Selim Lander

Clôture du Martinique Jazz Festival 2018

— Par Selim Lander—

Le festival 2018 aura vraiment apporté le jazz au public martiniquais, avec des concerts gratuits sur l’esplanade de l’Atrium mais également à Trois-Îlets, au Lamentin, à Rivière-Salée, au Prêcheur suivis par une assistance nombreuse et souvent passionnée, une vingtaine de concerts en tout, étalés sur une grosse semaine. Les amateurs de la musique classique aimeraient bénéficier d’une aussi riche programmation ! Mais ne crachons pas dans la soupe et félicitons-nous plutôt de l’existence de ce festival, en attendant les « Petites Formes » théâtrales en janvier et les RCM en mars.

La dernière soirée « de prestige », dans la grande salle de l’Atrium, a fait place successivement au pianiste martiniquais Ronald Tulle et à la chanteuse américaine Lisa Simone, deux prestations de qualité quoique dans des genres très différents. Ronald Tulle s’était en effet adjoint pour la circonstance, à côté d’un batteur et d’un percussionniste martiniquais, le bassiste Michel Alibo et le chanteur Tony Chasseur, bien connu chez nous, tous deux emblématiques d’une certaine musique antillaise revigorée par des accents jazzy. Lisa Simone et sa musique groove pour sa part accompagnée par un trio éclectique parmi lesquels on notait la présence d’un batteur d’origine guadeloupéenne. 

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Deux monstres sacrés du cinéma : Lars Van Trier et Spike Lee

Par Selim Lander —

Lars Van Trier : The House that Jack Built

Le cinéma réserve bien des surprises ; c’est ce qui fait son charme, même si toutes les surprises ne sont pas agréables. Ainsi de The House that Jack Built, le dernier film de Lars Van Trier qui s’enlise assez vite malgré un début tonitruant et sombre à la fin dans le ridicule avec une représentation de l’enfer (pas un enfer métaphorique : le vrai !) cheap et kitch. Il est vrai que regarder les exploits d’un tueur en série pendant presque deux heures devient vite lassant, même si ce dernier (Matt Dillon) est un extraordinaire manipulateur qui parvient toujours à se sortir des situations les plus dangereuses, … jusqu’au moment où le diable (Bruno Ganz) vient réclamer son dû. On se demande d’ailleurs pourquoi (aucun pacte satanique n’ayant été passé) et pourquoi à ce moment-là de l’intrigue (?) Le film est interdit au moins de 16 ans, ce qui se conçoit : conformément aux règles du genre, certaines images s’avèrent difficilement soutenables. On peut, sans dévoiler le scénario, mentionner la séquence au cours de laquelle Jack, notre sinistre assassin, après avoir attiré à la campagne une mère et ses deux jeunes enfants se met à leur tirer dessus comme des lapins… Peu adepte, nous-même, des jeux de massacre – cinématographiques ou non – nous préférons garder en mémoire le prologue du film, la scène qui décida de la vocation de tueur, laquelle scène fait intervenir une dame victime d’une crevaison, une « emmerderesse » si horripilante que l’on comprend qu’un individu psychologiquement fragile comme Jack finisse par « péter les plombs ».

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« J’ai soif » : devoir de mémoire

— Par Selim Lander —

« Vous le répèterez à vos enfants », telle est la phrase conclusive de l’hommage aux déportés de la deuxième guerre mondiale orchestré par Serge Barbuscia. Orchestré s’impose ici car la plus grande partie du temps est occupée par la musique des Sept dernières paroles du Christ en croix de Haydn interprétée au piano, le comédien – S. Barbuccia lui-même – intervenant sporadiquement pour distiller de brefs extraits de Si c’est un homme de Primo Levi.

