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Courtelignes a donné « Potins d’enfer » de Jean-Noël Fenwick : Au-revoir et à bientôt !

Potin d'enferPar Selim Lander – Pour une fois, l’enfer c’est pas les autres. Enfin, quand J.-N. Fenwick dit « l’enfer », il s’agit plutôt d’autre chose, d’un lieu provisoire où séjournent les âmes des défunts avant de partir vers… un autre ailleurs. Dans la pièce, elles sont trois de ces âmes qui habitent un corps sans vie mais néanmoins capable de parler et de se mouvoir : celles d’un politicien qui ne se prend pas pour rien, d’une journaliste qui ne se prend pas pour rien et d’un coiffeur qui ne se prend pas pour rien non plus. On peut ironiser sur le théâtre du boulevard ! Et il est vrai qu’il ne fait pas dans la dentelle. Au moins a-t-il le mérite de porter sur nous autres, pauvres humains, un regard sans complaisance. Qui mieux que lui sait montrer les petites (?) mesquineries dont sont tissées nos existences, toutes ces bassesses, ces trahisons (j’excepte, cela va de soi, les héros et les saints). Et tout ça pourquoi ? Pour un enjeu habituellement si dérisoire qu’on hésite entre en rire ou en pleurer.

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Danse en Martinique – Aperçus sur la Biennale 2014

Mon cœur est un château : holà !

Fred-BendonguePar Selim Lander. On n’est pas toujours maître de son emploi du temps. Nous prenons cette biennale en marche, presque à la fin, avec une création de la compagnie Fred Bendongué, du chorégraphe et danseur du même nom. Nous ne le connaissions pas : ce fut une très agréable surprise. Il danse avec un autre garçon, Farid Azzout et une danseuse, Sandra de Jesus : un noir, un « arabe » et une blanche. Ce choix n’est pas innocent puisque la banlieue est au centre de l’histoire, ou plutôt des histoires qui nous sont contées : Venissieux, Les Minguettes… C’est de la danse, n’est-ce pas, et malgré les paroles d’Abd Al Malik qui résonnent de temps à autre, chacun est libre de laisser vagabonder son esprit. De toute façon, l’essentiel n’est pas là. De la triade « sensation- sentiment-connaissance », chère à Pierre Leroux (1797-1871) – que les Français tiennent pour l’inventeur du mot « socialisme » -, Bendongué nous balade du côté des sensations et des sentiments.

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La Nuit des assassins : des paumés magnifiques

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Par Selim Lander – En compagnie de Yoshvani Medina, puis de Ludwin Lopez et maintenant en solo, Ricardo Miranda a permis au public martiniquais de découvrir un théâtre latino-américain riche d’invention, de fantaisie, de mystère, où le sacré n’est jamais bien loin. Avec La Nuit des assassins Miranda puise une nouvelle fois dans le répertoire cubain. José Triana a écrit là un vrai texte de théâtre moderne, qui captive moins par les ressorts de l’intrigue que par l’étrangeté de la situation dans laquelle les personnages se trouvent plongés. Pourquoi sont-ils réunis, qui sont-ils, que veulent-ils, à quoi jouent-ils ? Telles sont les questions auxquelles chacun est invité à apporter ses propres réponses. À cet égard, on peut se demander s’il est pertinent de donner au futur spectateur, comme fait le programme du Théâtre municipal, autant de clés pour « comprendre » la pièce. N’est-il pas préférable de le laisser se faire sa propre opinion en toute autonomie ? Certes, il faut bien un « pitch » pour le convaincre d’assister au spectacle, mais il ne faut pas moins se garder d’imposer une interprétation a priori.

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Her : Ça s’est passé demain

HerUn codicille à l’analyse plus psychologique de Roland Sabra

Par Selim Lander – Un film hollywoodien situé dans le centre ville de Los Angeles qui constitue à lui seul un décor passablement futuriste : tours de bureaux, tours d’habitation, parvis piétonniers, métro impeccablement propre. Un futur très proche, néanmoins, où les innovations ne sont pas légion : les photocopieurs sont plus performants, les jeux en trois D sont sortis des écrans et entrés véritablement dans les salons. À part ça, tout est semblables à aujourd’hui, sauf les taxis qui ont rétréci.

