Selim Lander

Films d’Asie

—Par Selim Lander —

Tel père tel filsLa sélection de films en VO présentée au mois de janvier dans le cadre du CMAC à Madiana a remporté un réel succès d’audience, avec certaines séances affichant complet. Cette affluence s’explique certainement par la qualité des films – tous asiatiques – qui ont fait l’objet de cette sélection. Et sans doute aussi parce que deux de ces films sont centrés sur le thème toujours porteur de l’enfance et qu’un troisième raconte une délicieuse histoire d’amour. Et encore parce que ces quatre films nous venaient d’Asie, un continent qui fascine autant par son exotisme que par les craintes qu’il suscite. Enfin (last but not least) tous ces films – y compris celui de Jia Zhang-Ke dont certaines séquences se passent dans un salon de massage ou dans un cabaret – sont caractérisés par une pudeur extrême, laquelle, avouons-le, contraste agréablement avec tant d’autres films qui en rajoutent sur la vulgarité.

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Jeanne Dark contre Pierpont Mauler, du théâtre politique d’avant-hier

—Par Selim Lander—

 Ste Jeanne des AbattoirsPour les lecteurs de Madinin’art qui n’auraient pas vu la pièce de Brecht présentée la semaine dernière au Théâtre municipal, c’est bien de Sainte Jeanne des Abattoirs qu’il sera question ici. Les ravages du capitalisme sauvage, plus particulièrement dans sa version mafieuse du Chicago des années vingt sont bien connus. Ils l’étaient certes moins quand Brecht écrivit sa pièce, en 1931 ; celle-ci possédait donc incontestablement à l’origine une force politique hélas disparue. Qui pourrait en effet se montrer encore naïf à l’heure de la mondialisation, des délocalisations et des paradis fiscaux, à l’égard d’un capitalisme qui affiche désormais son cynisme sans la moindre vergogne ? Cela étant, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleurs onguents, paraît-il, ce qui signifie en l’occurrence que les sujets ne sont jamais démodés au théâtre. Il n’en va pas de même de la manière de les traiter, et bien que le signataire de ces lignes n’ignore pas que nombreux sont ceux qui voient dans Brecht un auteur génial et au génie indémodable, il considère pour sa modeste part que si Brecht fut un auteur incontestablement important, qui a marqué l’histoire du théâtre, la plupart de ses pièces sont au contraire démodées.

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Mary Prince : le témoignage d’une esclave

—Par Selim Lander —

Affiche Mary Prince Light B (1)Mary Prince, née « vers 1788 » dans l’archipel des Bermudes, a été esclave jusqu’en 1833, date de l’abolition de l’esclavage par la Grande-Bretagne. Elle a laissé sur la condition servile un témoignage dont il n’existe pas l’équivalent en français. Les hasards de son existence l’avaient conduite à Londres où, après maintes tribulations, elle fut recueillie par Thomas Pringle, le secrétaire de la société anti-esclavagiste. C’est dans la maison de ce dernier qu’elle a dicté son récit, publié en 1831 sous le titre The History of Mary Prince, a West Indian Slave, ouvrage qui a connu deux rééditions la première année et n’a pas peu contribué à populariser la cause abolitionniste. Mary Prince raconte dans une langue sans fioriture mais avec peut-être d’autant plus d’éloquence les horreurs de l’esclavage. Elle le fait avec la naïveté d’un être simple, qui ne demande qu’à aimer et être aimé, qui a adhéré avec enthousiasme au christianisme, mais dont le destin a voulu que, après une enfance heureusement épargnée, elle tombe sur une série de maîtres vindicatifs et cruels. Les châtiments réservés aux esclaves étaient réputés plus durs dans les colonies anglaises que dans les colonies françaises (voir par exemple là-dessus le Père Labat).

