Catégorie : Arts de la scène

Antigone de Sophocle, m.e.s. Satoshi Miyagi

— Par Michèle Bigot —

Festival d’Avignon 2017, cour d’honneur du palais des Papes

Miyagi et sa troupe de Shizuoka nous avait déjà éblouis en revisitant le Mahabharata pour la carrière de Boulbon. Il revient aujourd’hui pour notre grand bonheur avec une adaptation libre de Sophocle et de sa tragédie la plus connue Antigone. Ses principes de mise en scène n’ont pas changé : deux acteurs pour un rôle, une gestuelle proche du butō et du clown. Son Antigone n’a rien à envier à celle de Sophocle ou plus près de nous à celle de Cocteau, Anouilh ou Henry Bauchau.

Le parti pris de mise en scène, qui dépouille le texte et rehausse le caractère, les jeux d’ombres et de lumière projetés sur les murs du palais lui confèrent une majesté hiératique.

Lors de sa première mise en scène d’Antigone en 2004, Miyagi mettait l’accent sur la proposition faite à Créon par Antigone : faire de l’amour le principe majeur de la conduite des cités. Le thrène d’Antigone était au cœur de la pièce, l’adieu au soleil dans un élan lyrique auquel la Phèdre de Racine fait écho : « Soleil, je te viens voir pour la dernière fois. » 

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Avignon 2017 (8) « Juste la fin du monde », « La Princesse Maleine »

Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce (OFF)

— Par Selim Lander —

Grâce au film de Xavier Dolan Juste la fin du monde est la pièce la plus connue de J.-L. Lagarce, désormais révérée tant par les cinéphiles que les théâtreux. Cette histoire dans laquelle une famille se déchire était faite pour Dolan et l’on comprend qu’il s’en soit saisi mais cela n’obère en rien sa carrière au théâtre. En témoigne cette nouvelle mise en scène de Jean-Charles Mouveaux (après une première tentative en 2004).

Aucun souci de réalisme ou d’esthétisme dans le décor, ici. Fait de tables empilées, il permet simplement aux comédiens de se placer les uns par rapport aux autres à des hauteurs différentes  et de mieux faire entendre le texte.

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Reprise de « 1848 : Romyo et Julie » de Hervé Deluge

18 juillet 2017 à 19h 30 Parc Floral Aimé Césaire à Foyal

Dans cette adaptation du texte de Shakespeare, l’amour se joue sur un fond socio-historique complexe, dans un monde en passe de renouveau. 1848, la France abolit l’esclavage des nègres dans les colonies.
Tout sépare Romyo et Julie, lui est le nègre qui avec son tambour annonce sur les habitations l’abolition.
Elle, est l’héritière des colons hostiles au changement. Pourtant, ils s’aiment d’un amour fou et sincère en dépit des lois, des préjugés et de toutes les manigances. Entouré d’une vingtaine de comédiens, danseurs et musiciens, Hervé Deluge propose une transposition caribéenne, qui tout en divertissant, se situe dans une césure historique qui témoigne du passage brusque d’une société esclavagiste à une société postesclavagiste, voire moderne -à l’image des États-Unis passant du président Lincoln au président Obama.

Hervé Deluge
Formé au Nowtéat, au CDR puis à l’École régionale des Acteurs de Cannes, il joue ou met en scène tous les styles. On lui doit plusieurs adaptations de Classiques, des mises en scène de théâtre de rue avec un sens de la surprise et du spectacle.

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Avignon (7) « Saigon », « Les Assoiffés », « Sujets à vif »

Saigon de Caroline Guiela Nguyen (IN)

— Par Selim Lander —

L’écriture de plateau est un exercice à haut risque mais il arrive que cela fonctionne et tel est le cas ici. Saigon est le fruit de deux années de travail d’enquête, d’abord  à Paris dans le XIIIe arrondissement puis à Saigon, avant l’écriture en commun. Le résultat est à la hauteur de l’investissement et la pièce est appelée à un grand succès comme en témoignent aussi bien le public d’Avignon dont l’intérêt ne s’est pas départi pendant les quatre heures du spectacle dans une salle pourtant inconfortable que le nombre de dates déjà programmées à la suite du festival.