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Les Bruits de Recife : tranches de vie en pays émergent

bruitsderecife1Par Selim Lander – Les Bruits de Recife : un premier long métrage de Kleber Mendonça Filho tourné dans une ville du  Brésil en plein boum économique, avec les gratte-ciels qui poussent partout ; plusieurs lignes narratives très lâches qui se développent simultanément, se croisent parfois ; un film patchwork, des personnages ordinaires, « sans qualité », vivant une existence banale, à l’exception de l’un d’entre eux qui veut assouvir une vengeance (mais cela nous ne le découvrirons qu’à la fin).

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Hong Sang Soe : un Rohmer coréen

Haewon et les hommes

Haewon et les hommesPar Selim Lander – Un cinéaste prolifique qui raconte des histoires où il ne se passe rien, rien de plus que des conversations entre des hommes et des femmes, où la grande question est celle de savoir si l’on aime ou pas, si l’on aime bien ou mal, si l’on va tomber amoureux ou si l’on n’aime plus. Le rythme est lent, on élève rarement la voix, la photo est belle, la musique aussi. En dehors de ces inquiétudes sentimentales, la vie est facile dans ce monde-là. L’argent n’est pas un souci, ni le travail. On a le temps pour autre chose, pour ce qui importe vraiment, ces conversations interminables, les lentes déambulations dans quelques lieux familiers que l’on revisite inlassablement. C’est l’univers de Rohmer, version Corée du Sud. Et puisque les deux personnages principaux d’Haewon et les hommes sont une étudiante (Haewon, grande et distinguée) et son professeur, Seongjun, on pense plus précisément à Conte d’automne (1998).

Nous sommes donc, avec Haewon et les hommes, dans un film maniériste à l’extrême. Nous ne dirons pas à l’excès.

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Bethléem : la guerre sans fin

BethléemPar Selim Lander – « L’occupation (de la Palestine) ou la sécurité, vous n’aurez pas les deux à la fois ». Tel est le message envoyé aux Israéliens, via Al Jazeera, par le terroriste palestinien Ibrahim. Ce dernier a un jeune frère, Sanfur, qui a été retourné par un agent secret israélien, Razi. Entre ces deux-là se sont nouées des relations affectives – réciproques – très fortes (à en croire le cinéma, le film Omar par exemple, les services secrets israéliens seraient très doués pour ce jeu-là). On voit toute la richesse d’une situation dans laquelle les deux principaux protagonistes (Sanfur et Razi) se trouvent pris entre des fidélités contradictoires, chacun devant à la fois protéger son ami et demeurer loyal envers son camp. De tels dilemmes ne se tranchent jamais de manière satisfaisante (ou il y faut beaucoup d’artifice comme dans le Cid de Corneille).

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Pull : deux truands sur le retour

pullPar Selim Lander – « Pull » : pull the trigger, appuie sur la détente. De fait, les deux personnages qui occupent la scène ont la gâchette facile. Les sens en alerte, ils dégainent plus vite que leur ombre. Avec Pull, comme on le comprend tout de suite, Hervé Deluge (auteur et metteur en scène)nous projette dans un univers de films noirs aux truands sympathiques. Pas mauvais bougres, tuer pour eux n’est qu’un métier, avec ses bons et ses mauvais côtés. Il n’empêche : ces deux-là sont rendus à un stade de leur (médiocre) existence où l’on commence à se poser des questions existentielles.  Leur philosophie ne va pas bien loin mais elle est dépourvue de prétention et l’on se laisse facilement charmer par des discours où l’humour côtoie la déraison. Il ne se passe rien : les tueurs (le mot « assassin » ne conviendrait pas ici) attendent qu’on leur désigne une cible, et comme la distribution est réduite à deux comédiens, on se doute bien qu’il ne se passera pas grand-chose d’autre. Pourtant, on a envie de savoir la suite.  

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Claude Gueux, adapté de Victor Hugo

claude-gueuxPar Selim Lander – Le spectacle présenté mardi dernier dans la salle Frantz Fanon du CMAC (une salle bien remplie de spectateurs qui se montrèrent satisfaits – qu’on se rassure tout de suite) cumulait d’entrée les  deux principaux désavantages si souvent présents dans le « théâtre » d’aujourd’hui : un texte non théâtral et un seul comédien. Le « seul en scène » présente pour la production l’avantage évident de réduire le coût au minimum (tout en augmentant néanmoins le nombre des comédiens au chômage et en privant les spectateurs des interactions entre les comédiens, qui font normalement une grande partie du charme du théâtre). Quant à l’adaptation d’un texte non théâtral, elle ne s’explique pas seulement par le fait que les monologues et soliloques – écrits ou non au départ pour le théâtre – ne sont pas en nombre illimité : il s’agit d’une véritable mode chez les metteurs en scène contemporains qui prennent ainsi assez aisément la posture d’un auteur.

