Catégorie : Littératures

Cuba, le livre noir

Reporters sans frontières a rassemblé dans cet ouvrage des rapports d’organisations de défense des droits de l’homme qui décrivent l’ampleur de la répression lancée par Fidel Castro au printemps 2003, avec 75 dissidents arrêtés et condamnés à de lourdes peines. Ces rapports reviennent également sur le fonctionnement d’un régime totalitaire où la liberté de l’individu n’a décidément pas sa place.

En mars 2003, alors que le monde a les yeux tournés vers l’Irak, Fidel Castro lance une vague de répression sans précédent : soixante-quinze dissidents – journalistes, militants des droits de l’homme, syndicalistes, bibliothécaires… – sont arrêtés et condamnés à de lourdes peines. Au total, 1 453 années de prison, le plus souvent pour « activités contre l’intégrité et la souveraineté de l’État ». Partout dans le monde, les protestations se multiplient. L’image romantique de la Révolution de 1959, savamment entretenue par La Havane, s’effrite. Les organisations de défense des droits de l’homme, elles, n’en étaient plus dupes depuis longtemps. Leurs rapports, rassemblés ici à l’initiative de Reporters sans frontières, décrivent l’ampleur de la répression du printemps 2003. Ils reviennent également sur le fonctionnement d’un régime totalitaire où la liberté de l’individu n’a décidément pas sa place.

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«Cuba: La faillite d’une utopie», d’Olivier Languepin,

 


LA HAVANE, le 29 novembre (Jorge Diego Rodriguez, Cuba Press) – «Cuba: La faillite d’une utopie», d’Olivier Languepin, est une livre qui vient d’être publié en France par les Editions Gallimard.

L’œuvre comprend une interview avec Elizardo Sanchez Santa Cruz, président de la Commission Cubaine des Droits de l’Homme et de la Réconciliation Nationale, sur la situation cubaine actuelle, le rôle de l’opposition et la possibilité d’une transition.

Le livre relate aussi une conversation entre son auteur et le poète et journaliste indépendant Raul Rivero, directeur de l’agence alternative de nouvelles Cuba Press.

«Cuba: La faillite d’une utopie», publié en français, passe en revue le débâcle économique des années 90, plusieurs sujets d’aspect religieux et le traitement du gouvernement de phénomènes comme l’homosexualité, la prostitution et le sida, parmi tant d’autres.

Olivier Languepin, licencié en Sciences Politiques et journaliste, pénètre plus profondément les faits et processus qui ont servi de modèle depuis l’arrivée au pouvoir du castrisme. Il s’arrête ainsi sur le rôle du Che Guevara, la Crise des Missiles, l’exportation de la révolution, la copie du modèle soviétique et le cas Ochoa, parmi d’autres événements.

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Cuba. Tout changera demain

 

Le titre choisi par l’éditeur français pour traduire « This is Cuba: an outlaw culture survive » ne rend pas service à Ben Corbett qui n’ a pas écrit un livre de prospective, mais bien une description minutieuse et documentée de la vie quotidienne des Cubains. Condamné au système D, au marché noir et donc à l’illégalité, le peuple cubain lassé des diatribes de son « comandante », survit comme il peut aux incessantes pénuries que la rigidité du socialisme Cubain ne cesse d’engendrer. Ben Corbett montre bien que l’acharnement idéologique de Castro est la véritable cause du désastre économique cubain : dès qu’un petit espace de liberté est créé, les Cubains s’y engouffrent aussitôt, mais le pouvoir prend alors rapidement les mesures nécessaires pour asphyxier toute tentative de libéralisation économique.

En attendant mieux, chaque Cubain est dans l’obligation de vivre dans l’illégalité pour pouvoir simplement subvenir à ses besoins les plus élémentaires. Ben Corbett a bien saisi la logique dévastatrice du castrisme qui veut absolument capter jusqu’au dernier dollar qui circule dans l’ile, tout en n’étant plus capable de faire fonctionner l’économie en pesos, qui est censée faire vivre les Cubains.