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Cinéma en décembre

—Par Selim Lander —

hunger_games-2Heureuse moisson, ce mois de décembre, à Madiana, avec en particulier une sortie récente que l’on ne serait pas attendue à voir à l’affiche, Les Garçons et Guillaume, de et avec Guillaume Gallienne, ce comédien talentueux qui fait des lectures sur France Inter tous les samedis en milieu de journée – cette émission, « Un peu de lecture, ça peut pas faire de mal », d’autant plus prisée par les auditeurs martiniquais qu’il ne risquent pas de trouver l’équivalent sur les chaînes locales dont la programmation est toujours aussi vulgaire et désolante. Pour en revenir à ce film dont on peut résumer l’argument – un garçon que tout le monde croit homosexuel effectue un apprentissage de la vie compliqué avant de s’apercevoir que s’il aime beaucoup la féminité et les femmes, au point d’avoir voulu leur ressembler, il en est aussi tout simplement amoureux – c’est une merveille de grâce, de poésie, de délicatesse, avec ce qu’il faut d’humour et de recul de la part du principal protagoniste (interprété donc par l’auteur qui joue également le rôle de la mère) pour que cette histoire au fond douloureuse reste constamment légère.

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Les Écrits politiques de Césaire

Par Michel Herland –

Césaire1René Hénane dont on connaît les brillantes interprétations de la poésie de Césaire et de ses secrets (1), propose, en cette année du centenaire, une édition des Discours à l’Assemblée nationale du député de Fort-de-France (2). Ce volume constitue le premier d’une série consacrée aux Écrits politiques de Césaire, publiée chez Jean-Michel Place. Les césairophiles et césairologues gardent dans leur cœur une place particulière à cet éditeur auquel ils sont déjà redevables de deux instruments de travail extraordinairement précieux : le Glossaire césairien du même René Hénane (3) et la réédition en un volume des numéros de la revue Tropiques (4).

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« L’art singulier » s’expose à Paris

—Par Selim Lander —

Alex Grey La Halle Saint-Pierre, musée parisien dédié avant tout à l’art naïf, accueille en ce moment les œuvres de quatre vingt créateurs qui se rattachent plutôt, à un degré ou à un autre, à la catégorie de l’art brut. Une catégorie prise ici dans un sens très extensif, avec l’inclusion de quelques peintres passés par des écoles d’art. C’est par exemple le cas de quelqu’un comme Alex Grey, peintre psychédélique, ancien élève du Columbus College of Art and Design puis de la School of the Museum of Fine Arts de Boston. Et que faut-il penser, par ailleurs, de tous ces dessinateurs abonnés aux ateliers des institutions psychiatriques, à l’instar d’un Johann Garber pensionnaire de la « Maison des artistes » de l’hôpital de Klosterneuburg (Autriche) ? Comment évaluer dans leur cas la part qui revient aux art-thérapeutes dans leurs œuvres, sachant que, à côté de celles qui se résument à un geste dénué de toute sophistication, d’autres font preuve d’une étonnante maîtrise.

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Elle court et elle pleure, Adèle

— Par Selim Lander –

Adèle et EmmaEn contrepoint à l’article de Franck Nouchi déjà publié sur Madinin’art – Elle court, elle court, Adèle, à 16 ans, pour attraper le bus qui doit la conduire au lycée. Elle est en première, est touchée par la littérature lorsque celle-ci lui parle de l’amour et de ses affres : la Vie de Marianne, la Princesse de Clèves. Elle se cherche, s’ennuie, son regard est souvent noyé, elle est toujours un peu en marge des copines, elle veut aimer ou elle veut sentir le goût du sexe, les deux sans doute. Une camarade de classe, un lycéen de terminale, pourquoi pas essayer ? Quelquefois, la nuit, seule dans son lit, elle se donne du plaisir. Ses parents sont des gens simples et bienveillants ; on se régale de spaghettis bolognaise à la maison. Tout cela n’est pas suffisant pour une jeune fille à qui manque la mémoire de tout ce dont elle aurait été privée si elle était née plus tôt, ou ailleurs dans un pays de misère. Elle a mal à l’être. Heureusement il y a Emma, un peu plus mûre, la fille aux cheveux bleus, artiste, les beaux-arts, la peinture, une certaine assurance.