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Au cinéma !

"Lulu, femme nue", "Des Étoiles". "Salvo". "Cristo Rey"

LULU+FEMME+NUE Par Selim Lander – Toujours dans la série le CMAC à Madiana, Steve Szebina présente en ce mois d’avril quatre films inédits en Martinique, plus la reprise de The Lunchbox, projeté naguère mais qui mérite effectivement d’être proposé à nouveau aux cinéphiles qui l’auraient raté la première fois. Surprise : un film français à l’affiche : Lulu femme nue de Solveig Anspach, une fable tirée de la bande dessinée d’Etienne Davodeau. Lulu, une jeune dame (Karin Viard), néanmoins mère de trois enfants, décide qu’elle a besoin d’une coupure avec le train-train qu’on devine étouffant de la vie familiale. Habitant un petit village près d’Angers, elle se retrouve un peu par hasard à Saint-Gilles-Croix-de-Vie.

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L’Ange noir : Chants d’exil d’après Bertold Brecht

— Par Selim Lander ––

Chants d'exilSerge Barbuscia, le directeur du théâtre du Balcon en Avignon, revient en Martinique avec une nouvelle production. L’aurait-on invité si son spectacle, évocation des années d’exil de Brecht, ne s’inscrivait pas dans la thématique de la saison du théâtre de Fort-de-France consacrée à ce dramaturge ? Peut-être pas car le projet d’imaginer un « cabaret chanté » autour de Brecht n’était pas nécessairement très attractif. De fait, au début, on s’interroge sur la finalité de tout cela. On sait la propension des metteurs en scène contemporains à se muer en auteurs ou à défaut en adaptateurs. C’est le cas ici. S. Barbuscia ne met pas en scène une pièce de Brecht : il construit un spectacle à partir / autour de divers textes du dramaturge allemand. Inutile donc de chercher une intrigue, des sous-entendus, des mystères, enfin tout ce qui fait le plaisir ordinaire du théâtre. Mais alors, n’y a-t-il rien de mieux à faire, aujourd’hui, que de convoquer l’auteur de l’Opéra de 4 sous ? Pour nous dire quoi que nous ne sachions déjà sur la grande crise, le nazisme, l’exploitation capitaliste ?

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Le centenaire d’Albert Camus (1913-1960) – Camus et le théâtre

Albert Camus

Par Selim Lander – Hasard, bien sûr : deux auteurs français célèbres dont le nom débute par la lettre « C »  sont nés en 1913 (Camus, Césaire), un troisième (Cocteau) est mort en 1963. Un tel télescopage n’a pas aidé à ce que ces anniversaires fussent commémorés avec toute la ferveur souhaitable. Sans compter que 1913 fut également l’année de la publication du premier volume de la Recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann, événement considérable qui n’a pas manqué de faire beaucoup d’ombre aux trois précédents. Dans le cas d’Albert Camus, le brouillage a été encore accentué par la polémique autour de l’organisation de la grande exposition commémorative, à la médiathèque d’Aix-en-Provence qui abrite le Fonds Camus.

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Maryse Condé se livre et se délivre

Maryse Condé : La vie sans fards, Paris, J.C. Lattès, 2012, 334 p., 19 €.

maryse-conde-Par Michel Herland – En plaçant d’entrée ce livre de mémoires sous l’invocation de Jean-Jacques Rousseau et de ses Confessions, Maryse Condé (née en 1937) annonce la couleur. Loin de vouloir dresser pour la postérité une statue à sa gloire, elle livrera aux lecteurs le récit « sans fards » de ses années de jeunesse. Ce livre devrait passionner, au-delà des admirateurs de l’auteure de Ségou (publié en 1984), les Africains, sans parler de tous les Européens ou Antillais qui, comme elle, ont laissé une part d’eux-mêmes sur « le continent ». C’est pourtant en Haïti que ces nouvelles confessions ont fait le plus de bruit (1) quand il est apparu que le père de Denis, le fils aîné de M. Condé, né en 1956, n’était autre que Jean Dominique (1930-2000), une figure de la résistance contre les Duvalier, coupable d’avoir abandonné Paris et sa jeune maîtresse passionnée lorsqu’il apprit qu’elle était enceinte de ses œuvres.