La pièce se situe tantôt en 1956 à Saigon puis à Paris juste avant et juste après l’exil d’un certain nombre de Vietnamiens dans les fourgons des Français, tantôt en 1996 à Paris et à Saigon (Ho Chi Minh-Ville), cette année-là étant celle où les Viet kieu (Vietnamiens émigrés ou enfants d’émigrés) ont pu revenir en touristes au pays. On voit donc deux générations, celle des exilés et celle des enfants.

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Cri de mes racines

Vendredi 21 juillet 2017 19h 30 à Rivière Pilote

Lieu: Marché couvert

Duo JOSIANE ANTOUREL / Yna BOULANGÉ
« Cri de mes racines », poème visuel dédié à Haïti. Offrande du chorégraphe Martiniquais Jean-François Colombo à l’ile sœur et voisine.
Au-delà du modeste hommage à la personne de Jean-François Colombo via ses choix esthétiques chorégraphiques, ce travail de relecture du solo « Cri de mes racines » transcrit en duo, fait émerger plusieurs pistes de recherche et sillons à fouiller : contribution à ce que l’on peut nommer écriture chorégraphique contemporaine Caribéenne.

Distribution:
Chorégraphie / adaptation chorégraphique / interprète: Josiane ANTOUREL

Mise en scène /adaptation texte / interprète: Yna BOULANGÉ
Vidéo: Vianney SOTÈS – Arlette PACQUIT – Yna BOULANGÉ
Technique: Yann-Mathieu LARCHER
Auteurs: Jean-François COLOMBO (chorégraphie) / Louis-Philippe DALEMBERT (textes)
Partenaires: DAC/Tropiques Atrium Scène Nationale/BU Campus Universitaire/Lakou sanblé/AMIO

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« Sopro », m.e.s. de Tiago Rodrigues

— Par Michèle Bigot —

Tiago Rodrigues

Festival d’Avignon 2017, 7=>16 juillet 2017, cloître des Carmes

Le cloître des Carmes se prête à merveille à la dimension poétique que T. Rodrigues a voulu donner à son spectacle. L’action se déroule sur la scène d’un théâtre en ruine, ou à l’abandon ; or le cloître présente des vestiges de pierre qui encadrent le plateau. Le romantisme reprend ses droits, l’ambiance est celle des tableaux d’ Hubert Robert. Un sol couvert de bois d’où s’échappent quelques herbes folles qui plient dans le souffle du mistral, comme les voiles qui recouvrent les murs. Sur fond de ciel étoilé. Voilà le décor rêvé pour donner vie au drame du théâtre.

Car le drame du théâtre (non moins que sa force) c’est la vie éphémère. Quoique dépourvu de durée, l’art théâtral passe les siècles sans que sa vitalité faiblisse. En ce sens, la pièce de T. Rodrigues est un hymne au théâtre, dans sa dimension la plus pragmatique (le rôle des souffleurs) autant que dans sa dimension littéraire : les grandes tragédies, les grands auteurs de la tradition sont présents par leur texte.

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« L’hiver quatre chiens mordent mes pieds et mes mains »

— Par Dégé —

de Philippe Dorin,
au Grenier à Sel. Festival d’Avignon 2017, le OFF.

C’est un peu lent au début mais c’est poétique. Ça s’alourdit quand le sens apparaît et se fixe. Mais dans l’ensemble, et finalement, le poétique triomphe. Grâce aux décors, grâce à la mise en scène de Bertrand Fournier.
Un chemin de lattes de bois sur lequel dort un SDF délimite l’espace et s’enfonce dans l’obscurité des coulisses forestières. En sortiront peu à
peu divers objets bricolés (tabourets, tables, guitare, cheval) qui habiteront la scène autant que toute une série de vaisselle imaginée, de victuailles invisibles…Quatre panneaux gris lavis, aux motifs à peine esquissés, créés une attente : deux, à notre surprise, sont défoncés par l’homme aux premières minutes, on attend le tour des deux restantes. Une seule se transformera en piste à glissades, puis en podium pour chanteur de Rock (notre héros prolétaire). Quid du quatrième panneau ? Rien. Car la pièce est, sinon déjantée, insolite.
L’autre protagoniste, emmitouflée de blancs vêtements chauds et de plastiques en lambeaux, accepte dès leur première rencontre d’épouser l’homme sans domicile et sans travail.