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Les danseurs de Robyn Orlin cherchent la beauté

—Par Selim Lander–

Beauty remained just a moment then returned gently to her starting position, une pièce du MIDM (Moving Into Dance Mophatong) de Johannesburg.

beauty remained 1Le Pavillon Noir d’Anton Preljocaj accueillait l’année dernière une très remarquable adaptation du Lac des Cygnes par Dada Masilo et les danseurs de la Dance Factory de Johannesburg. Cette année, la chorégraphe Robyn Orlin a présenté une pièce d’une toute autre nature, mais témoignant à nouveau de la créativité de la danse sud-africaine. Si Dada Masilo reste très proche de la danse classique, tout en l’africanisant, c’est plutôt l’inverse chez Robyn Orlin : elle conserve les figures africaines de base, se contentant de leur insuffler un peu de modernité. Est-ce la raison pour laquelle il y a finalement si peu de danse stricto sensu dans Beauty remained ? Car une grande partie du temps est utilisée autrement. Les spectateurs qui se sont vus remettre une petite bouteille d’eau à l’entrée sont invités à produire divers sons avec de l’eau dans la bouche, puis on leur demandera de lancer les bouteilles vides sur la scène où elles deviendront des accessoires pour les danseurs.

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Les Chiens de Navarre : du théâtre foutraque

—Par Selim Lande—

 Les Chiens de Navarre (Vieillir ensemble)Huit comédiens emmenés par un directeur, Jean-Christophe Meurisse, adeptes de l’improvisation collective et déconnante : de quoi faire circuler un peu d’air frais dans le monde souvent compassé du théâtre. Même s’il y eut des précédents, l’un des plus évidents étant le Grand Magic Circus de Jérôme Savary dans les années 1970. Comme ce dernier, les Chiens de Navarre parviennent à attirer un public plus jeune que celui fréquentant habituellement les théâtres, ce qui est à mettre à leur crédit. Musique de foire, provocations en tous genres dont celle qui consiste à déshabiller les comédiens pour un oui ou pour un non : tout est fait pour bousculer et divertir les spectateurs. Sans trop se soucier de la cohérence du propos, comme le montre ce titre d’un des spectacles antérieurs de la compagnie : L’Autruche peut mourir d’une crise cardiaque en entendant le bruit d’une tondeuse à gazon qui se met en marche (sic).

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Les Mille et une nuits, version Preljocaj

Par Selim Lander –

Ingres Bain turcLes Nuits, le dernier ballet d’Angelin Preljocaj, est de retour à Aix-en-Provence pour une série de représentations après sa création au mois de mai. Cette production, qui s’inscrit dans le cadre de Marseille-Provence 2013-capitale européenne de la culture, a reçu jusqu’ici, de la part des critiques spécialisés, un accueil plutôt froid, sinon glacial comme au Figaro qui titre sur des « Nuits de cauchemar », ou au Monde qui évoque des « galipettes » ! Le public qui s’est pressé nombreux lors de la première reprise aixoise ne semble pas avoir été influencé par les oiseaux de mauvais augure. S’il n’y a pas eu véritablement une ovation, des applaudissements nourris et prolongés ont salué la fin du spectacle. Le fait est que Preljocaj nous en met plein les yeux. Il faut dire qu’il n’a pas lésiné sur les moyens : costume d’Azzedine Alaïa, musique arabo-pop de Natasha Atlas ou de Samy Bishal, dix-huit danseurs (douze filles et six garçons), une scénographie (signée Constance Guisset) elle aussi spectaculaire, avec des filles sur des jarres ou sur des talons aiguille, des couples enfermés dans des cages, des tapis d’Orient, des narghilés, des vapeurs de hammam,…

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Marseille-Provence, capitale européenne de la culture en 2013. Le MUCEM. Van Lieshout

—Par Selim Lander –

Copie de Marseille - MUCEM (11)L’Union européenne ne fait pas que des mauvaises choses. Au compte des bonnes, on peut mettre l’invention du concept de « capitale européenne de la culture ». Il en résulte une saine émulation entre les villes du continent pour obtenir le label (qui tourne chaque année). La ville qui sort du lot est tenue, comme celle qui obtient les jeux olympiques, de réaliser un programme de nouveaux équipements et de rénovation des anciens, à ceci près qu’il s’agit non pas d’endormir les esprits avec des jeux mais de les éveiller à l’intelligence et à la beauté grâce aux diverses manifestations culturelles qui ponctuent l’année pendant laquelle la ville porte la couronne.

