Urgence écologique : « Les activités économiques doivent contribuer activement à la restauration de la biodiversité »

Un collectif de plus de 150 entreprises et associations, dont Axa Climate, Bouygues et Amarenco, appelle dans une tribune au « Monde » le gouvernement français à faire de la régénération du vivant la boussole de ses lois de planification.

— Collectif —

Outre la loi relative à l’industrie verte adoptée le 22 juillet par l’Assemblée nationale, un ensemble de textes relatifs à la planification écologique est en cours de discussion : ceux sur l’orientation d’avenir agricole ou encore liés à la programmation sur l’énergie et le climat. Il est fondamental que cette entreprise législative de grande ampleur soit au service de l’urgence écologique de notre siècle : la régénération du vivant.

Il paraît crucial de rappeler cet engagement, alors qu’une autre proposition à l’échelle européenne, celle pour la restauration de la nature, a eu toutes les peines à recueillir l’adhésion qu’elle mérite. Pourtant, soutenue par un grand nombre d’acteurs économiques de premier plan, elle met en lumière un principe phare de notre système : si nos activités économiques peuvent entraîner une dégradation du capital naturel, cela affecte réciproquement le rendement de ces mêmes activités. Ce principe de double matérialité nous rappelle donc qu’il est essentiel d’intégrer la nature dans l’ensemble de nos décisions.

Aujourd’hui, l’agriculture se trouve en première ligne face à cette menace. Ainsi, d’après le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, 8 % des terres agricoles actuelles deviendront climatiquement inadaptées d’ici à 2100, voire jusqu’à 30 % selon le scénario le plus pessimiste issu du rapport « Impacts, adaptation et vulnérabilité », datant de février 2022.

Par exemple, en France, les vignobles de Bourgogne et de Champagne frappés par le gel tardif intense de 2022 ont enregistré plus de 2 milliards d’euros de pertes. L’agriculture n’est que la cheffe de file de ce phénomène, et les autres secteurs de l’économie seront de plus en plus affectés par la perte de notre capital naturel. Pour contrer cela, nous lançons un appel ouvert à se tourner vers une économie régénérative.

Transformer la manière de produire

La régénération est généralement utilisée comme synonyme de restauration, mais elle est légèrement différente car elle prend également en compte les approches conceptuelles et économiques. L’origine du terme provient du monde scientifique et biologique, où il est utilisé pour décrire la capacité de certains organismes à recréer des parties de leur corps après avoir été endommagé. On parle alors d’une « capacité de régénération ».

Les efforts de conservation et de restauration, même s’ils sont cruciaux, ne suffisent pas. Pour enrayer et inverser la perte de biodiversité et d’habitat, nous devons transformer la manière dont nous produisons, utilisons et consommons les biens, les produits, les denrées alimentaires et les services.

Les activités économiques peuvent – et doivent – contribuer activement à la restauration de la biodiversité. Les nouveaux modèles, tels que l’économie circulaire, considèrent la régénération comme un pilier essentiel du processus économique et de la réussite. Ces approches utilisent une pensée holistique pour créer des systèmes résilients, florissants et équitables qui répondent aux besoins de la société tout en respectant et en restaurant l’intégrité de la nature.

Laboratoire au service du vivant

Cependant, cette grande marche vers une économie régénératrice ne se fera pas sans l’aide des pouvoirs publics, afin d’insuffler un changement à l’échelle de l’urgence. En effet, il semblerait que notre système valorise trop peu la création d’externalités positives, bénéfiques à l’ensemble de la société.

Dès demain, pour atteindre les objectifs de restauration des territoires, 200 milliards d’euros devront être investis chaque année. Cela peut paraître beaucoup, mais le coût de l’inaction sera plus élevé que celui de l’action. Si la transition vers un modèle de ce genre peut parfois se révéler onéreuse à court terme, il est indispensable que des outils tant réglementaires que financiers soient mobilisés afin d’inciter un maximum d’acteurs à régénérer notre capital naturel commun.

Nous appelons donc aujourd’hui à la formation d’un écosystème réunissant une diversité d’acteurs scientifiques, économiques et politiques, pour travailler ensemble à la définition et à la mise en place d’un cadre propice à la régénération. Les lois attendues à la rentrée sont l’occasion rêvée pour transformer notre pays en grand laboratoire au service du vivant. L’occasion de lancer le plus grand programme de recherche et développement jamais connu, où société civile et institutions regardent dans la même direction.

Notre objectif France 2030 : définir un cadre réglementaire et financier ambitieux prenant en compte des objectifs de régénération pour chaque secteur d’activité, à tous les échelons de la chaîne de valeur.

Premiers signataires : Alain Desvigne, directeur général d’Amarenco ; Véronique Letellier, chargée du développement « Entreprise et culture régénératrices » d’Axa Climate ; Paul Luu, secrétaire exécutif de 4p1000 Initiative ; Yannick Servant, cofondateur de la Convention des Entreprises pour le Climat.

Retrouvez la liste complète des signataires ici.

Source : Le Monde

Publié le 31 juillet 2023 à 18h00, modifié le 01 août 2023 à 09h58