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Dépasser la négritude

— Par Lilyan Kesteloot

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Une nouvelle génération de romanciers africains

 17/03/06

Littérature de l’anomie et de la déviance, de la subversion, de la destruction et la décomposition… expression des complexes, des traumatismes, des refoulements… image d’une contre-société, de contre-culture… lieux et non-lieux des turbulences dont le passage à l’univers littéraire s’effectue par des ruptures, des dissociations, des collisions, des explosions… l’écriture est une décharge électrique  » : il y a cinq ans, le professeur congolais Georges Ngal, s’interrogeant sur les  » nouvelles conditions d’émergence d’une pensée africaine « , décrivait ainsi le nouveau discours littéraire africain (L’Errance, L’Harmattan, 1999).

L’essentiel de l’esprit du temps ainsi caractérisé, et singulièrement celui de la nouvelle génération des intellectuels et écrivains de l’Afrique noire, que pouvons-nous ajouter pour cerner plus spécifiquement les romanciers actuels ? Constatons d’abord que cette nouvelle génération est en rupture affirmée avec celles qui l’ont précédée, et qui avaient vécu, en gros, sur les principes énoncés par le mouvement de la négritude.

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Edouard Glissant :  » La langue qu’on écrit fréquente toutes les autres « 


 

Quand êtes-vous arrivé en Amérique ?

En 1988. C’était en Louisiane, à la Louisiana State University, dans la ville de Baton Rouge. J’étais attiré par cette partie des Etats-Unis qui avait des points communs avec les Antilles, le peuplement africain, la langue créole, l’architecture, la structure économique de l’ancien système de plantation, la cuisine, la complicité en musique. Il y a tant de points communs… Et j’y suis resté six ans, avant de venir à New York.

Quel souvenir conservez-vous de ces premières années en Amérique ?

Le souvenir de cette sorte d’apartheid entre les parties noires et blanches des villes, la condition généralement misérable des Africains-Américains en Louisiane, et ce n’était pas sans rappeler, évidemment, certains spectres de la colonisation dans la Caraïbe. Cela a sauté aux yeux du monde au moment du cyclone Katrina. Mais je dois dire que j’étais très attaché, aussi, à une espèce de fantaisie d’existence, et à une profondeur dans l’expression du malheur. Et puis, pour moi, ce pays était très associé à l’oeuvre de l’écrivain Lafcadio Hearn, originaire de La Nouvelle Orléans, au XIXe siècle, et qui vécut à la Martinique, et aux grands noms de la musique de jazz, musique créole.

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Misère du sarkozysme de paul Ariès

 LU POUR VOUS

2005. 252 pages, 13 euros

par CLA

Tous les arrivistes aux dents longues adorent Sarkozy.

Ils se réclament le plus souvent de la droite, mais de plus en plus ouvertement  de cette gauche branchée amoureuse d’euros, de prébendes, affairiste  et assoiffée de pouvoirs, même dérisoires.

La pertinence du clivage droite gauche semble à nouveau mobiliser l’attention d’un certain nombre de martiniquais.

Qui est de gauche ? Qui est de droite ? Que signifie en 2006 être de gauche à la Martinique ?

Ce questionnement, cette recherche de positionnement  relève d’une démarche plus que saine pour quiconque souhaite s’orienter dans l’espace politique martiniquais où les frontières ne sont plus aussi nettes qu’elles ne  l’étaient avant la chute du mur de Berlin et de  l’implosion de l’URSS à la fin su siècle dernier

Le livre de Monsieur Ariès, Misère du Sarkozysme devrait aider tous ceux qui s’interrogent  sérieusement sur le contenu  de  ces deux expressions qui continuent à occuper une place centrale dans les discours politiques.

En effet, Sarkozy est le  prototype de l’homme de droite moderne, fier de l’être, et qui, crânement  défend les idées qu’il souhaite voir l’emporter dans la lutte idéologique sans merci que se livrent les tenants de la gauche et de la droite sur le plan national  comme international, n’en déplaisent aux doux rêveurs qui s’imaginent qu’il s’agit d’un clivage dépassé.