« Vous le répèterez à vos enfants » … qu’il y eut cette abomination du massacre de millions de juifs dans des camps de la mort ou ailleurs sous l’égide du sinistre Hitler. Et sans doute en effet, nos enfants ont-ils besoin d’apprendre cette histoire, particulièrement en ces temps troublés où beaucoup de jeunes et de moins jeunes sans mémoire se laissent aller trop facilement à des réflexes xénophobes, autant d’ailleurs du côté des opprimés que des oppresseurs…

Un théâtre politique pétri de bonnes intentions n’est cependant pas nécessairement du bon théâtre. Soucieux de ne pas les agacer, nous ne renverrons pas une fois de plus nos lecteurs à notre article d’Esprit sur la question, rappelons simplement que le théâtre politique n’atteint que rarement sa cible, d’abord parce que le théâtre – particulièrement le théâtre engagé –  demeure – et certes, on le déplore – un théâtre élitiste.

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Cinéma – « Cold War », « Ultra rêve »

 — Par Selim Lander —

Cold War de Pawel Pawlikowski : magistral.

Au premier plan, une route et un grand arbre, le tronc nu presque jusqu’à mi-hauteur avant les branches qui forment comme une boule touffue ; derrière un champ de maïs avec un ciel gris, une pâle lumière d’hiver, même si l’absence de neige, les feuilles de l’arbre et le maïs appartiennent plutôt à la fin de l’été ; du vent dans les feuilles : cette image en noir et blanc résume à elle seule un premier aspect du film, son esthétique sobre et sombre à la fois : nous sommes en effet après-guerre, en Pologne, il fait froid, on porte des longs manteaux.

Autre image, un cœur de jeunes filles qui chantent a capella sur une musique traditionnelle ; la beauté de la mélodie, la fraîcheur des interprètes, leurs sourires mêmes ne parviennent pas à dissiper l’atmosphère pesante des pays de l’Est avant la perestroïka.

Une dernière image, une boite de jazz à Paris, une femme qui chante en polonais accompagnée au piano par son amoureux, polonais lui aussi.

Ces deux-là sont les personnages principaux du film de Pawlikowski – partiellement inspiré de l’histoire de ses propres parents – reparti avec le prix de la mise en scène lors du dernier festival de Cannes.

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« Mémoires d’îles », une pièce d’Ina Césaire

Vendredi 16 novembre 2018 à 20 h. Tropiques-Atrium

— Par Selim Lander —

Ina Césaire, née en 1942, quatrième enfant d’Aimé et Suzanne Césaire, est connue en dehors de ses œuvres littéraires pour ses travaux ethnographiques sur la Martinique. Mémoires d’îles peut être considérée comme un sous-produit de ces derniers, tant l’auteur s’y entend à faire vivre des personnages plus vrais que nature, ici deux vieilles femmes nées à la fin du XIXe siècle, avec leur préjugés, leurs obsessions, leurs tics de langage.

Ces deux-là sont demi-sœurs, qui partagent le même père et même sans doute davantage. Tout devrait pourtant les séparer et si elles sont ici réunies à l’occasion d’un mariage, il est clair qu’elles ne se rencontrent pas tous les jours, ce qui explique qu’elles aient tant de choses à se raconter. La pièce est construite sur l’opposition binaire entre Hermancia et Aurore. L’une négresse « bitaco », l’autre institutrice mulâtresse. L’une marmonne La Main noire, un chant d’incantation magique, tandis que l’autre se perd dans un Ave Maria. L’une qui mélange son français de créole et ponctue ses phrases de « Eh oui, eh oui » ou « tout bonnement », s’obstine à évoquer la « renonce », là où l’autre, fière de son bon parler, insiste : c’est « communion solennelle » qu’il faut dire[i].

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« Une Maison de poupée » d’Henrik Ibsen les 15, 16 et 17 novembre

— Par Selim Lander —

Il nous est arrivé d’émettre l’hypothèse qu’Ibsen soit le plus grand dramaturge du XIXe siècle, toutes langues confondues. Ce n’est pas Une Maison de poupée, reconnue comme l’une de ses meilleures pièces, qui nous fera changer d’avis, surtout dans l’interprétation qu’en donnent Florence Le Corre (Nora) et Philippe Calvario[i] (Torvald Helmer) dans la M.E.S. de Philippe Person (qui joue lui-même Krogstad).

