HDN – Opéra d’un Tout Monde

Samedi 25 mai – 19h30 Tropiques-Atrium

D’après Histoire de Nègre, texte original d’Édouard Glissant et le groupe de théâtre de l’Institut Martiniquais d’Études (IME)
Adaptation et mise en scène : 
Gilbert Laumord
Avec la collaboration artistique
 de Tanbou Bô Kannal, Atelier Théâtre Tropiques Atrium et Voukoum-Mouvman Kiltirèl Gwadloup

50 ans après sa création, voici la première production de cette pièce qui relate les luttes noires contre l’oppression et pour la dignité humaine, une histoire qui gagne aujourd’hui encore à être racontée.

Édouard Glissant, métamorphosé en conteur, invite son auditoire à vivre l’histoire de la colonisation et de l’esclavage, une histoire faite de sang, de chaînes, de domination et de luttes pour la liberté et la justice. Cette histoire célèbre les héros de la résistance et de l’indépendance et engage le spectateur dans une marche épique depuis la terre mère africaine jusqu’aux Amériques en passant par l’Europe.

Héritier du chantre de la Créolisation, le metteur en scène Gilbert Laumord défend un théâtre ancré simultanément dans la tradition caribéenne ancestrale et ouvert sur le monde contemporain : il puise dans les contes créoles et dans le rituel guadeloupéen du Léwòz pour construire un spectacle transversal qui parle à tous les publics.

Il y a 53 ans… déjà

— Par Hélène Lemoine —

L’Institut Martiniquais d’Études (IME), aujourd’hui Lycée de l’Union, fondé en 1967 par le philosophe Édouard Glissant, a toujours eu pour vocation de servir non seulement d’établissement d’enseignement, mais aussi de complexe culturel. Dans cet esprit, l’IME a initié de nombreux projets culturels visant à ouvrir les esprits aux problématiques du monde contemporain, à susciter l’audace créatrice et à élargir la conscience sur l’environnement caribéen.

C’est dans ce cadre que s’inscrit la pièce Histoire de nègre, une œuvre théâtrale ambitieuse et profondément enracinée dans la mémoire coloniale. Cette pièce est un montage original de textes variés, provenant de différentes origines, qui traitent de l’histoire noire et de l’héritage culturel des Antilles. Conçue et mise en scène par le groupe de théâtre de l’IME sous la direction d’Édouard Glissant dans les années 1970, elle vise à rendre le théâtre accessible à un public populaire et à reconnecter la population locale avec son histoire et sa littérature.

Histoire de nègre est née d’un processus collaboratif où des professeurs de l’IME, issus de divers horizons du bassin caribéen, ont sélectionné et adapté des textes en fonction de leurs affinités et de leurs connaissances. Ce travail collectif reflète l’ouverture interculturelle et la diversité linguistique, un écho de la philosophie de Glissant. Cette diversité se retrouve également dans la composition du groupe théâtral, qui inclut des acteurs bénévoles provenant de différents milieux professionnels et sociaux.

Les répétitions pour la pièce ont été difficiles, malgré la présence d’acteurs ayant une certaine expérience théâtrale. Glissant a insisté sur la clarté, la force et le rythme des voix sans l’aide de micros, ce qui demandait un grand effort. Les répétitions se faisaient souvent le soir et les week-ends, en plus des tâches quotidiennes des participants comme la préparation de cours et la correction de copies. La pièce, structurée en trois parties – l’esclavage et la colonisation, les luttes de libération, et le néocolonialisme – comprenait des textes écrits par Glissant pour assurer la cohésion de l’ensemble, incluant le prologue et des passages pour le personnage mythique joué par Georges Donzenac.

Les représentations se faisaient dans des lieux publics accessibles, tels que les marchés et les places publiques, afin de toucher directement le public populaire. Cette démarche innovante visait à démocratiser l’accès à la culture théâtrale, alors souvent réservée à une élite. Les représentations ont suscité des réactions variées du public, parfois espiègles, comme le lancement de petites pierres ou des interventions humoristiques pendant les répliques. Cependant, la pièce a globalement été bien reçue, même par des publics de paysans et de pêcheurs, qui ont compris les messages malgré l’utilisation du français plutôt que du créole. Les critiques des intellectuels portaient sur ce choix linguistique, mais l’objectif était de faire découvrir de grands textes aux gens du peuple.