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Aimé Césaire : « Ma poésie est née de mon action »

 

Entretien
Aimé Césaire : « 

Né à Basse-Pointe (Martinique) le 21 juin 1913, Aimé Césaire n’est plus député et maire de Fort-de-France. Tous les jours, il reçoit dans son ancien bureau. Peintres caribéens, portraits, paysages, avec en prime un cadre pour le maillot n° 21, celui du footballeur Lilian Thuram. Normalien, agrégé, Césaire publie Cahier d’un retour au pays natal en 1939. En 1941, il fonde avec sa femme Suzanne et des camarades (René Ménil, Aristide Maugé) la revue Tropiques ; plus tard, Présence africaine. André Breton préface Les Armes miraculeuses en 1944. Après un séjour en Haïti, 1945 le voit entrer en politique. 1950 : Discours sur le colonialisme. En 1958, il fonde le Parti progressiste martiniquais pour consacrer sa rupture avec le Parti communiste. Parallèlement, il publie ses poèmes (Soleil cou coupé), son théâtre (La Tragédie du roi Christophe), ses discours. Une seule règle : « Pousser d’une telle raideur le grand cri nègre, que les assises du monde en seront ébranlées. »

Vous aimez votre pays. Vous le visitez toutes les semaines ?

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Aimé Césaire : une voix singulière

— Par Thierry Leclère —


aime_cesaire-9_300« Laissez entrer les peuples noirs sur la grande scène de l’histoire ! » A la tribune de l’amphithéâtre Descartes, à la Sorbonne, Aimé Césaire conclut sous les applaudissements un fougueux discours brossant le portrait d’une culture noire mutilée par le colonialisme. Nous sommes en juin 1956, en pleine effervescence tiers-mondiste, un an après la réunion de Bandung, qui a lancé le mouvement des non-alignés autour de chefs d’Etat comme Nasser, Nehru et Zhou Enlai. Aimé Césaire est l’un des acteurs clés de ce premier Congrès des écrivains et artistes noirs, une réunion historique qui rassemble à Paris, pendant deux jours, la fine fleur de l’intelligentsia noire. Senghor, Fanon, Ba, Alexis… ils sont tous là, y compris les Noirs américains comme l’écrivain Richard Wright qui apprécieront modérément que leurs collègues les considèrent, eux aussi, comme des colonisés en leur pays !

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De loin. Par Édouard GLISSANT et Patrick CHAMOISEAU

Lettre ouverte au Ministre de l’Intérieur de la République Française,
à l’occasion de sa visite en Martinique.


M. le Ministre de l’Intérieur,

La Martinique est une vieille terre d’esclavage, de colonisation, et de néo-colonisation. Mais cette interminable douleur est un maître précieux : elle nous a enseigné l’échange et le partage. Les situations déshumanisantes ont ceci de précieux qu’elles préservent, au cœur des dominés, la palpitation d’où monte toujours une exigence de dignité. Notre terre en est des plus avides.
Il n’est pas concevable qu’une Nation se renferme aujourd’hui dans des étroitesses identitaires telles que cette Nation en soit amenée à ignorer ce qui fait la communauté actuelle du monde : la volonté sereine de partager les vérités de tout passé commun et la détermination à partager aussi les responsabilités à venir. La grandeur d’une Nation ne tient pas à sa puissance, économique ou militaire (qui ne peut être qu’un des garants de sa liberté), mais à sa capacité d’estimer la marche du monde, de se porter aux points où les idées de générosité et de solidarité sont menacées ou faiblissent, de ménager toujours, à court et à long terme, un avenir vraiment commun à tous les peuples, puissants ou non.

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« Littérature et barbarie »

Par André Lucrèce

litte_&_barbarieMarqué par l’uniformisation du monde et la perte progressive du sentiment du divers, le monde vit de plus en plus dans le doute et dans un sentiment d’insécurité sous la « menace » de nouveaux barbares venant de l’extérieur avec une culture, une religion, une manière de vivre différentes. Oyez ce qui se passe aujourd’hui dans les cités des ban lieues où des jeunes assiégés dans leur ghetto hurlent leur révolte sociale dans une malencontreuse violence contre l’ignorance et le mépris.