Il n’est peut-être pas anodin de savoir que cette pièce féministe (écrite en 1879) fut inspirée d’un fait réel. Une certaine Laura, une amie du couple Ibsen, vécut une histoire semblable à celle de Nora de la pièce, en plus tragique. Nora comme Laura ont emprunté de l’argent pour soigner leur mari malade, mais là où la Nora de la pièce voit son problème résolu par un « miracle » et quitte son mari la tête haute, la vraie Laura fut contrainte au divorce et internée dans un asile !

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Cinéma : Sofia, Les Vieux Fourneaux

— Par Selim Lander —

Sofia de Meyrem Benm’Barek

Un film de la sélection un certain regard récompensé par le prix du scénario à Cannes en 2018. On s’attend donc à une construction sophistiquée avec une construction non linéaire, des retournements de situation inattendus, or ce n’est pourtant pas ce qu’offre ce film qui vaut plutôt par la peinture de quelques femmes marocaines à l’âme bien trempée… contrairement au personnage éponyme dont l’attitude geignarde agacerait plutôt. Sofia est enceinte sans le savoir et même tellement enceinte qu’elle est sur le point d’accoucher quand débute le film. La condition féminine, le tabou sur les relations sexuelles avant le mariage sont des thèmes récurrents dans les films marocains, ce qui s’explique par l’hypocrisie qui prévaut dans ce pays l’égard de tout ce qu’interdit une religion obscurantiste mais toujours officielle, dans un pays qui avance néanmoins à grand pas dans la modernité. Donc Sofia est enceinte sans le savoir et sans, bien évidemment, être mariée. Lorsque le bébé naît, elle ne peut plus ni se le cacher ni le cacher. Pour l’honneur de la famille, il faut vite épouser.

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Un artiste méconnu

Par Selim Lander

Il existe sur les hauteurs de Fort-de-France une route à l’écart de la circulation prisée par les sportifs. Trois kilomètres à plat à parcourir dans les deux sens en marchant, en courant ou à vélo autant de fois que désiré. Le paysage agreste, gouffres profonds, arbres géants, lianes qui tombent depuis le haut des cimes, fleurs exotiques et oiseaux joueurs, seulement ponctué par quelques modestes demeures avec parfois une chèvre alanguie, ou le vestige d’une installation périmée, inspirerait au romantisme si nous n’étions en Martinique, terre des paradoxes, le moindre n’étant pas que les édiles qui ne cessent de vanter la vocation touristique de l’île ne se pressent guère pour envoyer sur le terrain les employés des services techniques municipaux ou autres afin qu’ils effectuent les travaux de nettoyage et d’entretien qui leur incombent. C’est en particulier le cas de cette route bordée de divers « encombrants » (réfrigérateur ou congélateur rouillé, canapé défoncé, …) et autres VHU (véhicules hors d’usage), tandis que des fils électriques peuvent traîner sur le sol pendant des mois, avant que quiconque se décide à intervenir.

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Exposition Hugues Henri à la villa Chanteclerc jusqu’au 28 octobre

Fantômes Caraïbes

Cette exposition d’Hugues HENRI perpétue la recherche par cet artiste d’un retour des Caraïbes, ces « Indiens » génocidés, pour la plupart disparus à l’exception des survivants dans la réserve de la Dominique et des îles Karifugas le long du Belize. Il s’agit d’une fiction artistique, non d’une reconstitution basée sur des recherches scientifiques, historiques, archéologiques et anthropologiques.

Les moyens utilisés par Hugues Henri sont traditionnellement plastiques et picturaux mais aussi composites. « La colle ne fait pas le collage ! » avait l’habitude de dire Max Ernst, par rapport à sa démarche néodadaïste du photomontage. Pour lui, l’idée de montage provocateur et d’assemblage insolite dominait par rapport au « faire » du collage inauguré par les « papiers collés » cubistes de Georges Braque et de Pablo Picasso initié dans leur volonté de dépassement des catégories traditionnelles par le recours aux signes matériels du quotidien, papier journal, papier peint, faux bois, faux marbre, etc.

