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« Les Cavaliers » au théâtre

— Par Selim Lander —

On ne lit plus guère Joseph Kessel et c’est bien dommage. Il y a des modes en littérature… Les Cavaliers est pourtant le roman sans doute le plus stupéfiant de Kessel, celui qui nous immerge dans un univers où la sauvagerie s’accompagne d’un sens sourcilleux de l’honneur. Un gros roman qui tourne autour de ce qui fut le sport national afghan, le bouzkachi, avant les pick-up et les kalachnikovs, un sport de guerriers, certes, qui se disputaient à cheval la dépouille d’un bouc, une sorte de polo, donc, beaucoup plus farouche et brutal, qui ne manquait cependant pas d’une certaine d’élégance.

Comment rendre le bouzkachi au théâtre, les chevaux pressés les uns contre les autres autour du bouc, les cris des cavaliers, puis l’un d’eux qui se détache, emportant la dépouille au galop, immédiatement poursuivi par les autres parmi lesquels l’un, plus rapide, plus adroit, s’emparera du bouc avant d’être poursuivi à son tour par la meute, et ainsi de suite ? Une gageure.

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Aperçu sur le Festival de jazz 2016

— Par Selim Lander —

festival-de-jazz-2016Copieuse programmation étalée sur deux semaines avec des concerts dans la grande salle de l’Atrium et d’autres décentralisés à Sainte-Marie, au Prêcheur, à Rivière-Salée, à la Pagerie.

Après le concert d’ouverture au musée Saint-James à Sainte-Marie, la première soirée à l’Atrium, le 25 novembre, a permis de faire connaître les créations de Maher Beauroy, un Martiniquais de trente ans qui parfait actuellement sa formation aux États-Unis au Berklee College of Music (Boston). Il s’est produit avec une formation comprenant quatre autres élèves avec lesquels il a enregistré un disque, An lot solèy, qu’il a donc présenté ce soir-là. Sa formation exprime bien la diversité tant géographique que musicale qui caractérise une grande école de musique comme le Berklee College. En témoigne la présence d’un vibraphone et surtout d’un violon (à côté d’une basse électrique et de la batterie). Maher Beauroy joue fort agréablement au piano de longues compositions caractérisées par un grand éclectisme et le groupe témoigne d’une belle cohésion. Le violoniste (le Français Antoine Beux) a interprété en solo une de ses compositions très modern jazz et l’on aurait aimé entendre davantage le vibraphone, un instrument qu’on ne rencontre plus si souvent dans les formations de jazz.

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Cinéma : « D’une famille à l’autre », « Brooklyn Village »

— Par Selim Lander —

dune-famille-a-lautreDifficile de communiquer les sensations provoquées par ce film. Peut-être le lecteur de cette chronique qui n’aura pas vu D’une famille à l’autre comprendra-t-il mieux ce que nous tentons d’exprimer s’il a eu la chance d’avoir entre les mains le livre d’Édouard Louis[i] En finir avec Eddy Bellegueule (Seuil 2014). Pour mémoire, Eddy Bellegueule est un garçon efféminé né dans une famille pauvre d’un village du nord de la France où, par tradition, on ne fait pas d’étude longue, où les filles se font engrosser prématurément tandis que les garçons partent vite à l’usine et se saoulent le samedi soir. Dans un tel milieu, Eddy ne peut que devenir l’objet des moqueries générales et le souffre-douleur des plus méchants. Toute la jeunesse d’Eddy ne sera donc qu’une suite de rebuffades, de brimades, d’efforts désespérés pour ne pas (trop) perdre la face. Il ne s’en sortira que grâce au théâtre, au collège, où il se fera remarquer, ce qui lui ouvrira la porte du « grand » lycée du chef lieu du département où il trouvera des garçons qui lui ressemblent.

