Étiquette : Selim Lander

Avignon 2022-9 : Banque centrale, Jeanne etc. (OFF)

– par Selim Lander –

Banque centrale de et avec Franck Chevalley

Cette pièce qui a déjà beaucoup tourné dans des théâtres et des lieux associatifs est un modèle de théâtre politique, à la fois instructif et très distrayant car mené avec beaucoup d’humour et un sens du jeu étonnant. Il faut dire que Franck Chevalley est un ancien de l’école du TNS et qu’il a bénéficié des conseils d’Alexandre Zloto, assistant à la mise en scène d’Ariane Mnouchkine.

La pièce est sous-titrée « Histoire de la monnaie racontée par un fou ». Le narrateur, qui est en effet pensionnaire d’un asile, est censé changer de service et d’étage quand il change de rôle : de simple trafiquant dans un système d’échange local jusqu’à l’Europe en passant par l’État et la banque centrale. Il donnera d’ailleurs largement la parole à un banquier, à la fin, pour expliquer la crise des subprimes. Il serait fastidieux de raconter cette pièce, nous manquerions du sens de l’humour qui la caractérise. Car le fond est des plus austère puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de l’abrégé d’un cours d’économie sur la monnaie et la finance.

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Avignon 2022-8 : Descartes & Pascal, Téléphone-moi (OFF)

– Par Selim Lander —

L’Entretien de M. Descartes avec M. Pascal le Jeune de Jean-Claude Brisville

Mesguich père et fils, Daniel et William, qui sont présents dans plusieurs pièces, ensemble ou pas lors de ce festival, soit pratiquement non stop (!), interprètent à deux (et mettent en scène) en milieu d’après-midi la rencontre entre Descartes et Pascal telle qu’imaginée par J.-Cl. Brisville. Car s’il est attesté qu’une telle rencontre a bien eu lieu et qu’on en connaît la date, le 24 septembre 1647, on ignore tout de son contenu sinon qu’elle ne s’est pas bien passée. Tandis que le Descartes de Brisville est un monument de bon sens, son Pascal est présenté au contraire comme un dangereux dogmatique. Pour nous en convaincre, Brisville, très intelligemment, utilise tout ce qu’il peut trouver dans la vie de Pascal comme l’affaire Saint-Ange qui surgit dans la pièce comme un coup de Jarnac (le jeune Pascal, à Rouen, s’était acharné contre un malheureux capucin qui se distinguait par des positions théologiques quelque peu hétérodoxes). Autre élément mis en avant, le livre De la fréquente communion d’Antoine Arnaud (qui date de 1643 et qui était donc connu par les deux protagonistes lors de leur rencontre).

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Avignon 2022-7 : Richard II, Una imagen interior (IN)

—Par Selim Lander —

Richard II, M.E.S. Christophe Rauck

Si Richard II n’est pas la pièce la plus jouée de Shakespeare, elle mérite d’être découverte dans la mise en scène de Christophe Rauck, directeur des Amandiers à Nanterre, présentée cette année. Deux pièces de Shakespeare dans le IN, toutes deux dans des mises en scène respectueuses du texte : on aura garde de s’en plaindre ! Après le comédie de la Tempesta, place au drame historique avec Richard II. Les historiens discutent toujours de la personnalité de ce roi : avait-il réellement des problèmes mentaux ? On s’accorde à dire qu’il était efféminé et – ce qui n’a aucune espèce de rapport – qu’il ne se comportait pas toujours normalement. Quoi qu’il en soit, le Richard II de Shakespeare manque pour le moins de sérieux. Constamment dans l’outrance, il mêle l’insulte à la dérision, voire à la fin, quand il est contraint d’abdiquer, à l’autodérision.

Le succès d’un passage du texte (ici superbement traduit par Jean-Michel Déprats avec des alexandrins bien frappés) à la scène repose en très grande partie sur le comédien chargé d’interpréter le roi et Micha Lescot est, ici, royal !