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Cinéma : alerte écologique, voyous marseillais

— Par Selim Lander —

Décidément, les cinémas Madiana ont du mal à respecter leur programmation. Il semblerait qu’il n’y ait d’autre solution pour s’informer des films effectivement projetés que d’aller le jour-même sur le site du cinéma. Que font dans ce cas les malheureux privés d’internet ? Sans doute la direction du cinéma les tient-elle comme quantité négligeable, estimant que son public n’est constitué, « globalement », que de gens connectés, ce qui est probablement vrai, même dans notre Martinique au taux de chômage record (nous nous comptons personnellement parmi les quelques dinosaures non connectés en permanence promis à l’extinction prochaine). Tout cela pour dire que le film La Sapienza, prévu le 19 octobre, a été annulé sous prétexte de l’inauguration du cinéma rénové (comme si cette inauguration n’avait pas été planifiée à l’avance !) et que ce dimanche 21, c’est le film Girl qui a été déprogrammé au profit de Shéhérazade.

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La Terre vue du cœur

Titre mélo pour un film de propagande écologique mais passons, de même que nous passerons sur la présence d’Hubert Reeves en tête d’affiche, alors que sa prestation est bien moins intéressante que celle des chercheurs qui interviennent par ailleurs.

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« La Danse des trois ponts » : et de trois !

— Par Selim Lander —

Jamais deux sans … trois : après Trois visages, de Jafar Panahi, au cinéma, Trois ruptures, de Rémi de Vos, au théâtre, la semaine dernière, voici donc, cette semaine, La Danse des trois ponts, à nouveau au théâtre. En dehors de cette redondance troublante, il est bien difficile au critique de s’exprimer face à ce … troisième spectacle. Sa présence dans la programmation officielle de Tropiques-Atrium est une énigme. Car si l’on voit souvent du théâtre amateur très abouti, on ne saurait en dire autant de cette pièce écrite et mise en scène par Nady Nelzy, qui manque totalement de rythme, avec des comédiens qui n’ont d’autre arme que leur naturel pour interpréter leur personnage.

La pièce est située à Saint-Pierre avant la catastrophe, par mauvais temps : pluies abondantes et rivières qui sortent de leur lit, comme on l’a connu récemment. La ville basse de Saint-Pierre s’enorgueillissait de trois ponts : des Roches, de la Roxelane et des Ursulines, d’où le titre de la pièce. Sur l’un d’eux était prévue une ronde Bèlè pour la jeunesse.

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Cinéma : « Trois visages », « Burning »

— Par Selim Lander —

Trois visages de Jafar Panahi

Ouverture de la saison cinéma 2018-2019 de Tropiques-Atrium avec Jafar Panahi, cinéaste maudit par le régime iranien qui le condamne à faire des films avec des bouts de ficelle, ce qu’il compense par son inventivité, son sens de la construction cinématographique. Pour Trois visages il a disposé néanmoins d’un peu plus de moyens que pour Taxi Téhéran que l’on avait déjà pu voir – et apprécier – toujours grâce à Tropiques-Atrium et à son « monsieur cinéma », Steve Zebina.

Trois visages a reçu le prix du scénario au dernier festival de Cannes. De fait, pendant presque tout le film (la fin s’avérant un peu décevante), on est subjugué par la manière dont Panahi instille le douce dans l’esprit du spectateur. Tout commence avec la vidéo de Marziyeh, une jeune fille qui a filmé son suicide sur son téléphone. Son film est destiné à Behnaz Jafari, une star de la télévision iranienne accusée par Marziyeh de ne pas avoir répondu à ses appels à l’aide, car sa famille paysanne s’oppose à sa vocation de comédienne.

