Le Lac des Cygnes

Jeudi 11 avril 2019 à 19h Madiana

Dans la version la plus aboutie,  celle surnommée la  » freudienne » de  Rudolf Noureev

Avec : Les Etoiles, Les Premiers danseurs et le Corps de ballet de l’Opéra national de Paris
Orchestre National de Paris sous la direction musicale de Valery Ovsyanikov

Synopsis : Le jeune prince Siegfried fête sa majorité. Sa mère, la reine, lui annonce que, le jour suivant, au cours d’un grand bal pour son anniversaire, il devra choisir une future épouse. Vexé de ne pouvoir choisir celle-ci par amour, il se rend durant la nuit dans la forêt. C’est alors qu’il voit passer une nuée de cygnes. Une fois les cygnes parvenus près d’un lac, il épaule son arbalète, s’apprêtant à tirer, mais il s’arrête aussitôt : devant lui se tient une belle femme vêtue de plumes de cygne blanches.

Enamourés, ils dansent, et Siegfried apprend que la jeune femme est en fait la jeune et belle princesse Odette, la princesse cygne. Un terrible et méchant sorcier nommé von Rothbart, la captura et lui jeta un sort ; le jour, elle serait transformée en cygne blanc et, la nuit, elle redeviendrait femme. D’autres jeunes femmes et jeunes filles apparaissent et rejoignent la princesse Odette, près du Lac des Cygnes, lac formé par les larmes de ses parents, le roi et la reine décédées, lorsqu’elle fut enlevée par le méchant sorcier von Rothbart. Ayant appris son histoire, le prince Siegfried, fou amoureux, est pris d’une grande pitié pour elle. Il lui déclare son amour, ce qui affaiblit le sort. Von Rothbart apparaît. Siegfried menace de le tuer mais Odette intervient ; si von Rothbart meurt avant que le sort ne soit brisé, il sera irréversible. Le seul moyen de briser le sort est que le prince épouse Odette.

Le lendemain, au bal, à la suite des candidates fiancées, survient le méchant sorcier Rothbart, avec sa fille Odile, transformée en Odette mais vêtue de noir (le cygne noir), qui est le sosie d’Odette. Abusé par la ressemblance, Siegfried danse avec elle, lui déclare son amour et annonce à la cour qu’il compte l’épouser. Au moment où vont être célébrées les noces, la véritable princesse Odette apparaît. Horrifié et conscient de sa méprise, Siegfried court vers le lac des cygnes.

La façon dont Odette apparaît finalement à Siegfried diffère selon les différentes versions du ballet : Odette arrive au château ou bien le méchant sorcier von Rothbart montre à Siegfried une vision d’Odette.

Il existe également différentes fins :

L’amour véritable d’Odette et de Siegfried vainc von Rothbart, le prince lui coupe une aile et il meurt.
Siegfried ayant déclaré son amour à Odile, il condamne, sans le savoir, Odette à demeurer un cygne pour toujours. Réalisant que ce sont ses derniers instants en tant qu’humain, elle se suicide en se jetant dans les eaux du lac. Le prince se jette lui aussi dans le lac. Cet acte d’amour et de sacrifice détruit von Rothbart et ses pouvoirs et les amants s’élèvent au paradis en une apothéose.
Siegfried court au lac et supplie Odette de lui pardonner. Il la prend dans ses bras mais elle meurt. Les eaux du lac montent et les engloutissent.
Siegfried ayant déclaré son amour à Odile, il condamne, sans le savoir, Odette à demeurer un cygne pour toujours. Odette s’envole sous la forme d’un cygne, et Siegfried est abandonné dans le chagrin et la douleur lorsque le rideau tombe.

Du Lac des cygnes au Lac rêvé de Noureev

En 1984, Rudolf Noureev signe pour l’Opéra de Paris une version à résonance « freudienne », probablement la plus achevée du Lac des cygnes.