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Avignon 2022-6 : « Salina », « Chasser les fantômes », (OFF)

– par Selim Lander –

Salina, les trois exils de Bruno Bernardin et Khadija El Mahdi d’après Laurent Gaudé

Laurent Gaudé est l’un des romanciers les plus marquants d’aujourd’hui. Ses récits écrits dans une langue incantatoire sont généralement situés dans un univers exotique. On se souvient du Soleil des Scorta (prix Goncourt 2004) et auparavant de l’extraordinaire Mort du roi Tsongor, sorte d’OVNI littéraire paru en 2001. Salina, les trois exils qui date de 2018 est dans la même veine. Le roman raconte l’histoire de Salina, un bébé abandonné dans le désert et recueilli par une tribu farouche. Elle sera mariée de force à un homme qu’elle n’aime pas et ne cessera de chercher à se venger jusqu’à l’ultime fin, celle de l’improbable réconciliation, quand la nouvelle reine de la tribu lui donnera un de ses fils en réparation. C’est ce dernier, Malaka, qui raconte l’histoire de Salina dans la barque qui conduit sa dépouille vers un mystérieux cimetière.

Adapter un roman aussi purement littéraire est une gageure dont la compagnie Les Apicoles se sort avec les honneurs. Bruno Bernardin avait déjà interprété en solo Sang Négrier de L.

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Avignon 2022-5 : Là où je croyais être il n’y avait personne, Flesh (IN)

— Par Selim Lander —

Là où je croyais être il n’y avait personne de et avec Anaïs Muller et Bertrand Poncet

Une pièce drôle dans le IN, on n’y est pas vraiment habitué mais des comme celle-là, on en redemande. Les deux jeunes comédiens ont concocté un mélange loufoque à propos d’une histoire d’amour entre un frère et une sœur. Il y est question de Musil et de Duras puisque la seconde a trouvé chez le premier l’idée de sa pièce Agatha, laquelle traite justement de ce sujet.

Là où je croyais être il n’y avait personne est le deuxième volet, après Un jour j’ai rêvé d’être toi, d’une œuvre toujours en construction intitulée Les Traités de la perdition. Les titres indiquent déjà le registre, celui d’un comique tout en finesse, souvent allusif. S’il y a bien quelques traits appuyés, ceux-ci sont loin d’être les plus nombreux. Au début, nos duettistes sont vêtus d’un costume bricolé qui pourrait évoquer celui de mousquetaires en campagne. Après ce prologue placé sous l’égide de Musil, place à Duras et aux choses sérieuses, les comédiens désormais habillés pour l’une d’une robe classique et pour l’autre d’un smoking avec chemise et nœud papillon blancs.

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Avignon 2022 (4) : Le Nez, Frantz (OFF)

– Par Selim Lander –

Le Nez adapté de Gogol et mis en scène par Ronan Rivière

Un beau matin, Kovalev, assesseur de collège mais homme de quelque importance dans la société pétersbourgeoise découvre qu’il a perdu son nez. Ce serait déjà bien ennuyeux mais voilà-t-y pas que le nez s’est sorti tout seul des eaux de la Neva où les pauvres gens qui l’avaient découvert dans une miche de pain ont cru bon de le jeter et qu’il se met à faire des frasques, comme séduire la fiancée de Kovalev ou semer du désordre dans la ville en promettant monts et merveilles à qui veut l’entendre. Sous la farce, en un temps (la publication date de 1836) où la censure ne laissait pas passer grand-chose, ce récit dissimule une critique acerbe de la Russie impériale, des inégalités sociales exacerbées et de la crainte engendrée par une police attelée à défendre l’ordre social.

L’adaptation de Roman Rivière joue délibérément sur le côté farce du texte, tout en gonflant le rôle d’Alexandrine, la fiancée de Kovalev, laquelle bien qu’appartenant au beau monde se montre ici particulièrement délurée.

