« La Mère confidente » – Marivaux, Lemaire

— Par Selim Lander —

la-mere-confidenteDeux jeunes gens s’aimaient d’amour tendre. Hélas, elle est riche et lui pas. Qu’il fût noble et elle roturière, l’affaire eût été dans le sac. Mais la famille de Dorante « vaut seulement » celle d’Angélique. Alors… Il y a bien quelque part un oncle suffisamment argenté qui montre de l’affection pour son neveu. Re-hélas, l’oncle est célibataire, encore vert et sur le point d’épouser. Le mariage des deux tourtereaux paraît impossible. Cependant nous sommes dans un théâtre où toutes les ficelles, même les plus grosses, sont permises. Il n’y a donc aucune raison de désespérer : Dorante épousera bien Angélique après quelques péripéties.

L’originalité de la pièce est dite dans le titre. La mère, qui doit s’opposer au mariage suivant les convenances du temps, se veut l’amie, la confidente de sa fille. Réticente, cette dernière finit par accepter cette idée révolutionnaire et par confier son amour à sa nouvelle « amie », … laquelle s’empresse de reprendre son rôle de mère, etc. Il y a certes quelque chose de très actuel dans cette situation. Aujourd’hui plus qu’hier, en effet, bien des parents, ne sachant plus quel rôle jouer exactement, hésitent devant leurs enfants entre la complicité et l’autorité. Cet argument de la pièce ne manque donc pas d’intérêt. Force est de constater, néanmoins, que Marivaux, qui ne quitte jamais ici le registre de la comédie, ne fait qu’effleurer le sujet.

Il reste le spectacle et là nous sommes servis ! On connaît le duo Isabelle Andréani et Xavier Lemaire en Martinique où ils ont présenté leur montage de textes de Musset. Nous avons également en mémoire, du festival d’Avignon, leur interprétation fascinante de Qui es-tu Fritz Haber ?, une pièce fort éloignée du genre comique, qui parle de personnages réels et raconte comment Clara Haber, pendant la première guerre mondiale, s’est opposée à son mari, Frantz Haber, l’inventeur de l’arme chimique.

Cette fois, Isabelle Andréani joue Lisette, la suivante d’Angélique, en réalité le rôle féminin principal car c’est elle qui encourage les uns, rabroue les autres et tire les fils de l’intrigue de telle sorte que les deux jeunes gens puissent traverser les obstacles sur leur chemin. Elle (I. Andréani) est souveraine dans ce rôle où elle déploie une énergie incroyable. Quant à Xavier Lemaire, qui assure la mise en scène, il s’est réservé le rôle de l’oncle, Ergaste, et crée un personnage haut en couleur (et haut de taille), faux froid, faux timide, d’un comique irrésistible. Si ces deux comédiens immensément talentueux et complices de toujours écrasent un peu leurs partenaires, ces derniers sont loin de démériter. On admire comment ils se sont fondus dans une mise en scène très exigeante qui réclame des déplacements constants sans pour autant faire perdre le texte.

Théâtre municipal, Fort-de-France, du 16 au 19 novembre 2016.