Exposition Ismaël Mundaray : Trace d’existence

— Par Widad Amra —

 

—Fondation Clément : du 16 Janvier au 3 Mars 2013.—

Par Widad Amra, écrivaine—

Peindre. Peindre. Toujours peindre !

 

L’attente a duré un temps.

Après Clair de lune, Présence et Absence, Il est mort le soleil, Le jour et la nuit,

L’artiste Mundaray est sur la toile, offrant Trace d’existence.

Après la nuit.

Après l’ambiance lunaire. La lune fantasque tournant la planète. La lune tapie au fond des bois. La lune croissant. Quartier. Demi – lune. Du pays Caracas. Sous le ciel d’Italie. Lune, dans le ciel de Paris. Lune cherchée, trouvée en caresses de nuit, en quête de l’idéal.

Après les arbres s’élevant dans le ciel et le noir. Puisant la force du blanc et de l’ocre discret.

Après le noir, complice de nuit et pas de deuil.  La nuit, le temps du rêve. Le temps de l’âme en cavalcade. La nuit, pleine de mystères nombreux dans les sous bois.

Après les sous bois d’où surgiront les fantasmes en chaussures rouges, bleu nuit. D’où surgira la femme invisible, glissant le pied , dans le cadeau offert. Chaussures posées là. Dans l’espace convenu de l’artiste. Chaussures venues aussi des rêves enfouis, au plus profond de l’inconscient.

Après la couleur, là, la solitude respire, s’affirme. Habitée de fantômes. Devient mauve dans l’espace infini qu’est la création.

Après la nuit, les arbres, les sous bois, la lune et les chaussures, viennent la robe de la femme inconnue, le bleu des touaregs, et le fauteuil complice. Qui s’y mettra dans l’absence offerte ? Peut –être celle ou celui du bagage oublié. A moins que l’artiste ne s’y installe.

L’art est le cœur de l’homme.

L’homme alors, dépose les bols. Dans l’étendue du lieu. Un, deux, trois. Proches ou lointains. Est – ce le bol de la survie ou celui de l’offrande ? Est – ce le lien à l’humain, ou le maillon d’une spiritualité secrète. Présente.

L’homme invisible est – il l’artiste ?

Si le bol dit l’humain, si la robe dit la femme, la chaussure le désir, et le sac, le voyage, l’absence dit la présence, le vide dit le plein, l’ombre dit la lumière, la lune dit le soleil, et la terre dit le ciel, comme la vie dit la mort.

Après la nuit, le jour.

Clarté douce. Les arbres au petit jour. Posés sur la terre ou le ciel. Du vert au blanc, du vert au bleu. Délicatesse de la main sur la toile, donnant aux arbres, cet air tantôt fragile ou fort, à l’image de l’humain.

Lumière enveloppante. Arbres parés d’une auréole qu’accroche la clarté, arbres d’un vert foncé qu’interroge l’artiste, mais que pose la main, doucement, magiquement,

Lumineuse, dans la lumière, La femme est là.
Absente, cachée, elle offre le fantasme. Encore.

Couleur – passion, dans la féminité de sa condition.

Femme, elle est. Muse du peintre. A l’honneur.

Femme universelle.

Du secret, elle a surgi. Dans la lumière douce du petit matin, puis dans l’éclat du soleil.

En pleine lumière, fera – t –elle une danse ? Invisible, elle aussi, avec qui dansera – -t –elle ?

Les acteurs en coulisse, sont la présence cachée de la prestance humaine.

D’une touche à l’autre, l’artiste Mundaray, pose La Trace de l’existence, en posant les marques de l’absence, de la présence, de l’éphémère. De l’éternel aussi.

Qu’est la trace, sinon l’empreinte, la marque du passage, la marque qui demeure.  Effet parfois d’une cause qui n’est plus.

Qu’ est l’existence, sinon l’appartenance au monde et à la vie.

