UAG : un « trou » de 10 millions d’euros et la disparition de 90% des pièces comptables!

trouDans un courrier adressé à la communauté universitaire, la présidente de l’Université des Antilles et de la Guyane,Corinne Mencé-Caster, annonce la disparition de plus de 90% des pièces comptables de l’établissement.
Elle précise son point de vue sur le mouvement de grève qui secoue le pôle guyanais depuis quinze jours.
Mais c’est surtout la deuxième partie de son courrier, intitulée « quelques commentaires d’ordre plus général » , qui retient l’attention. La présidente de l’UAG annonce « la disparition de 90% (au moins) des données comptables de l’établissement » . Interrogé sur le sujet, le vice-président de l’UAG chargé de la communication, Olivier Pulvar, explique qu’après sa prise de fonction en janvier 2013, « la présidente a mis en place des inventaires et des audits pour clarifier un certain nombre de choses dans l’établissement » . C’est dans le cadre de ce travail que cette disparition à grande échelle a été découverte. « Certaines pièces sont juste égarées mais d’autres sont perdues à jamais » , déplore Olivier Pulvar qui dit ne pas savoir quand exactement ces données ont disparu. Mais selon lui, « certaines personnes, sur les trois pôles, n’ont pas intérêt à ce que la situation soit remise à plat » .
Dans son courrier, la présidente de l’UAG explique que « plus de 10 millions de recettes sont à recouvrer, dont certaines sont d’ores et déjà irrécupérables » . Elle propose un début d’explication : « Jusqu’ici, les crédits, liés aux conventions (de projets de recherche), pouvaient être ouverts dans leur quasi-totalité, sans suivi véritable, ni politique de recouvrement des recettes. » Un audit interne a été lancé pour « reconstruire au mieux les données comptables » tandis qu’une double mission de l’Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et du Contrôle général économique et financier débutera prochainement.