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Cinéma : En avoir ou pas (Bellochio et Gomez)

— Par Selim Lander —

02AIl faut rendre grâce à Steve Zébina, qui programme les films en V.O. pour Tropiques Atrium, pour son éclectisme qu’il affiche d’ailleurs clairement, avec un intérêt particulier pour le cinéma d’auteur. Grâce à lui, le spectateur martiniquais peut ainsi avoir un bon aperçu sur la filmographie contemporaine dans toute sa diversité, de l’Asie à l’Amérique latine, des films tout public aux films pour happy few. Car il en va du cinéma comme de l’art plastique. Les cinéastes les plus encensés par les spécialistes ne sont pas nécessairement ceux qui ont le plus de succès. Certaines palmes d’or, à Cannes, en font la démonstration évidente : combien de spectateurs enthousiastes pour Oncle Boonmee du grand (?) Apichatpong Weerasethakul ? Et ce n’est qu’un exemple. En ce mois de novembre, S. Zébina a décidé de présenter à la fois un classique du cinéma qui ressort en salles dans une copie rénovée, Les Poings dans les poches de Marco Bellochio (1965) et Les Mille et une nuits de Marco Gomez (2015). Le premier, chef d’œuvre incontesté, le second, un film pour « amateur éclairé », présenté (mais non primé) à la quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes.

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Qui êtes-vous Georges Dandin ?

— Par Selim Lander —

gearge-dandin-gravure-1682Vous n’existez pas mais pourriez-vous exister ? Serait-il possible qu’un riche paysan marié à une belle jeune noble puisse se montrer aussi benêt que vous dans la pièce de Molière ? Certes pas si vous étiez un paysan parvenu, ce que votre auteur (littéraire) ne précise pas. Sans doute êtes-vous simplement le fils d’un homme riche et n’êtes vous que l’héritier de la fortune qui a séduit les parents de la belle Angélique. Car si vous étiez un homme, un vrai, vous vous accommoderiez des mœurs de votre époque, vous sauriez que la galanterie fait partie du jeu amoureux et que celui qui ne s’y livre pas ne peut s’en prendre qu’à lui-même s’il n’est pas aimé. Or vous vous comportez comme un barbon de comédie.

Molière et les femmes ! Il les craignait, il les savait – d’expérience – capables de transformer la faiblesse à laquelle la société voulait les contraindre en une force redoutable. Il a montré cela plusieurs fois, dans l’École des femmes et ailleurs. Georges Dandin ou le mari confondu n’est pas sa pièce la plus jouée, ni, il faut le dire, la plus réussie, son personnage éponyme étant par trop dépourvu de qualités.

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« La Mère confidente » – Marivaux, Lemaire

— Par Selim Lander —

la-mere-confidenteDeux jeunes gens s’aimaient d’amour tendre. Hélas, elle est riche et lui pas. Qu’il fût noble et elle roturière, l’affaire eût été dans le sac. Mais la famille de Dorante « vaut seulement » celle d’Angélique. Alors… Il y a bien quelque part un oncle suffisamment argenté qui montre de l’affection pour son neveu. Re-hélas, l’oncle est célibataire, encore vert et sur le point d’épouser. Le mariage des deux tourtereaux paraît impossible. Cependant nous sommes dans un théâtre où toutes les ficelles, même les plus grosses, sont permises. Il n’y a donc aucune raison de désespérer : Dorante épousera bien Angélique après quelques péripéties.

L’originalité de la pièce est dite dans le titre. La mère, qui doit s’opposer au mariage suivant les convenances du temps, se veut l’amie, la confidente de sa fille. Réticente, cette dernière finit par accepter cette idée révolutionnaire et par confier son amour à sa nouvelle « amie », … laquelle s’empresse de reprendre son rôle de mère, etc. Il y a certes quelque chose de très actuel dans cette situation. Aujourd’hui plus qu’hier, en effet, bien des parents, ne sachant plus quel rôle jouer exactement, hésitent devant leurs enfants entre la complicité et l’autorité.