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Avignon : Jean-Paul Delore, Anne Teresa de Keersmaeker

Fin du IN, pour ce qui nous concerne, avec deux événements bien éloignés du théâtre.

— Par Selim Lander —

Dieudonné Niangouna dans Sans Doute

« Oratorio électrique, spectacle musical, théâtre fragmentaire » : telles sont quelques-unes des expressions qui reviennent à propos des productions de Jean-Paul Delore (qui dirige « Carnets Sud/Nord, laboratoire itinérant de créations théâtrales et musicales »). Il est présent cette année dans le IN avec le spectacle Sans Doute, par l’intermédiaire de Dieudonné Niangouna, comme l’on sait l’un des deux « artistes invités » cette année. Ce dernier paye d’ ailleurs de sa personne dans le spectacle, en tant que comédien (et danseur) vedette : heureuse l’occasion ainsi fournie à ceux qui, comme nous, n’avaient pas encore eu l’occasion de découvrir son remarquable talent d’acteur, de se rattraper.

Quelle que soit l’étiquette qu’on lui accole, Sans Doute ne se présente en tout cas pas comme une pièce de théâtre. Douze comédiens / musiciens / chanteurs sont alignés face au public, avec l’équipement requis pour jouer de la musique électronique ou électro-acoustique. Les chants cependant seront le plus souvent traditionnels. La composition du plateau est éclectique avec six nationalités et sept langues différentes, réunies au gré des résidences de Jean-Paul Delore en Afrique, an Amérique du Sud, au Brésil, au Japon.

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Avignon : Curti et Ribeiro, Philippe Ducros

—Par Selim Lander —

Frères de sang

 Dans le OFF : « Un théâtre sans parole, vous dites, mais c’est du mime, alors ? » Eh bien non, aujourd’hui, c’est devenu beaucoup plus compliqué que cela. Il est vrai que les grands mimes de jadis savaient, et que certains clowns d’aujourd’hui savent encore raconter des histoires merveilleuses avec des mimiques, des gestes, et rien d’autre. Mais de nos jours le théâtre sans parole tend à s’étoffer – au sens premier, il y a beaucoup d’« étoffe », beaucoup de costumes à enfiler successivement, et plus généralement au sens où le spectacle réclame de nombreux accessoires machines, jouets (c’est pourquoi on parle également d’un théâtre d’objets).

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Avignon : « Swamp Club » de Philippe Quesne

—Par Selim Lander

Swamp Club 1Swamp Club de Philippe Quesne est passé par Vienne et Berlin avant Avignon. Une grande tournée internationale suivra. Ce metteur en scène a donc une solide réputation et des soutiens dans le monde du théâtre contemporain. Aussi était-on particulièrement curieux de le voir à l’œuvre. Il a lui-même comparé ses spectacles à « des études entomologiques, dans lesquelles on pourrait observer des êtres humains évoluer comme au microscope » – une remarque citée par Marion Siefert dans le programme du festival. Elle ajoute que Philippe Quesne « sculpte ses thématiques plus qu’il ne les écrit, trouvant son inspiration aussi bien dans la peinture et les arts graphiques que dans les aléas du réel et de la création collective ».

En pénétrant dans la salle de Vedène, grande et moderne, où Swamp Club est programmé, on est tout de suite séduit par le décor qui occupe tout le plateau. À jardin, une salle cubique, toute vitrée, sur pilotis, au-dessus de la marre qui donne son titre à la pièce. À cour, en haut d’une pente, une sorte d’entrée de mine ou de souterrain, légèrement surélevée, étayée de billots de bois et, devant, écrits avec des morceaux de bois les deux mots swamp et club.

