Petites Formes 2022 : Guy Régis Jr ; Marionnettes belges

— Par Selim Lander —

Les cinq fois où j’ai vu mon père

Après Moi fardeau inhérent qu’on a découvert en Martinique interprété par Daniely Francisque lors d’un précédent festival des Petites Formes, c’est un autre monologue de même auteur, interprété cette fois par un comédien, Christian Gonon, sociétaire de la Comédie Française, qui clôture la présente édition.

Comme l’indique le titre, un enfant évoque les quelques occasions dont il se souvient ou croit se souvenir, où il fut en présence de son père parti chercher mieux ailleurs. Il n’est pas à proprement parler un enfant abandonné puisque le père lui rend de temps à autres visite, à lui et à sa mère. Mais ces visites sont si espacées et si fugaces qu’il se considère plutôt comme un enfant sans père. Et le souvenir qu’il en a est imprécis, ce qui se comprend d’autant mieux qu’il était un enfant quand elles se sont produites.

Peut-on tirer une pièce d’un tel argument ? Sans nul doute, tant d’événements peuvent s’inscrire dans ce contexte ! Et de fait il y a des moments émouvants, en particulier chaque fois qu’un dialogue s’instaure – avec difficulté, évidemment – entre le père et le fils. Cependant, on est loin de l’intensité dramatique de Moi fardeau inhérent. Mais sans doute cela tient-il aussi à la mise en scène (par l’auteur), très statique. Des inserts de vidéo, des dessins animés d’oiseaux, ne sont guère probants. Et sans doute cela tient-il aussi pour une part au comédien qui fait ce qu’il peut mais ne paraît pas très crédible dans un texte qui demeure ancré dans la réalité caribéenne et plus particulièrement haïtienne. Bref, il était difficile de juger de la qualité de ce texte de Guy Régis Jr qu’on aimerait entendre à nouveau au théâtre dans une autre mise en scène et avec un autres comédien.

Last but not least. On dira que je radote mais fallait-il vraiment affubler Ch. Gonon d’un micro, alors qu’il devait faire passer un texte intimiste dans une salle Frantz Fanon de dimension suffisamment restreinte pour s’y faire entendre facilement à voix nue ? On ne pouvait pas mieux trahir ce texte qu’en voulant « l’amplifier » ! Récapitulons : Durant tout ce festival dont nous n’avons raté qu’une soirée, celle du Saint-Esprit, le vendredi 18 mars – mais le « Chapiteau » semble lui aussi abonné aux micros – les seules représentations à voix nue ont eu lieu dans l’espace réduit de La Terrasse. Pour toutes les autres, les comédiens étaient donc « appareillés », de manière plus ou moins discrètes. Or, en dehors de l’Antigone de Nelson Rafaell Madel et de ses amis, théâtre musical et qui ne pouvait être classé comme « petite forme », les autres pièces interprétées par un ou deux comédiens dans des espaces de dimension plus réduite que la salle Aimé Césaire n’exigeaient a priori aucune amplification. Même si, par exception, celle-ci était justifiée a posteriori dans Juillet 1961 de Françoise Dô.

Le Petit Peuple de la brume

Il existe en Belgique une école très vivante de marionnettistes. On le voit par exemple lors du festival d’Avignon au théâtre de la Communauté francophone (le Doms) où il est rare que ne soit pas programmée une pièce avec des marionnettes. On peut alors mesurer la variété des objets présentés sous ce nom, depuis les plus grandes que nature jusqu’aux minuscules. Ces dernières exigent évidemment un espace très restreint pour être vues. C’était le cas pour Le Petit Peuple de la brume, un titre dans lequel le mot « petit » est donc à prendre au double sens d’un peuple petit constitué de personnes de (très) petite taille (un spectacle qui par ailleurs s’adresse prioritairement à des enfants, donc des petites personnes!). Comme, de surcroît, cette pièce exige un décor compliqué –la maquette du territoire de ce peuple sous laquelle est dissimulé un manipulateur qu’on ne verra jamais paraître – plus trois conteurs-manipulateurs-musiciens présents sous nos yeux, autant dire que transporter tout cela est une gageure. Mais le jeu en valait la chandelle et le public, petits et grands était sous le charme.

Les marionnettes (en papier et à tringle) lilliputiennes sortent de trous lorsque les rochers qui les dissimulaient se meuvent comme par enchantement. Mais le clou du spectacle est constitué par un dragon habitant d’un lac couvert de fumée (la brume), un dragon plus vrai que nature qui crache le feu mais qui est tout aussi capable d’avaler de l’herbe ou de cajoler un petit représentant du petit peuple des brumes. Son apparition relance une histoire essentiellement visuelle, contrairement à d’autres spectacles de marionnettes.

Une production du Théâtre du Papyrus avec Bernard Chemin, Denis Mpunga, Christine Flasschoen, Fred Postiau.