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Cinéma : « La Saison des femmes », « Divines »

— Par Selim Lander —

la-saison-des-femmes

« C’est pourquoi, parmi les hommes, aussi longtemps qu’on les considère
comme vivant sous l’empire de la Nature seule,
aussi bien celui qui n’a pas encore connaissance de la Raison,
ou qui n’a pas encore l’état de vertu,
vit en vertu d’un droit souverain, soumis aux seules lois de l’Appétit,
que celui qui dirige sa vie suivant les lois de la Raison »
(Spinoza, Traité théologico-politique, 1670, chap. 16)

Une jeune femme qui se fait tabasser par son mari, faute d’avoir donné naissance à un enfant ; une adolescente qui se rase les cheveux dans l’espoir que son mariage avec un jeune homme qu’elle ne connaît pas sera annulé ; ce même jeune homme, une fois marié, qui n’éprouve que du mépris pour son épouse et dilapide l’argent du ménage avec des filles de mauvaise vie ; le même encore, rempli d’une haine destructrice pour le créateur de ce que nous appellerions une entreprise d’insertion, en passe de réussir son pari, avec les femmes du village ; le-dit village tout entier regardant de haut l’épouse du néo-entrepreneur qui a fait des études et travaille comme institutrice.

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« Monchichi » : la danse comme un art de combat

— Par Selim Lander —

monchichi-danseLa danse contemporaine réserve le meilleur et le pire, jusqu’à la négation de toute danse chez une Teresa de Keersmaeker, par exemple[i]. Gageons que l’unique représentation du duo Wang-Ramirez en Martinique marquera durablement les esprits. C’est en tout cas ce qu’indique cet indicateur en général très fiable de la qualité d’un spectacle qu’est l’applaudimètre. Un argument de plus en faveur de la conception kantienne de la beauté : il n’est nul besoin d’un long apprentissage pour l’apprécier, elle s’impose naturellement à chacun (« sans concept », écrit Kant). Et ceci vaut a contrario pour toutes les productions d’un certain « Art Contemporain » qui laissent de marbre les spectateurs. Ah, ces expositions d’art plastique « où il est de bon ton de se montrer » qui voient défiler devant les « Œuvres » d’artistes bouffis de prétention des cohortes de visiteurs, lesquels ne peuvent dissimuler leur indifférence quand ils n’ont pas l’audace de se montrer sarcastiques ! Laissons donc aux « Initiés » ces « Œuvres » qui ne suscitent chez le plus grand nombre que le mépris et l’ennui, découragent le regard et contredisent donc la définition kantienne et remercions plutôt tous ceux, artistes et programmateurs, qui continuent à penser que l’art et la beauté ont partie liée.

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Maurizio Cattelan s’expose à la Monnaie de Paris

— Par Selim Lander —

maurizio-cattelan1Dans cet immense fatras qu’est l’art contemporain, Maurizio Cattelan, italien né en 1960, apparaît comme l’une de ses figures les plus intéressantes. Dans la lignée de Duane Hanson (1925-1996) et de Ron Mueck[i] (né en 1958), son œuvre se compose de sculptures hyperréalistes. Cependant, tandis que Duane Hanson s’est fait connaître par des moulages grandeur nature et que les œuvres les plus emblématiques de Ron Mueck se caractérisent par leur monumentalité, les sculptures de Maurizio Catelan montrent plutôt des adultes en réduction et plus souvent encore l’artiste lui-même. Autre particularité de Cattelan : il n’a pas d’atelier et fait appel comme un Jeff Koons (né en 1955) à des artisans, pour réaliser les œuvres qu’il a conçues. Artisans ou artistes, la nuance est parfois délicate…

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Captain Fantastic, film anti-système

— Par Selim Lander —

captain-fantastic1Dans l’une des séquences de Captain Fantastic (au titre bien mal choisi), on entend une petite fille de huit ans rappeler que le free speech est un droit constitutionnel aux Etats-Unis. Rien n’illustre mieux le principe que ce film qui dénonce le consumérisme et le laxisme de l’éducation moderne, qui pointe du doigt la laideur des obèses, ridiculise les croyances des adeptes du christianisme et qui va jusqu’à bafouer le tabou du respect dû aux morts en montrant un père et ses enfants dansant, après l’avoir déterré, autour du cadavre de la maman bien-aimée en train de se consumer sur le bûcher qu’ils viennent d’allumer, avant de se conformer aux dernières volontés de la défunte en jetant ses cendres dans la cuvette des toilettes d’un aéroport. A-t-on jamais vu un film qui invoque les fondements juridiques de la démocratie américaine pour s’attaquer aussi directement à des valeurs de la classe moyenne aussi intangibles que la Bible ou le capitalisme ?

