Les lourdes conclusions qui motivent la suspension de Fred Célimène

.— Extraits du rapport de l’IGANER —

ceregmia

8. Conclusions et préconisations

8.1. Conclusions à l’issue de la phase contradictoire

8.1.1. Concernant le directeur du laboratoire, M. Célimène

Le refus de M. Célimène d’inscrire le laboratoire dans un projet d’établissement, l’objectif poursuivi d’en faire une entité autonome, son refus de tout pilotage hormis le sien, sa propension à exercer des pressions et des menaces sur les services, les cadres, les instances, la gouvernance, jusqu’aux partenaires extérieurs, ont transformé ce qui aurait pu être un levier pour la recherche de l’université des Antilles et de la Guyane, en un facteur de risques et de déstabilisation.

La volonté est délibérée de gérer dans la plus grande opacité des conventions financées sur les fonds européens dont le volume a atteint en trois ans, entre 2009 et 2012, plus de 13 M€ dont près de 9 M€ de FEDER, et de s’affranchir des règlements européens et nationaux. Elle sert des intérêts personnels en impliquant membres et collaborateurs du CEREGMIA. Elle sert une ambition personnelle centrée sur un laboratoire que M. Célimène dirige depuis bientôt trente ans, et dont les activités dépassent le périmètre scientifique d’une unité de recherche.

En raison de pratiques contestables en matière de dépenses et de traçabilité, la gestion du laboratoire CEREGMIA fait courir à l’établissement des risques juridiques et financiers majeurs qui entachent par ailleurs l’image de l’université et de ses membres. Ainsi le bureau des contrôles de la direction Europe et aménagement de la préfecture de la Martinique, a rendu le 27 mars 2014 les rapports définitifs concernant l’audit de trois opérations, cofinancées par le FEDER, portées par le laboratoire CEREGMIA, Green Island, Oolog et PRED. La presque totalité des dépenses est inéligible. Le préfet de la Martinique a adressé le 10 avril 2014 à l’université un courrier sur les conclusions de ces trois contrôles, qui corroborent l’analyse de la mission sur la gestion des fonds européens par le laboratoire CEREGMIA et les risques qu’il fait courir à l’université. Des titres de perception pour un montant de 531 450 € vont être émis par l’autorité de gestion à l’encontre de l’UAG. Le préjudice financier pour l’université est très important. Elle doit non seulement rembourser la quasi-totalité des subventions FEDER perçues mais ne percevra pas le montant prévisionnel du FEDER qui s’élevait pour ces trois opérations à 2 292 089 €.

8.1.2. Concernant M. Logossah

Dans les dysfonctionnements analysés par la mission, la responsabilité de M. Logossah, directeur adjoint du laboratoire, est également engagée, notamment dans la mise en œuvre d’une convention irrégulière lorsqu’il était directeur de l’institut IFGCar et du bureau Caraïbes pour l’AUF, d’octobre 2008 à septembre 2011, convention portant sur plus de 2 M€.

Les dysfonctionnements de cette convention « écran » pour gérer la convention du même nom cofinancée par des fonds FEDER du programme INTERREG IV dont la région Guadeloupe est l’autorité de gestion, sont tels que l’UAG a aujourd’hui peu de chances de percevoir la subvention FEDER d’un montant de 1 968 697 €. En effet, pour percevoir éventuellement cette subvention, il faudrait que l’UAG accepte de rembourser les dépenses engagées par l’AUF en cautionnant une série d’irrégularités, comme par exemple une convention de prestation de plus de 100 K€ qu’a signée M. Logossah, payée à une société privée à Haïti qui a été cofondée par un membre du CEREGMIA, lequel occupe toujours un poste de responsabilité dans cette société. On voit mal un comptable public rembourser et certifier de telles dépenses, ni un ordonnateur réquisitionner l’agent comptable, pour les mêmes motifs.

De plus, il existe une forte probabilité que les contrôles qui interviendraient sur l’exécution de la convention INTERREG-IFGCar aboutissent au remboursement de la subvention FEDER éventuellement perçue, pour cause d’inéligibilité de dépenses extra-communautaires que l’université aurait dû prendre en charge directement, surtout pour un montant aussi important.

D’autre part, la formation dispensée par l’IFGCar, sous la responsabilité de M. Célimène et de M. Logossah, qui était directeur de l’institut, a entretenu une grande confusion sur la délivrance d’un diplôme national par l’UAG, annoncé dans le projet de formation comme un master « Management », pour lequel l’université n’a jamais eu l’habilitation.

8.1.3. Concernant le conflit ouvert avec la présidente de l’université et les attaques qui visent à déstabiliser la gouvernance et l’administration

Il n’appartient pas à la mission d’analyser un conflit entre universitaires mais la gestion du laboratoire, qui fait l’objet d’observations de la Cour des comptes depuis plus de dix ans sur des dysfonctionnements graves et répétés.

