L’éphéméride du 7 juillet

Naissance de Marc Chagall le 7 juillet 1887

Il dort
Il est éveillé
Tout à coup, il peint
Il prend une église et peint avec l’église
Il prend une vache et peint avec une vache
Avec une sardine
Avec des têtes, des mains, des couteaux…

— Blaise Cendrars, 19 poèmes élastiques, Portrait de Chagall 1919

Marc Chagall (russe : Марк Захарович Шагал, Mark Zakharovitch Chagal ; biélorusse : Марк Захаравiч Шагал, Mark Zakharavitch Chagal), né Moïche Zakharovitch Chagalov (russe : Мойшe Захарович Шагалов), est un peintre et graveur, né le 7 juillet 1887 à Liozna, près de Vitebsk, en Biélorussie (alors intégrée à l’Empire russe), naturalisé français en 1937, et mort le 28 mars 1985, à Saint-Paul-de-Vence, où il est enterré.

Sépulture de Marc Chagall, cimetière de Saint-Paul-de-Vence
Chagall est l’un des plus célèbres artistes installés en France au xxe siècle, avec Pablo Picasso. Son œuvre, sans se rattacher à aucune école, présente des caractéristiques du surréalisme et du néo-primitivisme. Inspirée par la tradition juive, la vie du shtetl (village juif en Europe de l’Est) et le folklore russe, elle élabore sa propre symbolique, autour de la vie intime de l’artiste. Chagall s’est essayé, outre la peinture sur toile, à la gravure, à la sculpture, à la poésie, à la peinture sur vitrail, sur émail, etc.

Enfance et formation
Chagall est né le 7 juillet 1887 à Liozna dans la région de Vitebsk, en Biélorussie (laquelle appartenait alors à l’Empire russe), dans une famille juive hassidique. La ville compte une importante communauté juive. Sa mère tenait une épicerie et son père allait tous les matins à la synagogue, où il était employé, tandis que son grand-père était précepteur et chantre à la synagogue (Hazzan). Il a été élevé dans la paix et la tendresse de sa mère, qui lui a appris à lire et à aimer la Bible et les hommes.

Vitebsk restera dans l’imaginaire de Chagall le paradis naïf de l’enfance, et le peintre le représentera dans de nombreuses toiles, dans sa jeunesse mais aussi plus tard2. Aîné d’une famille de neuf enfants, il commence à travailler dans des ateliers, à la fin de ses études à l’école des beaux-arts de Saint-Pétersbourg. À Vitebsk, adolescent, il étudie à l’école créée par Iouri Pen (aussi appelé Yehuda Pen). « Je m’instruisis à peine deux mois dans l’école de Pen à Vitebsk… j’aime Pen… Il vit dans ma mémoire comme mon père3. »

Il étudie auprès de Léon Bakst, à Saint-Pétersbourg, chez qui il rencontre Bella Rosenfeld, dont il tombe amoureux.

Arrivée à Paris, 1910-1914
Il part pour Paris en 19104. Il y est témoin de mouvements picturaux, tels que le fauvisme finissant et le cubisme naissant. Le premier lui inspire la couleur pure, gaie et claire, le second une certaine déconstruction de l’objet. Il découvre notamment les toiles de Robert Delaunay, Jean Metzinger, Henri Rousseau, Albert Gleizes. Néanmoins, jamais Chagall n’adhèrera pleinement à un mouvement ou à une école. Dans le même temps, il passe de nombreuses journées au musée du Louvre, où il étudie Delacroix, Géricault, Watteau, Courbet5.

Il se lie d’amitié avec le poète Blaise Cendrars, qui est l’un des seuls habitants de la Bohème parisienne à parler le russe. Cendrars lui présente, entre autres, Robert Delaunay et Guillaume Apollinaire, qui seront fascinés par sa liberté dans l’utilisation de la couleur6.

Selon l’écrivain Nina Berberova, Marc Chagall adhère en 1912 à la franc-maçonnerie7. Influencé par Apollinaire, il semble épouser les philosophies ésotériques (l’alchimie et la kabbale) dans son célèbre tableau Hommage à Apollinaire (1913) où il aborde pour la première fois la figure de l’androgyne8.

Tout en adoptant Paris comme sa deuxième ville natale, il n’oublie pas ses origines russes. Pour preuve : même lorsqu’il peint les ponts de la Seine ou la tour Eiffel, on peut reconnaître des éléments de décor inspirés de ses souvenirs d’enfance qui ne le quitteront jamais. Il expose ses travaux pour la première fois en 1914 au Salon des indépendants. Dans le même temps, il se rend à Berlin, où il expose dans la galerie Der Sturm avec Paul Klee et Alfred Kubin. Il a ensuite une exposition personnelle dans cette galerie. C’est un succès9.

En Russie avant et après la Révolution
En 1914, il est de retour à Vitebsk pour une courte durée, pense-t-il, mais le premier conflit mondial empêche tout retour à Paris. En 1915, il épouse Bella ; leur fille Ida naît le 18 mai 1916. Pendant cette période, Chagall peint surtout la vie de la communauté juive, qui est persécutée car soupçonnée d’espionnage par l’état-major russe. La famille de Chagall offre l’hospitalité à de nombreux juifs expulsés, notamment venus de la frontière lituanienne. Dans ces circonstances, sans être pieux, le peintre renoue avec sa culture hassidique. Ses œuvres témoignent de son respect pour le peuple juif10.