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Avignon : Anouilh, Mouawad, Lazare

— Par Selim Lander —

AntigoneDe toutes les Antigone écrites pour le théâtre, c’est celle d’Anouilh qui est la plus jouée et l’on ne se lasse pas de la redécouvrir dans des décors et des mises en scène différentes. C’est ici une troupe de comédiens amateurs qui s’est lancée, composée d’élèves de sciences-po (Paris). Bien que novices, ils démontrent déjà une surprenante maîtrise. Surtout, ils parviennent à faire passer les différentes émotions, les genres différents qui se bousculent dans cette pièce : tragédie, compassion, sagesse, amour passion, comédie…

Au début de la pièce les comédiens sont tous vêtus de noires ; la seule à être habillée différemment, dans une gabardine bleu marine, représente le chœur ; au fur et à mesure qu’elle présente les comparses, ces derniers se lèvent et enfilent la tenue de leur personnage. Antigone, la première, revêt une longue robe blanche qui lui laisse les bras nus ; quelqu’un les lui couvre les bras de terre ; la pièce peut alors commencer. L’intimité du cadre (une petite salle du théâtre des Barriques), l’absence de tout décor, la ferveur des comédiens, la sobriété de la mise en scène, tout cela empêche que l’émotion faiblisse jamais.

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Avignon : Kwahulé, Kacimi, Marivaux

Par Selim Lander –

Le IN - Cloître St LouisEn Avignon le festival bat son plein. Les rues de la ville sont envahies par les amateurs de théâtre et par les comédiens qui s’efforcent de les convaincre de venir assister à « leur » spectacle qui promet tant de merveilles. Les affiches s’étagent sur les murs, accrochées partout où c’est possible, aux grilles, aux fenêtres et aux moindres poteaux. Les chiffres donnent le vertige : 1258 spectacles différents aux OFF et 66 au IN, lequel a depuis longtemps débordé de son lieu historique, la cour d’honneur du palais des Papes et envahi cloîtres, lycées, etc. Un nouveau lieu, une construction nouvelle, a ouvert cette année, la FabricA, dédié aux résidences et aux répétitions. En dehors des représentations proprement dites, le festival est marqué par divers événements et de nombreux débats à destination des professionnels comme d’un public plus large. Ainsi, le lundi 15 juillet, le IN s’interrogeait sur « Comment sortir de la crise de l’avenir ? », tandis qu’au OFF on débattait sur « Culture et numérique – le prix de la gratuité ».

Mais l’on se rend en Avignon d’abord pour le théâtre.

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art press : l’album des quarante ans

« Et fallait-il qu’un luxe innocent
Allât finir la fureur de nos sens ? »
Supervielle (cité p. 251)

art_press_album—Par Selim Lander –

Le premier numéro de la revue art press (sans majuscules) est daté de décembre [1972]-janvier 1973. Le Centre Pompidou (Beaubourg) n’existe pas encore mais une exposition consacrée à l’art contemporain français a été organisée, à l’initiative du président, au Grand Palais en 1972. Les courants désormais emblématiques du second XXe siècle sont en train de se structurer : hyperréalisme, pop art, land art, arte povera, antiform, art corporel, art conceptuel (1)… À Paris, encore, le collectif Support-Surface est sorti des limbes. Toute cette effervescence artistique avait un besoin particulier d’être montrée mais aussi commentée, expliquée : art press est arrivée à point nommé et sa longévité atteste qu’il y avait non seulement un besoin à combler mais que la formule adoptée – qui fait appel à des écrivains et des philosophes à côté des spécialistes de la critique et qui accorde une place conséquente à la littérature – était celle du succès.

