— Rocky le petit rocher par Alain Foix, illustré par Nikol—
Une vie de rocher, n’est pas ce que l’on croit, surtout quand on a pour mère une belle montagne appelée la Dame Blanche et Ia Terre pour grand-mère. À 7 millions d’années, Rocky était encore ieune, tout luste accroché à un plissement de la robe de sa mère. Seulement Rocky s’ennuyait, sans bouger sur sa pente. Heureusement, le réchauffement climatique vint et lui permit de décourrir une lolie roche qui glissait lentement au milieu d’un grand glacier blanc. Ce fut un vrai coup de foudre. Erose était son nom. Il mit du temps, 3 ou 4 siècles, peut-être plus, à la retrouver. Le vent et l’érosion l’aidèrent à se détacher de sa mère. « Va et suis ta pente.» lui soufflait le vent. Que d’émotion quand il commença à rouler et quand il retrouva la robe scintillante d’Erose qui baignait dans
l’eau claire. Un vrai choc qui les fit rouler ensemble longtemps, très longtemps. Quand ils s’arrêtèrent, ils se rendirent compte qu’ils avaient tous les deux maigri et qu’autour d’eux des milliers de petits galets roulaient dans le courant.

Né au Cameroun, Achille Mbembe enseigne l’histoire et les sciences politiques à l’université de Witwatersrand à Johannesburg en Afrique du Sud et à Harvard aux États-Unis. De passage en France, où il a fait ses études, à l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage Critique de la raison nègre (La découverte), il réagit à l’actualité des flux migratoires en Europe. Son essai lumineux décode en effet magistralement ces forces obscures qui, entre crise et repli, traversent aujourd’hui nos sociétés mouvantes.
Nous, cinéastes, artistes, hommes et femmes de culture d’Haïti et du monde, sommes particulièrement sensibles aux souffrances de nos frères et sœurs sous quelque latitude qu’ils se trouvent.
Les faits sont là et on ne peut que les constater. Selon les derniers sondages, 45% des électeurs de gauche sont pour la suppression du droit du sol. L’écrasante majorité soutient la politique de Valls. Ce qui restait au PS de protestation conte cette droitisation (Harlem Désir en tête) rentre dans les rangs. A Marseille, Patrick Mennucci traite Samia Ghali d’ « Arabe ». A droite, des dirigeants de l’UMP proposent de supprimer le droit du sol, principe fondamental de la république française. Hier sur LCP, un dirigeant de ce parti affirme en toute tranquillité qu’enseigner « nos ancêtres les gaulois » était la meilleure façon d’intégrer les indigènes. Cela ne choque plus grand monde. Il faut donc se rendre à l’évidence : s’il y a toujours existé en France une opinion xénophobe et raciste, celle-ci était tout de même contrôlée par quelques principes républicains. Aujourd’hui, les digues ont sauté. Le national populisme triomphe dans l’Hexagone. Tout est désormais possible.
C’était en 1986, et déjà Ulrich Beck parlait de paupérisation civilisationnelle en expliquant que la dynamique historique ne serait pas celle de la sécurisation pour tous, mais bien plutôt de la démocratisation du risque. Certes, les clivages entre précaires et ceux qui ne le sont pas sont toujours présents, mais l’émergence des risques systémiques, invisibles, radioactifs, cumulatifs, a brisé la ligne de partage. « Ce que nous a appris la contamination radioactive, c’est que c’en est fini de l’autre, fini de nos précieuses possibilités de distanciation. On peut exclure la misère, on ne peut plus exclure les dangers de l’ère nucléaire. C’est là leur nouvelle force culturelle et politique. Leur pouvoir est le pouvoir du danger qui abolit toutes les zones de protection et toutes les différenciations de l’âge moderne. » La société du risque mondialisée, c’est cela : le « big business » de notre insécurisation, réelle ou supposée. Il n’est pas impossible que l’enseignement du risque systémique nous fasse entrevoir les vieilles réalités sociales (comme la migration de la misère) comme désormais inextricables. « La France doit prendre sa part de la misère du monde, mais n’a pas vocation à accueillir toute la misère du monde », dit un ministre de l’Intérieur, citant un ancien premier ministre.