Or la menace des barbares ne vient pas tant de l’extérieur, de la présence des sans papiers ou des jeunes noirs et maghrébins des cités que l’on traite comme des sauvages primitifs, et qui, stigmatisés, renvoient aujourd’hui l’image conforme au regard. Non, cette menace, ‘ (je partage cette idée jadis développée par le philosophe espagnol Ortega y Gasset) vient de l’intérieur, c’est-à-dire de la transformation des personnes cultivées en barbares.

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Francophonie sans Français

 En occultant la diversité ethnique de ses écrivains, la France réduit le rayonnement de sa langue

A la veille de l’Année de la francophonie annoncée – pour 2006 – par le président de la République, des émeutes font désordre dans ce beau paysage coloré des peuples francophones. Beau mais étroit : le français perd des locuteurs d’année en année dans le monde.

La puissance anglo-saxonne n’explique pas entièrement ce rétrécissement de la clientèle. L’anglais est certes le vecteur de communication de l’économie mondiale, mais aussi, il est la langue de plusieurs cultures : les Anglo-Saxons ont intégré le chromatisme des peuples qui contribuent à construire cette universalité. Et, de plus, ils auraient, comme les Français, un certain souci d’égalité et de justice. Allez ! Ils sont bien un peu racistes –  » nobody’s perfect « . Par exemple, en 2004, ils recensèrent cent Britanniques remarquables. On constata qu’aucun de ces individus n’était d’origine ethnique.

Des voix s’élevèrent pour protester et cent Britanniques noirs remarquables furent répertoriés. Pas seulement des sportifs ou des musiciens de jazz ! On trouva une poétesse, un producteur de télévision, un syndicaliste.

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Fonctions et enjeux de la parole dans Texaco (Patrick Chamoiseau)

 

— Par Luce Czyba —

 

Résumé

 

C’est de mémoire collective et d’affirmation, par l’écriture littéraire, d’une créolité qui n’est pas que langage mais promeut une esthétique, que procède le projet de Texaco. La présentation par L. Czyba du roman et de la perspective dans laquelle il s’inscrit privilégie la dialectique de l’écriture et de la parole. Le « marqueur de paroles », relais et témoin de la narratrice principale qui le nomme « oiseau de Cham », accomplit en quelque sorte le rêve d’« oraliture » de son auteur Chamoiseau.

 

Texte intégral

 

Dans l’Éloge de la créolité1, Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant se proclament créoles, ce qui, pour eux, ne signifie pas seulement être né et avoir été élevé aux Amériques, sans en être originaire comme les Amérindiens, mais surtout être « en quête », et souvent de façon douloureuse, « d’une pensée plus fertile, d’une expression plus juste et d’une esthétique plus vraie ». Ils refusent en effet de continuer à voir le monde à travers le filtre des valeurs occidentales, à se percevoir eux-mêmes « exotisés » par la vision française qu’ils ont dû adopter, autrement dit à se regarder eux-mêmes avec le regard de l’Autre.

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Six chansons d’amour traduites en créole par Pierre Pinalie

 


1/Nougaro                                                       Il faut tourner la page
Il faut tourner la page Changer de paysage,

Le pied sur une berge

Vierge.

Il faut tourner la page

Toucher l’autre rivage,

Littoral inconnu

Nu.

Et là, enlacer l’arbre

La colonne de marbre

Qui fuse dans le ciel

Tel

Que tu quittes la terre

Vers un point solitaire

Constellé de pluriel.

Il faut tourner la page…

Redevenir tout simple

Comme ces âmes saintes

Qui disent dans leurs yeux

Mieux

Que toutes les facondes

Des redresseurs de monde

Des faussaires de Dieu.

Il faut tourner la page

Jeter le vieux cahier

Le vieux cahier des charges

Oh, yeah.

Il faut faire silence

Traversé d’une lance

Qui fait saigner un sang

Blanc.

Il faut tourner la page

Aborder le rivage

Où rien ne fait semblant,

Saluer le mystère

Sourire

Et puis se taire.

 

Nou pou tounen paj-la Chanjé péyizaj-la,

Pié-a asou an plaj

Viej.

Nou pou tounen paj-la

É rivé lot bò-a,

An plaj yo pa konnet

Pies.

