Source: e-Karbé
Le cinquantième anniversaire de la mort de Frantz Fanon donne aujourd’hui lieu à nombre de rencontres autour de son œuvre et de ses idées. André Lucrèce, sociologue et écrivain martiniquais, publie un essai, Frantz Fanon et les Antilles – L’empreinte d’une pensée, afin de dénoncer «l’oubli inconcevable qui frappe la pensée de Frantz Fanon». Parmi les objectifs de cet ouvrage, la nécessité affirmée de l’auteur de ramener la philosophie de Fanon au centre des débats et ainsi de les nourrir au moyen d’arguments tirés de l’analyse de ses écrits. S’intéresser de près aux discours, à la pensée et aux récits de Frantz Fanon en vue, principalement, de mieux appréhender «la réalité antillaise». André Lucrèce, dont les recherches portent principalement sur les phénomènes liés à la modernité dans les sociétés antillaises, propose, avec Frantz Fanon et les Antilles – L’empreinte d’une pensée, une nouvelle réflexion sur l’œuvre du penseur engagé. Il répond aux questions d’e-Karbé.
e-Karbé – À l’occasion de la sortie de votre livre, Frantz Fanon et les Antilles – L’empreinte d’une pensée, vous annoncez d’emblée qu’il y est «question de répondre à l’oubli inconcevable qui frappe la pensée de Frantz Fanon».












A l’époque où la masse sombre qui domine l’embouchure du Galion s’appelait encore Fort St Charles (années 80), j’y rejoignais mon père après l’école en grimpant à travers le quartier populaire du Carmel. Cet imposant édifice militaire abritait alors l’observatoire de vulcanologie de Guadeloupe, antenne de l’Institut de Physique du Globe de Paris. J’en connais chaque pierre pour y avoir passé une partie de mon enfance. J’y ai mainte fois repoussé l’anglais à coups de canons rouillés, échappé à des fantômes aux orbites vides qui tentaient de m’agripper quand je rodais trop près des cachots. Tel Louis Delgrès, par une poterne dérobée surplombant la falaise, j’ai échappé aux troupes impériales venues rétablir l’esclavage. J’ai écrasé des amandes pour en savourer les graines. J’ai saigné des manguiers pour en récolter l’ambre, gratté la croûte des gommiers tel un indien Karib radoubant son embarcation. Mes exploits accomplis, je dévorais mon goûter avant de faire pipi sur la tombe de Richepanse. Je n’en tire aucune fierté. Ce rituel n’était pas un acte réfléchi. Il se trouve simplement que le bougre est enterré à l’endroit le plus élevé du fort, celui d’où l’on peut voir descendre le soleil sur la Mer des Caraïbes.





Ce ne sont pas des cris, mais tout est dit fortement, et la langue est belle, qui sait glisser du classique au familier sans repousser un seul instant l’intérêt du lecteur. À tel point que les phrases qui font allusion à un dieu restent aimables et séduisantes, sans choquer et sans repousser ceux qui n’entrent pas dans les croyances. D’ailleurs, l’apparition des « vendredi » pourrait même enchanter d’autres croyants venus d’autres lieux. Et sur l’enchaînement des thèmes et des allusions, une dialectique permanente retient l’attention du militant qui déplore la colonisation et du camarade qui aime qu’on le nomme ainsi. 