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Trois ruptures en mode théâtre

Par Selim Lander

Qui, ayant découvert une incompatibilité soudaine ou couvant depuis longtemps, a connu la séparation d’avec son ou sa conjoint(e), sait bien qu’il n’y a pas matière à rire. Mais cela c’est dans la vraie vie. Au théâtre il est permis de voir les choses autrement. Et il faut bien reconnaître que, considérés d’un peu loin par des observateurs non impliqués, les arguments ou autres subterfuges mis en œuvre par les parties ne sont pas toujours dépourvus d’un certain ridicule.

Le Théâtre municipal a ouvert sa saison 2018-2019 avec une pièce à sketchs de Rémi de Vos qui présente trois situations au départ banales mais qui dérivent vers des conclusions qui ne le sont pas. Quoi de plus banal, en effet, qu’un conjoint qui ne supporte plus de cohabiter avec le chien de l’autre ou que des parents qui n’en peuvent plus de devoir gérer un enfant intenable ? Moins banal mais qui existe néanmoins, le cas où l’un des deux conjoints se découvre homosexuel et décide de vivre avec le nouvel objet de son amour. A partir de là, le talent de l’auteur est de nous conduire vers des fins que nous n’aurions pas spontanément anticipées.

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Gouverneur de la rosée : une tragédie, hélas !

— Par Selim Lander —

« Tu sais, le cœur et la raison, c’est du pareil au même. Tu diras […] : On répète comme ça que le garçon de Bienaimé, ce nègre qui s’appelle Manuel, a découvert une source. Mais il dit que c’est tout un tracas de l’amener dans la plaine, qu’il faudrait faire une coumbite général, et comme on est fâchés, ce n’est pas possible et la source restera là où elle est sans profit pour personne. » (Gouverneur de la rosée, p.121).

Le héros du roman de Jacques Roumain, s’adresse ainsi à son amour, la belle Annaïse, ou plus simplement Anna (« sa gorge était haute et pleine, et sous le déploiement de sa robe, la noble avancée des jambes déplaçait le dessin épanoui de son jeune corps », p. 113) pour lui exposer son projet : dans une contrée haïtienne ravagée par la déforestation et la sécheresse, il a, lui le miraculeux, trouvé à l’aide de ses mains (son nom est « Manuel) la source qui peut ramener la prospérité à condition que toute le village s’y mette (prolétaires, unissez-vous !).

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Le PABE en ses tribulations archipéliques – exposition collective à l’Atrium

— Par Selim Lander —

Le « PABE » – pour Plastik ArtBand Experimental, une association de plasticien.ne.s non-conformistes – occupe le paysage culturel martiniquais depuis une bonne dizaine d’années. Au fil des expositions de ce groupe à majorité féminine, on a pu découvrir des sensibilités artistiques très diverses, savantes ou naïves, des techniques sophistiquées ou plus frustes mais chez tous.tes le même enthousiasme, la même envie de laisser s’exprimer sa créativité. Ces artistes ont l’habitude de travailler ensemble depuis suffisamment longtemps pour faire groupe, ce qui n’empêche pas qui les a un peu fréquenté.e.s de reconnaître immédiatement la patte de chacun.e.

L’exposition collective qui vient de s’ouvrir à Tropiques- Atrium sous l’intitulé Tribulations archipéliques et qui se prolongera jusqu’au 10 novembre confirme cette diversité qui fait la richesse du groupe. Emmenés par les peintres Michèle Arretche et Marie Gauthier dont on connaît le métier, les « pabistes » ont abordé le thème de l’île en utilisant tous les procédés possibles, du tableau peint à l’ancienne sur une toile jusqu’à la vidéo en passant par la sculpture, la céramique, l’installation, le collage, la photo.