Fok nou bo piébwa-a

Potomitan an mab

Ki ka tijé an siel

Jik

Ou pé kité latè

Pou an pwen ki tou sel

Épi anlo zétwel.

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L’avalasse créolité et brouillard diglottique : les déchoucailles des éloges

par Robert Fournier—

 

Robert Fournier est “Associate Professor of French Linguistics” à Carleton University, Ottawa.

 

 

« Parmi les stéréotypes les plus courants au sujet de l’époque coloniale persiste celui qui veut qu’on trouvait dans les îles deux catégories bien distinctes d’individus : des maîtres et des esclaves. »

Paru dans « Robert Fournier & Henri Wittmann (dirs), Le français des Amériques, Presses universitaires de Trois-Rivières (Québec), 1995, pp. 199-230 »

 

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Dans une brochure touristique vantant comme il se doit les beautés de « ce coin de France Tropicale« , distribuée par l’Office Départemental du Tourisme de la Martinique aux congressistes venus échanger sur les études francophones dans le monde (CIEF 1990), on pouvait lire à la page 3 « Informations générales » sous la rubrique Langue,

Le français est parlé et compris par toute la population mais on y entend beaucoup ce rapide patois créole qui comporte autant de mimiques que de mots empruntés au français, à l’anglais, à l’espagnol et parfois influencé par les langues africaines. Bien entendu l’anglais est généralement compris [c’est moi qui souligne].

Le contenu de ce passage, très commode pour démarrer un séminaire de Langue et Société au cours duquel on souhaite déchouquer quelques vieux mythes et préjugés tenaces entretenus sur la dynamique des langues notamment créoles, et des gens qui les causent, est parfaitement dérisoire au plan sociolinguistique.

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Rimèt Sézè pa ta’y

 

(Serge RESTOG)

La Tribune des Antilles N° 23, juin 2000.

Jòdijou, adan lanné dé mil la, nou pé di, i ni anchay bagay ki chanjé atè isi Matinik. Nou ka chonjé toujou, lè moun té ka di, Sézè ka matjé tout lo pawòl li a, men jan isi pa ka konprann an patat adan tousa i ka di a. Sa nou pé di jòdi-a, sé ki sé pawòl-tala pa vré ankò. Nou wè épi dé koko zié-nou, adan kartié. Nou tann épi zorèy-nou adan konmin, anchay koté nou alé Matinik, moun ki ka li, moun ki ka résité, moun ki ka bokanté pawòl, moun ki ka jwé, moun ka ki chanté, moun ki ka dansé anlè pawòl Sézè. Tousa ka fè nou di épi tout fòs gòj-nou, épi tout fòs bouch-nou, Sézè sé an matjè ki adan gou pèp-la.

Sézè sé an matjè ki andidan pèp-la, i ka palé di pèp-la, i ka palé ba pèp-la. Gran moun, jenn moun vini ka résité pawòl Sézè, ka résité sa anlè bout dwèt-yo, san yo ni piès papiyé matjé. Sé moun-tala ka di, nou kontan pawòl-poézi Sézè a.

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Notre rapport à la langue

 — Par Fernand Tiburce FORTUNÉ —

 

Selon ULLMAN, « tout système linguistique renferme une analyse du monde extérieur qui lui est propre et qui diffère de celles d’autres langues ou d’autres étapes de la même langue. Dépositaire de l’expérience accumulée de générations passées, il fournit à la génération future une façon de voir, une interprétation de l’univers ». (1)

C’est pourquoi, selon nous, la relation à notre langue est une relation à la terre, donc à la poésie, donc à la création. Elle est par conséquent une relation à la mère, un cordon ombilical essentiel qui nous singularise, et en même temps nous préserve de la solitude.

La langue s’exprime alors comme patrimoine, c’est-à-dire comme un lieu non clos où s’engrangent drus, les temps forts de notre vécu. Dans ce contexte, le parler d’un peuple signifie volonté d’amour et acte de fidélité.

La langue, c’est nous-mêmes , mais c’est encore le contact, la présence, l’existence même de l’Autre. En effet, toute langue est à un certain degré ce mouvement multiforme vers une fraternité partageable, une communauté à essentialiser.

