Maurizio Cattelan s’expose à la Monnaie de Paris

— Par Selim Lander —

maurizio-cattelan1Dans cet immense fatras qu’est l’art contemporain, Maurizio Cattelan, italien né en 1960, apparaît comme l’une de ses figures les plus intéressantes. Dans la lignée de Duane Hanson (1925-1996) et de Ron Mueck[i] (né en 1958), son œuvre se compose de sculptures hyperréalistes. Cependant, tandis que Duane Hanson s’est fait connaître par des moulages grandeur nature et que les œuvres les plus emblématiques de Ron Mueck se caractérisent par leur monumentalité, les sculptures de Maurizio Catelan montrent plutôt des adultes en réduction et plus souvent encore l’artiste lui-même. Autre particularité de Cattelan : il n’a pas d’atelier et fait appel comme un Jeff Koons (né en 1955) à des artisans, pour réaliser les œuvres qu’il a conçues. Artisans ou artistes, la nuance est parfois délicate…

Quoi qu’il en soit, la cote des œuvres de Cattelan atteint des sommets. L’épreuve d’artiste (unique) de la statue d’Hitler (Him, quatre exemplaires en tout) s’est vendue 17 millions de dollars chez Christie’s (New York) en 2016. Toute considération de prix mise à part – on sait qu’en matière d’art contemporain tout est possible à cet égard – l’exemplaire de cette œuvre exposé à la Monnaie de Paris ne manque pas de force. Cet Hitler en taille réduite revêtu d’un costume en tweed avec pantalon de golf à la mode de ce temps-là est agenouillé, les mains jointes dans l’attitude d’un pénitent. Son expression, néanmoins, exprime plus une sorte d’hubris mauvaise que la repentance. On voit la polysémie de cette œuvre : l’enfance, la folie destructrice d’un dictateur, la religion, tous ces thèmes se conjuguent pour créer chez le spectateur une sidération durable.

Him

Him

Le cheval sans tête extrait de l’ensemble nommé Kaputt en référence au roman de Malaparte ne laisse pas non plus indifférent. Si, à l’inverse de Malaparte, Cattelan nous donne à voir des corps sans tête, l’effet n’est pas moins saisissant.

« Le troisième jour un énorme incendie se déclara dans la forêt de Raikkola. Hommes, chevaux et arbres emprisonnés dans le cercle de feu criaient d’une manière affreuse. (…) Fous de terreur, les chevaux de l’artillerie soviétique — il y en avait près de mille — se lancèrent dans la fournaise et échappèrent aux flammes et aux mitrailleuses. Beaucoup périrent dans les flammes, mais la plupart parvinrent à atteindre la rive du lac et se jetèrent dans l’eau. (…) Le vent du Nord survint pendant la nuit (…) Le froid devint terrible. Soudainement, avec la sonorité particulière du verre se brisant, l’eau gela (…) Le jour suivant, lorsque les premières patrouilles, les cheveux roussis, atteignirent la rive, un spectacle horrible et surprenant se présenta à eux. Le lac ressemblait à une vaste surface de marbre blanc sur laquelle auraient été déposées les têtes de centaines de chevaux. » (Curzio Malaparte, Kaputt, 1943)

Kaputt

Kaputt

Parmi les autres œuvres de Cattelan qui figurent dans cette exposition, on remarque au centre du grand salon qui conserve son décor XVIIIe, La Nona Ora, une statue un peu plus grande que nature de Jean-Paul II en grande tenue ponticale, couché par terre, écrasé par une météorite. Les autres statues représentent pour la plupart l’artiste lui-même, de taille réduite, dans diverses positions, parfois juché sur une corniche, ou couché dans un lit avec un double de lui-même, ou suspendu à une patère, voire émergeant du plancher comme sur la première photo, etc…

On ne saurait trop recommander cette exposition située dans un lieu exceptionnel au bord de la Seine et qui n’attire pourtant pas encore des flots de curieux, ce qui permet de profiter de sa visite en toute quiétude.

Not Afraid of Love, du 21 octobre 2016 au 8 janvier 2017, Hôtel de la Monnaie, Quai Conti, Paris.

 

 

[i] http://www.madinin-art.net/comment-ron-mueck-donne-vie-a-la-sculpture/