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L’art cubain contemporain à la Fondation Clément

—Par Selim Lander —

Grâce à une politique de formation très active, avec des écoles d’art disséminées dans les provinces, dont les meilleurs éléments se retrouvent ensuite à l’Institut Supérieur des Arts de La Havane, Cuba est une pépinière de plasticiens de grand talent. Aussi n’était-ce que justice, de la part de la Fondation Clément, que de faire connaître quelques-uns d’entre eux à son public. C’est chose faite avec l’exposition Buena Vista – art contemporain de Cuba qui présente les œuvres de dix-huit créateurs en mettant l’accent sur leur diversité, de l’abstraction à la vidéo d’animation. Notons que certains d’entre eux (Abel Barroso, Sandra Ramos, Lazaro Saavedra, Toirac) étaient déjà regroupés lors de la 12e Biennale d’art contemporain de la Havane, en mai-juin 2015, dans l’exposition intitulée El pendulo de Foucault[i] et qu’Abel Barroso avait en outre été le sujet d’une exposition individuelle à la Fondation Clément au tout début 2015.

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Humeur – La martingale d’Air France : le low cost au prix du luxe

— Par Michel Herland —

Comment essayer de gagner sa vie contre des concurrents meilleurs que vous sur le plan de la qualité, offrant pour le même prix que vous des prestations incomparablement supérieures, ou inversement capables de fournir à leurs passagers des prestations basiques pour un prix bien inférieur au vôtre ? On connaît la stratégie officielle d’Air France : préserver une image de luxe en serrant autant que possible les coûts afin de ne pas perdre d’argent. Une stratégie doublement vouée à l’échec, parce que le luxe coûte cher par définition et en raison des exigences démesurées d’un personnel naviguant qui vit encore avec les habitudes d’antan, lorsque la concurrence n’était pas ce qu’elle est devenue, et se comporte en enfant gâté. On ne sait que trop l’attitude déraisonnable des pilotes qui se considèrent propriétaires de la compagnie, leurs grèves à répétition qui plombent autant l’image d’Air France que ses finances[i].

C’est ainsi que les clients ont vu peu à peu se dégrader la qualité du service. Exit donc l’image de luxe de la compagnie sauf pour les passagers de l’avant.

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Avignon 2018 : Marianne Piketty – Abdelwaheb Sefsaf – OFF (musiques)

— Par Selim Lander —

Pour finir cette session 2018 du festival, deux spectacles musicaux aux antipodes l’un de l’autre, de la musique classique à celle d’aujourd’hui. Autant dire que l’appréciation que l’on en fera est surdéterminée par les goûts de chaque auditeur/spectateur.

Le Concert idéal

Drôle de nom pour l’ensemble de cordes de Marianne Piketty, car enfin quelle œuvre humaine pourrait raisonnablement se qualifier ainsi, l’idéal n’étant pas par définition inatteignable ? Peu importe, à vrai dire : nous sommes là pour écouter de la musique, ou plutôt écouter-voir puisque le charme des concerts de cet ensemble tient autant à leur mise en scène qu’à la qualité de l’interprétation. C’est en effet une très bonne idée que d’ajouter à l’écoute des morceaux une « lecture visuelle », les déplacements des musiciens sur le plateau mettant en évidence la contribution de chaque instrument à la partition comme aucun concert traditionnel – chaque instrumentiste assis à sa place devant son pupitre – n’est capable de la faire. Point de chaise ici (sauf pour la violoncelliste), les autres instrumentistes jouent debout et peuvent s’éloigner de leur pupitre (sauf la contrebassiste et donc la violoncelliste) lorsque le moment est venu pour elles (ou eux) de se mettre en valeur.

