"Savoir, c'est pouvoir"- Francis Bacon (1597)
— Par Roland Sabra —
Le poète est fils de Vulcain et d’Orphée. La forge et la lyre.
Au levé du rideau, dans un clair-obscur, la bandéoniste sur une estrade est immobile, statufiée, sans vie sur le coté jardin de la scène. Coté cour, sur le devant, Brecht est là, massif, il dit « il faut connaître son passé, pour imaginer l’avenir ». Il s’approche de la statue, la touche de sa voix. Sous la force du verbe elle prend vie. Le dialogue entre l’instrument et le poète va se déployer tout au long de ce cabaret parlé-chanté d’un peu plus d’une heure. Ils sont du même monde, tous deux nés en Allemagne, puis exilés en Argentine, ils ont en eux une force sourde, une violence contenue, qui se dévoile dans l’effort qu’elle fait à se tapir dans l’ombre, à se maîtriser dans le dire qu’ils nous adressent.. Si l’histoire se répète de l’oubli du passé, à nous d’entendre l’avertissement de ce raccourci, osé pour qui ne sait pas, 1933-2014.



Très connu en Allemagne, grâce à son « Opéra de 4 sous » à la fin des années 1920, Brecht est persona non grata de part ses idées marxistes et se voit contraint à l’exil en 1933, lors de l’arrivée d’Hitler au pouvoir et la montée du nazisme. Commence pour lui une période de quinze longues années où apatride, il erre à travers la Scandinavie du Danemark à la Finlande, aux Etats-Unis puis en Suisse.
Une opération de solidarité artistique avec le Mali et la Centrafrique aura lieu, avant une tournée française et européenne, au Grand Parquet et au Théâtre Antoine-Vitez d’Ivry (1). Le Théâtre de la Ville s’y associe, le 10 mars, avec un grand concert. Cela s’intitule « les Afriques à Paris et à Ivry ». À l’affiche, deux pièces de théâtre venues de deux pays meurtris, la Centrafrique et le Mali. Il s’agit de sensibiliser le public et de récolter des fonds pour aider à la reconstruction des deux centres culturels de BlonBa (Bamako) et de Linga Tere (Bangui). Songo la rencontre a été coécrit et co-mis en scène par le Centrafricain Vincent Mambachaka, directeur de l’espace Linga Tere, et le Français Richard Demarcy, à la tête du Naïf Théâtre. Richard Demarcy nous a dit : « C’est un conte universel et emblématique du patrimoine centrafricain. Deux bureaucrates bossus chargés d’annoncer la destruction de la forêt vont être initiés par des esprits… »
Ça repart ? Avec vous, je peux redémarrer ! On essaye ?
Lors de la saison 2012/2013, Roger Bernat nous a fait danser Le Sacre du Printemps sur la grande scène du Théâtre. Cette saison, il propose de voter pour plonger de manière ludique dans les méandres de la démocratie.
(Photo de J. Alpha)
Une femme revient dans son pays. Elle a donné rendez-vous à des amis pour un pique-nique sur la plage de leur enfance , « Le rivage du monde ». Quand elle arrive, ses amis ne sont pas encore là. Elle trouve un homme, qui lui dit que cette plage est privée, que son accès est désormais interdit. Il lui demande de s’en aller. Elle insiste. Elle ne veut pas comprendre. Il finit par lui dire qu’il ne supporte pas sa couleur de peau, que celle-ci est porteuse d’une mémoire qui n’a pas sa place sur le rivage du monde, qu’elle s’en aille !
Au théâtre de l’Aquarium, Pascale Henry propose À demain, plongée dans l’univers de la souffrance à visage humain.
(c) P. Lebruman
Un dimanche, le soleil au zénith. Une femme qui se réjouit à l’idée de retrouver sa plage de prédilection. Le rivage du monde, connu dans son enfance et lieu de rendez-vous avec des amis qu’elle doit rejoindre. Ses amis sont en retard. Là, un homme prétextant que la plage est à présent privée, lui en interdit l’accès. La femme ne capitule pas. S’ensuit un dialogue de sourds, cadre d’une joute physique et mentale, où l’intensité dramatique ira crescendo jusqu’au dénouement.
La Carte blanche donnée à Jean-Claude Duverger, vendredi soir dernier, par la direction de l’Atrium, a permis de révéler aux nombreux spectateurs de la salle Frantz Fanon, un beau récital « Des mots pour le dire ». Des mots justes, sans emphase, sans détour, ciselés à la pointure des histoires et des contes considérés comme sociaux, et initiatiques, que le comédien, poète conteur et acteur Jean Claude Duverger, transporte avec lui comme des porte-bonheurs depuis les premiers sourires de sa mère, dit-il.
Placés sur la berge d’en face du pont qui enjambe la rivière, vraisemblablement à l’une des sorties de la ville, les spectateurs voyeurs assistent en grimaçant aux délires lucides d’un exclu. Celui qu’a choisi de nous montrer le comédien Jacques Olivier Ensfelder (JOE), extrait du Théâtre de Bernard Marie Koltès « qui exprime la tragédie de l’être solitaire et de la mort ».
Jacques-Olivier Ensfelder ( photo) fait montre d’un grand talent dans «La nuit juste avant les forêts ». Il portait en lui ce texte comme on garde un mystère. Depuis de longues années. Au fond du cœur. Étranger à lui-même et si proche, comme un enfant qui vous déchire de trop vous ressembler. Il porte le texte qui souvent l’emporte. C’est une bataille douce et douloureuse qu’il livre sur scène, dans une chorégraphie amoureuse avec les mots, les sonorités, les registres de langage, la musicalité de la phrase. Les scansions, les découpes qu’il opère dans le texte, se construisent comme témoignages de fidélité et de reconnaissance, comme preuves d’amour à l’auteur trop tôt disparu. Seul en scène il convoque la multitude des rencontres éphémères, des amoures sans lendemains, des déceptions d’une demande infinie dont l’objet toujours se dérobe à ne pouvoir être nommé. Sec et nerveux, violent et précis le phrasé épouse et enlace le propos, lui accorde des plages de repos, de calme précaire sur fond d’inquiétude sans cesse renaissante.
Yvonne Guilon : Comment se présente le texte « La nuit juste avant les forêts » ?
Sainte Jeanne des abattoirs ? … pétillant ! ai-je répondu à un camarade soucieux de ce que je pensais à la sortie du spectacle théâtral qui ouvrait la rentrée 2014 du Théâtre Aimé Césaire de la Ville de Fort de France.
Ce n’est pas la pièce la plus légère du répertoire brechtien, c’est même, sans doute, une des moins aériennes sur le plan de la dialectique.. Écrite en 1932, elle n’a jamais été représentée du vivant de l’auteur ne donnant lieu qu’à une lecture radiophonique partielle. Ce n’est que trois ans après sa mort que la création est faite à Hambourg en 1959.
À partir de 
Avec l’adaptation de « La bonne âme de Se-Tchouan » de Bertolt Brecht par Jean Bellorini, on a tout pour être heureux.