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CIAM 2016 : « Les jours [et nuits] du cirque »

—Par Selim Lander —

circo-ripopoloPour la quatrième année consécutive le Centre International des Arts en Mouvement, basé à Aix-en-Provence, organise un festival du « nouveau cirque » qui réunit des circassiens souvent prestigieux. Ci-dessous un bref aperçu de cinq de leurs spectacles.

Circo Ripopolo : A Rovescio

Où est passé Carlito?

Gabriele et Jiancarlo sont deux employés de cirque. Pendant la représentation, ils sont chargés de changer les accessoires, nettoyer la piste, etc. Entre deux numéros, n’ayant rien de particulier à faire,  ils s’affairent à leur manière. Leurs spectateurs sont installés dans l’arène qu’ils ont posée derrière un minuscule chapiteau censé représenter le « vrai cirque ». Spectateurs ou voyeurs ? La réussite de ce spectacle est là tout entière : ces deux clowns d’un nouveau genre ont l’air tellement fatigués, tellement peu présents à ce qui se passe en dehors de leur petit monde, leurs « numéros » sont tellement dérisoires qu’ils parviennent par moment à nous faire oublier leur qualité d’artistes authentiques. Sous l’appellation « nouveau cirque » se cache beaucoup de choses différentes. Ici, on pourrait parler de cirque « contemporain », au sens du « n’importe-quoi et du presque-rien » que l’historien de l’art Jean Clair donne à « l’art contemporain ».

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Rentrée aixoise : danse, théâtre

— Par Selim Lander —

preljocaj-la-fresque-1Danse : La Fresque d’Angelin Preljocaj

Aix-en-Provence peut remercier les édiles qui ont attiré Angelin Preljocaj dans la ville et ont construit pour lui un port d’attache, le Pavillon Noir, où ses pièces sont mises au point avant d’être créées, comme c’est le cas pour La Fresque, au Grand Théâtre où il fait salle pleine à chaque représentation, non par esprit de clocher de la part des Aixois mais parce que le directeur du Ballet Preljocaj s’affirme d’année en année comme un des quelques très grands chorégraphes de ce temps. Après Retour à Berratham, l’année dernière, une pièce dans laquelle la trame narrative était donnée directement par des récitants, Preljocaj revient dans La Fresque à la forme plus traditionnelle de l’histoire sans parole. L’argument est néanmoins tiré d’un conte chinois (La Peinture murale) et la Chine est présente par quelques détails comme le choix d’une asiatique (Yurié Tsugawa) comme première danseuse ou la coiffure en chignon de son soupirant.

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Une exposition Wifredo Lam à la Tate Modern

— Par Selim Lander —

6a00d8341ce44553ef0147e39d34c8970bOn se souvient de l’exposition « Aimé Césaire, Lam, Picasso » organisée à Paris en 2011 au Grand Palais, reprise en 2013 à la Fondation Clément en Martinique à l’occasion du centenaire de la naissance du poète. Il s’agissait alors de mettre en évidence les collaborations fructueuses qui se sont nouées  entre les trois artistes : d’une part les poèmes  de Césaire écrits à partir de L’Annonciation, la série de lithographies de Lam ; d’autre part les dessins de Picasso illustrant le recueil À Corps perdu de Césaire. L’exposition qui se tient en ce moment à Londres (après Paris et Madrid) permet de prendre la mesure de l’ensemble de l’œuvre de Wifredo Lam (1902-1978) : les portraits formellement parfaits de la jeunesse, la naissance du bestiaire surréaliste qui fait aujourd’hui sa marque de fabrique, les lithographies et les toiles abstraites de la période italienne.