Télépcharger la lettre de la Présidente de l’UAG

Corinne MENCE-CASTER / Présidente de l’UAG /
Le 21 octobre 2013 Page 1/3
Chers membres de la communauté universitaire,
Vous avez été nombreux à m’avoir adressé tout au long de la semaine, vos encouragements et vos conseils pour tenter de trouver une sortie de crise dans le respect des valeurs universitaires et de la dignité de tous. Ces quelques lignes pour vous remercier, mais aussi pour faire avec vous un point plus général.
Il y a dans cette grève qui affecte le pôle universitaire guyanais, un écho de difficultés, de déséquilibres et de brouillages historiques, qui ne peuvent que nous interpeller, non pour entrer de plain-pied dans une dynamique de surenchère, mais pour tenter de prendre au mieux la mesure de nos actuelles responsabilités.
Comment résumer une situation qui recèle beaucoup de non-dits ?
La demande de l’intersyndicale et d’un collectif étudiant, mettait initialement l’accent sur des problématiques étudiantes. Une grande partie de cette demande ne relevait pas directement de la responsabilité de l’UAG, mais du retard pris dans l’aménagement d’un campus neuf : équipement, restauration, transports…
Pour ce qui relève directement de l’UAG, l’ouverture de la licence professionnelle « protection de l’environnement », semblait, au départ, être un point très important. Cette LP a la particularité de reposer à 80% sur un fonctionnement en heures complémentaires. De plus, le conseil d’administration de l’IESG, n’a pu se réunir que le 19 septembre 2013, faute de convocation du président du conseil, pourtant maintes fois sollicité. Il a longtemps été question de savoir si cette licence pâtissait ou non d’un traitement de rigueur de la part du directeur : même en maintenant cette hypothèse, je retiens, pour ma part, que, désormais, toutes ces formes d’accord (fermeture d’un diplôme un an sur deux, conditions de fonctionnement d’un diplôme, etc.) devront faire l’objet de procédures écrites claires, partagées et validées au sein des conseils de l’UAG, pour éviter ces crispations qui ne nous font pas avancer.
La nature des revendications a rapidement évolué : lors de la rencontre que j’ai eue avec l’intersyndicale et le collectif d’étudiants, il m’a été signifié que l’ensemble des dysfonctionnements et insuffisances mis en exergue relevaient de la seule « responsabilité » de quatre élus, du pôle universitaire guyanais, et qu’il n’était plus possible de travailler avec eux. Ce sont pourtant des personnes élues sur le pôle Guyane par les membres du pôle Guyane de l’université. J’ai pu observer d’emblée que nombre des problèmes signalés sont historiques et qu’ils ne peuvent être, pour nombre d’entre eux, être imputables à des responsables dont le mandat, pour au moins un d’entre eux, ne date que de quatre mois.
Est-il acceptable que, dans une université, l’on réclame l’éviction de responsables, démocratiquement élus ? Quel élu politique, dont la faute n’est pas dûment prouvée, accepterait de voir son mandat remis en cause, par des revendications d’un groupe de personnes ?
L’épisode récent de l’éviction du directeur (responsable nommé) de la SIGUY et la réaction qui s’en est suivie de responsables politiques, demandant le respect des procédures, laisse très perplexe et montre bien la nécessité pour tous de respecter les règles.
J’ai dit bien entendre un malaise, un mal-être, de la part des membres de l’intersyndicale qui se sont exprimés : mais quelle en est l’origine exacte ? De quelle nature est-il ?
Ce malaise peut relever soit de problèmes managériaux, soit de brouillages des périmètres administratif et politique, soit d’autres causes que les audits seront à même d’identifier. Il y a, sans aucun doute, un malaise relationnel, car il a été fortement question, dans mon échange avec l’intersyndicale de « ressenti ». J’en déduis donc, que par-delà les revendications matérielles, liées sans doute au manque de moyens, le malaise dont il est question se nourrit de problèmes interpersonnels, de luttes d’influences, de stratégies diverses et variées.
Outre la plate-forme de propositions que j’ai soumise, j’ai eu deux séances de travail avec les médiateurs et fourni un certain nombre de pièces à la mission d’inspection. Sur la base des conclusions écrites des médiateurs et du rapport de la mission d’inspection générale qui s’achève aujourd’hui et dont j’attends aussi le rapport écrit, nous pourrons envisager les modalités de sortie de crise, dans le respect des lois et réglementations en vigueur, et proposer un nouvel agenda pour la fin d’année civile 2013, avec notamment le respect des échéances pour la mise en paiement du complément des primes 2013.

