— par Serge HARPIN —
DICTIONNAIRE ÉLEMENTAIRE FRANCAIS/CRÉOLE
de Pierre Pinalie, Éditions L’harmattan, 2009
Il n’y a rien de plus humain que la tendance à « naturaliser » les acquis des luttes passées, à les appréhender comme s’ils allaient de soi, comme s’ils avaient toujours été. La « naturalisation » se fait le plus souvent par oubli ou ignorance. Elle est aussi quelquefois produite à dessein par la substitution du mythe à l’histoire : on raconte alors des histoires, ses désirs. On instrumentalise le passé. Il en est ainsi du combat pour la reconnaissance des Créoles en tant que langues comme pour tout le reste. D’où un devoir d’histoire qui commence toujours par un rappel des faits :
–1970. Création de l’AMEP. Le créole est expérimenté comme langue d’enseignement, langue de transmission des savoirs.
– 1976. Option créole à l’UAG. Le créole entre dans l’enseignement supérieur. Proposition d’un système orthographique par le GEREC.
– 1977. Parution du journal GRIF AN TÈ. Le créole fait ses premiers pas comme langue de média écrit.






Afin de vous présenter l’ouvrage qui nous réunit ce soir, je me permettrais d’embrayer en posant cette question a priori inattendue et ô combien ardue :

Il est en avance au rendez-vous. De noir vêtu, à la ville comme à la télévision, avec cette cravate à rayures jaunes dont il doit avoir moult exemplaires. Il est plongé dans la presse, qu’il vient d’acheter. On ne se départ pas d’une vieille maîtresse aussi facilement. Il est avenant, persuadé qu’il y a toujours à apprendre de l’autre et que la rencontre est une richesse. Dans un entretien il se comporte en vrai professionnel. Il connaît les ficelles du métier. L’interview, c’est son quotidien. Difficile de l’emmener là où il ne veut pas aller; il se dérobera prétextant la question ou le thème trop difficile pour lui. Il est venu parler de son dernier livre, de sa première fiction. Et si Breton à la recherche dans Fort-de-France en avril 1941, d’un ruban pour sa fille n’avait pas aperçu dans la vitrine de la mercerie que tenait la sœur de René Ménil un exemplaire de la revue « Tropiques »?
14,5 x 22 cm, 480 pages, 19,80 € ISBN : 978-2-84876-110-7
Le 14 décembre 1921, l’Académie Goncourt a couronné un jeune écrivain de 34 ans, René Maran, pour son roman Batouala. Au cinquième tour de scrutin ne restaient plus en lice que L’Épithalame de Jacques Chardonne et Batouala. Avec cinq voix contre cinq les deux romans étaient à égalité. Le second l’a emporté grâce à la voix prépondérante du président Gustave Geoffroy. Les autres candidats de cette année-là n’ont guère marqué l’histoire littéraire, à l’exception de Pierre Mac-Orlan qui concourrait avec La Cavalière d’Elsa. Comme le nom l’indique, Batouala est un roman africain. Par contre le nom de l’auteur ne révèle pas qu’il s’agit d’un noir, « le premier Goncourt noir ».

Prix Nobel d’économie en 1998, Amartya Sen, 73 ans, est plus qu’un grand expert international. C’est un penseur d’envergure, dont l’oeuvre se situe au carrefour de l’économie, de la philosophie, des sciences sociales et de la théorie politique. Sa démarche constante est de mettre l’accent sur les conditions morales, humaines et sociales des mécanismes économiques. Il n’a cessé d’insister sur le fait que « l’économie est une science morale » et que le développement est le point de départ de la liberté. Son originalité est aussi d’avoir toujours en vue les aspects pratiques de la vie politique : avoir le droit de voter ne sert à rien sans l’éducation nécessaire pour comprendre les choix proposés et sans les moyens de transport pour se rendre au bureau de vote…
Alain Foix, guadeloupéen, est écrivain, docteur en philosophie, directeur artistique, documentariste et consultant. Journaliste et critique de spectacles, il est également auteur d’un grand nombre d’articles et de courts essais, notamment sur l’art et le spectacle, directeur artistique et d’établissements artistiques et culturels il a notamment dirigé la scène nationale de la Guadeloupe de 1988 à 1991. Il s’est vu décerné le Premier prix Beaumarchais/ Etc_Caraïbe d’écriture théâtrale de la Caraïbe pour Vénus et Adam (2005) et Prix de la meilleure émission créole au Festival Vues d’Afrique de Montréal (1989) etc. Fort-de-France a eu la chance d’être le lieu l’an dernier d’une création mondiale d’Antoine Bourseiller : la mise en scène de Pas de prison pour le vent une pièce écrite par Alain Foix. Il publie aujourd’hui aux Editions Galaade, Vénus et Adam.

Introduction
On ne présente pas Edgar Morin, personnalité éminente de l’intelligentsia française, auteur d’une cinquantaine d’ouvrages parmi lesquels quelques essais sociologiques qui ont fait date (Les Stars, 1957, La Rumeur d’Orléans, 1969) et surtout une somme, La Méthode (1981-2004) dont le projet, fort ambitieux, ne vise pas moins qu’à changer notre regard sur le monde, sans rien dissimuler de sa complexité, grâce à une démarche systémique. En passant, malgré tout, peut-être un peu vite sur l’objection d’ordre épistémologique qui se présente d’emblée : Comment une telle méthode considère-t-elle la distinction qui existe inévitablement entre l’objet réel, éminemment complexe en effet, et l’objet de la connaissance, le « modèle », nécessairement simplificateur (1) ? La reconnaissance de « la différence entre la réalité empirique et la forme théorique » (2) étant le point de départ de la démarche scientifique, toute tentative pour la tirer du côté du concret comporte donc un risque du point de vue de sa pertinence.
Veut-on vraiment une France de l’Apartheid ? Si tel n’est pas le cas, alors cessons d’opposer les Français en fonction de leurs origines par l’intermédiaire d’un passé déformé. Rompons avec une repentance coloniale qui ressasse et divise au lieu de guérir. Tel est le diagnostic formulé par Daniel Lefeuvre dans son bel essai. Celui d’un historien ayant décidé de se jeter dans l’arène, non pas pour satisfaire à quelque sensationnalisme, mais afin de montrer, tout simplement, que les choses sont souvent plus complexes qu’on ne l’imagine, et cela en puisant dans son domaine de spécialité : l’étude des relations franco-algériennes.
