La fureur est tombée sur la ville écarlate
par Michel Lercoulois
La fureur est tombée sur la ville écarlate
La fièvre se recuit dans des bouges saumâtres
Un gamin négligent asperge le trottoir
Exhibant sans pudeur un sexe minuscule
Des hommes apeurés reluquent les mamelles
Des filles blondes aux longues jambes nues
Les mendiants se disputent quelques reliefs pourris
Des voleurs farouches jouent leur butin aux dés
Dans les palais les ministres corrompus comptent leur or
Un roi sans joie besogne la chambrière de la reine
Un cul de jatte hagard est posé contre un mur
Les aveugles en passant le piquent de leur canne
Des bourgeoises esseulées pleurent les jours d’antan
Les maris repus de trop de chère bedonnent au fumoir
De jeunes loups naïfs aiguisent leurs couteaux
Sans savoir qu’ils seront les premiers transpercés
Les tendres demoiselles découvrent l’art du stupre
Elles veulent les mâles mûrs affamés et brutaux
Pour cultiver l’obscène entre gens de bon goût
Ailleurs dans les fabriques un vain peuple s’agite
Gens de peu pauvres et puants
Qui triment pour le pain le vin et le taudis
Où s’entasse une marmaille infâme
Aigres parfums de bouffe de merde et de pisse
Avec des cris parfois ou des vagissements
Une vieille à l’article gémit sur son grabat
Peut-être entend-elle les râles du coït
Elle qui aimait tant jadis foutre avec fougue
En bas dans la rue deux ivrognes s’embrassent
Ils mélangent leurs langues sans s’embarrasser
Des relents du pinard
La piquette des dieux
Le nectar des vieux cons
Partout dans la ville la vermine grouille
On est tous frères en Jésus-Christ, pas vrai ?



(La Terre, le Feu, l’Eau et les Vents, Paris, Galaade, 2010, 350 p.). par Michel Herland.






Ce ne sont pas des cris, mais tout est dit fortement, et la langue est belle, qui sait glisser du classique au familier sans repousser un seul instant l’intérêt du lecteur. À tel point que les phrases qui font allusion à un dieu restent aimables et séduisantes, sans choquer et sans repousser ceux qui n’entrent pas dans les croyances. D’ailleurs, l’apparition des « vendredi » pourrait même enchanter d’autres croyants venus d’autres lieux. Et sur l’enchaînement des thèmes et des allusions, une dialectique permanente retient l’attention du militant qui déplore la colonisation et du camarade qui aime qu’on le nomme ainsi. 






Étonnant et passionnant ouvrage, ce livre de Georges Éleuthère Mauvois, consacré à un héros martiniquais sordidement assassiné, le noble militant André Aliker, jeté ligoté dans la Mer caraïbe en 1934, sur ordre du richissime Eugène Aubéry, usinier régnant sur le domaine du Lareinty. L’auteur, qui fut avocat au temps où l’administration coloniale l’avait révoqué de l’administration des P.T.T., nous livre sur 118 pages un extraordinaire plaidoyer fondé sur les deux plans, le civil et le pénal.