— Par Yves-Léopold Monthieux —
Trois anecdotes.
La première. Il y a une vingtaine d’années, je débarque à Orly et prends un taxi pour Paris. Comme c’est souvent le cas, la conversation s’engage avec le chauffeur sur le fait de société du moment, non sans que j’aie à préciser que je suis martiniquais. C’est en effet la réponse à la question que m’a posée d’emblée mon interlocuteur et qui se pose de plus en plus aux ultramarins antillais débarquant en France : « venez-vous de la Guadeloupe ? ». Hésitant, il me gratifie alors d’une bafouille qu’on pourrait traduire par « la Martinique, est-ce l’île où il y avait des esclaves ? ». Quelques années plus tôt, en pleine période du Goncourt, l’un de ses collègues m’avait cité Blaise Cendrars au lieu de Césaire à qui il avait attribué le livre Texaco. Moralité, ces gentils chauffeurs écoutent la radio et regardent la télévision.
Deuxième anecdote, c’est encore à Paris, en mars 2018, une professeure qui a enseigné sur le campus de Schoelcher pendant une dizaine d’années. Elle est amoureuse de la Martinique, le pays de ses enfants dont le père est originaire.

Les contempteurs du BUMIDOM se sont rarement attendris sur les véritables difficultés rencontrées par les jeunes gens qui sont partis sous l’égide de cette institution. On ne sache pas, en effet, qu’un parti politique martiniquais soit venu en aide aux plus malheureux d’entre eux, coupables d’avoir donné la main à une initiative gouvernementale.
Au lendemain de la disparition de l’ancien président de la République, les réactions sont peu respectueuses des clivages politiques traditionnels. En Martinique, la droite lui sait gré d’avoir été un président gaulliste, à l’origine de plusieurs mesures positives pour les DOM dont deux des plus emblématiques furent la défiscalisation et l’extension du SMIG métropolitain. D’autres relèvent tout juste que l’ancien président de la République aimait nos accras et avait le bonheur de faire entrer le punch martiniquais à l’Elysée. D’autres encore, devenus marginaux, sont surtout arcboutés sur sa fameuse saillie sur les « bruits » et les « odeurs ». Cette tirade qui lui avait valu la réputation de raciste avait fait le miel de la gauche martiniquaise sur les murs et les discours pendant les campagnes électorales qui avaient suivi. Certains élus durent leur succès à ce facile argument.
Au lendemain des incidents de décembre 1959, faisant l’éloge funèbre de l’une des 3 victimes, l’écolier Christian MARAJO, le vice-recteur Alain PLENEL résumait les 3 jours d’émeutes par une formule qui fit florès, « Les Trois Glorieuses ». En 1979, Jean Fourastié allait créer la formule « Les Trente Glorieuses » pour décrire les progrès de la période d’après-guerre, de 1946 à 1975. Le rapprochement de ces deux chrononymes me conduit à vous proposer un troisième qui correspond bien, me semble-t-il, à la période de 1962 à 1982, les « Les Vingt Glorieuses martiniquaises ».
On ne parle jamais du racisme qu’à ses dépens. Quel que soit le bout par lequel on aborde le succès on risque de s’y blesser. Et il y a toujours des gens à blesser dans le propos ‘’metaraciste‘’. C’est ainsi que les prudents que sont les politiques se contentent souvent de rouler des yeux d’horreur pour signifier leur condamnation du racisme. Pourtant, avec une périodicité de plus en plus rapprochée se pose la condition des Noirs dans la société française. Rien n’indique que la solution est proche quoi qu’on ne puisse y tendre sans en parler. C’est comme les objets à double tranchant, les courageux qui s’y risquent deviennent souvent des cibles.
