Quid de l’octroi de mer?

L’octroi de mer, un impôt aux origines séculaires, connaît une évolution complexe et suscite des débats passionnés sur sa pertinence et son avenir. Instauré en 1670 par Jean-Baptiste Colbert sous le règne de Louis XIV, cet impôt avait à l’origine pour vocation de financer les colonies d’outre-mer et de protéger les productions locales des régions d’outre-mer (DOM) en rendant les importations plus coûteuses. Toutefois, au fil des siècles, son rôle et son impact ont évolué, et aujourd’hui, il soulève des questions quant à son efficacité économique, sa complexité administrative et sa conformité aux règles de libre-échange de l’Union européenne.

Initialement conçu comme un droit de douane, l’octroi de mer a évolué en un mécanisme fiscal complexe et différencié d’une région à l’autre. L’objectif principal de cet impôt est de soutenir la production locale en favorisant les produits fabriqués sur place par rapport aux produits importés. Pour atteindre cet objectif, l’octroi de mer est appliqué à différentes étapes de la chaîne économique, depuis l’importation jusqu’à la vente au détail. Cela se traduit par des taux variables en fonction des produits, de leur provenance et de leur destination. Les DOM ont la possibilité de fixer ces taux en fonction de leurs besoins économiques et de leurs priorités de développement.

Cependant, la complexité croissante de l’octroi de mer est devenue un sujet de préoccupation. Les règles et les taux variant d’une région à l’autre ainsi que les nombreuses exonérations accordées aux produits de première nécessité, aux biens d’équipement ou encore à certaines matières premières, ont engendré une administration lourde et parfois difficilement compréhensible pour les entreprises. De plus, les taux peuvent être modifiés plusieurs fois par an, ce qui crée une incertitude pour les opérateurs économiques et peut entraver la planification à long terme.

En termes d’efficacité économique, l’octroi de mer a suscité des débats. Si l’objectif initial de protection de l’économie locale est louable, il peut parfois conduire à des effets contraires. Certaines entreprises bénéficiant de l’octroi de mer peuvent se retrouver dans des situations de rente, où elles ne sont pas incitées à améliorer leur compétitivité internationale, car elles sont protégées artificiellement des concurrents étrangers. De plus, l’augmentation des prix due à l’impôt peut affecter le pouvoir d’achat des consommateurs et créer des inégalités, en particulier pour les populations à faible revenu.

Sur la scène internationale, l’octroi de mer se heurte aux règles de libre-échange de l’Union européenne. En effet, le Conseil européen considère que cette taxe est incompatible avec le principe de libre circulation des biens et des services entre les États membres. La France a ainsi engagé des discussions avec l’Union européenne pour trouver des solutions et réformer l’octroi de mer de manière à le rendre compatible avec les règles européennes.

Une piste de réforme envisagée est la suppression progressive de l’octroi de mer au profit d’autres mécanismes fiscaux qui soutiendraient également le développement économique des DOM, tout en étant conformes aux règles européennes. Cette transition nécessiterait un accompagnement des collectivités territoriales pour compenser les pertes de recettes et garantir la stabilité économique pendant la période de changement.

En somme, l’octroi de mer, bien qu’ancré dans l’histoire économique et politique des DOM, suscite des débats complexes et passionnés. Son évolution, de la protection des colonies à la régulation économique des régions ultrapériphériques, reflète les enjeux et les défis auxquels sont confrontées ces régions. L’efficacité économique, la simplicité administrative et la conformité aux règles européennes sont autant d’éléments à prendre en compte dans la réflexion sur l’avenir de cet impôt. Quelle que soit la voie choisie, il est essentiel de garantir un développement économique équilibré, soutenu par des mécanismes fiscaux adaptés aux réalités et aux aspirations des DOM.

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Voir une autre position à propos de l’octroi de mer : Mireille Pierre-Louis  sur Zouk.TV 

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