent donc à un premier constat : il convient d’analyser une situation qui relève d’une transition démographique d’une grande brutalité avec des conséquences économiques et sociales peu enviables.
Au début des années 1960, les moins de vingt ans constituent 50% de la population martiniquaise. Nous sommes alors dans une situation économique défavorable. La crise qui frappe en particulier toute l’économie de plantation touche les travailleurs agricoles et provoque la fermeture les unes après les autres des usines productrices de sucre. Deux immigrations en résultent : l’une vers Fort-de-France avec le développement d’une ceinture populaire autour de cette ville et l’autre vers la France qui exprime à cette époque un important besoin de main-d’œuvre.
La conjoncture est aussi politique. Décembre 59, où la jeunesse fut active et engagée, est passé par là, l’OJAM (Organisation de la Jeunesse Anticolonialiste Martiniquaise) se manifeste quelques temps plus tard, la question de l’autonomie se fait entendre, la révolution cubaine est constituée en modèle par certains martiniquais, la guerre d’Algérie est en cours, des grèves d’ouvriers agricoles se terminent le plus souvent dans le sang.