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Avignon 2017 (6) « Huis Clos », « Sopro »

— Par Selim Lander —

Huis Clos de Jean-Paul Sartre (OFF)

Le théâtre de Sartre résiste mieux que celui de Beckett. C’est en tout cas ce qui résulte de la confrontation de Oh ! les beaux jours (voir notre billet précédent) et de Huis Clos. Depuis Sartre, pourtant, l’enfer a été choisi comme cadre de plusieurs autres pièces et l’on pourrait croire le thème éventé. À voir l’interprétation proposée par les trois comédiens de la compagnie « Les Eclats de lettres » (basée en Bretagne) présents au festival (la compagnie a donné la pièce déjà plus d’un millier de fois et les comédiens se relaient), il n’en est rien. Ils ont le physique de l’emploi – ce qui importe au théâtre – et sont tous les trois parfaitement bien dans leur rôle : celui qui joue Garcin, lequel voudrait bien se faire passer pour un brave type ; celle qui joue Inès, la demoiselle de la poste, aigrie et haineuse ; enfin Estelle, la jolie aristocrate qui commence par faire sa sainte nitouche mais ne cachera pas longtemps son cynisme foncier. 

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Avignon 2017 (5) « Unwanted », « Oh ! les beaux jours »

Par Selim Lander

Unwanted de Dorothée Munyaneza (IN)

Dorothée Munyaneza est rwandaise. Elle a un port de reine, la démarche d’une danseuse, elle n’est que grâce et élégance. Ses créations portent sur son pays, sur le génocide des Tutsis. Dans Unwanted elle fait parler des mères ayant accouché d’un enfant conçu lors d’un viol, un enfant non désiré, unwanted. Les femmes dont elle a recueilli les propos s’expriment en langue vernaculaire ; D. Munyaneza en donne la traduction simultanée. Mais il y a bien plus dans cette pièce que ces témoignages, des moments d’une rare intensité, à commencer par celui où la comédienne mime un tueur ivre de fureur et de violence. Vêtue d’une combinaison unisexe qui nous percevons à ce moment-là comme une tenue militaire, elle se pavane, saute d’un bord à l’autre du plateau, éructe, se fait menaçante avec un pilon de mortier qui lui sert à frapper de grands coups sur le plancher de la scène : tout cela dans une sorte de transe sauvage étonnante de vérité. Et l’on peut en effet supposer que les guerriers qui commettent des atrocités – les islamistes de Daech aujourd’hui, les auteurs du génocide rwandais hier – se trouvent dans un état de transe et/ou sous l’emprise d’une substance altérant le jugement lorsqu’ils accomplissent leurs crimes abominables. 

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Avignon 2017 (4) « Antigone », « Jaz »

— Par Selim Lansder —

Antigone de Sophocle (IN)

L’Antigone présentée dans la cour d’honneur du Palais des papes par le Japonais Satoshi Miyagi est le spectacle phare de cette édition du festival. Avouons tout de suite que notre jugement reste mitigé. Miyagi a déclaré qu’il voulait réaliser non une tragédie mais « une fête pour apaiser les esprits ». Les spectateurs, de fait, sont apaisés, peut-être trop ! Car la beauté plastique, indéniable, de ce spectacle ne peut pas faire oublier à elle seule la faiblesse du texte de Sophocle, d’autant que la mise en scène joue sur la lenteur, le hiératisme, toutes choses qui peuvent lasser à la longue.