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Avignon 2016 (17) : « Quel petit vélo… ? »

 

Perec un extremis

— Par Selim Lander —

Perec Georges était un drôle de Quel petit vélozozo même qu’il aurait eu octante ans cette année, ou huitante, c’est selon, si des fois qu’il avait pas tiré sa révérence bien trop tôt, même qu’il est pas arrivé jusqu’au demi-siècle, lui qu’avait tant le talent pour faire immortel. Paraît qu’il était pas trop joyeux au fond de lui mais ça l’a pas empêché d’écrire pour faire marrer ses lecteurs. Et je suis pas « un psychanalyse », comme qu’il disait, mais je sais bien, moi, qu’il devait bien rigoler, lui aussi, quand il écrivait des choses comme les Choses dont je vous ai causé dans une précédente chronique. Juste en face des Hauts-Plateaux, dans ce théâtre consacré à la belgitude où ce qu’on joue Ils tentèrent de fuir, ce qui ne signifie rien mais comme je vous l’ai eu expliqué dans ladite chronique, c’est d’une modernisation des Choses qu’il s’agissait.

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Avignon 2016 (16) : « L’Illusion comique », « Oncle Vania », « La Main de Leïla »

— Par Selim Lander —

Illusion_comique_couv 1639Trois œuvres écrites pour le théâtre, par des auteurs dont il n’est pas nécessaire de vanter les mérites comme Corneille et Tchekhov, et celle d’une jeune auteure contemporaine, Aïda Asgharzadeh, qui s’est déjà fait remarquer pour sa pièce Les Vibrants.[i]

L’Illusion comique

Corneille écrivit cette pièce en 1635, un an avant le Cid. Il n’écrira plus ensuite que des tragédies (à l’exception du Menteur qui date de 1643). Cette tragi-comédie en cinq actes peut être considérée comme le type même de la pièce « baroque » à la française, avec en particulier un personnage, Matamore, directement inspiré de la Comedia dell’arte.

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Avignon 2016 (15) : « Place des Héros »

— Par Selim Lander —

place_des_heros-1Une pièce de Thomas Bernhard mise en scène par le prestigieux Krystian Lupa, on pouvait imaginer une moins bonne façon de clôturer le IN (qui a fermé ses portes le 24 juillet). Un vieux professeur de mathématiques, juif autrichien, s’est exilé en Angleterre pendant la Deuxième guerre mondiale ; de retour à Vienne après la guerre, il a constaté que rien n’avait changé, que les anciens nazis étaient toujours là sous l’étiquette de catholique ou de nationaliste ; il a, ce qui n’arrange rien, pris un appartement en plein centre, place des Héros, l’endroit même où les Autrichiens ont acclamé Hitler lors de son entrée dans la ville, en 1938. Ecœuré par l’atmosphère délétère qui règne en Autriche, il s’est résolu à regagner Oxford. Les malles sont déjà bouclées lorsqu’il se suicide. La pièce commence le jour de son enterrement.

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Avignon 2016 (14) : Het Land Nod, Rumeurs et petits jours

Par Selim Lander

Het Land NodHet Land Nod

Ce spectacle du collectif FC Bergman qui nous vient de Flandre n’est pas sans parenté avec celui d’Aurélien Bory puisque le décor joue un rôle important, avec des acteurs qui, pour certains, ont des dispositions pour la danse ou pour l’acrobatie. Et il s’agit à nouveau d’un spectacle captivant bien que sans parole. Il y a néanmoins des différences importantes. Le décor, d’abord, n’est pas mobile ; par contre il subira plusieurs dégradations au cours de la représentation. Ce décor reconstitue la grande salle d’exposition des tableaux de Rubens au musée d’Anvers. Musée en réfection, ce qui impose de décrocher les œuvres. Problème : le tableau Le Coup de lance est trop grand pour passer par la porte, comment le sortir de cette salle ? Plusieurs réponses possibles seront envisagées et expérimentées par l’un des employés du musée…

C’est le point de départ du spectacle mais il se passe bien d’autres choses dans cette salle ; bien que quasiment vide de tableaux, elle attire des visiteurs plus ou moins farfelus, sans compter le personnel du musée lui-même atypique.

