« La blessure du nom », ouvrage de Philippe Chanson

Une anthropologie d’une séquelle de l’esclavage aux Antilles-Guyane

Ouvrage de Philippe Chanson

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—Anonyme – Passavoir – Crétinoir – Trouabal – Dément – Comestible – Macabre – Zéro – Malcousu – Savon – Gouacide – Négrobar – Satan – Peccatus – Dangeros… Tels sont quelques-uns des centaines de noms d’Etat civil saugrenus, dégradants et injurieux, redonnés aux esclaves africains des Antilles et de la Guyane françaises libérés en 1848. Cette blessure identitaire, largement et curieusement occultée, suinte encore sur ces terres créoles travaillées par trois siècles d’histoire coloniale traumatique.

Mais comment donc de tels noms ont-ils pu être attribués ?

L’étude ethnographique que propose cet ouvrage, travaillée par de longues années de terrain, tente d’en entendre les réponses. Elle s’étaye tout à la fois sur le dépouillement de plus de 350 000 patronymes collectés dans ces départements français d’Outre-mer, des entretiens notamment avec quelques figures éminentes de l’intelligentsia créole (Césaire, Glissant, Pépin, Chamoiseau), le cumul de données historiques, culturelles, linguistiques, littéraires, ainsi que sur la mise en œuvre d’une anthropologie dite ’fictionnelle’ et pourtant contemporaine.

L’auteur, sensible au poids moral du nom, se penche d’abord sur le choc, la prégnance, la proportion, les causes et les avatars de cette problématique si délicate ; reconstitue ensuite les circonstances et conditions des processus d’attribution qui ont pu aboutir à de tels dénis ; dégage également les pratiques et parades cathartiques de résistances mentales et culturelles pour contrer l’affront du nom ; et termine en ouvrant la question de cette grave blessure également subie par les créoles de l’Ile Maurice, tout en s’interrogeant sur une possible réparation du nom.

Philippe Chanson, théologien de l’Université de Genève, est également anthropologue de l’Université catholique de Louvain et membre de son Laboratoire d’Anthropologie Prospective (LAAP). Spécialisé sur les Antilles et la Guyane françaises où il a enseigné de 1987 à 1994, il a mené d’importants séjours de recherche et de collectes dans l’entier de l’arc caraïbe. Auteur de nombreux travaux sur les croyances, la culture et la question des identités créoles, il est aussi co-auteur du Dictionnaire œcuménique de missiologie (2001) et de Identités autochtones et missions chrétiennes. Brisures et émergences (2006).

La blessure du nom. Une anthropologie d’une séquelle de l’esclavage aux Antilles-Guyane, Philippe Chanson, Academia-Bruylant, Louvain-la-Neuve, 154 p., 2008, 21,00 €.

Biographie de Philippe Chanson

Philippe Chanson, théologien de l’Université de Genève, est l’auteur de nombreux articles en anthropologie sur les Caraïbes francophones, où il a séjourné et enseigné de 1987 à 1994.
Il est actuellement coordinateur théologique du Centre Protestant d’Aides de Genève. Olivier Servais est anthropologue et historien. Il enseigne l’anthropologie et les sciences des religions à l’Université catholique de Louvain (Louvain-la-Neuve) et aux Facultés universitaires de Namur, en Belgique.