Elle rappelle que les deux derniers contrôles de la Cour des comptes ont été suivis d’une communication du procureur général près de la Cour des comptes aux autorités judiciaires concernant une seule et même composante de l’université, le laboratoire CEREGMIA.

La mission a fait le constat que les attaques vis-à-vis de la gouvernance et de la présidente ont commencé avec la diffusion par la présidente de l’UAG du rapport de la Cour des comptes aux membres du conseil d’administration, en juin 2013.

L’envoi répété sur l’intranet de l’université, donc au sein de la sphère professionnelle, de courriels contenant de violentes attaques contre la présidente et son équipe, à la communauté universitaire, touche chaque fois plus d’un millier de personnels, quand ils ne sont pas adressés également à l’ensemble des étudiants, soit plus de 13 000 destinataires.

8.2. Préconisations

Devant la gravité des dysfonctionnements dans la gestion du laboratoire CEREGMIA depuis de nombreuses années, et des manquements de leurs responsables, la mission préconise plusieurs types de mesure.

8.2.1. Des poursuites disciplinaires

• L’engagement de poursuites disciplinaires à l’égard du directeur du laboratoire, M. Célimène, et de son directeur adjoint, M. Logossah, en raison de la gravité des fautes et des manquements constatés, poursuites qui relèvent des autorités universitaires.

La question de la saisine d’une autre section disciplinaire que celle de l’UAG peut d’ailleurs se poser pour garantir le déroulement de la procédure dans de bonnes conditions.

Dans l’attente de ces poursuites, la suspension de fonctions de M. Célimène et de M. Logossah s’impose afin de restaurer des conditions normales de gestion dans le laboratoire CEREGMIA, et d’enrayer un climat délétère indigne de la communauté universitaire.

8.2.2. Des mesures structurelles et organisationnelles

Un recentrage du CEREGMIA sur des missions scientifiques et la création d’un service de valorisation des activités industrielles et commerciales pour la gestion des conventions qui ont un caractère de prestations de service.

Le réexamen des statuts du CEREGMIA votés par l’assemblée générale du laboratoire le 20 décembre 2013 en vue d’une présentation de ces statuts au conseil d’administration.

Le réexamen de ces statuts doit s’inscrire dans le cadre plus général d’une harmonisation des statuts des différents laboratoires de l’université.

La mise en place d’un schéma opérationnel de suivi et de gestion des conventions : validation du contenu du projet par les commissions de recherche ou de la formation et de la vie universitaire, puis circuit suivant, qui pourrait être coordonné par la direction des affaires financières/cellule du budget, qui est placée sous la responsabilité du DGS : visa de vérification de la direction des affaires juridiques pour les aspects juridiques, visa de vérification de la direction des affaires financières pour le montage financier et la prévision des recettes, vérification et visa de la DRH pour les aspects éventuels de recrutement et les autorisations de cumul. Cette coordination doit permettre à la DAF d’envoyer simultanément aux autres directions concernées, si possible sous forme dématérialisée, la convention, et de récupérer les visas de vérification avant la délibération du CA pour les conventions supérieures au seuil de 150 K€ voté par le CA, et avant la signature de la convention par la présidente.

Un calendrier prévisionnel de phasage des tranches annuelles doit être annexé aux conventions pluriannuelles ainsi que le retro planning permettant de garantir le recouvrement des recettes par rapport aux délais contractuels de production des rapports intermédiaires et finaux. En plus de la composante à l’initiative du projet de convention et de l’ordonnateur délégué dont relève cette composante, de la DAF, DAJ et DRH, l’agent comptable doit avoir un exemplaire de la convention signée et du rétro planning annexé.

Pour être accepté, respecté et efficace, ce circuit de validation des conventions au niveau des services centraux doit se dérouler dans un délai resserré sous la responsabilité fonctionnelle de la direction des affaires financières/cellule du budget, pour ne pas concourir à la paralysie des actions projetées et décourager les initiatives. Il ne s’agit pas de mettre en place un système bureaucratique mais un circuit des conventions partagé, facilitateur et sécurisé :

la création immédiate d’un sous-CR par convention dite « active » cofinancée par des fonds européens, afin de répondre à l’obligation contractuelle de mettre en place une comptabilité par opération ;

l’identification des reliquats de crédits des conventions terminées. Ces crédits ne doivent plus être reportés par DBM dans le budget des composantes. Ils font partie des fonds disponibles de l’université qui permettent de financer des projets votés par le conseil d’administration ;

la mise en place de critères par le conseil d’administration pour l’intéressement pour services rendus (décret n° 2010-619 du 7 juin 2010 et circulaire n° 2011-0011 du 9 juin 2011) qui a remplacé le décret n° 85-618 du 13 juin 1985 modifié, qui a été abrogé. Présentation chaque année au conseil d’administration d’un rapport annuel précisant pour chaque opération le nombre de bénéficiaires, la nature de leur contribution et le montant des sommes allouées ;

le rappel de la réglementation sur les demandes d’autorisation de cumul. La demande d’autorisation soumise pour avis au responsable de la composante ou du service auquel est rattaché l’agent public, doit être transmise au DGS qui en accuse réception.