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Fruitvale Station : horror movie

Fruitvale StationPar Selim Lander – Ça commence par des images floues tournées sur le quai d’un métro, des images réelles, des images tremblées, celles de flics qui tabassent quatre jeunes noirs assis contre un mur du métro, le BART (Bay Area Rapid Transit). Nous sommes à San Francisco, ou plutôt à Alameda, près d’Oakland, à la station Fruitvale. Un crime atroce va être commis, le spectateur non averti ne le sait pas encore et il vaut mieux en effet ne pas être averti pour apprécier le film. Soudain un bruit sec : est-ce une détonation, un coup de feu ? Changement d’ambiance : un jeune noir se dispute gentiment avec sa petite amie ; leur petite fille vient les rejoindre ; scène de tendresse familiale. Déjà, pourtant, quelque chose de lourd plombe l’atmosphère du film. Nous, spectateurs, sommes mal à l’aise sans véritable raison.

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Workers : un film postmoderne

WorkersPar Selim Lander – Après les jeunes migrants guatémaltèques lancés dans une mortelle randonnée vers leur Eldorado nordique (Rêves d’or de Diego Quemada Diez), un autre film qui nous vient du Mexique, Workers de Jose Luis Valle, aborde le monde du travail, cette fois, et sur un mode plutôt optimiste. Car si l’exploitation est bien là et les différences de richesse aberrantes, tout finit bien pour les travailleurs du film. L’un, ouvrier (« agent de surface », plus précisément), s’est sorti de l’analphabétisme et va enfin toucher une retraite bien méritée ; les autres héritent une copieuse somme de leur patronne sous la condition suspensive qu’ils devront s’occuper de « Princesse », sa chienne adorée, jusqu’au décès de cette dernière. Si le film ne s’inscrit pas à 100 % dans l’idéologie néolibérale (il ne présente pas les inégalités comme tout-à-fait normales, quoique l’exploitation soit atténuée par « l’humanité » des maîtres), il est en tout cas une œuvre postmoderne. La perspective de la Révolution en est totalement absente. Il n’y a pas de solution du « problème social », le salut ne peut être qu’individuel.

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« Nous étions assis sur le rivage du monde » de José Pliya, mise en scène de Nelson-Rafaell Madel

Antigone tropicale

affiche_assis_rivagePar Selim Lander – Nous étions assis sur le rivage du monde : magnifique titre qui peut tout laisser imaginer. Il s’agit d’humains, nécessairement, de nos frères, mais sont-ils la pointe la plus avancée de notre espèce, ceux qui sont allés au bout du possible, ou sont-ils au contraire des parias relégués au bord du monde ? Ni l’un ni l’autre, en réalité, mais la pièce penche plutôt vers le passé que l’avenir. Ses personnages sont englués dans les séquelles « d’une histoire de cinq siècles », celle des îles comme la Martinique où elle a été écrite. Le futur idéal, celui d’une humanité réconciliée, existe bien dans la tête de l’héroïne, mais celle-ci est si ambigüe, si capricieuse, qu’on ne sait si son discours est fondé sur autre chose qu’une obstination puérile à refuser de voir la réalité en face. 

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« Rêves d’or » de Diego Quemada Diez avec 4 jeunes comédiens et quelques centaines de migrants

—Par Selim Lander -–

Rêves d'orA quoi sert le cinéma ? A divertir, certes, et c’est un moyen de dépaysement merveilleux, mais le cinéma est bien plus que cela. Il a été pour des générations de cinéphiles, l’école de la vie, comme le fut la littérature pour des générations plus anciennes. Et encore aujourd’hui, dans un monde désormais saturé d’images animées, le cinéma demeure capable de toucher le spectateur au plus profond. On ne parle pas ici des blockbusters, ces fantaisies pour adolescents, lesquels y trouvent un exutoire à leur violence dans des scénarios répétitifs où l’on voit un héros aux muscles hypertrophiés triompher miraculeusement de tous les obstacles. Non, on fait allusion ici à des films comme ce Rêves d’or, qui nous font pénétrer dans le mystère de certaines vies, de certaines âmes si éloignées de nous et pourtant si proches, puisque nous y reconnaissons, non sans un sentiment de vertige, la même humanité que la nôtre.