L’article de Raphaël Confiant paru dans Montraykréyol le 14 août 2019
Après avoir relu le livre-témoin de
Je m’apprête à publier une tribune qui montrera que, tout en s’opposant à l’assimilation, le Parti communiste martiniquais (PCM) a, par son action sociale en faveur de la classe ouvrière, participé à l’installation du département. Cependant, des circonstances nouvelles me conduisent à publier d’abord une réflexion totalement imprévue qui montre un autre aspect de ce parti, bien moins glorieux. Après les récentes déclarations de deux dignitaires du PCM, les conditions de l’envoi en mission au Chili du militant Dolor Banidol, en 1969, ainsi que le silence abyssal observé depuis sa mort rappellent les heures sombres du stalinisme.
Jean-Marie Nol me permettra d’emprunter à sa tribune parue dans Madinin’art,
En ce début de siècle bien entamé, la Martinique se retrouve dans une situation politique qui inquiète et provoque le départ massif de jeunes de tous niveaux d’études et de formation. Le sujet est pris en charge par la sénatrice Catherine Conconne, à travers une formule qui sonne comme un slogan électoral, alé – viré (aller – retour), le viré rappelant la lettre « A » du RMA (Revenu minimum d’activité) qui se fait toujours attendre. Bref, l’élue nationale française l’a compris que c’est en marchant qu’on se fait un chemin.
«
Le billet du 28 mai dernier de Montraykréyol à propos des résultats des élections européennes m’avait échappé. Davantage qu’un commentaire, j’y vois l’expression d’une réalité politique et d’une naïveté inquiétante de la part d’universitaires. Ceux-ci se sont dit « médusés » d’entendre de la bouche d’une ministre la déclaration suivante :
Je viens de prendre connaissance de l’article de Jean-Marc PARTY en date du 20 octobre 2018 qui nous apprend qu’« en 1958, à la veille du référendum, la Martinique, tout comme les trois autres départements d’outre-mer, est au bord de l’indépendance ». Ce qui signifie que la population martiniquaise était prête à voter NON au référendum et à de GAULLE. En s’appuyant sur des données incertaines (« certains chercheurs », « certains auteurs », lesquels ?), le journaliste en arrive à l’affirmation énoncée sous le mode de l’évidence : « c’est ainsi, dit-il, que les « quatre vieilles colonies » ont échappé à l’indépendance, voici 60 ans ».
A l’échelon national, Emmanuel MACRON a perdu de peu son pari, mais il paraît être le vrai vainqueur des élections européennes. Il a su résister au Rassemblement national qui fait moins bien qu’en 2014 et avec lequel il fait jeu égal. Plus important, après des décisions difficiles et plus de six mois de jacqueries des Gilets jaunes et d’annonces quasi hebdomadaires de fin de quinquennat imminent, le mouvement En Marche fait mieux que tirer son épingle du jeu. Emmanuel MACRON se retrouve face à une opposition classique quasi inexistante.
La dimension régalienne des attributions de l’État est souvent perçue comme un obstacle à la valorisation de l’identité martiniquaise. Aussi, la tentation est forte de s’affranchir de cette souveraineté, du moins dans les formes, par toutes initiatives susceptibles d’exorciser la réalité et de donner une couleur à l’identité. Cela passe par la sémantique qui conduit à exclure des mots comme métropole ou outre-mer, à en utiliser d’autres, et par des symboles comme le drapeau national ou nationaliste. En évoquant dans un récent article les attributions de l’État concernant l’Outre-Mer, Raphaël CONFIANT fait inconsciemment le constat que la manifestation de cette prérogative est devenue insupportable à la classe politique martiniquaise et que le pouvoir régalien s’est délité. Il convient de souligner dans de nombreux domaines l’application parcimonieuse de la règle de droit. Dans plusieurs tribunes j’ai essayé de montrer en quoi, en Martinique, le pouvoir régalien était devenu un leurre. Sauf que, loin de jeter le bébé avec l’eau du bain, on se soucie d’en conserver les dividendes.