Faible, le texte de Sophocle ? Voilà qui risque de faire hurler, s’agissant d’un des mythes fondateurs de notre imaginaire. Qui ne connaît l’histoire d’Antigone qui se sacrifie au nom de l’idée qu’elle se fait de son devoir ? Mais cette idée est-elle juste ? Antigone n’est-elle pas simplement une jeune personne têtue qui s’obstine à avoir raison contre tout le monde ? On en discute encore (et en particulier dans le texte d’Anouilh).

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Avignon 2017 (3) « Tabula rasa », « Le Sec et l’Humide »

Tabula rasa de Violette Palaro (OFF)

— Par Selim Lander —

Que faut-il pour avoir du bonheur au théâtre ? Nul besoin d’une grosse machine, c’est-à-dire d’une foule de comédiens et de figurants se mouvant dans des décors impressionnants à grand renfort de micros et de vidéos. Non que l’on ne puisse pas avoir du bonheur aussi avec le théâtre qui en met plein la vue et les oreilles mais l’on peut en éprouver un tout aussi grand dans une petite salle face à quelques comédiens (voire un seul) sur un plateau nu avec un minimum de décor et sans le moindre artifice technique. Le festival d’Avignon permet la confrontation des deux genres, le IN produisant régulièrement des « grosses machines », ce que le OFF ne saurait faire : question de moyens ! 

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Avignon 2017 (2) « Poisson et petits pois » d’Ana-Maria Bamberger ; « Iliade » d’après Homère

Poisson et petits pois 

— Par Selim Lander —

Bonne pioche à nouveau avec La pièce d’Ana-Maria Bamberger qui met en scène une mère et une fille dont les rapports conflictuels ne parviennent pas tout à fait à dissimuler la tendresse qui les unit. La maman, ex-infirmière, est clouée sur son fauteuil par une entorse. La fille, médecin, lui rend visite tous les deux ou trois jours pour lui apporter les courses… et pour se disputer avec elle. Car la maman se montre fort vindicative. Et quand elle fait toucher du doigt à la fille que son mari la trompe, évidemment cela n’arrange pas les choses entre elles. Mais, bien sûr, les choses n’en resteront pas là et nous aurons encore bien des choses à apprendre tant sur l’une que sur l’autre. Outre les rapports mère-fille, la pièce aborde frontalement la question de l’infidélité conjugale (particulièrement masculine) : ce sont là des sujets douloureux et le ton a beau rester léger, on comprend qu’ils puissent heurter certaines personnes qui ont vécu ces situations-là et n’ont pas fini de surmonter leur souffrance. 

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Cap au pire

— Par Michèle Bigot —

Samuel Beckett, M.E.S. Jacques Osinski
Avec Denis Lavant
Festival d’Avignon off 2017, Théâtre de Halles, 6=>29 juillet 2017
Cap au pire est l’avant dernière nouvelle de Beckett. Le titre original repose sur un jeu de mots Worstward Ho à partir du titre de l’œuvre de Charles Kingsley Westward Ho ! De « cap à l’ouest » on est passé à « cap au pire », plus d’aventure et plus besoin du point d’exclamation. L’humour grinçant n’étant pas la moindre qualité de Beckett, on appréciera ce que ce nouveau titre contient de désespoir programmé. Crépuscule d’une vie, et crépuscule d’une écriture qui revient en boucle sur elle-même et creuse le sillon de ses obsessions. Ecrire le pire, aller vers sa fin, programmer sa propre disparition : plus d’histoire, plus de personnages : ou, si on veut, l’histoire d’un texte qui s’écrit (s’écrie) en direct, sans pilote et sans gouvernail. Une gageure !
C’est une nuit. Une nuit d’insomnie, une nuit d’écriture. Une lueur brille encore (« une mèche »), assez pour éclairer une page, pour laisser entrevoir des silhouettes : un vieil homme avec un enfant qui s’accroche à sa main (un enfant mort ??),

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Candide, qu’allons-nous devenir ?