Les projections de diapositives étaient rudimentaires, avec un drap comme écran. Le succès de Histoire de nègre a encouragé le groupe à continuer, jouant ensuite une pièce de Daniel Boukman. Les représentations se faisaient surtout en communes par peur de la capitale Fort-de-France, bien que des performances dans des quartiers populaires comme Volga-Plage aient également bien fonctionné. Une anecdote révèle la bienveillance des habitants qui croyaient que le groupe montait une maison au lieu d’un décor de théâtre.

L’impact de Histoire de nègre s’étend bien au-delà de la Martinique. La pièce, récemment traduite en anglais et représentée aux États-Unis, continue de résonner puissamment dans des contextes contemporains, en soulevant des questions d’inégalité, de violence et d’exploitation. Elle incarne un théâtre chargé de poésie et de beauté, tout en portant un message social et historique fort, ce qui lui confère une pertinence durable.

En revisitant et en représentant cette pièce aujourd’hui, c’est honorer l’héritage de Glissant et de l’IME, en rappelant l’importance de la mémoire coloniale et de la transmission culturelle. Histoire de nègre est plus qu’une simple pièce de théâtre; c’est une invitation à la réflexion collective et à la prise de conscience historique, culturelle et sociale.

Par Hélène Lemoine, d’après « Histoire de nègre ou le début d’une “aventure théâtrale” avec Édouard Glissant et l’Institut Martiniquais d’Études : Entretien avec Juliette Éloi-Blézès
Nouvelles Études Francophones, Volume 30, Numéro 2, Automne 2015, pp. 42-56.
https://muse.jhu.edu/article/612227
Published by the University of Nebraska Press.
http://unp-bookworm.unl.edu/catalog/CategoryInfo.aspx?cid=163

 

Production : Compagnie SIYAJ
Coproduction : 
L’Artchipel Scène Nationale de Guadeloupe, Cap Excellence – le Centre Culturel Sonis

Texte Édouard Glissant et le groupe de théâtre de l’Institut Martiniquais d’Études.
Adaptation, direction artistique et mise en scène Gilbert Laumord
Conseillère dramaturgique Emily Sahakian
Directeur musical et interprète de divers rôles Klòd Kiavué
Comédien·ne·s Lucile Kancel, Varenthia Anthoine et Harry Baltus
Scénographie et Assistante à la mise en scène : Bénédicte Marino
Costumes Ludovic Bibeyron
Lumière Roger Olivier
Musique Jean-Michel Lesdel
Co-compositeurs Harry Baltus, Lucile Kancel
Réalisation infographique Junsunn Lo
Son Steve Lancastre
Chants, jeu, musique, boulagyèl VOUKOUM Mouvman Kiltirèl Gwadloup
Mas Sydney Rénia (Lespwi Virjilan) │ Jason Delannay │ Axel Lauvagne │ Marylène Gace Richard │ Séverine Barsine │ Indgy Vaitilingon │ Mélissa Bataille │ Mellissa Jeannette │ Jonael Serin │ Saida Lesueur │ Yann Saint Félix
Musiciens Sébastien Simonnet │ Marius Numa │ Krisley Deshayes │ Sadi Sainton
Acteurs complices Caroline Gorvien (Désatanizez) │ Benjamin Tocny │ Gladys Rénia │ Émilie Dorante │ Rita Deshayes │ Maddly Etien
Enfants Jeylan Darly │ Jahya Dorante-Rangassamy │ Jaïs Catho │ Mirella Mathey │ Rhaïna Robert │ Naaliyah Amétis │ Jayl Amétis

 

Direction de production Elvia Gutiérrez

 

Voir aussi :

https://www.youtube.com/watch?v=QHXXvUiPTzg

Histoire de nègre ou le début d’une « aventure théâtrale » avec Édouard Glissant et l’Institut Martiniquais d’Études : Entretien avec Juliette Éloi-Blézès