— par Selim Lander —
Deux soirées consécutives à Tropiques-Atrium placées sous l’égide de Césaire pour l’une, Césaire et Senghor pour l’autre (1).
Un homme debout avec David Valère
David Valère est un comédien installé en Suisse, « martiniquais non par terre natale mais maternelle » comme il le dit lui-même, ajoutant que depuis qu’il renoue avec la Martinique, il se sent « martiniquais à 50 % comme un bon rhum agricole ». Il a quoi qu’il en soit une forte personnalité, un besoin de brûler les planches que les spectateurs, vendredi 27 juin, n’ont pu que constater. À ce propos, il avoue : « Je porte le jeu et le besoin de transformation comme une maladie incurable […] Cette fantaisie débordante m’a longtemps desservi, je ne l’ai pas toujours canalisée. Cela m’a valu de rater plusieurs auditions et castings » (in comedien.ch).
De fait, David Valère en fait des tonnes. On peut s’étonner de le voir, dans « une adaptation du Cahier d’un retour au pays natal », imiter (de manière fort convaincante de surcroît) torse nu un gorille, de le voir lécher ses doigts préalablement passés dans les poils de ses aisselles ou cracher sur la scène (et je passe un geste carrément obscène).

Les îles ne sont pas ce qu’on pourrait être tenté de croire en regardant déferler aux débarcadères les touristes que vomissent par milliers les ventres de gigantesques paquebots. S’il est vrai qu’il y a comme le dit la chanson, « le ciel, le soleil et la mer », que la luxuriance de la nature, la beauté des plages et des jardins tropicaux, la chaleur du rhum sur les habitations ont des attraits incontestables, il est loisible à chacun de trouver à la Martinique d’autres occupations conformes à d’autres goûts. Ce week-end, outre qu’il était celui de « La nuit européenne des Musées », s’est montré si riche en propositions singulières qu’il fallut bien faire un choix.
« Les politiques qui fustigent Emmanuel Macron en pensant capter le pays devraient entendre un poète disparu, qui parlait il y a 67 ans de notre colonialisme; ses mots font pièce à leur ignorance. Martiniquais, Aimé Césaire était de France, de langue, peut-être de rêves, certainement de blessures, absolument d’intelligence. Il n’avait pas les délicatesses hypocrites de notre âge »
En 2001, en Martinique, à la fin d’une passe d’arme à fleuret moucheté dans les colonnes de l’hebdomadaire Antilla, à cet intellectuel martiniquais qui me sommait de désigner quels étaient, pour moi le Réunionnais, nos Césaire, nos Glissant et nos Fanon, je n’ai su que répondre. Mais durant la semaine qui ssuivit, j’ai pensé très fort au seul qui demeure celui qui, selon moi, peut être considéré comme le premier éveilleur de la conscience réunionnaise : Paul Vergès. Il ne s’agit pas de politique, ni d’identité. Il s’agit de la réunionnité, terme que j’ai conçu là-bas et qui désigne la personnalité réunionnaise à la fois dans ses fondements et dans son devenir.


Françoise Michot-Cheymol, plasticienne ayant vécu en Martinique présente un petit livre consacré à Aimé Césaire : « .. [La] collection intitulée « Je suis… » consiste à présenter sous forme d’autobiographie fictive) les personnages importants, les personnes remarquables, dont on a donné le nom à des établissements scolaires. Mon choix s’est porté spontanément sur Aimé Césaire. Et voilà, je vous en fais part simplement, tout en sachant que ma démarche (écrire pour Césaire) peut être critiquée, mais cela m’a plu et je voulais faire connaître (davantage pour certains) Césaire. Cette biographie devait être synthétique (et non un volume de trois cents pages) afin d’être accessible aux jeunes, sans être simpliste, et toucher les adultes) Créer davantage de liens entre hexagone et Antilles me plaît. »