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Avignon 2022 – 3 : Fin de partie (OFF), Futur proche (IN)

– Par Selim Lander –

Fin de partie (aux Halles)

Le théâtre des Halles accueille régulièrement une pièce de Beckett mise en scène par Jacques Osinski avec Denis Lavant dans la distribution : Cap au pire en 2017, La Dernière Bande en 2019, Fin de partie pour cette édition. Succès assuré à chaque fois, ne serait-ce qu’en raison de la présence de Denis Lavant, acteur beckettien par excellence. Il se meut dans l’absurde comme un gardon dans la Garonne. Ce qui ne veut pas dire qu’il ressemble à un vif poisson. Au contraire, courbé, emprunté, « la démarche raide et vacillante », écrit l’auteur, il ferait peine à voir si le texte, faisant fi de tout réalisme, n’était pas là pour nous rappeler constamment que nous sommes au théâtre. Miracle de la prose de Beckett : nous tenir en haleine avec des histoires qui n’ont ni queue ni tête délivrées sur un ton sentencieux par des comédiens fatigués ! Encore faut-il que les comédiens tiennent la route et personne ne prétendra que ce n’est pas le cas ici.

Clov est le fils adoptif, serviteur, souffre-douleur de Hamm, lequel endosse donc les rôles inverses.

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Avignon 2022 – 2 : Le Septième jour, La Tempesta (IN)

– par Selim Lander –

Le Septième jour : Meng Jinghui (again)

Les fidèles du IN connaissent le metteur en scène chinois Meng Jinhui déjà invité en 2019 avec la Maison de thé, une production qui bénéficiait de très gros moyens tant pour la distribution que les décors gigantesques, avec, faut-il le répéter, un résultat bien décevant : beaucoup de bruit (et d’argent dépensé) pour rien ! Le voici à nouveau avec une adaptation à nouveau très personnelle, celle d’un roman de Yu Hua (l’auteur de Vivre adapté au cinéma par Zhang Yimou), au titre directement évocateur de l’Apocalypse de Jean.

Yang Fei, le protagoniste, est mort. Expédié au paradis, ou plutôt en l’occurrence dans l’enfer, il y rencontre des proches arrivés avant lui, en particulier son père adoptif et son ex-femme. La relation entre le père et le fils est le point fort de l’histoire. Le premier, employé des chemins de fer, a trouvé le bébé au cordon ombilical non encore coupé. Il l’a récupéré, élevé avec beaucoup d’amour, compromettant ainsi ses chances de se marier, aucune femme ne voulant épouser un homme ainsi encombré.

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L’exposition « Aspiration aux voyages » au Musée Gauguin, au Carbet

— Par Selim Lander —

L’idée de cette exposition collective est née lors du premier confinement en mars 2020. L’horizon s’était brutalement rétréci, ne restaient que les pouvoirs de limagination et lenvie de créer quelque chose.

Du voyage intérieur, immobile au tourisme de masse en passant par le voyage initiatique, spirituel, musical et onirique , voire lexil où le voyage devient arrachement, cette exposition organisée par lassociation Lartgondstout propose une rencontre dans lunivers intime de 7 artistes : Marie ALBA, Hélène JACOB, Chantal NOTRELET, Isabelle PIN, Jerôme SAINTE-LUCE, Garance VENNAT, Sandrine ZEDAME.

Marie Alba a désormais une solide pratique de « l’upcycling ». Elle présente ici une installation réunissant l’un de ses mannequins masculins richement décoré à côté d’une authentique valise. Elle évoque ainsi puissamment l’exil, un exil d’une sorte inouïe cependant, car son mannequin n’est pas seulement arrivé d’ailleurs, il vient d’un autre temps – passé ou avenir ?

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Petites Formes 2022 : Guy Régis Jr ; Marionnettes belges

— Par Selim Lander —

Les cinq fois où j’ai vu mon père

Après Moi fardeau inhérent qu’on a découvert en Martinique interprété par Daniely Francisque lors d’un précédent festival des Petites Formes, c’est un autre monologue de même auteur, interprété cette fois par un comédien, Christian Gonon, sociétaire de la Comédie Française, qui clôture la présente édition.