Comment ne pas aimer sa langue ?

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La pensée du rhizome chez Édouard Glissant

— Par Roland Sabra —

Conférence de Fonds Saint-Jacques, le 25 juin 2005

« L’étant souverain est le rhizome où osera l’être, dont il multiplie l’en deçà »

E. Glissant. « La choée du Lamentin » p. 232 Gallimard, 2005

Il est des livres qu’il faudrait peut-être n’avoir jamais lu. Ils ne vous laissent pas indemnes. Il y a déjà trente trois ans de cela, en 1972 paraissait un OVNI littéraire, comète incandescente dont les cendres allaient irradier la pensée de la fin du XXème siècle. Cette année là, la première version de l’Anti-œdipe était publiée aux Éditions de Minuit. Les auteurs étaient au moins deux, Gilles Deleuze et Félix Guattari, mais comme chacun d’eux « était plusieurs , ça faisait … beaucoup de monde. » Si le sous titre « Capitalisme et schizophrénie » était déroutant que dire alors du contenu?. Il y était question de « machines désirantes, » de « branchement machinique » de détérritorialisation, d’encodage et de décodage généralisé des flux, de schizo-analyse etc. Cette mobilisation conceptuelle foisonnante autour de la notion de pensée-rhizome, pensée rhizomatique en opposition à la pensée-racine, à la pensée-radicelle, est une machine de guerre contre trois adversaires clairement désignés par Michel Foucault dans la préface américaine de l’ouvrage :

« 1) Les ascètes politiques, les militants moroses, les terroristes de la théorie, ceux qui voudraient préserver l’ordre pur de la politique et du discours politique.

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C’est quoi le drame d’Haïti ?

Jean-Durosier Desrivières vous ouvre ses archives
N°3 : Entretien avec Aimé Césaire


Nous avons rencontré le poète patriarche martiniquais le 20 Janvier 2004 à son bureau de maire honoraire, abrité à l’ancienne mairie de Fort-de-France. Le sage nonagénaire nous a reçu cordialement, ravi de rencontrer une fois de plus un homme du pays « où la négritude se mit debout pour la première fois ». Sa mémoire et son esprit encore vifs l’emportent sur l’ouie qui lui joue parfois des tours. Il suffit d’évoquer Haïti pour voir briller à travers ses yeux et son sourire exquis une passion sublime, à nulle autre pareille.

Jean-Durosier Desrivières : Comment percevez-vous l’indépendance d’Haïti ?
Aimé Césaire : Je suis le premier parmi les Martiniquais à avoir signalé et salué l’indépendance d’Haïti. C’est un événement d’une très grande portée : pas seulement haïtienne, elle est aussi antillaise. On peut même dire : qu’est-ce qu’elle est mondiale ! Parce que les Haïtiens n’ont pas seulement conquis la liberté pour eux ; c’est tout un système qui a été ébranlé par cette révolte haïtienne et, en particulier, il est clair que l’Europe ne pouvait plus continuer à maintenir le système colonial tel qu’il existait à l’époque – l’esclavage pour les autres pays des Antilles et aussi presque l’Amérique du sud, pour les Espagnols ou les Anglais – c’était l’abolition de l’esclavage.

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Soulever le voile du silence

—Par Jean-Durosier Desrivières —

« Rosalie l’Infâme » d’Evelyne Trouillot
Dapper, 2003, 144 p.

Note : Cette note de lecture est parue pour la première fois dans la revue franco-haïtienne Conjonction, N°211, Port-au-Prince, 2005.

La première œuvre romanesque d’Evelyne Trouillot, Rosalie l’Infâme, serait une fenêtre ouverte sur un monde que l’on croyait déjà connaître : la société esclavagiste de Saint-Domingue. Or le lecteur se voit rapidement obligé de rendre les armes de son ignorance dès les premières pages. Ce récit qui voudrait se débarrasser de l’idée envahissante des héros – ceux qui ont fait l’histoire d’Haïti en l’occurrence – met l’accent sur une figure anonyme, une femme de surcroît : Lisette. Celle-ci, protagoniste et narratrice, mène sa vie d’esclave domestique sur l’habitation Fayot au rythme de la mémoire, de ses désirs et de ses rêves. L’on révise tout un pan de l’ancienne colonie française au travers d’un autre univers, une autre sensibilité, un autre point de vue, un autre regard : ceux des femmes.
Lisette, l’orpheline, nous raconte avec une tendresse inouïe, très peu explorée jusque là dans l’âme d’un(e) esclave, une société à la fois hostile et dévergondée, une société insoutenable.