Dans la concurrence que se font en divers domaines la Guadeloupe et la Martinique, le département-région sait se faire aider par le gouvernement grâce à ses parlementaires et son lobby d’anciens ministres, de gauche et de droite. De ce fait, la mésestime de la collectivité martiniquaise pour les partis nationaux ainsi que son dédain pour les fonctions ministérielles sont perçus par Gwada comme des reproches en creux pour sa propre participation à des gouvernements français. Celle-ci se tait mais n’en pense pas moins. En tout cas, les postures de rupture du pouvoir local martiniquais ont un coût politique. La plupart des arbitrages gouvernementaux effectués entre les deux territoires se font au détriment de la Martinique.
Ainsi donc, après la simagrée institutionnelle, voilà donc venue l’heure du drapeau. Un drapeau national, en attendant la nation. Un drapeau national et l’idéologie dont il est le porteur. Pourtant, le temps n’est plus où une idée minoritaire pouvait s’imposer, même si une pratique appliquée pendant un certain temps peut finir nolens volens par se faire adopter.
Le référendum est un procédé de consultation avec effet exécutoire et c’est ce caractère décisionnel qui le distingue de la consultation populaire du type de celles qui ont été organisées en Martinique en décembre 2003 et février 2010. De même qu’avait été finalement annulé le référendum envisagé par le général de Gaulle en 1968, il y a lieu de penser qu’il n’en sera pas proposé un pour résoudre la crise que connaît aujourd’hui la France. En échange, les analystes s’orientent en meute, comme pour le referendum délaissé, en faveur de la dissolution de l’assemblée nationale.
Les analyses faites autour d’un possible référendum au terme du Grand débat ne paraissent pas relever d’un usage normal de ce mode de consultation. La nature du referendum est son caractère exécutoire. Le lendemain du vote, lorsqu’il est favorable, il doit entrer en vigueur. Il ne doit pas ressembler à un vote de confiance, sans effet décisionnel, suivant une déclaration de politique générale du gouvernement devant l’assemblée nationale.
En supprimant l’emblème aux 4 serpents, le président de la République n’a pas entendu invalider un drapeau et encore moins un drapeau national. L’objectif avéré de la Collectivité territoriale de Martinique (CTM) est de faire reconnaître la Martinique lors des rencontres sportives dans les Caraïbes, autrement que par le fanion retiré ou le drapeau français. La requête est réputée émaner des ligues sportives qui sont des organismes non politiques. Cependant, pour ceux qui voulaient la suppression de l’emblème il ne s’agit pas d’y substituer un autre, d’égale signification politique. Pour ces derniers, l’objectif est d’adopter une fois pour toutes le drapeau national martiniquais. Le drapeau de l’indépendance avant l’indépendance, en quelque sorte. Mais les porteurs dudit « drapeau de MALSA » ont été pris de court par la soudaineté de la décision présidentielle à laquelle ils n’étaient pas préparés.
L’insatisfaction institutionnelle de la France étant permanente, on parle de plus en plus de la venue de la 6ème République. C’est même une curiosité française, après le béret, le pain et la bouteille de vin. Mais personne ne dit ce qu’il faudra mettre à l’intérieur de la nouvelle constitution. Sans doute par crainte que sitôt fait le projet ne soit soumis à la critique.
Les référendums ne sont pas organisés, comme les autres élections, à des échéances fixées d’avance par la loi. Par ailleurs, le texte soumis à référendum, comme l’opportunité de la saisine, expriment l’expertise politique de celui qui pose la question et suppose la compréhension du citoyen qui doit y répondre. C’est dire que le référendum qui est le processus démocratique ayant la plus grande force démocratique, peut, lorsqu’il est dévoyé, conduire à de vrais dégâts. On évoque souvent le cas de MAASTRICH en oubliant que ce vote avait été utilisé par la droite et la gauche pour régler des conflits internes aux partis. Le « non » prôné par Laurent FABIUS avait en ligne de mire le leadership du parti socialiste en vue des futures présidentielles.
La nouvelle de l’année 2018, qui est à mon avis la plus riche de signification et suscite le plus de préoccupations, est la récente livraison de l’INSEE relative à la situation démographique de la Martinique, qui ne compte plus que 370 000 habitants.