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Avignon 2016 (13) : « Artaud-Mômo », « Jaz », « Hearing »

— Par Selim Lander —

artaud momoArtaud-Mômo

Ce spectacle proprement extraordinaire ne cesse de tourner et de revenir au théâtre du Chêne Noir où il a été créé en 2000 dans une mise en scène de Gérard Gelas avec Damien Rémy. Doublement extraordinaire à vrai dire et d’abord en raison du texte, celui de la fameuse Conférence du Vieux Colombier, là-même où Artaud s’était illustré comme comédien, sa dernière apparition publique. Une conférence que, à vrai dire, trop atteint par sa folie, il fut incapable de donner véritablement, tentant d’improviser quelque temps, accusant l’aliéniste de Rodez d’être responsable de son état à cause des électrochocs, avant de s’interrompre prématurément, non sans avoir plongé dans le malaise l’assistance nombreuse et choisie venue l’écouter.

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Avignon 2016 (12) : « ESPÆCE », « Looking for Alceste », « Sous la  glace »

Par Selim Lander

EspaeceESPÆCE

Le décor fait son théâtre

Le IN est un lieu d’expériences, ce qui ménage de bonnes comme de moins bonnes surprises. ESPÆCE d’Aurélien Bory fait partie des très bonnes. Son titre combine les deux termes du texte de Perec, Espèce d’Espace, dont A. Bory dit s’être inspiré, particulièrement de sa dernière phrase :

« Ecrire : essayer méticuleusement de retenir quelque chose, de faire survivre quelque chose : arracher quelques bribes au vide qui se creuse, laisser quelque part un sillon, une trace, une marque ou quelques signes »

La proposition est très générale et l’on pourrait l’illustrer de multiples façons. Dans ESPÆCE les traces sont non-verbales et quand des chants se font entendre on n’en comprend pas les paroles. Si ce spectacle est à classer dans le théâtre d’objets, l’expression n’est pas à prendre au pied de la lettre, de la lettre « S » précisément, puisqu’il n’y a ici – en dehors du prologue, un ballet de trois barres de fer suspendues horizontalement, aussi longues que la scène de l’Opéra d’Avignon est large – qu’un seul objet, mais géant : le décor, soit au départ  un simple mur gris qui ferme toute la scène (on imagine donc son ampleur).

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Avignon 2016 (11) : « Les Créanciers », « Après la pluie », « 24 heures de la vie d’une femme », « Fight Night »

— Par Selim Lander —

affiche OFFEh non, le théâtre n’est pas encore complètement mort en Avignon ! Il existe encore des metteurs en scène et des comédiens qui bravent la mode de l’adaptation d’un roman ou autre « écriture de plateau » pour se saisir d’un bon vieux texte de théâtre, i.e. écrit pour être joué sur une scène, et essayer de le traduire fidèlement (ce qui n’interdit évidemment pas de faire preuve de modernité : la matière théâtrale n’est pas figée, le même texte peut donner lieu à bien des interprétations, et chaque époque a sa propre lecture du passé).

Même dans le IN, il peut arriver de tomber sur une (vraie) pièce de théâtre (voir notre billet n° 10 consacré au Radeau de la Méduse). C’est plus fréquent dans le OFF, sans que l’on puisse dire pour autant que ces pièces y soient les plus nombreuses, car il laisse de plus en plus de place aux adaptations d’œuvres littéraires, aux seuls en scène (comiques ou non), à la danse, au (nouveau) cirque, etc.

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Avignon 2016 (10) : « Le Radeau de la Méduse », « Wanamat Show »

— Par Selim Lander —

Le Radeau de la MéduseLe Radeau de la Méduse

Thomas Jolly intervient auprès des élèves de troisième année de l’école du Théâtre National de Strasbourg. Ils sont douze, six filles et six garçons, exactement le nombre de personnages de la pièce de Georg Kaiser, Le Radeau de la Méduse (douze auxquels il convient d’ajouter un figurant muet). Cette pièce écrite en 1942 est complètement d’actualité aujourd’hui, puisqu’elle traite des préjugés à l’encontre des étrangers, ou simplement des gens différents, du rejet de l’autre.