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Avignon 2018 : Jean-Michel d’Hoop – Hakim Bah – (Off)

L’Herbe de l’oubli : Tchernobyl

— Par Selim Lander —

Dans ou devant une carcasse de maison des personnages passent et repassent, de drôles de personnages avec des cous trop longs, des têtes trop grosses quand ce n’est pas l’ensemble qui est énorme chez eux. Il y a encore sur le plateau une sorte de chat monstrueux et même un cheval mort. Et j’oubliais le petit garçon à l’allure très étrange qui bouge comme un pantin. Ces êtres-là ne sont pas plus de vrais humains que de vrais animaux mais ils pourraient l’être puisque nous sommes à Tchernobyl (Tchernobyl : l’absinthe en ukrainien, soit l’herbe de l’oubli), pas dans la centrale, bien sûr, mais à côté, dans la zone d’exclusion (la « réserve radiologique naturelle » – sic) ou juste autour. Des membres de la compagnie Point Zéro sont allés enquêter sur place. Ils ont rapporté des images, des témoignages à partir desquels J.-M. d’Hoop (auteur et M.E.S.) a bâti un spectacle remarquable, instructif, émouvant, drôle parfois et éminemment poétique grâce aux marionnettes (de Ségolène Denis) dont la compagnie s’est fait une spécialité. Une seule marionnette à fils, celle du petit garçon, les autres sont des êtres hybrides, une grand-mère par exemple sera faite d’une comédienne dont un bras figurant le cou a la main dans la tête de la marionnette, tandis que l’autre bras est enfilé dans sa robe.

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Avignon 2018 Gaudillère : « Pale Blue Dot » – IN

— Par Selim Lander —

Wikileaks

Dernier spectacle du IN en ce qui nous concerne, Pale Blue Dot est consacré à « l’affaire Wikileaks ». Du théâtre documentaire solide, concocté (texte et m.e.s.) par Etienne Gaudillère, jeune comédien qui a créé sa compagnie « Y » en 2015 avant de monter Pale Blue Dot l’année suivante. Le titre serait tiré de la description de la terre vue par la sonde Voyager à quelques milliers de kilomètres : un point bleu pâle. Disons alors que la pièce est un zoom sur quelques individus qui voulaient « changer le monde » (au sens de notre petite terre perdue dans l’univers), à commencer par Julien Assange, fondateur de Wikileaks à la personnalité très affirmée, toujours confiné dans l’ambassade d’Equateur à Londres et le soldat Bradley (devenu Chelsea) Manning qui a approvisionné Wikileaks avec des « tonnes » de documents très compromettants pour l’armée et l’administration américaines.

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Avignon 2018 Phia Ménard – Julie Otsuka/Richard Brunel – IN

— Par Selim Lander —

Saison sèche

Incontestablement l’un des événements du festival, très longuement applaudi, Saison sèche passe en force et ne peut pas laisser indifférent. Phia Ménard est une femme qui fut jadis un homme. Militante, elle n’a de cesse dans ses pièces chorégraphiées de dénoncer l’oppression de la femme par l’homme. Il s’agit donc de danse, une danse très contemporaine destinée à produire sur le spectateur des chocs à répétition. Le premier tableau montre des femmes vêtues d’une courte combinaison blanche dans un espace lui-même tout blanc pourvu d’un plafond qui monte et descend jusqu’à presque écraser les sept danseuses, comme pour mieux illustrer la domination de la société patriarcale. Vient ensuite le tableau de la danse rituelle inspirée de la secte des Haukas, au Ghana, filmée par Jean Rouch (Maîtres fous) : entièrement nues, peinturlurées de couleurs vives, les danseuses semblent effectivement se livrer à un rituel magique.

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Avignon 2018 Gaëtan Peau : « Le Corps en obstacle » – OFF

— Par Selim Lander —

C’est paradoxal mais c’est ainsi : Il n’est pas si facile de voir sur « la plus grande scène de théâtre du monde » une « vraie » pièce écrite pour le théâtre dans les règles de l’art, pas un seul en scène, pas un texte adapté d’un roman ou d’un journal intime, pas un spectacle poétique ou musical ou de cirque. Les festivaliers ont dû s’habituer à ces nouvelles formes qui comportent, bien sûr, leur part de réussite mais enfin les amateurs du « vrai théâtre » ont de quoi se sentir frustrés. Aussi se réjouissait-on à l’avance de découvrir, au Verbe incarné, la pièce de G. Peau qui se situe dans le monde des agences de sécurité dont les employés mettent leurs « corps en obstacle ».