— Par Michèle Bigot —
D’après Voltaire, M.E.S. Alexis Armengol
Festival d’Avignon off 2017, La manufacture, 6>26/07

Le conte philosophique se prête à merveille à l’adaptation théâtrale. Sa brièveté (encore que celle de Candide soit toute relative !), son art du récit, avec ses rebondissements, ses types humains, sa causticité et sa force satirique font merveille, surtout quand il s’agit d’une adaptation ingénieuse et audacieuse. On peut faire confiance à Alexis Armengol pour les trouvailles, les astuces de mise en scène, le sens du rythme et de la musique. Tous les ingrédients du langage dramatique sont convoqués pour faire la fête. Dans le texte de Candide, il sait couper les longueurs, mettre en valeur les épisodes cruciaux, dramatiques ou burlesques. On n’a pas peur de lire le texte quand il faut, de résumer, de sauter allègrement des chapitres. Rien n’est plus voltairien que cette irrévérence heureuse.
Avec trois fois rien : la scénographie se résume à une table des sièges, une poubelle qui fera office d’océan quand il faut y plonger. Ainsi transposé pour la scène, le texte est plein d’allégresse et de nervosité.

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Quand j’étais petit je voterai

— Par Michèle Bigot —
Texte de Boris Le Roy, M.E.S. Emilie Capliez
Que nous réserve cette création de la Comédie de Saint-Etienne ? Et que nous réserve ce chamboulement des temporalités annoncé par le titre ? Assurément on est dans une esthétique du déplacement, du pas de côté. Et c’est raison quand il s’agit d’aborder au théâtre des questions aussi lourdes que l’exercice de la démocratie et l’apprentissage de la citoyenneté. Alors le décalage comique est de mise. Voter, un exercice qui soulève les passions quand il ne génère pas l’indifférence !
Et les ados, comment ils voient les choses ? Ils n’ont pas l’âge de voter dans les élections nationales, mais l’élection d’un délégué de classe peut s’avérer un pur exercice électoral : se présenter comme candidat, faire campagne, argumenter, développer un programme, tout cela c’est déjà la vie politique, celle d’un citoyen, quand bien même on n’en comprend pas tous les enjeux. Le pari est réussi. Il est de l’ordre de la métaphore généralisée : c’est drôle et c’est parfaitement pertinent. Deux acteurs de belle envergure soutiennent la gageure. Lui, surnommé Anar, interprété avec drôlerie et finesse par Simon Pineau, elle, surnommée Lune, jouée avec une malicieuse ingénuité par Elsa Verdon.

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Avignon 2017 (1) « Adieu Monsieur Haffmann », « Das Leben des Herrn de Moliere »

— Par Selim Lander —

Adieu Monsieur Haffmann de Jean-Philippe Daguerre

On ne saurait rêver de mieux découvrir cette nouvelle édition du festival d’Avignon que par la pièce de Jean-Philippe Daguerre, véritable bijou de théâtre. Et c’est  le cas de le dire puisque Adieu Monsieur Haffmann se déroule dans une bijouterie, plus précisément tantôt dans l’appartement des propriétaires, au-dessus, tantôt à la cave, au-dessous. L’argument peut paraître quelque peu scabreux. Pendant la deuxième guerre mondiale, un bijoutier juif, Joseph Haffmann, échange les rôles avec son employé, Pierre Vigneau. L’entreprise apparaîtra ainsi officiellement aryanisée tandis que son propriétaire se cachera à la cave. L’employé, cependant, pose une condition : comme, atteint de stérilité, il est dans l’incapacité de donner à sa femme l’enfant qu’elle désire, il demande à son ex-patron, déjà père de deux enfants (réfugiés en Suisse avec leur mère) de mettre sa femme enceinte !

On imagine aisément ce que certains amuseurs professionnels feraient d’un sujet pareil. La pièce de J.-Ph. Daguerre est tout le contraire : aucune vulgarité, des sentiments pleins de pudeur et de délicatesse, ce qui n’empêche pas aux douleurs de s’exprimer.

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« Quartier de femmes » : une pièce de théâtre sous haute surveillance !

