« La petite maîtresse » de Dominiqque Sels

 

Invitée d’un salon mensuel des « Amis de Jean-Baptiste Botul », la romancière Dominique Sels publie La Petite Maîtresse, dialogue qui fait revivre cette soirée. Le préambule, intitulé « Les Arlésiens », est inspiré par « ce philosophe insaisissable qui porte le prénom de Molière et ressemble à Socrate ». L’auteur y étudie la catégorie des Arlésiens, personnages littéraires ou de fantaisie qui, tels Socrate au banquet, déclarent n’être « rien », ou telle l’Arlésienne d’Alphonse Daudet, ou Dulcinée chez Cervantès, ne se montrent pas, sont en creux, et catalysent les passions. La causerie est ensuite largement consacrée à un autre thème, issu lui aussi d’une lecture du Banquet de Platon : les amours avec écart d’âge (d’où le titre La Petite Maîtresse), amours célestes dont les fruits sont des livres, des tableaux, des carrières, plutôt que des enfants. Tournées vers la création plutôt que vers la procréation, ces amours étaient dans l’Antiquité strictement masculines. Dominique Sels, qui en appelle à la notion de neutre, les étend à des personnes d’un genre indifférent. Ces amours intéressent par conséquent la fécondité artistique et intellectuelle des femmes, relativement récente. Caractérisées par une forte transmission culturelle et spirituelle entre un aîné et un jeune être, ces amours, souvent réprouvées, sont un éloge de la dissymétrie. Les exemples sont puisés à la réalité des siècles récents (Rodin-Claudel, Cocteau-Marais, Verlaine-Rimbaud) ou encore à la fiction cinématographique (films de Billy Wilder, Stephen Frears ou Clint Eastwood). Ce titre peut être relié à un autre du même auteur, Les Mots de l’amour arrivent d’Athènes (2008), où Dominique Sels présente le vocabulaire que Platon utilise pour dépeindre l’amour dans le texte du Banquet.