Comme l’indique le titre, un enfant évoque les quelques occasions dont il se souvient ou croit se souvenir, où il fut en présence de son père parti chercher mieux ailleurs. Il n’est pas à proprement parler un enfant abandonné puisque le père lui rend de temps à autres visite, à lui et à sa mère. Mais ces visites sont si espacées et si fugaces qu’il se considère plutôt comme un enfant sans père. Et le souvenir qu’il en a est imprécis, ce qui se comprend d’autant mieux qu’il était un enfant quand elles se sont produites.

Peut-on tirer une pièce d’un tel argument ? Sans nul doute, tant d’événements peuvent s’inscrire dans ce contexte ! Et de fait il y a des moments émouvants, en particulier chaque fois qu’un dialogue s’instaure – avec difficulté, évidemment – entre le père et le fils.

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« L’Histoire d’une femme » de Pierre Notte

— Par Selim Lander —

Parallèlement au festival des Petites Formes, on peut assister au Théâtre municipal de Fort-de-France, jusqu’au samedi 26 mars, à un très brillant monologue de Pierre Notte, mis en scène par lui-même et remarquablement interprété par Muriel Gaudin. Une femme qui se raconte, ce que c’est que d’être une femme dans la France d’aujourd’hui, le sexisme ordinaire, la drague pas très maligne avec des blagues pas très fines quand il ne s’agit pas d’invites sexuelles directes et grossières. Bien « torché », et P. Notte sait comment faire, cela ferait déjà une bonne pièce mais il a eu la très bonne idée de choisir une femme pas comme les autres, avide d’expériences et de savoir. Est-ce parce qu’elle a été renversée par un cycliste et s’est retrouvée couchée sur un trottoir, inconsciente, pendant quelques minutes ? Toujours est-il qu’elle se réveille pleine d’interrogations et bien décidée à ne plus s’en laisser compter par les hommes. Les conversations avec ces derniers se terminent toujours de manière abrupte, même si, comme le lui dit son frère à un moment, ce n’est quand même pas comme si elle abandonnait un chien au bord de l’autoroute par temps de canicule !

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Petites Formes 2022 : bis repetita placent

Antigone ma sœur du Collectif La Palmera

— Par Selim Lander —

Lorsque nous avions vu cette pièce, encore en construction, en 2020, elle ne nous avait qu’à demi convaincu. Un spectacle tonitruant pour les amateurs d’opéra rock, telle fut, pour autant que l’on s’en souvienne, notre réaction. Notre mémoire n’est pas infaillible, loin de là, mais de revoir la pièce aujourd’hui laisse une toute autre impression. Alors que les « numéros » d’antan paraissaient souvent gratuits avec beaucoup de bruit et de gesticulations inutiles (i.e. réservés à un certain public que l’on peut qualifier de « djeun’s » !), le spectacle présenté aujourd’hui, sans rien perdre de son côté rock, s’est enrichi comme si le mythe avait enfin instillé la pièce et ses interprètes. Les récits qui rappellent les principaux épisodes de cette tragique histoire (nous sommes en effet aux origines de la tragédie) dans laquelle les personnages, loin d’être des héros, sont les instruments malheureux d’un destin implacable, sont parfaitement résumés et clairement racontés.

Les dialogues sont soit des divertissements agréablement comiques, soit des moments clés du mythe rapporté par Sophocle dans Œdipe Roi et dans Antigone.