Quelques commentaires d’ordre plus général.
Depuis ma prise de fonctions, dans le contexte nouveau de responsabilités et compétences élargies, j’ai pu mesurer le potentiel inouï de cet établissement, mais aussi son extraordinaire agitation au sein du webmail.
Chaque jour, je suis en copie de mails où des collègues s’invectivent, s’injurient copieusement. La liberté d’expression ne peut être sans limites, dans un établissement public.
La complexité des structures de communication, qu’offre désormais l’espace du courrier électronique (destinataires directs, destinataires en copie, destinataires en copie cachée), a bouleversé la nature et la temporalité des échanges : chacun peut s’exprimer, donner son point de vue, faire des propositions, contester mais aussi dénigrer, humilier sans limites…apparentes.
Nous devons néanmoins tout mettre en oeuvre pour rester dans le cadre d’échanges universitaires, et ce, à tous niveaux, dans tous les contextes, mais encore plus, dans l’usage de la messagerie professionnelle. J’en profite pour rappeler que c’est un outil mis à disposition par l’établissement, et qui trop souvent est utilisé au détriment de ce dernier, de son image, de son attractivité.
La disparition de 90% (au moins) des données comptables de l’établissement, m’invite donc à attirer votre attention sur le professionnalisme attendu de tous. Les démarches juridiques engagées, ne ramèneront sans doute pas les données professionnelles effacées, mais auront au moins le mérite de rappeler que la liberté va de pair avec la responsabilité.
Quoi qu’il en soit, notre volonté de mettre en place une administration plus efficace et plus réactive s’organise progressivement, même si là aussi je suis surprise de voir les éléments de frein que certains essaient d’activer pour bloquer cette dynamique de progrès et de rationalisation.
L’urgence est maintenant de reconstruire au mieux les données comptables, au moment même où une mission de l’IGAENR-CGEFI*, vient poursuivre, le travail d’investigation sur les conventions liées aux projets de recherche, sur les circuits proposés, les pièces comptables demandées pour les engagements, les modalités de reports de crédit… Tout ceci dans l’objectif de vérifier que l’établissement met bien en place les outils de sécurisation financière, de modalités de gestion des projets de recherche, et de préparation de la certification des comptes. Il m’a été répété à plusieurs reprises que depuis trop longtemps maintenant, l’établissement laisse faire, ne prend pas les mesures requises pour empêcher certains dérapages mis en exergue dans le dernier Rapport de la Cour des Comptes qui pointe du doigt l’établissement.
Dès sa prise de fonction, le nouveau tandem DAF-Agent Comptable a engagé un énorme travail de remise à plat, afin de produire, avec une assistance de la DRFIP, un état des lieux les plus complets, dans le cadre notamment de la période de remise de service, liée au changement d’agent comptable. Premiers constats : plus de 10 millions de recettes sont à recouvrer, dont certains sont d’ores et déjà irrécupérables, mais les recherches sont en cours. Pour bien comprendre ce dont il s’agit, il faut savoir que jusqu’ici, les crédits, liés aux conventions, pouvaient être ouverts dans leur quasi-totalité, sans suivi véritable, ni politique de recouvrement des recettes. Il en résulte un héritage lourd à assumer.
Dans le même temps, est mise en place une politique d’amortissements digne de ce nom pour tenter de nous situer au niveau que doit être celui d’une université.