17 & 18 juillet 2017  19 h Centre Culturel Aliker à FdF

— Par Aïnos —

Où étiez-vous ce mardi 4 juillet 2017 ? Vous ne vous en souvenez plus ?
Eh bien, je ne risque pas d’oublier, parce que moi j’ai passé une soirée mémorable. Pour la première fois de ma vie, j’ai foulé le sol de la petite salle de spectacle du Centre culturel Gérard Nouvet de Coridon, un quartier de Fort-de-France. Petite mais tellement chaleureuse.
Aux aurores, j’ai reçu le message d’une amie, appelons-la Denise. Mais en fait elle interprétera le rôle de Mauricette dans la pièce.
Elle m’a invitée à l’avant-première d’une pièce de théâtre, écrite et mise en scène par José Alpha. Pour ceux qui ne connaissent pas ce monsieur, sachez qu’il est né à Fort-de-France, qu’il est comédien, dramaturge, metteur en scène, directeur d’acteurs et formateur.

Lire aussi : Au Festival de Fort-de-France : « Quartier de femmes sous haute surveillance » par Janine Bailly

19 H 30. Le public invité à l’avant-première s’est installé sur les quelques chaises mises à sa disposition et attend, le cœur haletant.

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Et dans le trou de mon cœur, le monde entier

— Par Michèle Bigot —
De Stanislas Cotton
M.E.S. Bruno Bonjean
Festival d’Avignon Off, 11 Gilgamesh Belleville 6=>28/07 2017
Le dispositif scénique annonce la couleur : trois échafaudages imbriqués, ils forment passerelle, plateau, support d’acrobaties. Quand on entre, sept jeunes comédiens (trois garçons, quatre filles) tournent déjà autour du plateau. Le sol est jonché de morceaux d’étoffe, des débris, des morceaux d’écorce, allez savoir ! quelques fripes sont accrochées aux barres du praticable. Les acteurs se préparent, ils s’échauffent, s’étirent. La musique monte en puissance, l’échauffement s’organise en chorégraphie. Une logique chorale se met en place. Des corps jeunes, nerveux et souples. Impatients d’en découdre.
Surgit alors la parole : c’est timide, au début, c’est un dialogue qui s’instaure en front de scène entre deux filles, Dorothy et Minou. Elles sont devant une décharge : Dorothy rêve de balancer le « pater »  et la « « mater dans la fosse à ordures. Délire d’ado. Et puis elle a envie d’un burger. Son plan, c’est d’entraîner Minou au BurgerPalace. Mais voilà, Minou elle n’en veut plus des burgers. Elle a mal au ventre. Elle s’est fait violer par un copain qui puait le burger, alors elle, le burger…
Le ton est donné : c’est la balade de trois couples de gamins qui se cherchent, se provoquent, rêvent et tirent à boulet rouge sur une société qui leur réserve la guerre, la précarité, l’ennui et/ou la violence.

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Tout entière. Vivian Maier, qui êtes-vous ?

— Par Michèle Bigot —

Création 2016 Le Préau CDN Normandie-Vire
Commande d’écriture et de mise en scène Guillaume Poix,
Interprété par Aurélie Edeline
Festival d’Avignon, 11. Gilgamesh Belleville, 6>28/07 2017

Étrange femme que cette Vivian Maier ! Quelque peu inquiétante, une héroïne digne de Leïla Slimani. Mais magnifique, aussi : photographe de rue qui ne développe jamais ses clichés, collectionneuse compulsive, un « grand œil » comme d’autres sont de « grandes oreilles », et gouvernante à ses heures pour gagner son pain. Témoin de son temps, elle photographie avec son Rolleiflex de manière systématique, fixant sur sa pellicule le spectacle de la rue dans les métropoles américaines des années cinquante. 150 000 clichés jamais tirés et qu’on retrouvera dans des caisses en 2007. Que du noir et blanc, à l’image de sa vie, dont on sait peu de choses. Une femme qui s’efface derrière le gigantesque édifice des photos qu’elle-même n’a jamais vues, c’est un prodige et un formidable mystère !
Il y a de quoi mener une enquête. Vivian, on ne la connaît qu’à travers ses enregistrements, ses autoportraits, ses films super 8 et les milliers d’objets et de coupures de journaux qu’elle a collectionnés.