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Petites Formes 2022 : Françoise Dô

— Par Selim Lander —

Juillet 1961

Depuis sa première prestation sur le plateau de la salle Frantz Fanon, il y a cinq ans, Françoise Dô a fait son chemin. Repérée par Hassane Kouyaté, cornaquée un temps par la metteuse en scène Stéphanie Loïc, aidée des conseils du dramaturge Paul Emond, lauréate de quelques concours, elle revient dans sa Martinique avec un nouveau spectacle écrit, mis en scène et interprété par elle-même. Produite par le CDN de Saint-Etienne, avec de très nombreux soutiens, Juillet 1961 est une incontestable réussite, bien supérieure, par exemple, à Penthésilé.e.s de Laetitia Guédon, étouffée de rectitude politique et d’enflure bien qu’auréolée par le festival IN d’Avignon, présentée récemment dans cette même salle Frantz Fanon.

C’était pourtant une gageure pour une française, fût-elle noire, d’être légitime en voulant évoquer les émeutes dans les quartiers afro-américains aux États-Unis dans les années 60. F. Dô y parvient pourtant avec deux personnages féminins plus deux musiciens sur le plateau et un personnage masculin en voix off s’exprimant en anglo-américain surtitré. Bien que physiquement absent celui-là n’est pas le moindre atout d’une pièce qui réussit à être crédible tout en se montrant d’une grande sophistication formelle.

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Petites Formes 2022 : Poiteaux

— Par Selim Lander —

Suzy et Franck

Une pièce à thèse très réussie : la thèse est démontrée… dans la mesure où elle écarte d’emblée les objections. Ainsi l’affaire Dutroux, exemplaire en ce qu’il s’agit d’un tueur sadique et sans aucun remords et qu’il n’y a pas le moindre doute sur sa culpabilité. Face à l’interrogation évidente – à quoi bon maintenir en prison un individu pareil jusqu’à ce que mort s’en suive ? – l’auteur botte en touche. A partir de là, il est facile de trouver des exemples d’erreurs judiciaires qui ont conduit des innocents à la guillotine ou sur la chaise électrique. D’emblée, le débat de fond est donc écarté : n’y a-t-il pas pourtant un distinguo à faire entre le criminel avéré et celui pour lequel un doute subsiste, aussi minime soit-il ? Il est dommage que le cas Dutroux, si exemplaire, soit ainsi écarté, d’une chiquenaude. Le justification de son enfermement plutôt que son élimination serait-elle l’espoir d’une rédemption ? Ou bien la foi dans une dignité de la personne humaine quelle qu’elle soit ?

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Petites Formes 2022 : Bolivar

— Par Selim Lander —
Les Revenants de l’impossible amour de Faubert Bolivar

L’édition 2022 du festival martiniquais des « Petites Formes » a commencé en fanfare, pourrait-on dire, par la création d’une nouvelle pièce de Faubert Bolivar. « Fanfare » ne doit pas être pris ici au pied de la lettre, même si la musique est très présente et sur le plateau avec deux musiciens (Daniel Dantin et Ghassen Fendri), l’un à la section rythmique, l’autre à la guitare électrique. Le mot est plutôt à prendre au sens plus général de ce qui révèle un éclat particulier. Et de fait, outre la musique, le décor, les costumes, l’aisance des comédiens, tout contribue à faire de cette pièce un spectacle total.

On ne présente plus Faubert Bolivar au public martiniquais. Sa dernière apparition publique date du mois de novembre dernier, lorsque sa pièce Il y aura toujours un dernier soleil fit l’objet d’une lecture publique – remarquée – par Alexandra Déglise /1. Il fit lui-même, naguère, une apparition en personne sur les planches de Tropiques Atrium où on put l’entendre défendre vaillamment des textes poétiques.

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Musique et chansons à l’Atrium : Viktor Lazlo, Mariejosé Alie

— Par Selim Lander —

Il y a longtemps que l’on n’avait pas vu la grande salle de l’Atrium aussi remplie de monde. Peut-être parce que la crainte de la COVID s’éloigne et que les contraintes se relâchent (malgré une recrudescence des cas post-carnaval), sans doute aussi en raison des deux têtes d’affiche de la soirée. Mariejosé Alie a été journaliste de télévision en Martinique avant de continuer sa carrière en France. On l’a beaucoup vue et entendue récemment à la suite de la sortie de son livre Entretiens avec Aimé Césaire. Quant à Viktor Lazlo, elle est une habituée de la Martinique, non seulement du plateau de l’Atrium mais encore des réunions littéraires, puisque elle-même romancière, elle organise ici le festival Ecriture des Amériques et, depuis peu, les Cafés littéraires du Diamant.