Ces quelques éléments négatifs doivent au contraire être appréciés dans leur versant positif : la possibilité enfin d’avoir une vision plus claire, moins opaque des choses. La mise en oeuvre d’un travail de fond et de régularisation des procédures, dans un dialogue visant une meilleure responsabilisation, devrait prochainement produire des fruits visibles, notamment dans le cadre de l’audit commandité par l’établissement, et renforcé par la mission de l’IGAENR-CEGEFI qui sera aussi dans nos murs très prochainement, et qui, pour l’heure, au cours de ce premier passage, a récupéré toute une série de pièces et de documents comptables et financiers, essentiels à l’accomplissement de leur mission.
Par mes messages réguliers à la communauté, j’essaie de sensibiliser sur les difficultés que je rencontre depuis ma prise de fonction pour disposer de données, puis de données fiables, et piloter cet établissement, sans avoir l’impression d’avancer en aveugle. Toutefois, je constate une impatience, je suis confrontée à des demandes de résultats immédiats, sur des dossiers pourtant anciens qui curieusement ne suscitaient pas auparavant une telle pression. Qu’il s’agisse du redéploiement des postes, du rattrapage des primes, de l’écriture partagée des procédures, du site de l’université (qui a pourtant connu une belle avancée)…, certains voudraient tout et tout de suite, oubliant que depuis un long moment, nous fonctionnons sans réelle équipe de direction administrative, et en tout cas, sans direction générale des services.
Si je comprends bien que les insatisfactions, quand elles sont anciennes, sont fortes, vous savez que je ne peux pas tout résoudre en moins de six mois, si je veux mettre en place des réponses cohérentes et partagées, et qui respectent les circuits. La reconstruction de l’équipe de direction administrative me paraît être un jalon essentiel de la mise en oeuvre très prochaine des circuits de réponses attendus par tous.
Heureusement c’est aujourd’hui chose faite : le nouveau directeur général des services, Gaston BELFORT, et la nouvelle directrice des ressources humaines et des moyens, Brigitte VEFOUR-ACHEEN, ont pris officiellement leurs fonctions et viennent donc renforcer l’équipe déjà formée par le nouvel agent comptable, le nouveau directeur général adjoint des services et la directrice des affaires financières.
Sont actuellement à l’étude, l’architecture de l’unité budgétaire de la masse salariale, sur laquelle seront consultés les ordonnateurs et les divers « recruteurs » de l’établissement, la question du rattrapage des primes pour que les personnels puissent bénéficier dès décembre 2013, d’un taux de 4.30 (à l’ordre du jour du prochain comité technique), ainsi que la question de l’intéressement des chercheurs, sur laquelle la nouvelle équipe travaillera prochainement, en lien avec le conseil scientifique et les directeurs d’unités de recherche.
Autre point prioritaire : la création d’une direction du système d’information pour disposer de données fiables (leur absence s’est fait cruellement sentir durant la phase d’auto-évaluation) et de plus de transparence à tous les niveaux de l’établissement.
Beaucoup d’entre vous s’inquiètent de l’avenir de notre université, dans sa configuration actuelle : nous ne ferons pas l’impasse d’un débat sur cette question. Je l’avais déjà indiqué lors de ma réponse au secrétaire général adjoint du SPEG. Je redis simplement qu’il faut que ce débat se fasse dans un climat serein et qu’il prenne en compte le sentiment profond de la communauté universitaire, pour éviter des décisions prématurées, non suffisamment mûries et réfléchies. La question des moyens, de leur répartition y sera cruciale. En ce sens, le débat sur une plus grande autonomie des pôles semble être un préalable nécessaire.
Je continue de croire en notre institution et en notre capacité de dialogue et de mise à plat des vrais sujets, trop longtemps éludés. Le conseil d’administration, mais aussi les membres de la communauté, dans des espaces à inventer, auront aussi à se prononcer sur ces questions-clés.
****************
IGAENR : Inspection Générale de l’Administration de l’Education nationale et de la Recherche / CGEFI : Contrôle
Général Economique et Financier / DRFIP : Direction Régionale des Finances Publiques / DAF : Direction des Affaires
financière. / SPEG : Syndicat des Personnels de l’Education en Guadeloupe.


Lire sur le même sujet :

Ceregmia : Soyons sérieux !

Le scandale du CEREGMIA place l’Université en mode REMBOURSEZ !

Les 7 contre-vérités les plus éhontées du directeur du CEREGMIA

« Il n’y a pas d’affaire Ceregmia… »

Motion de soutien aux professeurs Fred Célimène et Kinvi Logassah

CEREGMIA : clair soutien du Ministère à la présidente de l’UAG

Le rapport du Sénat : rétablir l’État de droit

Soupçons de détournements de fonds au CEREGMIA : une mise au point de la Présidente de l’UAG

Les lourdes conclusions qui motivent la suspension de Fred Célimène

CEREGMIA : le directeur supendu de ses activités à l’UAG, par la Présidente de l’UAG

CEREGMIA : Lurel se défausse-t-il sur Letchimy?

«  Université Antilles Guyane : les fonds européens ont été siphonnés à grande échelle«

CEREGMIA : la capillarité se poursuit

UAG : comment accepter l’inacceptable ?

Éclatement de l’UAG : l’arbre qui tente de cacher la forêt?

UAG : » Les casseurs sont-ils qualifiés pour recoller les morceaux? » Intervention d’AMJ

UAG : « Vive la crise si elle permet d’aller plus loin »

UAG : sommes-nous toujours dans un état de droit ?

Crise de l’UAG : question orale d’Alfred Marie-Jeanne

UAG : un « trou » de 10 millions d’euros et la disparition de 90% des pièces comptables!

Quelle sortie de crise pour l’UAG?

Trois pays, trois peuples, trois jeunesses, trois universités

Université : motion des organisations de parents d’élèves

Soupçons de détournements de fonds à l’université Antilles-Guyane

« Lettre à une femme d’honneur »