A PROPOS DES HOMMAGES A AIME CÉSAIRE :
— par Georges MAUVOIS (junior) —
De nombreux hommages sont rendus à Aimé Césaire depuis l’annonce de son décès, le 16 avril 2008. Ces hommages nous paraissent légitimes. dans la mesure où ils manifestent toute la gratitude qu’éprouve notre peuple à l’égard d’un de ses fils les plus dévoués et les plus brillants. Car il s’agit de saluer le départ d’un fils. S’il est vrai qu’il fut un père aux yeux de nombreux compatriotes, il fut d’abord un fils, héritier d’une longue résistance dont les prémisses doivent être recherchés bien en amont de sa propre existence, à commencer par les cales puantes où se constituèrent les premiers éléments de notre devenir collectif.
. A Fort-de-France notamment, des propositions multiples sont en train d’apparaître. Elles vont de l’érection de monuments multiples aux plus invraisemblables projets (sur ce dernier point, on relira les dernières parutions de France-Antilles, où sont parfois mentionnés des projets pharaoniques contre lesquels Césaire eût été le premier à s’insurger) Toutes ces propositions prétendent honorer et célébrer la mémoire du défunt.





Il est extrêmement frappant de voir qu’en Martinique chacune et chacun a un Césaire à raconter. Son Césaire. Le grand homme, il est vrai, a de quoi nourrir diversement les uns et les autres : noir, poète, élu, humaniste. Il a, peu ou prou, accompagné tous ses compatriotes de son île natale.
On peut débarquer du « 9-3 », être nourri de la culture des banlieues, être porteur d’une identité bâtarde, avec du martiniquais mêlé à bien d’autres origines, et être néanmoins capable de s’adresser aux Antillais d’ici, à ceux qui ont fait le choix de rester dans le pays du premier exil, le pays des anciennes humiliations et des douleurs jamais complètement effacées. A en juger par l’émotion qui a saisi les spectateurs, D’ de Kabal, l’auteur et principal interprète d’Ecorce de peines, présentée à Fort-de-France le 17 avril, a su les toucher au plus profond et, qui sait ? leur apprendre quelque chose d’eux-mêmes qu’ils ignoraient, comme la fraternité profonde qui les lie aux « sauvageons » des banlieues, à l’égard desquels il leur arrive pourtant – quand la violence se met à déferler sur les cités – de tenir des propos dépourvus de toute compréhension.

Les comédiens et les comédiennes sont des êtres insupportables. Narcissiques, auto-centrés, mégalomanes, d’une redoutable fragilité qui se pare de la robe de l’infantilisme le plus indécrottable, on ne peut que les haïr de ne pouvoir faire du théâtre sans eux. Et pourtant… l’adage est bien connu qui affirme que l’on apprécie les gens que pour leurs qualités alors qu’on les aime pour leur défauts. Jandira de Jesus Bauer a été comédienne, ce qui explique pourquoi elle est sans doute assez folle pour s’embarquer avec trois comédiennes antillaises et monter « Les Bonnes » à Fort-de-France. Le résultat est à la mesure de l’entreprise, décalé, iconoclaste et fidèle, inventif et décapant, mais surtout réussi. 