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Avignon 2016 (9) : « La Dictatura de lo Cool »

— Par Selim Lander —

La Dictatura de lo CoolUne troupe chilienne, La Re-Sentida, dirigée par Marco Layera, s’attaque en l’actualisant à un sujet déjà traité par Molière (la référence est explicite chez M. Layera) : comment ridiculiser les petits maîtres d’aujourd’hui, ces personnes tellement persuadées de leur supériorité qu’elles sont incapables de voir leurs ridicules. Le misanthrope, ici, est un jeune plasticien chilien qui vient d’être nommé ministre de la culture. Il invite ses amis pour fêter ça. Croient-ils, car, en réalité, le nouveau ministre veut donner un bon coup de pied dans la fourmilière. Choqué par le caractère élitiste de la culture officielle (seulement dans son pays ?), il a décidé de nommer aux postes de responsabilité du ministère non pas ses propres amis – qui n’attendaient que ça – mais d’authentiques représentants de la culture populaire. Il le fait savoir sans prendre de gants au cours de la fête. L’esprit de la pièce de Molière est bien là : dénoncer des maux réels mais d’une manière tellement excessive qu’elle en devient elle-même ridicule.

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Avignon 2016 (8) : « Inconcevable silhouette du nouveau futur qui tue »

— Par Selim Lander —

Rascar CapacElie Salleron est un jeune auteur, animateur de la compagnie « Rascar Capac » (les tintinophiles apprécieront). Il a écrit au pied levé, pour occuper un créneau qui venait de se libérer dans une petite salle du OFF, un spectacle pour deux comédiens et une comédienne qui ne manque ni d’impertinence ni de pertinence. Il est en effet sinon outrecuidant du moins réellement impertinent de brocarder tout du long l’éditorial d’Olivier Py, le directeur du IN comme chacun sait, plus précisément son introduction au programme du « festival » (le festival tout court, i. e. le IN).

Verbatim : « Quand la révolution est impossible il reste le théâtre. Les utopies y attendent des jours propices, les forces novatrices y inventent encore un demain, les vœux de paix et d’équité n’y sont pas prononcés en vain. Quand Hamlet voit l’impossibilité de la révolution, il convoque le théâtre pour y faire une révolution de théâtre qui dit que tout est encore possible, qu’il faut réanimer le désir de jours enivrés de devenirs.

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Avignon 2016 (7) : « Alors que j’attendais »

— Par Selim Lander —

Alors que j'attendaisSi le IN d’Avignon est avant tout la vitrine du théâtre « contemporain », au sens formel du terme, comme on parle d’« art contemporain » en matière d’arts plastiques, il peut faire preuve également d’ouverture vers des productions de pays sans grande tradition théâtrale. Alors que j’attendais porte justement témoignage sur les drames vécus quotidiennement par les Syriens depuis cinq ans. L’auteur, Mohammad Al Attar, a construit autour du cas d’un jeune homme, Taim, plongé dans le coma à la suite d’un accident, une histoire qui fait intervenir la mère, la sœur, la petite amie, un ami. Parallèlement, un autre jeune homme, rescapé des prisons du régime raconte les sévices et autres atrocités qui y sont commises.

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Avignon 2016 (6) : « Les Damnés »

— Par Selim Lander —

Les Damnés1Cette adaptation théâtrale du scénario des Damnés de Visconti par le metteur en scène hollandais Ivo Van Hove (déjà en Avignon en 2014 avec The Foutainhead, d’après Ayn Rand) avec les comédiens de la Comédie Française est le clou de cette saison avignonnaise aussi bien selon les festivaliers que selon les critiques. Nous ne rabattrons rien de cet enthousiasme, bien au contraire.

On ne sait quoi louer en premier. Alors pourquoi pas la performance des acteurs ? Il faut dire que depuis Jean Vilar, la manière de faire du théâtre a beaucoup évolué. La nudité, par exemple, n’est pas seulement une manie d’Angélica Liddell ; elle est devenue banale, comme nous le soulignions dans nos chroniques de l’année dernière. Foin des préjugés, mais songeons ce que cela peut vouloir dire pour un acteur prestigieux et vieillissant comme Denis Podalydès de se balader complètement « à poil » sur l’immense plateau de la Cour d’honneur du Palais des papes, puis de se lancer dans une glissade à plat ventre dans une marre de bière, de se bagarrer amicalement avec un partenaire dans la même tenue (l’absence de tenue) que lui, et, pour finir, d’entrer, toujours dans le plus simple appareil mais couvert de sang, dans un cercueil.

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