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Le CAC 40 caracole

 

Chtonien sulfureux panache
Eclabousse la croute des volcans
Le nègre vendu à l’encan
Sue et saigne sous la cravache

Pas si loin le maître parla
Viens me rejoindre sur ma couche
Je veux le plaisir de ta bouche
Jacaranda et pergola

Orient régiments laborieux
Air pollué puanteur acide
Fourmi automate livide
Trime ouvrier miséreux

A Shanghaï le luxe s’étale
Maserati Lamborghini
Jambes étirées robes mini
Le riche orgueilleux se régale

Chômeur au visage fermé
ANPE bureau immonde
C’est le triste sort du vieux monde
Irrésolu et désarmé

Mais il faut que je me console
La finance se porte bien
Les puissants ne manquent de rien
Le CAC 40 caracole

 

Michel Lercoulois, juin 2013

 

 

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No ou l’engagement

Par Selim Lander – No comme Non en espagnol. Il y a plusieurs manières de dire Non, de s’opposer à l’état du monde jugé insupportable. On peut s’armer d’un revolver ou d’une bombe, exposer directement sa vie, par exemple. Ou protester avec les moyens de l’intellectuel ou de l’artiste – un pamphlet, une chanson, un tableau…, moyens en principe sans risque sauf lorsqu’on affronte une dictature sanguinaire, ce qui était le cas, au Chili, sous le règne de Pinochet. No, le film se passe au Chili en 1988, au moment où le régime, sous la pression internationale, s’est résolu à organiser un référendum pour ou contre le maintien de Pinochet, déjà au pouvoir depuis 1973, pour huit années supplémentaires. Les deux camps ont droit à une émission quotidienne de propagande de quinze minutes à la télévision. Au départ le camp du Oui est donné largement vainqueur, le régime jouant à la fois sur la peur et sur ses succès économiques ; c’est pourtant le Non qui l’emportera.

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Cinéma : Wadjda, etc.

—Par SelimLander —

Après Syngué Sabour, les spectateurs martiniquais ont été à nouveau confrontés via le cinéma à la condition féminine en terre d’islam. Singué Sabour montrait une femme pauvre se débattant comme elle pouvait, face à un mari réduit à la condition de zombie. Et l’on découvrait peu à peu qu’elle n’était pas mieux lotie auparavant, quand son guerrier de mari était plus en forme. Wadjda est filmé en Arabie saoudite, l’action se situe dans une famille de la classe moyenne, le contexte est donc différent. Le message implicite du film, pour le spectateur occidental, est pourtant le même : la soumission de la femme dans ces sociétés musulmanes patriarcales est parfaitement abominable. De beaux esprits diraient peut-être qu’il faut opérer un distinguo, que ces sociétés sont patriarcales et que la religion n’y est pour rien. Ce n’est pourtant pas ce que montrent ces films : le coran, objet sacré, est omniprésent ; les interdits qui pèsent sur les femmes sont religieux.

Lire aussi : Syngé Sabour: le langage est pouvoir même dans un pays en guerre, de Roland Sabra
et aussi : Syngé Sabour, un drame bourgeois dans l’Afghanistan en guerre, de Selim Lander

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Rencontres cinémas : Le court c’est long (parfois) !

—Par Selim Lander —

Quatre films étaient au programme de la soirée court-métrage de ces Rencontres 2013. Le court est un genre à part qui éveille d’autres envies que les films au format habituel. On sait que l’argument restera très simple mais l’on s’attend à une surprise dans le scénario, et surtout on s’apprête à découvrir l’univers particulier d’un auteur qui n’a pas encore, en général, eu l’occasion de l’exprimer.

De ces quatre films, Entre Deux (de Nadia Charlery) est le seul qui remplisse entièrement le contrat et ce n’est donc pas pour rien qu’il a emporté le Prix de court, cette année. Les cinéphiles martiniquais qui ont déjà eu l’occasion de le visionner l’ont revu avec plaisir : l’applaudimètre en faisait foi. L’histoire, fondée sur un qui pro quo téléphonique, fonctionne bien, elle a une fin heureuse et les deux comédiens (y compris celle qui n’est qu’une voix au téléphone) se tirent avec honneur de leur prestation. Enfin – ce qui n’est peut-être pas un détail – Entre Deux, qui dure sept minutes d’horloge, est le seul film vraiment court de cette sélection.