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Haïti : un pays en voie d’américanisation

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N° 4 : Entretien avec Marcel Dorigny

Nous avons rencontré le professeur Marcel Dorigny en septembre 2004, à son hôtel, du côté de l’ancienne route de Schoelcher, lors de son passage en Martinique, dans le cadre du colloque : « De Saint-Domingue à l’Italie, Moreau de Saint-Méry ou les ambiguïtés d’un créole des Lumières ». C’était après le départ forcé de Jean-Bertrand Aristide d’Haïti le 29 février 2004 et la publication en mars de la même année de Haïti et la France, Rapport à Dominique de Villepin, ministre des Affaires étrangères, signé par Régis Debray1. L’historien faisait partie du « Comité indépendant de réflexion et de propositions sur les relations franco-haïtiennes ».
Jean-Durosier Desrivières : Parlez-nous du rôle que vous avez joué dans la commission, dirigée par Régis Debray, qui se penchait sur les relations franco-haïtiennes au mois de janvier de cette année (2004).
Marcel Dorigny : La commission était composée d’une dizaine de personnes, chacun ayant plus ou moins une spécialité : il y avait des diplomates, des économistes, des financiers, il y avait quelqu’un qui était plutôt anthropologue, Gérard Barthélemy, et puis deux historiens, Myriam Cottias et moi.

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« Assaut à la nuit » de Roussan Camille

— Par Jean-Durosier DESRIVIERES

camille_roussanTopographie inventée, dans l’attente du jour

Une lecture d’Assaut à la nuit1 de Roussan Camille2

Il est des poèmes et des poètes qui vous obligent à vous attarder dans leur univers, à y prendre pied, en dépit de tout. Indigénisme, négritude, négrisme, « noirisme »… tout cela peut vous irriter. Rien que des théories, des concepts, des idées à générer crainte et méfiance perpétuelles chez certains lecteurs. Mais le chant poétique – hors tout champ catégorique, carcéral, hormis son propre champ, ouvert, en marge des œillères – stipule toujours un possible émerveillement. Serait-il ainsi de celui de Camille ?

J’ai passé des nuits quasi inassouvies avec Camille. Entre nous, un poème, un complice, une jeune femme : « Nedje ». Je l’ai traînée avec moi, en maints lieux clairs-obscurs : café, cabaret, piano-bar, hôtel, et que sais-je encore. Elle épouse toutes les inflexions de ma voix, tous les caprices de mes lèvres, mon souffle, au gré du rythme, de la mélodie, du poids de ses propres mots et de l’élan du cœur brûlant les planches.

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Eloge de la littérature haïtienne et hommage à Dany Laferrière

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N°1 : Entretien avec Maryse Condé

L’écrivain guadeloupéen, Maryse Condé, présidait le jury d’une soutenance de thèse à l’Université des Antilles et de la Guyane quand (un jour et un mois de l’année 2004), entre deux séances de travail, elle a voulu en toute sympathie nous dire sa perception de ce pays – Haïti – qui aurait pu être un phare dans la Caraïbe actuelle, selon elle.
Jean-Durosier Desrivières : Quel regard projetez-vous sur l’histoire d’Haïti ?
Maryse Condé : L’histoire d’Haïti pour un caribéen concerné est d’abord un sujet de fierté. Il y a la version que l’on connaît : des esclaves qui se rebellent pour arriver à l’indépendance. Mais ensuite, c’est une cause de tourment quand on voit tous les problèmes d’Haïti qui ne sont pas résolus, quand on voit une série de dictatures, le retournement d’un pouvoir que l’on croyait libéral, le pouvoir d’Aristide, dénoncé par ceux-là même qui l’ont soutenu. Finalement Haïti est une sorte de Janus à deux faces : d’un côté les choses agréables et admirables ; de l’autre côté des choses qui affligent et qui font beaucoup de peines.