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J’ai bien fait ?

—Par Michèle Bigot —

Texte et M.E.S. Pauline Salles
Festival d’Avignon Off, 11. Gilgamesh Belleville, du 6 au 28/07/2017

Question sur une question : conviendra-t-il de supprimer au titre son point d’interrogation ? Comme si deux questions valaient une affirmation. A moins qu’elles ne renforcent l’interrogation, qu’elles ne laissent libre cours à la perplexité, comme le soutient la forme théâtrale !
Perplexe, l’auteur, face à la montée des périls : p(c)crise de conscience d’une femme, faillite de la démocratie, bide de l’éducation, fiasco dans l’accueil des migrants, débâcle dans la création artistique, malaise dans la famille, marasme dans le couple, ça fait beaucoup pour une seule femme, même avec un profil le mère courage et de hussard (on ne connaît pas de féminin à « hussard » !) de la république. Voici venir le temps du chamboule-tout. Et du jeu de « qui perd gagne » encore appelé « perdant-perdant ». On est loin des euphories électorales !
C’est l’histoire de Valentine, une femme en convulsion : elle a la quarantaine, elle débarque, hagarde, chez Paul, son frère avec qui elle est plutôt en froid. Elle a le sentiment d’avoir fait une grosse bêtise, mais ça la rend euphorique, électrique.

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Légende de la forêt de Bwa Kannon

— Par Annick Justin-Joseph —

En ouverture du spectacle… et parce que la cour ne dort pas… une relance à la parole dite : parole à vivre en l’intime précision du jeu des corps et des rythmes… Le saxo de John Mathieu Antoine, prenant le relais du yééééééééééé krik, impose une exceptionnelle qualité d’écoute… laquelle se maintient tout au long de la soirée en la complicité de Léandre SERRALINE (Ti bwa, chant lead), Daniel VALLEJO et Maurice JUSTAND (Tanbou bèlè, percussions et chant), Hugh CHARLEC (guitare, chant lead).

Les danseurs quant à eux intègrent un espace scénographié par René LOUISE et dont Hervé BEUZE signe la réalisation technique : en toile de fond, bousculant toute tentation d‘inertie, et comme une invite à accueillir la vie dans ses résonances tant matérielles que spirituelles, l’épure minimale d’un cercle que circonscrit un carré.

L’énergie de l’eau, puissance cataclystique, mais aussi moteur de purification dans sa dimension symbolique, d’entrée de jeu charrie tout sur son passage. La vie dont nous savons qu’elle bouge en permanence, tente ainsi de formuler à travers ses manifestations parfois cruelles, la nécessité pour nous autres de rompre avec l’égoïsme, l’ignorance, l’avidité… autant de poisons qui polluent les cœurs… !

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Au Festival de Fort-de-France : « Quartier de femmes sous haute surveillance »

— par Janine Bailly —

Une cellule du dépôt du tribunal, en Martinique. Trois femmes qui attendent, d’être jugées ou auditionnées par un juge. On les a pour cela extraites de leur prison, et selon la loi, on peut les retenir là jusqu’à vingt heures d’affilée. Sur la scène, deux simples bancs dos à dos, unique point d’ancrage de la scénographie, et qui symbolisent l’attente autant qu’ils figurent le lieu. Nul besoin d’aucun autre artifice, le décor est planté, et les premières répliques ne laisseront aucun doute, ces femmes sont bien appelées à rendre compte devant la justice des hommes. Le ton est d’emblée empreint d’une agressivité qui cache la souffrance intime, les voix font dans la démesure, et la tension inhérente à ce genre d’endroit n’en est que plus palpable. Déjà l’on pressent que l’issue pourrait bien se trouver dans un inévitable débordement de violence.

Ainsi commence Quartier de femmes sous haute surveillance, la pièce conçue et mise en scène, pour le Festival de Fort-de-France 2017, par Jean-José Alpha — assisté de Yva Gaubron — qui a trouvé son sujet en 2004, dans la session de la Cour d’Assises, où il a exercé ce rôle de juré auquel tout citoyen peut un jour être appelé.