Un concert avec deux têtes d’affiche, c’est prendre des risques. Celle qui passe en premier – Mariejosé Alie en l’occurrence – court le risque d’être prise pour un de ces faire-valoir auxquels on ne prête guère attention, étant dans l’attente de LA vedette de la deuxième partie.

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Brillante reprise de « Circulez ! » jusqu’au 12 mars au TAC

 Nous avons revu ce jeudi 10 mars 2022 avec un plaisir plus fort encore qu’en 2017 cette pièce de José Jernidier. Aussi serait-il dommage de ne pas attirer l’attention sur elle alors qu’elle se joue encore pendant deux soirées. Précisons que Circulez ! n’est nullement réservée aux amateurs habituels du théâtre. C’est certes une réflexion sur cet « accident de l’histoire » qu’est la société antillaise, au-delà de « l’histoire de l’accident » qui en est l’argument, mais elle se présente sous la forme d’une comédie faite pour ravir tous les publics. Alors « circulez » vite (mais sans provoquer d’accident !) pour vous rendre au Théâtre municipal de Fort-de-France avant qu’il ne soit trop tard. Quant à ceux qui veulent en apprendre davantage avant de se décider, ils trouveront ci-dessous notre compte rendu d’il y a 5 ans.

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Peut-on encore évoquer le malaise antillais (le « problème identitaire ») sans tomber dans le déjà vu alors que ce thème n’a jamais cessé de hanter la conscience des auteurs antillais ? De la déréliction au ressentiment, on a déjà tout lu, tout vu.

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« Vibrasyon a Mas » : images du carnaval guadeloupéen

— Par Selim Lander —

En cette période carnavalesque, une visite de l’exposition de photographies qui se tient en ce moment et jusqu’au 2 avril au Créole Arts Café de Saint-Pierre est une très bonne occasion de se plonger dans l’ambiance du « Mas a Po » de l’île sœur. Gageons que nos propres carnavaliers trouveront là des sources d’inspiration et de renouvellement. On ne peut qu’être saisi en effet par l’intensité de ces images, photographies de groupe ou portraits. Cela tient, bien sûr, au talent des quatre photographes (trois femmes et un homme) qui ont su capter le bon éclairage, le bon moment, choisir l’angle adéquat et les quelque cinquante prises de vue sont d’une qualité exemplaire. Cela tient aussi à l’implication des modèles dans la geste carnavalesque. Même lorsqu’ils sont pris, comme c’est le plus souvent le cas, au repos, même quand ils posent devant l’objectif, ils sont encore immergés dans le carnaval.

Ces images illustrent à leur manière l’adage vécu par tous les comédiens suivant lequel l’habit fait le moine.

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Superbes « Belles Places »  !

Par Selim Lander

Deux danseuses noires + deux circassiennes blanches, une pièce 100 % femmes avec une intention féministe affichée. Les danseuses sont souvent quatre en réalité car les deux circassiennes se mettent également à danser dans les tableaux à quatre. Après un prologue superflu au cours duquel est délivré en voix off un premier discours militant (éloge de la « femme djok », i.e. poteau mitan) à la clé, le spectacle commence et sera un enchantement de début à la fin, faisant oublier aussi bien le discours inaugural que celui qui viendra interrompre brièvement la pièce. Dans cette veine, on aura préféré le moment où une danseuse, micro en main, s’adresse à sa partenaire (puis idem pour les circassiennes).

Il n’y a pas si longtemps, on voyait fleurir sur les plateaux des pièces parlant des migrants : c’est sans doute ce qu’attendaient les subventionneurs. Désormais la mode est pour les sujets « woke » (racisés, femmes, lgbtq…). Ainsi va le monde. Toutes ces vertueuses intentions n’empêchent heureusement pas de faire de bons spectacles. Et celui-ci en est un, son ramage sauvé par son plumage.