A travers son travail, Mundaray, nous offre à la fois l’empreinte et l’existence, tant de lui – même que de l’ être universel.

En une production toujours pleine, avide d’espace et de couleurs, de sombre et de lumière, d’absence et de présence, l’artiste nous livre à la fois, le quotidien de l’existence par la présence d’objets anodins « Traces  d’existence», mais également « Le vivant et le souffle » par la présence pérenne de la nature. A côté des chaussures, des fauteuils, des sacs, des bols, objets éphémères ; Les arbres et la lune, la terre et l’eau, le soleil et l’horizon disent la permanence.

L’universel de ce qui nous est donné évoque aussi bien la condition humaine de l’homme Vénézuélien, Caribéen, que celle de l’ Européen. Mundaray, est en effet, l’homme de « La traversée ». L’artiste vit entre Paris et Caracas et son travail est le reflet même de cette présence et de cette absence ici et là.

Avec lui, nous tournons la planète, d’une lune à l’autre, d’un soleil à l’autre. Eternelle ronde autour des humains. Au – delà du temps. Si l’implicite donne à voir les espaces imaginaires d’un exotisme lointain, les arbres, comme suspendus, comme flottants, peuvent parfaitement s’ancrer ici ou là. Lointains, figés et funambules, vivants, éternels, dans le jour et la nuit, témoins suprêmes de la fragilité des hommes.

Et la terre cette fois, s’offre à l’humain, non seulement pour la traversée mais se propose, en sillons bien marqués, ou en terre disponible, aux abords des arbres. Terre nourricière, elle  dit l’ancrage et la survie.

Quant aux couleurs, au bleu indigo, au mauve, à l’ocre, au rouge, au blanc, au noir, au blanc, s’ajoutent cette fois, le jaune, le bleu, le vert en couleurs  tendres, « Délicatesse ». Comme pour une douce méditation. Dans un espace poétique évident, offrant le sens caché de ce que l’on ne voit pas.

L’évolution du travail de Mundaray, va vers un dépouillement encore plus grand. Comme une libération, comme une conquête  d’espaces encore plus libres. Plus doux aussi. Nous ne pénétrons plus dans les sous bois, attirants certes, mystérieux , susceptibles de toutes les interprétations, de toutes les surprises, de toutes les rencontres.
Le fauteuil de l’artiste contemplant son travail, le sac du voyageur, le soulier de la femme absente, s’estompent quelque peu, et  nous respirons des espaces plus ouverts, des couleurs plus gaies, une disposition encore plus aérienne, une recherche encore plus marquée de la couleur et de comment la poser là, sur la toile. Lisse, granuleuse, en volutes, horizontale ou verticale,  dense ou légère ?

Une solitude aussi, encore plus grande, lieu essentiel de la création.

Ce contraste de l’anodin et de l’immuable, suggère très fortement la fragilité humaine et la grandeur de l’univers.

Peindre, peindre, peindre !

Ainsi se conjugue le travail de l’artiste. Inspiration. Travail. Capacité de voir autrement. De sentir autrement. Observer toujours. Imaginer toujours. S’isoler toujours.

Par la captation de ces  objets, par la présence éternelle de la nature, en une recréation visant à la plus grande sobriété, par la passion de son art, Mundaray nous donne à voir le passage de l’humain. L’éphémère et l’éternel. La question du souffle . Souffle de  la création. Souffle de l’existence.

Et si « Le comble de l’art, c’est de faire rêver » comme le dit Flaubert, le spectateur est assuré de pouvoir interroger le mystère des couleurs, des objets et des espaces que propose Ismaël Mundaray.

Lieux de vibrations, d’étonnement, de questionnement, de respiration et de solitude, où le cosmique pose la question essentielle de l’homme et de la trace. De l’existence.

Telle nous apparaissent les toiles d’Ismaël Mundaray.

Peintre d’ici et là.  Dans l’universelle démarche de l’artiste.

Fondation Clément : du 16 Janvier au 3 Mars 2013.

Widad Amra