Le Séminaire Lacan. L’antiphilosophie 3, 1994-1995, d’Alain Badiou. Éditions Fayard, collection « Ouvertures », 288 pages, 18 euros. Considéré comme l’un des plus grands philosophes français, il s’est fait connaître du grand public avec De quoi Sarkozy est-il le nom ? Penseur du « multiple sans Un », platonicien ayant récemment réécrit la République (bientôt adaptée sur scène aux Amandiers), Alain Badiou est une figure intellectuelle et politique aux nombreuses faces, parmi lesquelles celle du séminariste. Depuis 1983 en effet, Alain Badiou anime un séminaire ouvert à tous, lors duquel il expose l’évolution de son parcours philosophique, parole vivante d’une pensée en formation, en semis. Cette année encore, à près de soixante-dix-sept ans, il parle chaque mois à l’École normale supérieure de « l’immanence des vérités » et s’en prend avec allant aux idéologies de la finitude et de la consommation, soutenant que les vérités sont bien de ce monde, qu’elles viennent trouer et renouveler. Comme un matérialiste qui croirait aux éclairs.
Explosive sur scène, la chanteuse préférée de Pedro Almodóvar entrelace avec brio musiques afro-cubaine, jazz, soul et andalouses.
Dans un courrier adressé à la communauté universitaire, la présidente de l’Université des Antilles et de la Guyane,Corinne Mencé-Caster, annonce la disparition de plus de 90% des pièces comptables de l’établissement.
MANIFESTE POUR LA DÉCOLONISATION DE L’HUMANITÉ FEMELLE (TOME 1)
Au cœur du quartier des plus populaires de Trenelle, Kissewon ouvre une parenthèse enchanteresse dans la tradition figurative contemporaine qui est la sienne, en proposant de redécouvrir une peinture épurée au travers de l’œuvre d’un talent qui ne nous ménage pas ses surprises.
Il semble que l’époque de la screwball comedy (que l’on peut traduire par comédie de cinglés) dans les années quarante, dans le cinéma américain vient de resurgir pour « copains pour toujours 2 ». Mais à ceci près que si la vitesse débridée des dialogues et la liberté de ton restent exceptionnelles, elles relèvent plus d’un humour potache, ou d’adolescents boutonneux, fait d’un mélange bizarre d’éléments et de situations disparates. Les parties et reparties sont mal assorties et perdent d’un coup tout le sens de leur efficacité comique, dans ce burlesque des corps et des situations.
Notre ami Jean-Claude Courbain est mort dans la nuit du mardi 22 octobre au mercredi 23 d’une crise cardiaque.
En 2013, un nombre important de manifestations célébrant le centenaire du grand poète disparu ont eu lieu à la Martinique. Il serait vain d’en faire ici un inventaire exhaustif : ont-elles toutes été à la mesure de la pertinence de l’homme et de son legs littéraire ? On peut en discuter, tant celui-ci est novateur, immense, inégalé. Toutefois, si ne serait-ce que quelques unes d’entre elles ont pu donner au public envie de le lire, de le (re)découvrir, ou de simplement suggérer des pistes pour aborder une œuvre aussi complexe, elles auront — du moins en partie — atteint leur objectif et l’on tendrait alors à s’en satisfaire.
Madame la ministre,
Ce titre assez vaste permet de parler du créole d’avant – celui d’aujourd’hui et bien sûr du créole à venir ! Que serait une langue sans la perception de ceux qui l’utilisent ? Nous sommes tous « créoles » mais comment vit-on cet état d’être ?
Le musée du Quai Branly n’a pas fini de nous éblouir. Fidèle à sa mission de défricheur de civilisations méconnues, sa nouvelle exposition événement se consacre aux Kanak. Dans une scénographie classieuse s’égrènent 300 pièces, qui proviennent en majeure partie de collections publiques européennes. Seulement 60 ont fait le voyage depuis la Nouvelle-Calédonie. Le leader indépendantiste Jean-Marie Tjibaou (1936-1989) avait initié de son vivant un inventaire du patrimoine dispersé. « On estime entre 15 et 20.000 œuvres kanaks disséminées dans 160 musées dans le monde, dont 80 en France, note Emmanuel Kasarhérou, le commissaire. Cela remonte à 1850, quand l’anthropologie était en vogue. À l’époque, on moulait les visages, on mesurait les individus sous toutes les coutures, on pillait les cimetières. Et on rassemblait des ustensiles, des haches, des masques… Pour acquérir une meilleure compréhension de l’homme. »
En 1976, à l’occasion du centenaire du Festival de Bayreuth, Patrice Chéreau mit en scène le Ring des Nibelungen, dirigé par Pierre Boulez. Aujourd’hui, ce Ring du centenaire est entré dans la légende. Toutefois, l’année de sa création, cette production provoqua un scandale retentissant, chose que l’on a facilement tendance à oublier.