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Tropiques-Atrium célèbre Haïti

— Par Selim Lander —

Ce mois de janvier 2022 a permis d’ouvrir au bénéfice du public martiniquais quelques « Fenêtres sur Haïti », selon le titre choisi pour cet ensemble de manifestations : cinéma, théâtre, musique, expositions. Si Haïti est en très mauvais état (et ce n’est, hélas, pas d’hier, on pourra consulter au premier étage de l’Atrium des panneaux sur lesquels sont rappelées quelques-unes des atrocités commises par François Duvalier), sa créativité est intacte. Ainsi ces diverses manifestations ont-elles fait souffler un peu d’air frais sur une Martinique trop longtemps privée d’événements culturels.

René Depestre, on ne rate pas une vie éternelle, un film d’Arnold Antonin

Ce film tourné en 2016 alors que René Depestre avait exactement 90 ans, le montre dans une forme éblouissante. Disert, drôle, avec la modestie qui sied à qui n’a plus rien à prouver. Le simple récit de sa vie, puisqu’il s’agit de cela dans le film, une sorte de « Depestre par lui-même », parle suffisamment en sa faveur sans qu’il lui soit nécessaire d’en rajouter. Lycéen jugé indocile dans sa ville natale de Jacmel, on l’invite à aller voir ailleurs en lui offrant une bourse pour étudier en France.

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La collection Clément s’expose

— Par Selim Lander —

Les temps de pandémie rendent difficile l’organisation d’un exposition réunissant des œuvres venues d’ailleurs comme la Fondation Clément en organise chaque année. Il est en effet bien risqué d’engager les frais qu’entraînent de telles expositions sachant qu’elles peuvent être annulées du jour au lendemain en raison des impératifs sanitaires. La Martinique, de surcroît, particulièrement atteinte par la Covid 19 du fait du faible taux de personnes vaccinées, présente à cet égard un risque accru. Heureusement, la Fondation possède son propre fonds, riche de plus de 800 œuvres émanant de plus de 250 artistes, de quoi organiser plus d’une exposition.

La Martinique ne saurait trop se féliciter d’abriter le siège de l’entreprise GBH et que son patron, Bernard Hayot, ait non seulement constitué une collection remarquable d’œuvres caribéennes et pour une grande grande part issues des Antilles françaises, mais encore qu’il la partage régulièrement avec le public dans le cadre véritablement idéal qu’est l’Habitation Clément.

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Un nouveau « portfolio » du PABE : manière d’aiguiser son jugement

— Par Selim Lander —

Qui ne connaît, en Martinique, le PABE (Plastik Art Band Experimental), ce groupe d’artistes plasticiennes de tous âges et qui, sous la bienveillance houlette de Michelle Arretche, trouvent d’année en année leur chemin auprès du public martiniquais ? Qui les a suivies a pu mesurer les progrès accomplis au fil du temps, leur professionnalisme.

Certes, on butte toujours sur cet obstacle propre à l’art depuis la fin du classicisme, qui tient à l’absence de critère pour juger une œuvre. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi, face à un tableau de Cézanne, ses contemporains eurent quelques difficultés à se faire une opinion : confrontés à des formes étrangères, ils n’avaient plus que leur intuition, leur sensibilité pour jauger sa peinture. Aussi n’est-il pas surprenant qu’une bonne part d’entre eux l’ait rejetée, parfois violemment. Seuls les plus clairvoyants ont su deviner sous l’apparente maladresse une autre forme d’art, l’art de demain, et qu’un tableau de Cézanne ne réclamait pas moins de travail – mais plutôt davantage, pour aussi étonnant que cela ait paru à l’époque à qui ne pouvait connaître les douloureux accouchements du peintre d’Aix – qu’un tableau de Canaletto (par exemple).