Noureev explique sa vision du ballet en ces termes :

« Le lac des cygnes est pour moi une longue rêverie du prince Siegfried […] Celui-ci, nourri de lectures romantiques qui ont exalté son désir d’infini, refuse la réalité du pouvoir et du mariage que lui imposent son précepteur et sa mère […]. C’est lui qui, pour échapper au destin qu’on lui prépare, fait entrer dans sa vie la vision du lac, cet « ailleurs » auquel il aspire. Un amour idéalisé naît dans sa tête avec l’interdit qu’il représente. Le cygne blanc est la femme intouchable, le cygne noir en est le miroir inversé. Aussi, quand le rêve s’évanouit, la raison du prince ne saurait y survivre. »

C’est de là que naît une vision psychanalytique et introspective de l’œuvre tant dans le traitement du récit que dans le développement des personnages. L’œuvre gagne un surcroît de complexité dans un subtil jeu de miroirs identitaires.

Tout en restant très proche du livret imaginé par Petipa, le danseur étoile révise la chorégraphie (rendant ainsi certains passages d’une exécution difficile) et arrange la partition. Le bouffon, un ajout d’Alexandre Gorski, est certainement brillant mais sans utilité dans l’intrigue. Il est supprimé au profit de Wolfgang, le précepteur du prince. Wolfgang devient dans la version de Noureev un personnage équivoque et manipulateur, alter ego, miroir identitaire du magicien Rothbart qui a ensorcelé les cygnes et qui, à terme, conduit le prince à sa perte. Il éclaire ainsi de façon magistrale le rôle de l’inconscient dans l’œuvre de Tchaïkovski et donne la mesure du drame intime que vit le compositeur dans son homosexualité. Le cygne blanc symbolise la pureté inaccessible car un amour charnel ne peut exister entre un cygne et un humain. C’est là la malédiction vécue par Tchaïkovski.

Le changement le plus important réside dans le finale. Noureev s’éloigne franchement de l’image traditionnelle des deux protagonistes réunis dans une sorte d’apothéose idyllique rêvée. Il conçoit une scène plus cruelle pour Odette, la princesse cygne. Elle est emportée dans les griffes de l’affreux Rothbart sous les yeux d’un prince paralysé par son impuissance. Cette image est précisément la résurgence du rêve de Siegfried avec lequel l’histoire commence. Finalement, elle devient la concrétisation du cauchemar à la fois récurrent et redouté auquel il ne peut échapper. La constante opposition entre l’imaginaire et le réel, jeu de miroirs identitaires qui n’ont cessé de s’affronter dans son esprit, débouche inexorablement sur la folie…

Le sentiment de cette fatalité parcourt la partition d’un bout à l’autre. Elle est magnifiquement rendue par cette version de Noureev.

De tous les ballets que Noureev aura légués à l’Opéra de Paris, celui-ci est, à coup sûr, son œuvre la plus personnelle.

« Le Lac des cygnes de Noureev est devenu pour nous une référence », explique Charles Jude en 1997. « Pour ma part, je l’ai considéré dès le début comme la meilleure version, mais ce n’était pas le cas de tout le monde. En fait, Noureev a éliminé tout ce qui était démodé et donné un vrai rôle a chacun et pas seulement aux solistes. Son ballet est construit comme un rêve. Siegfried aime les lectures romantiques et pour échapper au mariage sans amour que veulent lui imposer sa mère et son précepteur il se réfugie dans un monde imaginaire. Il tombe éperdument amoureux d’Odette, une princesse qui vit près d’un lac enchanté et qui est l’image de sa femme idéale. Rothbart, le cruel magicien qui prend les traits du tuteur, l’a transformée en cygne. Elle ne reprend sa forme humaine que la nuit. Il ne faut pas voir dans la fin le triomphe du mal, mais la quête sans cesse renouvelée d’une perfection jamais atteinte. »

Sources: Wikipedia

Ballet en quatre actes

Musique de Piotr Ilyitch Tchaikovski
Livret de Vladimir Begichev, Vassili Geltser
Chorégraphie de Rudolf Noureev
D’après Marius Petipa, Lev Ivanov

Décors : Ezio Frigerio
Costumes : Franca Squarciapino
Lumières : Vinicio Cheli

Les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet, Orchestre de l’Opéra national de Paris
Direction musicale : Valery Ovsyanikov

Présenté par Aurélie Dupont
Directrice de la Danse de l’Opéra national de Paris
2h43 plus 1 entracte