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La Nuit juste avant les forêts interprétée par Jacques-Olivier Ensfelder : Incandescent !

b-m_k« Chacune de tes paroles s’encombre d’un débris de mes rêves. » Aimé Césaire (1)

Par Selim Lander – Rien de plus tentant pour un comédien de théâtre que le monologue : seul en scène, donc assuré d’avoir le premier rôle, il ne craint pas de se faire voler la vedette par un camarade. Surtout – pour peu que son personnage soit suffisamment riche – il est en position de donner toute sa mesure, en visitant tous les registres, du sérieux au comique, de l’enfant au vieillard, du masculin au féminin, du sage au fou. Or le texte de Bernard-Marie Koltès possède tout ce qu’il faut pour faire briller les mille facettes d’un acteur doué.

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Danser Martin Luther King : le medium et le message

—Par Selim Lander –

Taylor I have adreamLa politique est elle soluble dans la danse (à moins qu’il ne faille dire l’inverse) ? Le risque évident pour le chorégraphe est de se laisser dominer par son sujet, de vouloir coller de trop près à la réalité qu’il décrit, surtout lorsqu’il s’agit d’un événement réel – la marche pour les droits civiques de 1963 et le discours qui l’a clôturée (« I have a dream » – qui donne son titre au ballet) – dûment répertorié, enregistré, filmé. Risque d’autant plus fort, en l’occurrence, lorsqu’on découvre que le chorégraphe américain, Bruce Taylor, alors jeune adolescent, avait lui-même participé à la marche. La première partie du ballet ne fait que renforcer ces craintes : la chorégraphie, peu inventive, est écrasée par les images historiques projetées sur l’écran géant en fond de scène.

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Films d’Asie

—Par Selim Lander —

Tel père tel filsLa sélection de films en VO présentée au mois de janvier dans le cadre du CMAC à Madiana a remporté un réel succès d’audience, avec certaines séances affichant complet. Cette affluence s’explique certainement par la qualité des films – tous asiatiques – qui ont fait l’objet de cette sélection. Et sans doute aussi parce que deux de ces films sont centrés sur le thème toujours porteur de l’enfance et qu’un troisième raconte une délicieuse histoire d’amour. Et encore parce que ces quatre films nous venaient d’Asie, un continent qui fascine autant par son exotisme que par les craintes qu’il suscite. Enfin (last but not least) tous ces films – y compris celui de Jia Zhang-Ke dont certaines séquences se passent dans un salon de massage ou dans un cabaret – sont caractérisés par une pudeur extrême, laquelle, avouons-le, contraste agréablement avec tant d’autres films qui en rajoutent sur la vulgarité.

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Jeanne Dark contre Pierpont Mauler, du théâtre politique d’avant-hier

—Par Selim Lander—

 Ste Jeanne des AbattoirsPour les lecteurs de Madinin’art qui n’auraient pas vu la pièce de Brecht présentée la semaine dernière au Théâtre municipal, c’est bien de Sainte Jeanne des Abattoirs qu’il sera question ici. Les ravages du capitalisme sauvage, plus particulièrement dans sa version mafieuse du Chicago des années vingt sont bien connus. Ils l’étaient certes moins quand Brecht écrivit sa pièce, en 1931 ; celle-ci possédait donc incontestablement à l’origine une force politique hélas disparue. Qui pourrait en effet se montrer encore naïf à l’heure de la mondialisation, des délocalisations et des paradis fiscaux, à l’égard d’un capitalisme qui affiche désormais son cynisme sans la moindre vergogne ? Cela étant, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleurs onguents, paraît-il, ce qui signifie en l’occurrence que les sujets ne sont jamais démodés au théâtre. Il n’en va pas de même de la manière de les traiter, et bien que le signataire de ces lignes n’ignore pas que nombreux sont ceux qui voient dans Brecht un auteur génial et au génie indémodable, il considère pour sa modeste part que si Brecht fut un auteur incontestablement important, qui a marqué l’histoire du théâtre, la plupart de ses pièces sont au contraire démodées.

