Psychanalyste, professeur honoraire de psychopathologie à l’université d’Aix-Marseille, cofondateur de l’Appel des appels, il a récemment publié Un monde sans esprit, la fabrique des terrorismes et il y a quelques jours, avec Bernard Lubat et Charles Silvestre, le Manifeste des œuvriers (éditions Actes Sud-les Liens qui libèrent).
Un monde dés-œuvré est un monde sans avenir », écrivez-vous. Qu’est-ce qui caractérise ce dés-œuvrement ?
Roland Gori C’est une référence à Hannah Arendt, qui distingue le travail (de nos corps), l’œuvre (de nos mains) et l’action (de la parole et du politique). Le dés-œuvrement, c’est ce qui conduit au désenchantement du monde, et à la prolétarisation des activités humaines. Cette désolation, cet esseulement, qui isole les humains, les asservit aux machines matérielles ou numériques, participent de ce que j’appelle un technofascisme, place les citoyens sous une curatelle technico-financière qui favorise, aujourd’hui, les théofascismes. Face au dés-œuvrement, face à la désolation, il faut réhabiliter le champ du politique : restituer à la parole une place centrale qu’elle a perdue au profit d’une vision du monde économique, technique.
Comment en est-on arrivé là ? Y a-t-il eu défaillance (des politiques, des intellectuels, des syndicats) ?