Dès l’entrée dans la salle, on pressent qu’il va se passer quelque chose d’intéressant. A jardin, un bureau, une table plutôt, chargée de quelques dossiers ; à cour, des instruments de salle de sport, un banc pour le développé-couché, un sac de frappe pour boxeurs, quelques haltères. Le patron de la boite, comme on l’apprendra bientôt, est un ancien boxeur amateur qui tient à l’entraînement sportif de son personnel.

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Avignon 2018 : El Attar – Lagarce – IN

— Par Selim Lander —

Mama

De Ahmed El Attar, on avait vu, en 2015, The Last Supper, une immersion plutôt fascinante dans une famille de la grande bourgeoisie égyptienne, qui valait autant par son caractère ethnographique que pour les quelques éléments d’intrigue qui s’y nouaient. Avec Mama que l’on nous annonce comme le dernier volet d’une trilogie après La Vie est belle ou en attendant mon oncle d’Amérique et The Last Supper, El Attar a voulu, selon ses déclarations et contrairement aux deux pièces précédentes, mettre les femmes au centre de l’action, pour faire ressortir plus clairement une problématique centrale de la famille égyptienne suivant laquelle les femmes opprimées par leurs pères et maris se rattrapent, en quelque sorte, sur leurs fils qu’elles enferment dans un amour possessif, si bien que le fils se rattrapera à son tour sur son épouse et ses propres filles et ainsi de suite…

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Avignon 2018 Anne Voutey – Vincent Roca – OFF

— Par Selim Lander —

Sur la route (la mort de Sandra Bland)

Une jeune afro-américaine est morte victime des violences policières. De ce fait divers réel Anne Voutey – dont la m.e.s. du Gardien (de Pinter), avait obtenu le prix du meilleur comédien aux Ptits Molières en 2015 – a tiré une pièce émouvante interprétée par trois comédiennes (en alternance, ce qui explique qu’elles soient cinq sur l’affiche). La comparaison avec La Reprise de Milo Rau présentée dans le IN cette année s’impose en raison de la proximité des thèmes. Dans La Reprise Ihsane Jarfi est battu à mort par de « pauvres types » parce qu’il est homosexuel et « arabe », dans Sur la route la victime d’un policier (on la retrouvera pendue dans sa cellule trois jours après son arrestation) est jeune et noire. A cela près, on a affaire à la même bêtise raciste chez les assassins. Or on ne peut imaginer des traitements plus différents de ces faits divers similaires que ceux imaginés par les deux auteurs-metteurs en scène. Là où Rau tourne autour du personnage d’Ihsane, en s’intéressant aux parents, aux meurtriers, etc.,

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Avignon 2018 Vandalem – Couperus/van Hove – IN

— Par Selim Lander —

Arctique

Anne-Cécile Vandalem avait marqué le festival, il y a deux ans avec Tristesses, déjà une sombre histoire de corruption mettant en scène une politicienne danoise, à ceci près que l’action se déroule non sur une île mais sur un paquebot désaffecté remorqué vers le Groenland (possession danoise) où il servira d’hôtel. La raison pour laquelle quelques passagers clandestins se retrouvent à bord demeure longtemps obscure. Par contre on comprend assez vite que le bateau a heurté une plate-forme pétrolière lors de sa première croisière, que des écologistes ont été déclarés responsables, jugés, que le mouvement écologiste danois a été de ce fait décapité et que son chef, Mariane Thuring, est morte pendant cette traversée. La suite est une série de coups de théâtre pour nous apprendre ce qu’il fut réellement et à quelle fin les passagers ont été attirés sur le bateau.

La mise en scène d’A.-C. Vandalem ne déçoit pas. L’usage de la vidéo se justifie ici pleinement car il permet de sortir du salon où sont réunis les comédiens face au public pour visiter divers lieux du paquebot (le pont, une coursive, une cabine de passager, la cabine du radio, la cale) construits dans un second décor derrière le premier.

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