8.2.3. Des mesures administratives

Le retrait de la délégation de signature à M. Carpin, directeur de l’UFR de droit et d’économie de la Martinique dont dépend le laboratoire CEREGMIA, pour les actes budgétaires concernant le laboratoire, c’est-à-dire les actes budgétaires retracés dans le centre de responsabilité (CR) correspondant au CEREGMIA au sein de l’UB 920 (recherche), ainsi que les ordres de mission qui par nature ont une incidence financière.

La délégation de signature pourrait être donnée au responsable administratif du pôle, chargé des fonctions d’adjoint au DGS de l’université, avec réorganisation administrative du laboratoire et du service du responsable administratif du pôle. Cette réorganisation, justifiée par ce contexte exceptionnel, constituerait en outre une expérimentation intéressante de mutualisation de fonction support sur le campus de Schoelcher

Le remboursement des rémunérations indûment perçues par M. Logossah entre le 1er octobre 2008 et le 12 février 2009.

M. Logossah a apporté la preuve, lors de la phase contradictoire, qu’il avait fait une demande de détachement auprès du président de l’UAG, à compter du 1er octobre 2008 pour une période de deux ans, pour assurer la fonction de directeur de l’IFGCar, fonction cumulée à partir de février 2009 avec celle de directeur du bureau Caraïbes pour l’AUF. Des investigations complémentaires conduites par la mission ont permis de s’assurer que l’université avait communiqué ces informations avec les bonnes dates, au service des personnels enseignants de l’enseignement supérieur et de la recherche de la DGRH du ministère, compétent à l’époque pour délivrer l’arrêté de détachement.

M. Logossah, en sa qualité de directeur du bureau Caraïbes pour l’AUF, a été directement destinataire du courrier de l’administration centrale du 25 mars 2009 demandant la décision officielle de l’AUF de nomination sur les fonctions de directeur de l’IFCar à compter du 1er octobre 2008. Mais il a transmis au ministère une attestation d’emploi de l’AUF à compter du 13 février 2009 seulement, sans demander à l’AUF de rectifier cette erreur de date, et sans la signaler aux services du ministère.

L’administration centrale a été interpellée par ce changement de date mais, pour ne pas retarder davantage la procédure de détachement, a établi un arrêté sur la base de l’attestation communiquée par M. Logossah.

La mission rappelle que le délai de prescription concernant les paiements indus effectués par les services de l’État en matière de rémunération de leurs agents, n’est pas pris en compte s’il y a eu transmission à l’administration d’informations inexactes, ce qui est le cas. Le nécessaire doit être fait par l’université pour régulariser la période de détachement comprise entre le 1er octobre 2008 et le 12 février 2009 et demander le remboursement des rémunérations correspondantes à M. Logossah.

Le remboursement par M. Logossah de la prime de participation aux opérations de recherche pour l’année 2010 au titre de l’opération Eurotraining convention n° 2009-24-01- 0007 du 29 juin 2009, qu’il a perçue en février 2012, pour un montant net de 11 978,20 € (13 000 € brut).

Le fondement au versement de cette prime relève du décret n° 85-618 du 13 juin 1985 modifié par le décret n° 98-65 du 4 février 1998.

En effet, la circulaire n° 2011-0011 du 9 juin 2011 en application du décret n° 2010-619 du 7 juin 2010 sur les modalités de l’intéressement indique au point « V – le dispositif transitoire »:

« À titre transitoire, l’attribution d’une rémunération complémentaire attribuée au titre des contrats et conventions conclus avant la date de publication du décret et en cours d’exécution à cette date reste régie par les dispositions du décret 85-618 du 13 juin 1985… Cette situation transitoire vaut pour tous les contrats en cours d’exécution à la date de publication du nouveau décret, y compris pour les contrats dont la durée d’exécution aurait été prolongée par avenant ».

C’est le cas de la convention Eurotraining conclue le 29 juin 2009, avant la parution du décret de 2010.

L’article 1er du décret n° 85-618 dispose que : « les essais, recherches, études, … peuvent donner lieu à indemnisation des personnels permanents des laboratoires ou ensemble de recherche… ».

M. Logossah étant en situation de détachement à cette période, il n’était plus personnel permanent de l’université ni du laboratoire, même si bien évidemment il était toujours enseignant-chercheur et que sa carrière dans son corps d’origine a continué de se dérouler pendant toute la durée de son détachement.

Cette prime a été indûment versée par l’université. Elle est en droit d’en demander le remboursement dans le respect des délais de prescription


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