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Rencontres cinémas : Una Noche de Lucy Mulloy – ça tangue à La Havane

—Par Selim Lander —

UNA NOCHEUne petite en uniforme de lycéenne – jupette jaune et haut blanc – qui court, qui court à perdre haleine, deux jeunes gars bien baraqués, l’un le frère de l’une, l’autre le copain de l’un, qui œuvrent sans entrain dans la cuisine d’un palace, des chiens errants, des étrangers en goguette, des putes guère affriolantes, des familles naufragées, la drogue, les médicaments, et l’argent, l’argent qui brûle les doigts et qui manque, qui manque. Tout cela est filmé à Cuba avec des vues en plongée sur les toits de la Havane, des scènes de rues entre les maisons décaties, des vélos hors d’âge tractés par des autobus brinquebalants. Et la mer, la mer belle mais dangereuse dans laquelle on peut se noyer.  

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Réconfortant : « Une vie simple » fait l’ouverture des Rencontres de Fort-de-France

—Par Selim Lander –

Une vie simpleGrâce aux Rencontres Cinémas les Martiniquais ont eu la chance de visionner Une vie simple moins d’un mois après la Métropole. Un film qui mérite incontestablement d’être vu, moins pour ses qualités cinématographiques que pour ce qu’il raconte. L’histoire, on s’en doute, n’est pas compliquée mais cela n’enlève rien à ses vertus hypnotiques. Pendant deux heures d’horloge, nous assistons aux derniers mois de la vie d’une femme âgée, Ah Tao : une première chute (elle est victime d’un AVC), la rédemption (hémiplégiques, elle retrouve peu à peu ses moyens), la chute ultime. Pendant ce parcours, elle rencontre différentes personnes : les soignants et les pensionnaires de la maison de retraite où elle s’installe après son accident, des membres de la famille dans laquelle elle a toujours vécu, mais le point fixe dans son existence est le rejeton de cette famille, Roger, jeune producteur de cinéma célibataire dont – pourtant déjà bien vieille mais domestique toujours – elle continuait de s’occuper (1).

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Néolib’

— Par Michel Lercoulois —

Gratouille ta merde héron
Tu n’as pas meilleur domicile
Tu trouveras bien un étron
De quoi nourrir un imbécile

Tu n’es pas content bouge-toi
Ah tu veux faire le candide
Réclamer exiger tes droits
Reste dans ta bauge sordide

Non mais tu crois au pèr’ Noël
Et qu’il suffit que tu demandes
Festin royal plat en vermeil
Langoustes ortolans amandes

Tes droits on se les fout au cul
Tout cela n’est pas si facile
Et ta naïveté me tue
Tant pis si tu es trop fragile

La monde est pour les héritiers
Les malins et les sans scrupule
Plutôt que me faire pitié
Pauvre héron tu-es ridicule

Contente-toi du RSA
Et de tes pauvres jobs minables
Ne m’embête plus avec ça
Je n’aime pas les misérables

heron
Michel Lercoulois, 10 juin 2013  

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Théâtre pour les petits : Délivrans-la ou la naissance de Ti Piman dou

–Par Selim Lander –

IMG_1430On n’a guère l’habitude, dans ces colonnes, de s’intéresser au théâtre pour les enfants et c’est dommage car ce théâtre, quand il est réussi, ravit autant les petits que les grands. Tel fut le cas lors de la représentation de Délivrans-la ou la naissance de Ti Piman dou face à un public d’enfants accompagnés par leurs parents. Ce spectacle du Théâtre du Flamboyant, dirigé par Lucette Salibur, qui l’a mis en scène, s’inscrit dans une trilogie, à côté de Ti Piman dou raconte et de Ti piman dou et ti chabinn’ Kako. Ce volet-ci est une pièce sans parole, balayant en 45 minutes la vie de Ti Piman dou de la naissance à la vieillesse. Daniely Francisque, qui interprète le personnage au cours des principales étapes de la vie, démontre en effet que l’éloquence ne passe pas nécessairement par les mots.

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