En proposant à la jeune Léonarda un « accueil à elle et à elle seule », le président de la République vient de demander à une enfant de 15 ans de choisir entre la France et sa famille. De choisir entre l’école de la République et ses parents. Cet affront aux valeurs républicaines se double aujourd’hui d’un insupportable manquement à la convention internationale des droit de l’enfant, dont la France est signataire.
Une jeune femme ayant fait l’achat d’une voiture neuve avait mis en vente celle qu’elle utilisait jusqu’alors. A quelques détails près la voiture usagée avait gardé une belle allure, c’est ainsi que nous en fîmes l’acquisition comme une bonne affaire. Quelques années après nous avons croisé par hasard l’ancienne propriétaire le temps d’un salut réciproque et elle trouva opportun de nous faire le reproche d’avoir réduit en lambeau ou presque l’automobile qu’elle m’avait vendue. Demeuré interdit un instant nous étions désolé de lui avoir causé un tel sentiment avant qu’elle ne continua son chemin. Cette personne n’ignore pas qu’elle n’est plus propriétaire de cette automobile et pourtant elle fait montre d’un intérêt voire même d’un dol personnel au regard de ce qu’elle perçoit de l’état apparent du véhicule. Un détail nous revint en mémoire, cette voiture lui avait été offerte par son père et c’est donc avec regret qu’elle avait concédé à la vente de ce véhicule-cadeau.
Le populiste n’est pas un démagogue ordinaire qui tente de séduire le plus grand nombre d’électeurs, mais il est possédé, presque au sens mystique, par la vérité incritiquable du peuple, par sa bouche s’exprime le bon sens populaire qu’aucun argument rationnel ne peut contredire. Le populisme est fondé sur l’émotion, et il ne fonctionne que lorsqu’une société connaît une rupture de récit collectif, autrement dit lorsqu’elle ne réussit plus à se raconter positivement. C’est une telle rupture de récit qui touche à mon sens les sociétés européennes, et pas seulement la France, depuis le début des années 2000. La plupart des sondages laissent apparaître ce sentiment de déclin mêlé au rejet de la mondialisation, autrement dit du monde tel qu’il est. Le populiste par son discours radicalement antisystème, sans programme clairement défini, ni de droite ni de gauche, capte, se nourrit et alimente cette angoisse collective. Mais la mondialisation est trop impersonnelle, il lui faut personnaliser la peur, désigner des cibles concrètes à sa portée.
Vous avez aimé le racisme biologisant ? Vous adorerez le culturalisme naturalisant. C’est une manière beaucoup plus subtile d’exclure celles et ceux dont les façons d’être, de s’habiller, de parler et d’agir nous déplaisent. Jadis, des savants ont voulu attribuer à l’hérédité et à la physionomie (la forme du crâne, la couleur de la peau…) le fait d’avoir des instincts criminels, une tendance à la paresse ou le goût du lucre. Aujourd’hui, tout le monde, ou presque, a compris que ça ne tenait pas la route scientifiquement, et surtout, que ça pouvait vous faire mal voir, dans une démocratie digne de ce nom. D’où l’idée, née à l’extrême droite et qui a ensuite essaimé jusqu’au cœur de la gauche, de changer de référentiel : aux sciences sociales de prendre le relais des sciences de la nature, et à Mère Culture, plutôt qu’à Dame Nature, d’expliquer les comportements déviants et «antisociaux» des indésirables. Il faut reconnaître que c’est plus finaud, moins immédiatement suspect, mais tout aussi efficace pour exclure l’Autre : «Bien entendu que ce n’est pas dans les gènes des Arabes ou des Noirs subsahariens d’être violents !