— Par Robert Berrouët-Oriol, Linguiste-terminologue —
L’article de Pierre-Yves Roy, « Comment transformer le créole haïtien en un produit de développement durable » (Le National, 26 juin 2018) mérite que l’on s’y arrête pour plusieurs raisons. Car à le lire avec la meilleure attention il s’agit manifestement d’un texte confus, verbeux, farci d’impropriétés lexicales et grammaticales et qui ne présente pas d’argumentation rigoureuse capable d’enrichir le débat linguistique.
Une première observation s’impose. De manière générale, on conviendra que tout citoyen a le droit de s’exprimer sur la problématique linguistique haïtienne : celle-ci n’est pas la chasse gardée des linguistes et les spécialistes des sciences du langage doivent être à l’écoute de l’opinion des sujets parlants. En revanche, lorsque des non linguistes estiment être capables de proposer une manière de voir sinon des « solutions » relatives à l’aménagement linguistique en Haïti, ils doivent à leur tour être réceptifs aux enseignements comme aux perspectives formulées par les professionnels de la langue. Mais en ce qui a trait à l’aménagement du créole aux côtés du français, l’amateurisme, il faut en convenir, est une bien mauvaise boussole…
Pour mieux situer le propos responsif de Pierre-Yves Roy, il est utile de rappeler que son point de départ est l’article « Le créole, « seule langue officielle » d’Haïti : mirage ou vaine utopie ?

Sitiyasion kritik, YO gaté Matnik
Lé vakans ka rivé
On meurt énormément en mon île
Republié à l’occasion des 50 ans du Syndicat de la magistrature.
Pou pen ou partajé
L’idée selon laquelle seul le créole doit être aménagé en Haïti est défendue par une petite minorité de bilingues créole français, bien scolarisés en français, la plupart du temps non linguistes et plus ou moins liés à l’Académie créole. Cette idée, disons-le tout net, exprime un aveuglement volontaire chez ceux des bilingues haïtiens qui nient avec légèreté le caractère bilingue de notre patrimoine linguistique biséculaire. Est-il aujourd’hui utile de démontrer l’inanité de l’aveuglement volontaire chez ceux qui confondent la juste et nécessaire défense du créole et le mirage de l’unilatéralisme créolophile ? Pareil aveuglement créolophile doit-il avoir préséance sur l’Histoire, sur la sociologie et les sciences du langage ainsi que sur l’impératif de l’aménagement simultané des deux langues officielles du pays ?
Lé moun ki goumen rèd
Sur nos terres brisées aux mille souffrances

À Lyon se sont tenues pendant une semaine Les assises internationales du roman. Comme tous les ans, ce festival a accueilli une cinquantaine d’écrivains prestigieux venus du monde entier. La nouveauté de cette édition : un week-end consacré à la langue française.
Ebé Bondié !
L’architecture un peu raide de la Salle Frantz Fanon à Tropiques-Atrium ne s’y prêtait pas et pourtant la soirée « Poésie Pays » a bal(l)adé le public du coté du café-concert. Poésie Pays, est une déclinaison de ces soirées proposées et mises en scène par Guy Régis Jr, metteur en scène, dramaturge et comédien haïtien, accompagné de Wooly Saint Louis Jean, grand interprète de la chanson créole et de Daphné Ménard, chanteur ténor et comédien diseur. Chaque semaine, à Port-au-Prince, sont organisées des soirées au cours desquelles auteurs, comédiens, chanteurs, lecteurs viennent se retrouver et, tour à tour, partager avec les autres, poèmes et chansons. Guy Régis Jr en maître de cérémonie, au pied de la scène, Wooly Saint Louis Jean, guitare sur les genoux assis sur le proscenium et Daphné Ménard à la voix angélique, au milieu du plateau ont pris par la main la salle pour l’emmener visiter ou revisiter les plus beaux poèmes de la littérature haïtienne contemporaine du côté de Georges Castera, Syto Cavé, Lyonel Trouillot, James Noël, Pierre Richard Narcisse, Frankétienne, Gary Augustin mais aussi, assurés qu’ils sont d’une identité conquise dans la lutte, du coté de Brassens, Brel, Victor Hugo, Gainsbourg.
Labitasion Duchamps an gérè désidé
Sé an ti mòso tè
J’ai traversé pour l’autre bord,
Man pati pou kité lanfè bitasion… chyen an tjou mwen !
— Par Marie-Hélène Léotin —