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Mary Prince : le témoignage d’une esclave

—Par Selim Lander —

Affiche Mary Prince Light B (1)Mary Prince, née « vers 1788 » dans l’archipel des Bermudes, a été esclave jusqu’en 1833, date de l’abolition de l’esclavage par la Grande-Bretagne. Elle a laissé sur la condition servile un témoignage dont il n’existe pas l’équivalent en français. Les hasards de son existence l’avaient conduite à Londres où, après maintes tribulations, elle fut recueillie par Thomas Pringle, le secrétaire de la société anti-esclavagiste. C’est dans la maison de ce dernier qu’elle a dicté son récit, publié en 1831 sous le titre The History of Mary Prince, a West Indian Slave, ouvrage qui a connu deux rééditions la première année et n’a pas peu contribué à populariser la cause abolitionniste. Mary Prince raconte dans une langue sans fioriture mais avec peut-être d’autant plus d’éloquence les horreurs de l’esclavage. Elle le fait avec la naïveté d’un être simple, qui ne demande qu’à aimer et être aimé, qui a adhéré avec enthousiasme au christianisme, mais dont le destin a voulu que, après une enfance heureusement épargnée, elle tombe sur une série de maîtres vindicatifs et cruels. Les châtiments réservés aux esclaves étaient réputés plus durs dans les colonies anglaises que dans les colonies françaises (voir par exemple là-dessus le Père Labat).

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Cinéma en décembre

—Par Selim Lander —

hunger_games-2Heureuse moisson, ce mois de décembre, à Madiana, avec en particulier une sortie récente que l’on ne serait pas attendue à voir à l’affiche, Les Garçons et Guillaume, de et avec Guillaume Gallienne, ce comédien talentueux qui fait des lectures sur France Inter tous les samedis en milieu de journée – cette émission, « Un peu de lecture, ça peut pas faire de mal », d’autant plus prisée par les auditeurs martiniquais qu’il ne risquent pas de trouver l’équivalent sur les chaînes locales dont la programmation est toujours aussi vulgaire et désolante. Pour en revenir à ce film dont on peut résumer l’argument – un garçon que tout le monde croit homosexuel effectue un apprentissage de la vie compliqué avant de s’apercevoir que s’il aime beaucoup la féminité et les femmes, au point d’avoir voulu leur ressembler, il en est aussi tout simplement amoureux – c’est une merveille de grâce, de poésie, de délicatesse, avec ce qu’il faut d’humour et de recul de la part du principal protagoniste (interprété donc par l’auteur qui joue également le rôle de la mère) pour que cette histoire au fond douloureuse reste constamment légère.

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« L’art singulier » s’expose à Paris

—Par Selim Lander —

Alex Grey La Halle Saint-Pierre, musée parisien dédié avant tout à l’art naïf, accueille en ce moment les œuvres de quatre vingt créateurs qui se rattachent plutôt, à un degré ou à un autre, à la catégorie de l’art brut. Une catégorie prise ici dans un sens très extensif, avec l’inclusion de quelques peintres passés par des écoles d’art. C’est par exemple le cas de quelqu’un comme Alex Grey, peintre psychédélique, ancien élève du Columbus College of Art and Design puis de la School of the Museum of Fine Arts de Boston. Et que faut-il penser, par ailleurs, de tous ces dessinateurs abonnés aux ateliers des institutions psychiatriques, à l’instar d’un Johann Garber pensionnaire de la « Maison des artistes » de l’hôpital de Klosterneuburg (Autriche) ? Comment évaluer dans leur cas la part qui revient aux art-thérapeutes dans leurs œuvres, sachant que, à côté de celles qui se résument à un geste dénué de toute sophistication, d’autres font preuve d’une étonnante maîtrise.

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Elle court et elle pleure, Adèle

— Par Selim Lander –

Adèle et EmmaEn contrepoint à l’article de Franck Nouchi déjà publié sur Madinin’art – Elle court, elle court, Adèle, à 16 ans, pour attraper le bus qui doit la conduire au lycée. Elle est en première, est touchée par la littérature lorsque celle-ci lui parle de l’amour et de ses affres : la Vie de Marianne, la Princesse de Clèves. Elle se cherche, s’ennuie, son regard est souvent noyé, elle est toujours un peu en marge des copines, elle veut aimer ou elle veut sentir le goût du sexe, les deux sans doute. Une camarade de classe, un lycéen de terminale, pourquoi pas essayer ? Quelquefois, la nuit, seule dans son lit, elle se donne du plaisir. Ses parents sont des gens simples et bienveillants ; on se régale de spaghettis bolognaise à la maison. Tout cela n’est pas suffisant pour une jeune fille à qui manque la mémoire de tout ce dont elle aurait été privée si elle était née plus tôt, ou ailleurs dans un pays de misère. Elle a mal à l’être. Heureusement il y a Emma, un peu plus mûre, la fille aux cheveux bleus, artiste, les beaux-arts, la peinture, une certaine assurance.

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