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« De Feu et de pluie » : comme un examen de passage

— Par Selim Lander —

La Martinique demande l’inscription du site de la Montagne Pelée à l’inventaire du patrimoine mondial de l’UNESCO. Afin de soutenir cette candidature, la Fondation Clément a rassemblé quelques plasticiens contemporains autour de cette thématique précise, ou de celle, plus générale, de la Martinique, paysages et gens.

Certaines œuvres exposées sont donc plus proches du thème que d’autres. Pour qui l’ignorerait, la Montagne Pelée est un volcan dont la dernière éruption, en 1902, a provoqué la destruction de la ville de Saint-Pierre, alors capitale de l’île. Parmi les œuvres directement inspirées par cet épisode, se détache immédiatement l’arbre de Christian Bertin (respé twa fwa), de métal et de verre brûlés. A l’arrière plan, une vidéo présente le work in progress. De même, l’assemblage de tôles de voitures par Hervé Beuze, intitulé Composition tellurique, évoque-t-il assez directement la tectonique des plaques responsable des éruptions volcaniques. Toujours dans la même veine, Sismographie Méga-poétique, la peinture abstraite de Julie Bessard – dont la présentation sur un cylindre ouvert comme une amorce de spirale n’est pas sans évoquer, toutes proportions gardées, l’ensemble intitulé The Matter of Time de Richard Serra au Guggenheim Bilbao –, des traces colorées sur un fond noir, pourrait représenter une forêt en feu.

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Danse par temps de Pandémie

Deux soirées danse comme pour augurer que la pandémie sera bientôt derrière nous et que la saison culturelle pourra reprendre normalement. Puisse le proche avenir le confirmer.

— Par Selim Lander —

Obsoletum de et avec Joss et Resist

Deux danseurs sur le plateau. Joss (Jean-Michel Garraud) accroupi pendant que Resist (Yves Milôme) joue avec une chaise en clamant un texte dont il est l’auteur. Après ce début qui paraît un peu laborieux, tout change lorsque Joss se réveille et se met à danser, bientôt suivi par son compagnon, en alternance conformément aux règles de la breakdance où chacun présente tour à tour son numéro. Avec les passages obligés comme lorsque Joss se met à tournoyer sur la tête. Les meilleurs moments, cependant, sont ceux où les deux se mettent à danser/jouer ensemble. Il se noue alors entre eux une réelle complicité lorsqu’ils se reconnaissent, se saluent. La chaise, quand elle est partagée, prend alors tout son sens. Si l’un apparaît plus fringant que l’autre et capable de figures plus compliquées, cela ne nuit pas à la qualité de cette pièce qui est justement destinée à montrer l’effet du passage des années sur le corps et la technique des danseurs.

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Vitalité du théâtre en Martinique

— Par Selim Lander —

En Martinique on cultive les lettres de longue date et si elle sont moins connues que sa poésie, Césaire s’est également illustré par ses pièces de théâtre. Bien que les auteurs contemporains soient contraints de s’en tenir à des formats plus modestes que le maître, la tradition se perpétue avec de belles réussites. L’association ETC (pour Ecritures théâtrales contemporaines) – Caraïbe, présidée par Alfred Alexandre, lui-même auteur talentueux, est au service des dramaturges martiniquais, guadeloupéens et, dans une moindre mesure, conformément à sa raison sociale, caribéens. Elle a organisé les 9 et 10 novembre 2021, en relation avec l’Université des Antilles, des « Théâtrales » qui sont autant d’occasions de rencontres avec des auteurs et des textes d’aujourd’hui. Des Antilles ou d’ailleurs car les auteurs doivent s’ouvrir au monde, particulièrement sur une île. En l’occurrence, c’est un auteur venu de France qui est venu apporter le vent du large.

Chemin forgeant de Bernard Lagier

A tout seigneur tout honneur, il est logique de commencer cette brève revue par celui qui fait désormais office de doyen du théâtre martiniquais.

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