Il expose à de nombreuses reprises entre 1916 et 1917. Après la Révolution, il devient « commissaire aux beaux-arts » et responsable de la vie artistique de Vitebsk. Il organise de nombreuses expositions d’artistes de Moscou et de Vitebsk avec Abram Brazer. Il prend la direction de l’école d’art en 1919, dont son maître Iouri Pen avait déjà créé une ébauche : l’École artistique de Vitebsk. Kasimir Malevitch, qui devient rapidement le leader radical de la jeunesse artistique, vient y participer puis prend le relais de Chagall. De retour d’un voyage à Moscou, Chagall apprend que l’école a été rebaptisée « Académie suprématiste » et qu’il est démissionné de force et remplacé par Malevitch. Il repart alors pour Moscou où il crée les décors pour le théâtre d’Art juif11.

Pour la critique d’art Maria Berezanskaïa l’idole principale de Chagall en Russie était le peintre symboliste Mikhaïl Vroubel. Dans son autobiographie 12 il s’appelle lui-même disciple de Vroubel. Une continuité de nature stylistique est difficile à tracer entre les deux artistes, mais Chagall n’en est pas moins l’hériter d’une puissante tradition mythologique créé par Vroubel. L’art de Vroubel puis celui de Chagall procèdent tous deux à la transformation totale du monde visible: les objets sont encadrés dans des supports matériels aux significations spirituelles infinies. Des détails insignifiants participent chez les deux artistes à la grande dynamique d’un monde en mutation 13.

Retour à Berlin puis à Paris, exil aux États-Unis
Il retourne en 1922 à Berlin puis à Paris. Ses œuvres sont connues aux États-Unis où des expositions sont organisées. En 1923, Chagall fait la connaissance d’Ambroise Vollard, marchand et éditeur de livres qui, ensuite, lui commande notamment trente gouaches et cent eaux-fortes illustrant les Fables de La Fontaine (1924-1925), cent dix-huit eaux-fortes pour Les Âmes mortes, de Nicolas Gogol (1925-1931) mais aussi, et surtout, des illustrations pour la Bible (1930).

Entre 1927 et 1929, Marc Chagall s’installe au mas Lloret, à Céret14.

Au début des années 1930, il voyage beaucoup avec sa famille. À partir du 7 juillet 1937, il prend la nationalité française pour fuir l’antisémitisme de l’Europe centrale. C’est cette année-là qu’il fait la connaissance du peintre hongrois Imre Ámos (1907-1944 ou 1945) à Paris, qui s’est ensuite inspiré de son style dans certaines de ses peintures. À la fin du printemps 1941, Chagall est arrêté et doit son salut au journaliste américain Varian Fry, qui lui permet de rejoindre les États-Unis15. Il vit alors en exil à New York, comme de nombreux intellectuels français16,17.

Sa femme, Bella, meurt en 1944 ; cet événement marque le choix de ses sujets à cette époque.

Il rencontre en 1945 Virginia Haggard, mariée à John McNeil dont elle n’est pas divorcée. Marc et Virginia ont un fils en 1946, le futur chanteur et auteur-compositeur David McNeil18, lequel porte le nom du mari de sa mère. Il a raconté ses souvenirs d’enfance avec son père dans Quelques pas dans les pas d’un ange.

Retour en Europe après la guerre
Après la guerre, les œuvres de Chagall sont à nouveau exposées en Europe. Il retraverse l’Atlantique en 1948, pour s’installer à Vence, sur la Côte d’Azur où il aide Frans Krajcberg à partir pour le Brésil.

Il rompt avec Virginia et se remarie en 1952 avec Valentina Brodsky (1905-1993).

Maeght vend ses œuvres à travers le monde entier. Ses techniques se diversifient : gravures, mosaïques, vitraux. Il continue de peindre des décors, conçoit des costumes pour l’opéra, notamment La Flûte enchantée.

En 1970, il représente une grive et une mère offrant du raisin à un enfant pour l’étiquette du célèbre vin bordelais Château Mouton Rothschild19.

Chagall a dessiné les vitraux de l’église paroissiale Saint-Étienne de Mayence. Cet ordre est né grâce à la médiation du prêtre local Klaus Mayer. Les vitraux de l’église de Mayence, où il y avait déjà eu de violentes persécutions des Juifs au Moyen Âge, sont censés être un signe permanent de solidarité judéo-chrétienne et de compréhension internationale. Chagall a été en mesure d’achever un total de neuf fenêtres d’église au moment de sa mort.

Chagall finit sa vie à Saint-Paul-de-Vence, célèbre et reconnu dans le monde entier.

À la fin des années 1980, peu après sa mort, éclate l’affaire Chagall, où des dizaines de ses œuvres sont dérobées et écoulées sur le marché de l’art : elle s’achève par l’arrestation et la condamnation de trois marchands d’art.