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À lire, à entendre, « La jupe de la rue Gît-le Cœur », et « Frantz »

— par Janine Bailly —

Connaissez-vous l’Œuf, au 19 de la rue Garnier Pagès à Fort-de-France ? Il y là, tapi entre ses semblables, un vieil immeuble traditionnel qui dormait au cœur de la ville, laissant un fier bananier s’épanouir dans sa petite cour intérieure, laissant tristement s’empoussiérer murs et escaliers, et faisant sous le soleil et la pluie le dos rond. Mais un jour, une association décida de le louer, pour en faire une maison d’artistes. Alors, il se réveilla, rouvrit sur la rue passante ses hautes portes, son balcon et ses volets de bois. Il se fit œuf, œuf où germent non de jaunes poussins, mais des idées, des œuvres, des créations et élucubrations diverses, enfantées par des artistes de tout poil. Ici, chacun est bienvenu, acteur dynamique autant que simple « regardeur » à l’œil toujours en éveil. Ici l’on peut voir, tout ce qui décore le lieu, tout ce qui s’expose, et qui parfois s’offre à la vente. Ici fleurissent sur les murs, sur les marches, sur sols et plafonds, toutes les couleurs de l’arc en ciel. Ici, enfin, l’on peut se rencontrer, on peut entendre.

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Nuages, merveilleux nuages !

— Par Olivier Py —

C’est parce que l’oeuvre d’art n’est ni tangible, ni matérielle, ni vérifiable, ni réaliste, ni exacte, ni véridique, ni avérée, ni certifiée, ni rationnelle, qu’elle dit la vérité. Car les preuves épuisent la vérité, la réalité défigure le réel, le sens n’est rien d’autre qu’un espoir. Les oeuvres d’art disent la vérité et quand nous avons soif de vérité, quand il nous semble que toutes les perspectives politiques sont devenues trop outrageusement réalistes pour être honnêtes, les oeuvres d’art deviennent la seule vérité qui ne nous accable pas.

Il est vrai que seules les vérités vérifiées ont valeur de vérités véritables. Vérifiées, qu’est-ce que cela veut dire ? Que nous avons fait un chemin, souvent aride, pour nous réunir dans un espoir commun. Les vérités vérifiées ne le sont pas avec des chiffres mais par un écho indicible en nous, un espoir partagé. Mais il ne suffit pas d’être le plus grand nombre pour rétablir la vérité, contrairement à ce que disent les populistes, les démagogues et les marchands. Loin de là, cette réunion, cette soif de vérité ne peut être véritable qu’en étant fièrement minoritaire.

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Lectures : « La Jupe de la rue Git-le-cœur » de J.-D. Desrivières ; « Frantz » de M. Herland 

Vendredi 30 juin, 20 heures – à L’Œuf-Maison d’artistes, rue Garnier Pagès, Fort-de-France

Jean-Durosier Desrivières revisite « l’audience »

Jean-Durosier Desrivières est connu comme poète, avec deux recueils publiés chez Caractères (2). Il est également l’auteur, pour le théâtre, de deux pièces brèves (3). La jupe de la rue Gît-le-Cœur met en scène deux personnages, « l’écrivain » et « l’audienceur », sans qu’il y ait pour autant dialogue, la dérive verbale du premier – qui accompagne sa dérive pédestre au quartier latin, en quête des bureaux de l’éditeur auquel il entend proposer un manuscrit – nourrissant les propos de l’audienceur, une figure de la société haïtienne, pas tout-à-fait un conteur, plutôt un affabulateur qui brode à loisir sur des faits réels.

Le monologue de l’écrivain s’alimente à plusieurs sources, parmi lesquelles la topographie du quartier latin, bien sûr, mais encore les passants et surtout les passantes dont il remarque qu’elles sont toutes, ou presque, en ce printemps, vêtues des mêmes pantalons blancs (« Trop de pantalons blancs, me suis-je dit. Et trop de mauvaise fesses dans ces pantalons blancs.

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