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Premiers instituts d’apprentissage de la tyrannie en Haïti ?

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N° 5 : Réflexions de Jean-Durosier Desrivières

Note : Article principal N° 2 du supplément mensuel Relire Haïti qui a été publié avec le soutien de France-Antilles de la Martinique ; paru pour la première fois en février 2004 sous le titre : « Qui parle d’abus de mémoire en Haïti ? » le texte a été revu, modifié, augmenté et actualisé.

L’histoire d’Haïti est truffée d’ambiguïtés : le devoir de mémoire serait à la fois pris dans les filets du silence, de l’excès et de la manipulation.

« Même quand mon ombre est penchée
je garde la tête droite
Il ne faut jamais laisser aux morts
l’initiative de la lumière
Debout partisans ! » (Georges Castera)1

Interroger, en Haïti comme ailleurs, la mémoire et les différentes attitudes à afficher vis-à-vis d’elle, c’est aussi poser la question de la connaissance ou de l’ignorance de l’Histoire, de son enseignement et des enjeux idéologiques qui en résultent. Depuis 1847 et 1848, dates de la parution des trois tomes de l’Histoire d’Haïti de Thomas Madiou, comblant une évidente lacune dans le domaine, instruire l’haïtien de son passé est devenu une préoccupation décisive.

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En Haïti, tout repose sur un collectif-prison engluant

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N°2 : Entretien avec Gary Victor

À l’angle des rues parallèles, Gary Victor • Vent d’ailleurs • ISBN 978-2911412233 • 2003.
Son roman A l’angle des rues parallèles venait de paraître chez Vents d’ailleurs (2003), quand Gary Victor était invité par l’Association pour la Connaissance des Littératures Antillaises (ASCODELA), en Martinique. Garry Serge Poteau et moi-même avions rencontré l’écrivain le plus lu en Haïti au salon de l’Hôtel Galleria, le dimanche 9 novembre 2003. C’était l’occasion d’aborder avec lui, de façon détendue, les grandes thématiques de ce roman au titre combien énigmatique et symbolique qui semble prescrire une esthétique de la dégradation et de la déconstruction des mythes de l’espace haïtien.

Garry Serge Poteau : Gary VICTOR, dans A l’angle des rues parallèles, Eric, ton personnage principal, fait un véritable carnage aux représentants de l’autorité, de l’ordre, de l’Etat, de la culture… La volonté d’en finir avec les mythes fondateurs apparaît clairement dans tes œuvres. Comment expliquer ce besoin ?
Gary Victor : Ma perception des mythes vient d’abord de mon rapport avec le quotidien haïtien.

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A propos d’un propos pseudo-philosophique

 —Par Raphaël Confiant, Ecrivain et créoliste —

 creolesDepuis que la controverse autour du projet « Humanités créoles » mis en œuvre par Bernard Alaric et quelques-uns de ses collègues inspecteurs de l’Education Nationale, projet contesté par le Ministère et qualifié de « communautariste », a pris de l’ampleur (débats télévisés, articles de presse etc…), on voit fleurir ici et là des contributions pour le moins curieuses. La plus hilarante est celle d’un collègue de B. Alaric qui se fend d’un long texte ressemblant à la dissertation d’un élève besogneux, bourrée de citations ou de références à des auteurs/des ouvrages prestigieux. Ce texte est pompeusement intitulé « A propos des humanités créoles et d’un problème plus général » et l’auteur, d’entrée de jeu, se pose « en tant que philosophe ». Il signe d’ailleurs son propos : « docteur en philosophie ». S’agit-il d’une naïveté ou d’un désir d’en imposer au vulgum peccus ? Les deux sans doute car chacun sait qu’il y a un monde entre un « philosophe » et un « professeur ou docteur en philosophie ». De même qu’il y a un monde entre un docteur en littérature et un écrivain, entre un professeur de mathématiques et un mathématicien.

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